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Comment la France perd des milliards d’euros avec la fraude à la TVA
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Les Echos) Plus encore que l’évasion fiscale des multinationales, l’évaluation de la fraude à la TVA est sujette à controverse, ne serait-ce que parce que c’est la première recette fiscale de l’Etat.
Ce peut être un paiement en liquide sans ticket de caisse, ou bien un colis, importé au sein de l’UE et déclaré en dessous du seuil de la TVA à 22 euros. Ou bien encore un schéma d’escroquerie, basé sur un carrousel dans lequel une société intermédiaire disparaît juste après avoir encaissé la TVA d’un Etat . La fraude à la TVA revêt de multiples formes, et c’est ce qui rend son évaluation particulièrement difficile. Parle-t-on de milliards, de dizaines de milliards ? Plus encore que l’évasion fiscale des multinationales, l’évaluation de la fraude à la TVA est sujette à controverse, ne serait-ce que parce que c’est la première recette fiscale de l’Etat (162 milliards en 2017).
Pendant longtemps, la TVA a été robuste face à la fraude, en raison de son mécanisme de déduction sur l’ensemble de la chaîne de valeur. La création du Marché commun européen, dans les années 1990, a rompu la chaîne de la TVA. Le principe adopté à l’époque, et toujours en vigueur aujourd’hui, consiste à régler la TVA dans le pays de destination de la marchandise, et non dans le pays où elle est débarquée. Ce schéma est propice aux carrousels de fraude qui encaissent indûment la TVA entre deux Etats européens.
Gigantesque fraude carbone
A la fin des années 2000, la découverte d’une gigantesque fraude sur la TVA des quotas carbone a mis au jour ce phénomène jusqu’ici inconnu du grand public. En l’espace de quelques mois, la France a perdu plus de 1 milliard de recettes, jusqu’à ce que les Etats membres renoncent à faire payer de la TVA sur ces quotas de CO2, justement pour éviter la fraude… Cette affaire a suffi à jeter le doute de façon durable sur l’étanchéité des recettes.
Pour rationaliser le débat, la Commission européenne tente d’évaluer le phénomène. Elle publie chaque année une estimation de l’« écart de TVA » pour chaque Etat membre, et qui correspond à la différence entre les recettes de TVA que l’on pourrait théoriquement attendre et les recettes effectivement collectées. En France, l’« écart de TVA » s’élève à 20,9 milliards d’euros, soit 12 % des recettes de TVA. Un montant dans la moyenne européenne, mais qui reste préoccupant
Cette mesure reste imparfaite, car elle comprend des choses aussi variées que la fraude carrousel, la non-déclaration, la TVA perdue à cause des faillites ou les erreurs de calcul. Lors d’un récent colloque au Sénat, Laurent Daculsi, responsable de clientèle chez SAS, un éditeur de logiciel dans l’analyse de données, a estimé qu’« un tiers de cet écart de TVA correspond à de la fraude », soit l’équivalent de 6 à 7 milliards d’argent public. Là encore, ce n’est qu’une estimation, face à un phénomène que Bercy peine à chiffrer.
Ingrid Feuerstein