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Gilbert Badia, Les spartakistes. 1918, L’Allemagne en révolution

Lien publiée le 27 janvier 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://dissidences.hypotheses.org/11998

Gilbert Badia, Les spartakistes. 1918, L’Allemagne en révolution, Bruxelles, Aden, collection « Petite Bibliothèque d’Aden », 2008, 332 pages, 10 €.

Un compte rendu de Georges Ubbiali

Sur la révolution allemande de l’hiver 1918-1919, la bibliographie française est encore peu fournie. Evidemment Pierre Broué traite, longuement, de cet épisode dans son indispensableRévolution en Allemagne (Minuit, 19711). On trouve également la brochure de André et Dori Prudhomneaux, Spartacus et la commune de Berlin, 1918-1919, (Spartacus 1949, 1977) ou plus récemment le récit de Sébastien Haffner, L’Allemagne en 1918. Une révolution trahie(Complexe, 2001, Agone 20182), ainsi que l’édition du roman sur la révolution allemande, en quatre tomes, d’Alfred Döblin, dont Karl et Rosa3. Bien entendu la bibliographie allemande sur le sujet est nettement plus étendue. On peut regretter qu’aucun éditeur n’ait encore envisagé de traduire les mémoires du dirigeant des Délégués révolutionnaires, Richard Müller – alors qu’une biographie de ce dernier vient de paraître récemment4 – ou l’analyse classique de Peter von Oertzen sur le rôle du mouvement des conseils dans la phase révolutionnaire.

Les éditions Aden nous offrent la réédition du livre de l’historien communiste Gilbert Badia, publié précédemment en 1966, édition identique à l’originale, y compris dans ses illustrations (éditions Julliard, collection « Archives »). Un travail éditorial eût été apprécié, permettant de faire le point sur l’avancée des connaissances en quarante ans (ainsi par exemple sur la révolution en Bavière, évoquée au détour d’une phrase (p. 276), dans l’ouvrage de Gilbert Badia) ou tout simplement actualisant certaines références bibliographiques qui ont été traduites depuis la première édition (ainsi le livre de O.K. Flechtheim, Le PCA sous la République de Weimar, François Maspero, 1972). Basé sur une documentation directe, qu’il cite longuement et abondamment (lire les ultimes et émouvants articles de Rosa Luxemburg p. 256 ou le texte des affiches, p. 213-214), l’ouvrage de Gilbert Badia présente cet épisode révolutionnaire comme une opposition directe et permanente entre la social-démocratie et les spartakistes, courant interne du Parti socialiste indépendant (USPD), qui donnera naissance au KPD, le Parti communiste allemand. En effet, durant quelques semaines, l’Allemagne bascule. Tandis que l’Empire s’effondre militairement, l’intervention des conseils de soldats et d’ouvriers laisse entrevoir la possibilité d’une république socialiste en Allemagne. La social-démocratie, emmenée par Ebert, Scheidemann, puis Noske, pèsera de tout son poids pour s’opposer au développement et au pouvoir des conseils, agissant activement (et même militairement) pour l’établissement d’une république parlementaire ne touchant pas les fondements du capitalisme. Au jour le jour, Badia raconte cette histoire avec force détails. Forte de son implantation dans la classe ouvrière et dans le mouvement syndical, le SPD parvient finalement à obtenir l’abandon de la perspective révolutionnaire et le retour à l’ordre, même s’il a dû pour cela faire intervenir les Corps francs, matrice des futurs groupes paramilitaires nazis. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, parmi de nombreux autres dirigeant et militants du Spartakusbund paient cette opération contre-révolutionnaire de leur vie.

On peut sans doute reprocher à Gilbert Badia de centrer son récit sur le groupe Spartacus et le SPD au détriment d’autres courants, occultant en particulier ce formidable mouvement prolétarien des délégués révolutionnaires, encore si méconnu de nos jours. Aussi discutable apparaît sa défense d’une forme de substitutisme/avant-gardisme, dont il se fait le héraut dans le dernier chapitre, sur l’explication qu’il avance de la défaite des révolutionnaires. Gilbert Badia n’hésite pas en effet à avancer que « Faut il attendre, pour prendre le pouvoir, d’être porté par la grande majorité (souligné dans le texte) de la classe ouvrière, ou bien, la prise du pouvoir à un moment propice, ne permet-elle pas de gagner plus facilement la masse, ne permet-elle pas d’utiliser l’appareil d’État à une nécessaire travail d’explication qui facilite la prise de conscience des masses (…) » (p. 281),ce qui ne l’empêche pas de souligner par ailleurs la force de la bourgeoisie (son hégémonie pourrait-on dire, même si l’auteur n’utilise pas ce terme) sur la société.

Quelles que soient les questions que soulève ce moment révolutionnaire, la republication de ce livre, avec ses limites, participe d’une meilleure connaissance de l’histoire ouvrière au XXesiècle5.

1Ce texte est disponible également en ligne sur 

https://www.marxists.org/francais/broue/works/1971/00/allemagne.pdf

2Lire le compte rendu de cet ouvrage sur notre blog, https://dissidences.hypotheses.org/9185

3Alfred Döblin, Novembre 1918. Une révolution allemande, traduction de l’allemand par Maryvonne Litaize et Yasmin Hoffmann, Marseille, Agone, coffret des 4 volumes, 2010, 2336 pages, 120, €.

4Ralf Hoffrogge, Richard Müller, l´homme de la révolution de novembre 1918, Les Nuits rouges, collection « Les nuits rouges », 2018, 290 pages.

5Ce compte rendu de 2008 (paru sur notre ancien site) a été actualisé pour notre blog par Christian Beuvain.