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Melik Ozden: "Nous sommes choqués par l’ampleur de la répression des gilets jaunes"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le Centre Europe Tiers-Monde (CETIM), association membre du Conseil économique et social de l’ONU, a engagé une procédure auprès de l’ONU pour exhorter le gouvernement à cesser la répression contre les gilets jaunes. Le Média s’est entretenu par téléphone avec Melik Özden, directeur de l’association.
Pouvez-vous nous expliquer l’objet du rapport que vous avez présenté à l’ONU ?
Nous sommes choqués comme beaucoup de monde par l’ampleur de la répression des manifestations gilets jaunes en France. Nous sommes également dans la période d’une cession du Conseil des droit de l’Homme de l’ONU, qui se réunit actuellement à Genève entre fin février et fin mars. Etant donné que la protection des droits humains, partout dans le monde, fait partie de son mandat, nous avons voulu y présenter ce cas.
Dans votre rapport, vous déplorez la répression dont les Gilets Jaunes font l’objet, mais également les politiques néo-libérales du gouvernement ?
Il y a effectivement ces deux aspects à prendre en compte. Tout d’abord la répression qui – appelons les choses par leur nom – est féroce. Si on prend l’exemple du seul 1er décembre, les forces de l’ordre ont utilisé 7 940 grenades lacrymogènes, 800 grenades de désencerclement, 339 grenades de type GLI-F4, 776 cartouches de LBD (lanceur de balle de défense). Et pour ne considérer que la période allant du 17 novembre au 7 janvier 2019, un décompte provisoire enregistre 6 475 interpellations et 5 339 mises en garde à vues. Nous avons aussi 249 personnes qui ont été jugées en comparution immédiates, 58 condamnées à des peines de prison ferme et 63 condamnées à des peines de prison avec sursis. Des chiffres qui laisseraient croire à un état de guerre civile, où s’affronteraient des groupes armés, alors que nous sommes seulement face à des manifestations pacifiques, où les gens n’aspirent qu’à témoigner d’une situation sociale difficile.
Nous avons également été surpris par l’ampleur du recul des droits sociaux en France. On dénombre par exemple la dégradation des conditions de vie, la baisse des revenus, la dégradation des services publics, des situations sociales désastreuses comme les agriculteurs qui se suicident. Il y a également des gens qui ne parviennent plus à payer leur électricité ou leur loyer et qui sont expulsés de leurs logements. Nous avons aussi des enfants qui n’arrivent plus à avoir leurs trois repas par jour. Des écoles et des hôpitaux ferment. Nous sommes face à une situation de violation de droits sociaux et culturels. C’est cette ensemble de choses qui nous a poussé à agir et à saisir l’ONU.
La comportement du gouvernement est-il problématique du point de vue du droit ?
Nous sommes face à un paradoxe. D’une part, les États comme la France ratifient des normes en matière de droits humains comme le pacte international relatif aux droits ethniques, sociaux et culturels, ou encore des conventions de l’ONU sur le Travail. D’autres parts, ces mêmes pays appliquent des politiques néo-libérales qui vont à l’encontre de ces normes. Pourtant, selon toute logique, les États qui ratifient ces conventions, ces normes, devraient être tenus de les respecter. Cela veut dire que si on regarde de près, tous les éléments comme le droit au logement, à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, ou encore les droits syndicaux doivent être respectés. Or, en pratique, les droits sociaux sont en recul et on observe une répression, des représailles à l’encontre des syndicalistes qui s’engagent en faveur des revendications ouvrières. Les syndicalistes sont aujourd’hui confrontés à des licenciements abusifs et à des sanctions disciplinaires. Le mouvement syndical tend à être lui aussi criminalisé.
Nous voulions finalement mettre en avant que les manifestations des gilets jaunes sont l’expression d’un ras-le-bol de la population française face à la dégradation de leurs conditions de travail, des services publics, et de la qualité de leurs vies. Il n’y a que par la rue qu’ils peuvent tenter de s’exprimer.
Qu’attendez-vous du gouvernement et de l’ONU ?
Nous avons une double demande. Dans un premier temps, le gouvernement français doit cesser cette répression aveugle. Elle doit revenir sur les lois liberticides votées contre les manifestants et les syndicalistes. Nous demandons aussi que le gouvernement renonce aux lois entravant le droit du travail et qu’il cesse la criminalisation des mouvements sociaux. Enfin, nous souhaitons que le gouvernement permette une enquête indépendante sur les exactions commises par les forces de l’ordre depuis le début des manifestations dites Gilets jaunes. Cela de manière à ce que les auteurs de ces exactions soient traduits en justice. Concernant l’ONU, comme le Conseil des droits de l’Homme possède des mécanismes de protection du droit humain, elle doit surveiller tout ça et intervenir pour palier aux manquements du gouvernement.