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Trump veut modifier la structure de l’économie chinoise
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https://www.humanite.fr/article-sans-titre-668110
L’économiste Ding Yifan revient sur la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Pour lui, le fond du problème est politique.
Où en sommes-nous de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis ? Quels en sont les effets en Chine ?
Ce n’est pas un véritable danger pour la Chine, mais cette guerre n’est pas un bon signe pour la planète. Elle peut provoquer des crises graves dans le monde. La Chine est intégrée dans une économie mondialisée, elle est le plus grand partenaire commercial de plus de 70 pays. Il n’y a donc pas que les États-Unis. En dépit d’une légère baisse, les exportations chinoises vers le marché américain ont même continué à progresser. Notre excédent commercial a paradoxalement augmenté. L’économie américaine a besoin de l’économie chinoise. Nos importations américaines, comme l’énergie, les céréales, peuvent trouver d’autres sources d’approvisionnement. Les exportations chinoises vers les États-Unis, composées de produits intermédiaires, sont indispensables aux entreprises américaines qui peinent à trouver d’autres fournisseurs. Ainsi Apple a dû revoir à la baisse ses prévisions, avec des conséquences sur la Bourse de New York. D’où les critiques des entreprises américaines.
Quant au ralentissement de la croissance chinoise, il n’est pas une conséquence du conflit. Il est partiellement voulu dans le cadre d’une restructuration de l’économie prenant en compte l’environnement et le social.
Outre le déficit commercial, l’administration Trump dénonce les subventions accordées dans le cadre du plan « Made in China 2025 ». Est-ce une guerre commerciale ou une guerre de haute technologie ?
C’est une guerre de haute technologique. Les États-Unis ont peur de l’avancée de la Chine dans ce secteur, comme le montrent les attaques contre Huawei, en voie de finaliser la 5G. Ils n’ont pas hésité à mobiliser la force de l’État pour faire pression sur certains pays contre une société chinoise privée. Ils ont tenté d’interdire à la Chine l’achat de produits semi-conducteurs, mais les répercussions ne se sont pas fait attendre dans les entreprises américaines concernées. Il faut se rendre compte que le marché chinois représente plus de 75 % de la demande mondiale dans ce secteur.
Une trêve a été décidée jusqu’au 1er mars. Les négociations se sont poursuivies à Pékin la semaine dernière. Quels seraient les termes d’un véritable accord ?
La délégation américaine a laissé entendre que la trêve pourrait être prolongée au-delà du 1er mars. Je pense que les États-Unis ont l’intention d’aboutir à une entente. Mais on ne pourra pas arriver rapidement à un accord. La Chine peut envisager d’augmenter ses importations américaines. Mais le fond du problème est ailleurs : ils veulent modifier la structure de notre économie. Les pressions sont fortes en ce sens. Ils refusent de reconnaître la Chine comme une économie de marché, ils jugent le rôle de l’État trop important et veulent le réduire, ils dénoncent aussi la part des entreprises publiques. Certaines demandes sont acceptables, d’autres non. Le gouvernement chinois avait déjà envisagé un train de réformes concernant les sociétés d’État ; une ouverture plus grande du marché, notamment dans les services. C’est dans l’agenda des réformes annoncées. Mais nous n’irons pas au-delà.
Les pressions de Trump, relayées par l’Union européenne, portent sur des mesures de restriction des investissements chinois. Quelle est votre réaction face aux accusations de « transferts forcés » de technologie.
Tous affirment que, par des acquisitions, la Chine peut rapidement entrer en possession de nouvelles technologies. De même ils récusent leur transfert par le biais des investissements étrangers en Chine. Cette situation nous gêne, mais on s’y fera. Il s’agit d’une discrimination. Tous les pays ont pratiqué ces transferts. Cela fait partie de la règle du jeu dans une économie mondialisée. Si on veut exclure la Chine de ce jeu, elle développera sa propre technologie. Ainsi la Chine n’a pas volé la technologie occidentale pour lancer un engin sur la face cachée de la Lune, puisque aucun pays ne l’avait fait auparavant. De même, la 5G de Huawei, qui peut être commercialisée dès la fin de l’année en Chine, permettra d’accélérer la vitesse de transmission et d’accélérer les progrès technologiques. Et nous sommes en avance sur bien des points dans le domaine de l’intelligence artificielle. La Chine est prête à partager ses découvertes.
Entretien réalisé par Dominique Bari