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Gilets jaunes et syndicalisme

Gilets-jaunes syndicalisme

Lien publiée le 19 février 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1987

Enfin ! Un mouvement qui bouscule et renouvelle l’espace et le temps de la mobilisation sociale !

Pour les gilets jaunes, il ne s’agit pas de s’inscrire dans un parcours qui convient à la Préfecture, de se laisser parquer ou circonscrire de préférence dans un territoire restreint et éloigné des lieux du pouvoir ; il ne s’agit pas non plus d’un 10 à 12 ou d’un 5 à 7, non, ils/elles ont compris que les rituels n’étaient pas efficaces, que l’engagement dans une lutte sociale devait durer, jour et nuit, dimanches et fêtes, pas de trêve des confiseurs, de vacances pour la liberté d’expression politique, pas même Noël ou le Jour de l’An pour certain·e·s.

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Les médias glosaient sur l’individualisme de notre société, et voilà que des “gens” sortent de leur chez soi, investissent des espaces publics et se découvrent solidaires par-delà leurs différences : générations différentes, statuts différents, métiers différents… quand ils ou elles en ont. Idées différentes aussi, mais personnellement, lorsque j’ai circulé dans la moitié Sud de la France en novembre et en décembre, de la Ciotat à Aubenas, de Pertuis au Puy-en-Velay, je n’ai jamais vu ni entendu le moindre slogan raciste, homophobe ou antisémite sur un rond-point. Mais uniquement des revendications sociales, des banderoles dont la cible était Macron, sa politique, et les tracts distribués appelaient à plus de justice et de démocratie.

Voici, à titre d’exemple, ce qu’exigent les gilets jaunes montiliens (groupe de Montélimar) : la baisse immédiate et le blocage des prix, la taxation du kérosène, la réquisition des bénéfices des multinationales pour financer les besoins de tous et toutes(transports publics gratuits et non polluants, services publics de proximité et de qualité, accès à un logement décent pour tous et toutes...), le partage du temps de travail, la redistribution des richesses, la remise en place de l’impôt sur la fortune, un vrai service public environnemental.

À noter la mixité du mouvement et son horizontalité, son refus des hiérarchies et des leaders charismatiques, à l’inverse des univers syndicaux et politiques, généralement pyramidaux et souvent dominés par des hommes.

Antisyndical, le mouvement ?

“Asyndical” peut-être… Nombre de revendications sont théoriquement portées par les syndicats mais à quand remonte une victoire majeure dont ces derniers ont été les artisans ? Au siècle dernier ? À 1995, probablement ! Et on se souvient du retrait du CPE en 2006, avec le rôle moteur des étudiant·e·s, mais le syndicalisme était partie prenante. Depuis cette période, que d’échecs cuisants ! 2010 et les manifs du samedi, les lois travail passées en force malgré la multiplication des journées d’action, les grèves perlées des cheminots insuffisantes face à un gouvernement pour qui les citoyen·ne·s ne sont rien, et les travailleurs, travailleuses moins que rien. Jupiter n’a que des sujets ! Or les principales organisations syndicales se sont décrédibilisées en continuant les “concertations” sous l’ère Macron ; le bilan était déjà catastrophique avant, mais là il n’y a plus rien à négocier, juste des reculs à entériner, des gifles à prendre sur les deux joues.

On a beaucoup parlé de l’affaire Benalla, sans souligner assez que, si les barbouzes ne sont pas une nouveauté sous la Ve République, celui-là ne surgit pas dans un contexte de guerre, d’OAS, d’attentat contre le chef de l’État, il veut simplement tabasser des manifestant·e·s le 1er Mai, journée internationale du travail, marquée par des défilés sur toute la planète !

Il faut casser le monde du travail. Et la violence s’exerce également à l’encontre des lycéen·ne·s, des étudiant·e·s, des salarié·e·s de diverses catégories, de toute la population. À Marseille, où se joignaient heureusement syndicats, gilets jaunes et marche de la colère contre la mairie, les manifestations ont été violemment réprimées. (Juste une parenthèse pour rappeler le contexte spécifique de la cité phocéenne où deux immeubles se sont écroulés au centre ville, causant huit décès. Un des immeubles appartenait à Marseille Habitat, l’autre à des copropriétaires privés… dont un Vice Président du Conseil régional ! À l’incurie en matière de logements et à la corruption des élus, parfois marchands de sommeil eux-mêmes, s’ajoutent les scandales des écoles délabrées, des équipements sportifs à l’abandon etc.).

Sortir du ronron syndical

Devant l’ampleur de la répression policière, des arrestations arbitraires (souvent préventives… les lois liberticides ont des applications plus antisociales qu’antiterroristes !!! Et ce prétexte avait déjà permis à Hollande d’assigner à résidence des militant·e·s écologistes sous couvert d’état d’urgence), le nombre de blessé·e·s, de personnes emprisonnées, qu’attendent les syndicats pour manifester leur solidarité ? À noter que Macron, si affaibli soit-il, entend poursuivre son programme de démantèlement de la Fonction publique et des services publics, et abattre ce qui reste de protection sociale avec la contre-réforme des retraites. Les chômeurs et chômeuses se trouvent déjà dans l’œil du cyclone. Le syndicalisme doit renoncer à un “dialogue social” suicidaire et ne plus considérer que son ronronnement habituel(journées d’action ponctuelles assorties de manifs ritualisées, grèves d’une journée sans lendemain et service à l’adhérent·e) suffit. Il faut davantage de combativité et de créativité. Les gilets jaunes n’ont pas attendu d’être majoritaires pour agir. Ces invisibles ont su inventer des moyens de s’imposer dans un paysage politique délétère, sans structure, organisation, ni parti ; ils ou elles ont pris des risques, ont été victimes de chauffard·e·s, des forces dites de l’ordre, de l’appareil judiciaire, et sont en butte aux caricatures des médias friands d’images à sensation et de faits divers pour les discréditer.

Certes, il ne faut pas nier l’emprise de l’extrême-droite dans notre pays comme partout, d’autant moins que le discours de ses leaders est souvent très habile en matière de récupération de la colère sociale. Raison de plus pour que les syndicats s’expriment, et que le rôle du patronat, des actionnaires, des banques, ne soit pas oublié.

La France rebelle

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Mais la France des ronds-points, rebelle, “insoumise”, même si elle ne se reconnaît pas forcément dans le mouvement du même nom, rejette les chefs et veut en finir avec un système où le pouvoir, légal mais illégitime, ne la représente pas du tout, où le président, choisi au premier tour par moins de 20 ?% du corps électoral si l’on tient compte des abstentions, des votes blancs et des non inscrits, gouverne comme si les 80 ?% restants n’existaient pas, grâce à une “Assemblée nationale” majoritairement fantoche, composée surtout de novices sans implantation locale ni culture politique, “obligé·e·s” de Macron, recruté·e·s comme des cadres d’entreprise, et d’opportunistes ayant retourné la veste socialiste ou républicaine au bon moment. Pas de proportionnelle, donc très peu d’opposition.

En tous cas, gilets jaunes et maintenant stylos rouges, posent des question nouvelles au syndicalisme car ils se sont développés hors d’eux, et pas seulement pour déborder et amplifier un mouvement social dont les syndicats étaient les initiateurs. Ignorer ces modes d’action et se laisser instrumentaliser par un pouvoir méprisant les corps intermédiaires (y compris la complaisante CFDT) mais les utilisant au besoin pour un “grand débat” destiné à enterrer la contestation, ce serait gravissime dans la situation actuelle .