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Grèce. La fin de l’alliance SYRIZA avec les «Grecs indépendants
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Déclaration de la Gauche ouvrière internationaliste (DEA)
Suite au fiasco des manœuvres politiciennes des Tsipras et Kammenos, une «union contre nature», celle de la constitution du gouvernement de SYRIZA avec les «Grecs indépendants – ANEL», arrive à sa fin [Il y a eu un gouvernement Tsipras I du 26 janvier au 27 août 2015; puis un gouvernement Tsipras II, toujours avec ANEL, du 21 septembre 2015, avec un remaniement le 4 novembre 2016; jusqu’au départ de Kammenos le 13 janvier sur «la question de la Macédoine». Et, le 17 janvier, une majorité gagnée par Tsipras lors du vote de confiance par 151 OUI contre 148 NON – Réd. A l’Encontre].
Panos Kammenos… peu avant sa démission
Cette alliance gouvernementale fut décisive en 2015, pour la réussite du projet de l’oligarchie grecque, des créanciers et du groupe dirigeant constitué autour d’Alexis Tsipras, projet de neutralisation de la dynamique politique du radicalisme ouvrier et populaire, manifestée lors des élections de janvier 2015 et confirmée par la grande victoire du NON lors du référendum.
Nous rappelons que la décision de former un gouvernement avec les «Grecs indépendants – ANEL» de Panos Kammenos, comme celle de proposer et voter pour la candidature à la présidence de la République de Prokopis Pavlopoulos, un homme politique de la droite traditionnelle, étaient des décisions d’une équipe de direction fermée, constituée autour de Tsipras, n’ayant pas, à cette époque, obtenu le consentement des instances officielles du parti SYRIZA.
Ces décisions ont transgressé les orientations du Congrès fondateur de SYRIZA – qui limitait les alliances politiques possibles au spectre allant «de la gauche de la social-démocratie anti-austéritaire, jusqu’au KKE [Parti communiste de Grèce] et ANTARSYA [Alliance anticapitaliste de gauche]». Ces décisions de l’équipe Tsipras ont brutalement poussé le projet politique «d’un gouvernement de la gauche» vers celui d’un « gouvernement de salut national», duquel seraient uniquement exclues «l’aile ultra-droitière de Nouvelle Démocratie proche de Samaras [Antónis Samarás, Premier ministre de 2012 à 2015» et Aube dorée».
Aujourd’hui, tout le monde sait que ces choix faisaient partie d’une option construite de soumission aux négociations à sens unique avec l’Union européenne, vers l’enfermement dans la ligne de «rester dans l’euro, quel que soit le sacrifice» et surtout de la perspective, déjà depuis février 2015, de la «pirouette» politique, c’est-à-dire de l’intégration des politiques des mémorandums d’austérité et de la signature du troisième mémorandum.
Aujourd’hui, nous savons aussi que cette orientation ne se limitait pas à la prise en charge par Tsipras des contre-réformes néolibérales du troisième mémorandum, mais se prolongeait dans le minable suivisme du gouvernement Tsipras face à la politique étasunienne de l’OTAN [politique militaire grecque, appui à l’intégration de la Macédoine à l’OTAN, etc.] à l’époque même du très réactionnaire et dangereux Donald Trump.
L’accord de Prespa [lac au carrefour de la Grèce, de l’Albanie et de la République de Macédoine, ou fut décidé sur la dénomination de l’ancienne république yougoslave de Macédoine] avec la République de Macédoine [1] n’a rien à voir avec une politique de paix, de démocratie et de coopération dans les Balkans, ni avec une quelconque opposition au nationalisme, et la meilleure preuve en est la succession de Panos Kammenos au ministère de la Défense par un général des armées [l’amiral Evangelos Apostolakis].
L’accord de Prespa vise l’expansion sans encombre de l’OTAN dans les Balkans occidentaux, la montée de la pression sur la Serbie pour adhérer à l’OTAN et à l’UE, et à la promotion de l’Etat grec en «appui politique et militaire des Etats-Unis le plus stable de l’arc géopolitique allant de la Pologne à Israël», selon les déclarations des ministres de Trump et de l’ambassadeur américain à Athènes [M. Geoffrey Pyatt].
Ce n’est pas un hasard si l’imposition de l’accord de Prespa au peuple de notre voisin macédonien se fait par des méthodes pitoyables combinant menaces, chantages et corruption. Ce n’est pas non plus un hasard si la gauche existante de notre voisin a rejeté l’accord en y répondant par la voix du parti «Levica» (gauche): «Dans l’OTAN? Non, quand bien même le nom constitutionnel de notre pays serait préservé!»
