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Minima sociaux: on y est, on y reste

Lien publiée le 10 mars 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.anti-k.org/2019/03/09/allocations-minima-sociaux-on-y-est-on-y-reste/

Alternatives économiques, 7 mars 2019

Après une légère baisse en 2016, et la première pour le RSA depuis sa création en 2009, le nombre d’allocataires des minima sociaux se stabilise, note la Drees. Le signe que la pauvreté et l’exclusion sociale ne sont pas près de disparaître.

Alors que les conservateurs de tout poil ferraillent sans relâche contre le niveau des dépenses publiques, qui serait trop élevé en France, et que se prépare une refonte des minima sociaux avec la mise en place du « revenu universel d’activité » (aucun rapport avec le revenu de base), la Drees, le service statistique du ministère des Affaires sociales et de la Santé, publie les derniers chiffres sur les allocataires des minima sociaux. Quelle lecture en faire ?

Au total, on compte fin 2017, 4,2 millions d’allocataires de minima sociaux dans l’Hexagone. Parmi ces minima, le revenu de solidarité active (RSA) vient en premier (45 % des allocataires), suivi de l’allocation adulte handicapé (AAH), du minimum vieillesse (Aspa), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS, lorsqu’on a épuisé ses droits au chômage), qui sont loin devant l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et quelques autres prestations, en tout au nombre de dix.

Installés dans le paysage

Particularité des minima sociaux : plusieurs d’entre eux sont versés par foyer. On distingue donc, d’un point de vue technique et lexical, les allocataires, c’est-à-dire les personnes qui les touchent, les bénéficiaires (les allocataires et leurs conjoints) et, enfin, les personnes couvertes (les bénéficiaires ainsi que les personnes à charge, par exemple des enfants). Ainsi, avec 4,2 millions d’allocataires, 7 millions de personnes sont en réalité couvertes par les minima sociaux.

« Après avoir baissé en 2016, le nombre d’allocataires des minima sociaux se stabilise en 2017 », note la Drees. De fait, les chiffres donnés sur le temps long montrent surtout une formidable augmentation du nombre d’allocataires. Dans un récent numéro consacré à ce thème à l’échelle européenne, l’Ires, l’Institut de recherches économiques et sociales, parlait même d’un « enkystement des minima sociaux au sein des sociétés européennes ». L’installation de ces prestations, au départ destinées à pallier l’absence ou l’insuffisance de revenus, à la fois primaires (salaires ou autres revenus d’activité) et de remplacement (comme l’allocation chômage), n’est évidemment pas bon signe.

Parmi les causes de cet enkystement, selon l’Ires, la persistance du chômage de longue durée et la précarisation de l’emploi (emplois atypiques et morcelés). Si le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A (sans aucune activité) a diminué en 2016, contribuant à une baisse du RSA sur la même période, note la Drees, cette baisse reste très relative.

Surtout, le nombre de chômeurs de longue durée (plus d’un an) et très longue durée (deux ans ou plus) n’a pas diminué.

Bien sûr, précise la Drees, les bénéficiaires des minima sociaux ne sont pas nécessairement les mêmes d’une année sur l’autre. Il y a des entrées et des sorties. Le maintien dans les minima pour les principaux d’entre eux (RSA, AAH et ASS) est néanmoins élevé. Il l’est d’abord pour l’AAH, attribuée aux adultes en situation de handicap qui se trouvent dans la précarité, et qui ont bien du mal à retrouver un emploi.

Les allocataires du RSA ont un taux de sortie de 24 %, mais « la pérennité de leurs sorties est faible », indique la Drees

Les allocataires du RSA ont, eux un taux de sortie de 24 %, mais « la pérennité de leurs sorties est faible », indique la Drees. En réalité, sur dix ans, 46 % d’entre eux ont cumulé au moins sept années de RSA. Quant aux allocataires de l’allocation spécifique de solidarité, versée aux chômeurs en fin de droits qui ne peuvent plus toucher d’indemnités, si leur taux de sortie fin 2017 est plus élevé, à 28 %, c’est en grande partie dû à un changement des règles du jeu. Depuis le 1er janvier 2017, il n’est en effet plus possible de cumuler ASS et AAH, comme c’était le cas jusque-là. Le versement de l’AAH interrompt le versement de l’ASS ou empêche d’y avoir droit.

Des dépenses contenues

Est-ce à dire pour autant que les minima sociaux coûtent cher ? Le montant total représente 26,5 milliards d’euros, soit 1,2 % du produit intérieur brut (PIB). L’augmentation depuis 2009 n’est pas négligeable (+ 32 %) mais contenue, sachant que sur la même période, le nombre d’allocataires a augmenté de 21 %. Et qu’au total, il s’agit de prestations qui couvrent 7 millions de personnes. 26,5 milliards d’euros, cela reste, à titre de comparaison, inférieur aux 34 milliards d’euros du budget de la défense et aux 40 milliards d’euros que coûtera cette année le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice), accordé aux entreprises sans engagement contraignant de créations d’emplois.

Outre l’augmentation du nombre d’allocataires, deux autres mouvements expliquent l’évolution de ces dépenses. D’un côté, la revalorisation de certaines de ces prestations, (le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé entre 2007 et 2012, le RSA entre 2012 et 2017). De l’autre, un changement de certaines règles du jeu sur la période. Ainsi, le recul de l’âge de la retraite a fait diminuer le nombre d’entrées dans l’allocation supplémentaire d’invalidité (l’âge minimum légal de départ à la retraite étant le point de bascule de l’ASI vers le minimum vieillesse) et le minimum vieillesse.

Le recul de l’âge de la retraite a fait diminuer le nombre d’entrées dans l’allocation supplémentaire d’invalidité et le minimum vieillesse

Surtout, les montants par allocataire restent faibles (707 euros en moyenne pour l’AAH, le plus élevé), voire très faibles (239 euros en moyenne pour l’allocation supplémentaire d’invalidité, la plus faible). Rappelons que le seuil de pauvreté monétaire est à 1 026 euros par mois lorsqu’on le fixe à 60 % du revenu médian et à 855 euros dès lors qu’on l’établit à 50 % du revenu médian.

Les étrangers – demandeurs d’asile en particulier, mais aussi titulaires d’une carte de séjour « vie privée et familiale » ayant déposé plainte ou témoigné dans une affaire de proxénétisme ou de traite des humains – constituent à cet égard un exemple édifiant. Les montants qui leur sont accordés sont bien inférieurs à ce à quoi ont droit les ressortissants nationaux : 358 euros en moyenne par foyer (c’est-à-dire en tenant compte des enfants à charge) et 204 euros par mois pour une personne seule hébergée en centre d’accueil, si l’on s’en tient aux barèmes.

Bref, ce ne sont pas les pauvres, encore moins quand ils sont étrangers, qui coûtent cher aux finances publiques.

CÉLINE MOUZON