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Ludoski, Nicolle, Drouet : quelles sont leurs positions ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Appel au calme, injonction à la structuration et aujourd’hui Grand Débat National... L’exécutif maintient la pression face à un mouvement des Gilets jaunes toujours massif. Face à cette pression toujours plus forte à rentrer dans le rang, les « porte-paroles » des Gilets Jaunes réagissent différemment . D’un côté, Priscilla Ludoski lance les « Gilets citoyens » pour réorganiser le Grand Débat. De l’autre, si Éric Drouet appelle à la grève générale, dans le même temps, il demande une « rencontre » dans sa lettre ouverte au président. Que penser de ces différentes alternatives pour le mouvement ?
Crédits photos : Montage La Croix
Le mouvement des Gilets Jaunes entre dans sa 11ème semaine. Inédit dans sa longueur et dans sa popularité, il a même connu un sursaut avec l’augmentation du nombre de manifestants lors des deux samedis précédents. Déjà, certains « porte-paroles » auto-proclamés des débuts ne sont plus.
Jacline Mouraud, à l’origine de la vidéo virale postée sur Facebook mi-octobre, a décidé de rentrer dans le rang début décembre, à la suite des annonces faites par Emmanuel Macron dans son allocution du 10 décembre. Avec elle, le collectif des « Gilets Jaunes Libres » a décidé de passer des ronds-points (qu’ils n’ont pas occupé bien longtemps) aux scrutins : en janvier, Jacline Mouraud a lancé son propre mouvement, « les Emergents ». Des radars des gilets jaunes, elle a disparu…
Pour les autres « visages » des Gilets Jaunes, c’est actuellement que la piste devient plus glissante. Tandis que le gouvernement vient de lancer son Grand Débat National visant à calmer la grogne, la mobilisation maintient son caractère massif. Et les Gilets Jaunes continuent à se structurer dans des Assemblées Générales, tout en cherchant à lui donner de nouvelles formes : appel de l’Assemblée générale de Commercy à faire élire des délégués, avancées dans l’autoprotection comme l’organisation d’équipes de Street Medic, actions de soutien et témoignage des victimes de violences policières. A ce stade, les Gilets Jaunes sont même parvenues à inscrire dans les journaux télévisés et à l’agenda du débat politique la question des violences policières et en particulier des mutilations liées à l’usage des lanceurs LBD, communément appelés « flashballs »… C’est dire combien la mobilisation dépasse désormais largement le stade de la simple protestation contre la hausse des prix du carburant. Malgré le Grand Débat, les Gilets Jaunes maintiennent leur propre agenda et ne veulent pas se limiter aux thèmes chers à la Macronie côté revendication.
Du point de vue des porte-paroles des Gilets jaunes, toujours engagés dans le mouvement, des premières lignes de fractures se sont exprimées avec une rupture assumée entre deux principaux secteurs, celui d’Eric Drouet et le tandem Priscilla Ludoski et Maxime Nicolle.
Priscilla Ludoski lance « les gilets jaunes citoyens » pour une ouverture du Grand Débat
Depuis début janvier, Priscilla Ludoski, initiatrice de la pétition en ligne contre la hausse du prix du carburant et administratrice de la page Facebook « la France en colère », continue à chercher à développer sa propre ligne, d’abord avec le rassemblement de Bourges, cherchant à rencontrer les organisateurs du Grand débat organisé par Macron, puis en se ravisant par la suite.
Ludoski a certes mis en garde contre la volonté du gouvernement « d’endormir » les Gilets Jaunes. Elle n’appelle pas pour autant à boycotter le Grand Débat : « Que chaque personne aille communiquer sur ce qui ne va pas dans sa ville ou son département, je trouve ça intéressant si c’est fait correctement » a-t-elle déclaré à l’AFP ce dimanche 20 janvier.
Dans cette logique, elle a elle-même accepté d’être auditionnée par le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) le 17 janvier et en est sortie satisfaite : « c’est un peu comme si on avait franchi une étape dans le dialogue et dans l’écoute des citoyens » a-t-elle confié à la République de Seine-et-Marne, département dont elle est originaire.
Dernière nouveauté, avec le collectif « Démocratie ouverte », décrit comme « un groupement de gilets jaunes, représentants de mouvements écologistes et associatifs, acteurs de la société civile, chercheurs et citoyens », Ludoski rejoint les signataires d’une lettre ouverte au président, publiée sur la page Facebook du collectif le mercredi 23 janvier. Les dénommés « gilets citoyens » dénoncent le « manque d’engagement et de transparence » du Grand Débat National et font des propositions au président : mise en place d’un Observatoire Indépendant en remplacement des cinq « garants » du Grand Débat nommés par l’exécutif, la mise en place d’une assemblée citoyenne tirée au sort.