Les enseignants, en janvier 2019. La mobilisation enseignante révèle les effets de l’austérité sur l’éducation publique, la difficulté de riposter unitairement, et la brutalité policière
C’est pour cela que le parti Nouvelle Démocratie de Kiriakos Mitsotakis – qui rejette l’accord du bout des lèvres, dans l’espoir de gagner des voix et de rallier l’extrême droite par la démagogie nationaliste – tremble à l’idée que Tsipras pourrait ne pas finir le «sale boulot» et refiler la patate chaude de la ratification de l’accord au prochain gouvernement. Il ne faut pas oublier qu’en Grèce la droite et l’extrême droite ont toujours été les meilleurs larbins de l’impérialisme américain et de ses services tentaculaires.
Par cette nouvelle manœuvre de tacticisme politicien, Alexis Tsipras tente de pousser l’ensemble de la vie politique vers une direction encore plus conservatrice.
Au plan du secteur crucial de l’économie, il a déjà enfermé les choix futurs de la Grèce dans le carcan rigide des excédents budgétaires démesurés, censés servir le remboursement de la dette publique et l’illusion de sa soutenabilité. La poursuite de ces excédents mène à une austérité durable d’ampleur dramatique et à la réduction de la «sensibilité sociale» de l’Etat à la classique recette néolibérale du versement aux plus pauvres de maigres allocations, financées par d’autres pauvres. Ici, la menace d’une nouvelle récession internationale, et d’une explosion des taux des obligations, après épuisement du «coussin d’amortissement» de la trésorerie publique (cash buffer) par le paiement en 2020-2021 des échéances dues, implique la perspective d’un quatrième mémorandum d’austérité.
Au vu de ces perspectives et de la possibilité d’une défaite embarrassante face au néolibéralisme extrême de Kiriakos Mitsotakis, Alexis Tsipras se tourne vers l’alliance avec les sociaux-libéraux et les Verts en Europe, mais aussi vers une amélioration spectaculaire de ses relations avec les forces de la droite traditionnelle, comme le montre la visite de 24 heures d’Angela Merkel à Athènes [le 10 janvier 2019]. Ce glissement vers «l’extrême centre» néolibéral marque l’achèvement de la mutation social-libérale de SYRIZA.
Tsipras salue le vote qui confirme «la confiance» à celui qui achète des voix: car garder son poste, dans cette conjoncture, «rapporte» quelques avantages…
Il ne faut pas accepter la tentative de légitimation de cette dérive par le risque réel de l’extrême droite. Les principales responsabilités pour le racisme auxquels sont confrontés les réfugiés en Grèce appartiennent au gouvernement Tsipras et à l’UE qui ont signé l’accord réactionnaire UE-Grèce-Turquie, ainsi qu’aux ministres qui depuis quatre ans «administrent» l’ignominie du camp Moria, sur l’île de Lesbos. Des responsabilités fondamentales pour l’essor du nationalisme appartiennent à ceux qui ont nommé hier Kammenos, l’amiral Apostolakis aujourd’hui, au ministère de la Défense, ceux qui ont signé des contrats d’armements avec Trump et qui ont renforcé «l’axe» militaire et politique avec l’Etat d’Israël et la dictature égyptienne d’Abdel Fattah al-Sissi.
Partout en Europe, les forces de «l’extrême centre» sont celles qui ouvrent la voie à la croissance de l’extrême droite et n’ont aucune chance d’être prises pour des secteurs de résistance au nationalisme, au racisme et aux cris de guerre. Ceux qui doutent n’ont qu’à regarder l’effondrement de Macron que M. Tsipras présentait, il y a quelques mois à peine, comme un modèle politico-idéologique.
Depuis les dernières années, la question du combat contre le gouvernement SYRIZA-ANEL, la question du renversement de l’austérité, sont affaire principalement du monde du travail et des forces politiques de la gauche radicale. Ceci est davantage vrai aujourd’hui, après le divorce politique des Tsipras-Kamenos. (Article publié comme éditorial dans le dernier numéro du bimensuel de DEA Ergatiki Aristera; traduction Manolis Kosadinos; édition Réd. A l’Encontre)
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[1] France diplomatie écrit à ce propos: «La France salue le vote définitif, le 11 janvier 2019, par le parlement de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, des amendements constitutionnels requis par l’accord de Prespa conclu le 17 juin 2018 entre ce pays et la Grèce. Il s’agit d’une étape essentielle pour l’entrée en vigueur de cet accord historique destiné à mettre fin à un différend bilatéral vieux de plus d’un quart de siècle. Comme l’a indiqué le Président de la République (E. Macron), l’accord de Prespa est bon pour le pays, pour la région et pour l’Europe. La France forme le vœu que le Parlement grec se prononce prochainement en faveur de la ratification de l’accord.» Autrement dit un encouragement «diplomatique» à une majorité en faveur de Tsipras, alors que Moscovici et autres sbires de la finance surveillent l’application complète du troisième mémorandum (Réd. A l’Encontre)