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Eborgné il y a deux mois, Antoine Coste veut "témoigner pour ceux qui n’en ont pas la force"
Les brèves publiées dans cette rubrique « Informations et analyses » le sont à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Venu en spectateur à la manifestation des « gilets jaunes » du 8 décembre à Paris, le jeune graphiste de 26 ans a perdu l’usage de son œil gauche.
Antoine Coste n’a jamais milité. Les « gilets jaunes », ils les suivaient à la télévision ou dans les journaux. Jusqu’à ce samedi 8 décembre 2018, où la curiosité l’a poussé dans la rue, pour la première fois. A l’occasion de l’acte IV de la mobilisation, tandis que la foule grondait sous ses fenêtres autour de la place de la République, ce graphiste parisien de 26 ans a quitté son appartement du 3e arrondissement pour voir de ses propres yeux la réalité de la manifestation :
« Je voulais être témoin, comme après la victoire de la France en Coupe du monde, d’un rassemblement comme ma génération n’en a jamais vu. »
Comme chaque samedi depuis bientôt un mois l’atmosphère se tend sur quelques grandes artères de la capitale en cette fin de journée. Des groupes de manifestants s’opposent aux policiers mobilisés massivement pour assurer le maintien de l’ordre dans la capitale – 1 939 personnes seront interpellées ce jour-là à Paris, un record.
Dans la cohue, Antoine Coste perd ses amis, emporté par la foule, et entreprend de rentrer chez lui. Tandis qu’il remonte le boulevard Saint-Martin, tournant le dos à la place de la République, son attention est captée par un mouvement derrière lui. Il se retourne, et se trouve brutalement jeté au sol.
D’une voix franche et posée, Antoine raconte la suite : « En me relevant dans une décharge d’adrénaline, je regarde mes mains, pleines de sang, j’essaye de comprendre ce qu’il se passe. J’inspecte mon arcade, je me demande si elle est ouverte, ce qui expliquerait pourquoi je ne vois plus, pourquoi je ne sens plus mon côté gauche, se souvient-il en frottant de la main le contour de son orbite gauche. Des gens autour de moi crient : “Il a été touché”, un homme dit : “Il a pris un Flash-Ball dans l’œil.” »
Le besoin de comprendre
Le jeune homme est aidé par un inconnu, qui appelle les secours et l’emmène vers un véhicule de la protection civile. Etendu sur un brancard, Antoine ne prend pas immédiatement conscience de la gravité de sa blessure : « J’étais allongé, sonné, je n’avais pas de douleur, comme si j’étais anesthésié du côté gauche. Je ne savais pas encore ce que j’avais. » Le dossier médical d’Antoine Coste, opéré en urgence à l’hôpital Cochin, puis à la Pitié-Salpétrière, fait état d’une « cornée sectionnée en deux horizontalement » et d’une « fracture du plancher orbital ». Il reste hospitalisé six nuits : les médecins ne lui retirent pas son œil gauche, mais lui annoncent, dès le lendemain, le 9 décembre, qu’il ne retrouvera jamais la vue de ce côté. Il se voit prescrire vingt et un jours d’interruption totale de travail (ITT).
Plus d’un mois après avoir perdu l’usage de son œil, le jeune graphiste ne semble pas habité par la colère. Juste par un besoin de comprendre d’où vient le projectile qui, en brisant son œil gauche, l’a définitivement privé de la moitié de son champ de vision : « Même si ça doit durer dix ans, j’irai jusqu’au bout pour le savoir. » Comme souvent dans ce type de situation, il n’a pas vu l’objet qui a percuté son œil. Lorsqu’il s’est rendu, une semaine après sa blessure, au commissariat accompagné de sa mère pour porter plainte, il a reconnu dans sa déposition ne pas être « en mesure de dire si le projectile reçu au niveau de l’œil est une munition de LBD[lanceur de balle de défense] ou une grenade de désencerclement ». Mais il en est certain : un « personnel des forces de l’ordre est à l’origine de [ses] blessures ».
« J’ai senti le caoutchouc, cela ne peut pas être autre chose qu’un tir de LBD »
L’enquête a été confiée à l’inspection générale de la police nationale (IGPN), qui devra tenter de déterminer l’origine du projectile : si les médecins ont expliqué à Antoine que sa blessure semblait avoir été causée par le tir d’une arme, ils n’étaient pas en mesure d’affirmer catégoriquement qu’il s’agissait d’un lanceur de balle de défense. « Les premiers CRS étaient à une quarantaine de mètres de moi », explique Antoine Coste. « Je n’ai pas été touché par du verre, ou de la pierre, le tour de mon œil aurait été égratigné. J’ai senti le caoutchouc, cela ne peut pas être autre chose qu’un tir de LBD. »
Depuis le début du mouvement, le 17 novembre 2018, le LBD a été utilisé à 9 228 reprises, pour 111 enquêtes ouvertes par l’IGPN consécutives à des signalements, a précisé, mercredi 30 janvier, la représentante du ministère de l’intérieur lors d’une audience au Conseil d’Etat. Moins d’une dizaine concernent des blessures graves à l’œil, mais des comptages non officiels, comme ceux du collectif Désarmons-les ou du journaliste David Dufresne, en recensent entre quinze et vingt, illustrant la difficulté qu’il y a parfois à déterminer avec certitude la responsabilité des forces de l’ordre dans de telles situations.
« Il faut que je garde le moral »
Antoine Coste cherche désormais à « retrouver une vie normale », et fait preuve d’une certaine résilience : « Je suis heureux de reprendre le dessin sans avoir perdu mon trait et d’être capable de mixer, parce qu’il me reste encore mes deux oreilles », dit-il. Il constate cependant quelques séquelles, comme la perte « de certaines perspectives » : « Quand je me verse un verre d’eau par exemple, j’ai du mal à voir si le robinet est placé à la bonne distance. »
Après avoir rencontré à l’hôpital d’autres blessés ayant perdu un œil lors des manifestations, comme Fiorina, 20 ans, il a même décidé d’intervenir dans les médias : « Je veux témoigner pour ceux qui n’en ont pas la force », explique-t-il.
« Comme beaucoup de victimes, Antoine se sent concerné par la demande d’interdiction de l’usage du LBD », constate son avocat MeArié Alimi, qui espère que l’enquête préliminaire permettra de confirmer le tir et d’en trouver l’origine. « Si l’affaire est classée par manque d’éléments, nous irons au tribunal administratif pour demander une indemnisation de l’Etat », explique-t-il.
« Il faut que je garde le moral », ajoute Antoine Coste, qui appréhende parfois un contrecoup psychologique après le choc de la blessure :
« Bien sûr qu’il y a des moments où je suis seul et je pense au fait que j’ai perdu un œil. Mais quelque part, je me dis que ça doit avoir un rapport avec le destin. Je ne méritais pas ça, mais j’étais à cet endroit-là, à ce moment-là, et depuis ma vie a changé. »