En dehors de Priscilla Ludoski, les signataires sont surtout issus du monde associatif, universitaire ou politique : on y trouve aussi bien Loïc Blondiaux, professeur de Sciences politiques à l’université Paris 1, que Cyril Dion, réalisateur écolo, Laurence Tubiana, négociatrice de la COP21 de Paris, ou encore Julien Bayou, conseiller régional pour Europe-Ecologie Les Verts. Quelques noms de Gilets Jaunes égrainent certes la liste. Mais ils sont en minorité. Et le profil social des signataires est bien loin de celui visible sur les ronds-points ces 11 dernières semaines…
Si elle ne déserte pas les manifestations – elle a pris part à la Marche des Femmes dimanche 20 janvier -, Priscilla Ludoski cherche à engager les Gilets Jaunes dans une démarche de discussion avec le gouvernement, en proposant de nouvelles conditions à la conduite du Grand Débat. Concernant les revendications, aucune ne sont de nature socio-économiques telles qu’on a pu les entendre sur les ronds-points – augmentation du Smic, retour de l’ISF, suppression du CICE, restauration des APL, suppression de la CSG –. Ludoski et ces « Gilets citoyens » semblent croire à la vertu du dialogue avec l’exécutif. Mais quelles leçons sont tirées des mois écoulés depuis le début du quinquennat, de la surdité de la Macronie face au « dialogue » des corps intermédiaires réduits au rang de serpillère ? Pas sûr que les gilets jaunes qui ont vu l’efficacité de leur mobilisation mettre en pièce les pseudo-vertus du « dialogue social » la suivront sur ce chemin…
Maxime Nicolle, alias Fly Rider, de son côté, s’est s’opposé en définitive à l’appel à la grève sous prétexte qu’il ait été émis par un syndicat : « On n’arrête pas de demander une grève générale. Mais pour cela, il faudrait que les syndicats s’en mêlent et on ne veut pas de syndicats puisqu’ils vont vouloir tirer leur épingle du jeu et prendre un billet au passage [sic]. Donc c’est un peu compliqué. » Sur son groupe Facebook "Fly Rider infos blocage", aucun post ne promouvait mardi l’idée d’une grève générale.
Eric Drouet, rencontrer Macron ou faire appel à la grève ?
A deux jours d’intervalle, le 21 janvier, c’était au tour d’Eric Drouet, initiateur de la première manifestation du 17 novembre, d’écrire au président. Il l’interpelle – « pas une parole, pas un regard de compassion pour votre peuple… »- et met en garde : « beaucoup de gilets jaunes perdent patience ». Et d’ajouter « soyez conscient que certains ne resteront pas calmes indéfiniment ».
Il appelle ainsi le chef de l’Etat à « prendre ses responsabilités » avant que « la situation ne s’aggrave ». Ce qu’il demande, c’est « d’accepter une rencontre le plus rapidement possible ». Dans cette lettre ouverte au président, aucune revendication n’est posée. Le seul vœu de Drouet : rencontrer le président. Une rencontre avec les gilets Jaunes ? Avec Drouet lui-même ? Pour réclamer quoi ? C’est toute la question. Mais, à sa manière, Eric Drouet écrit lui aussi, noir sur blanc qu’il souhaite aller discuter avec le président.
Pourtant, dans le même temps, il appelle à une nouvelle forme d’action : le 22 janvier, sa publication Facebook invite à se préparer à la « Nuit Jaune », mais la date et le lieu ne sont pas précisés. Et puis le 23 février, Eric Drouet reprend l’appel à la grève générale déposée par la CGT pour la date du 5 février.
Appel d’Eric Drouet à la grève générale le 5 février, publié sur la page « la France en Colère » le 22 janvier.
Alors, vers où Eric Drouet essaye-t-il de tirer le mouvement des Gilets Jaunes ? Vers une rencontre avec l’exécutif, dont on sait d’avance le peu d’écho qu’elle pourra avoir, ou vers un appel à la grève qui mettre réellement le gouvernement sous pression ?
Le leader charismatique des Gilets Jaunes n’a jamais été d’emblée en faveur de la deuxième option. Il ne l’a jamais proposé de lui-même comme modalité d’action avant que ne surgisse cet appel de la CGT.
Dans sa lettre au président, il pointait également « les impacts économiques [qui] vont s’accentuer » si la mobilisation devait se poursuivre et exprimait sa solidarité envers les « milliers de commerçants [qui] souffrent de cela ». Pourtant, l’appel à la grève pourrait-elle, si elle est générale et illimitée, toucher fortement l’économie. Ces déclarations semblent contradictoires.
Ainsi, aller discuter avec Macron n’est pas vraiment à l’ordre du jour. C’est bien vers une grève générale qu’il s’agit de se diriger. D’autant plus qu’une grève générale, si elle était massivement suivie, réalisée conjointement avec des actions de blocages, et prolongée sur plusieurs journées, en prenant en otage le pouvoir de l’argent, pourrait réellement faire gagner le mouvement.