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Le revenu paysan reste désespérément bas en France
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2019/03/13/le-revenu-paysan-reste-desesperement-bas-en-france/
L’Humanité, 12 mars 2019
L’agriculture a été peu évoquée dans le cadre du grand débat qui doit se terminer le 15 mars. Il s’agit pourtant de notre souveraineté alimentaire tandis que les hommes et les femmes qui produisent notre nourriture ne dégagent toujours pas un revenu décent. Cinq mois après le vote de la loi EGALIM, la guerre des prix dans les grandes surfaces continue comme avant et les prix agricoles à la production ne décollent toujours pas.
En ce début du mois de mars, cinq mois après le vote de la loi EGALIM qui devait permettre aux prix agricoles d’être désormais fixés en tenant compte des coûts de production, il convient de regarder si cette promesse faite à Rungis le 11 octobre 2017 par Emmanuel Macron commence à se concrétiser. Le 5 mars, le prix de la tonne de blé français rendue au port de Rouen pour l’exportation était tombé à 180€. Entre septembre et décembre 2018, le prix de cette même tonne de blé rendue au même endroit naviguait aux alentours de 195€ de semaine en semaine. Il a commencé à baisser en janvier quand il est apparu que la récolte des pays de l’hémisphère sud serait bonne, écartant ainsi tout risque de pénurie d’ici l’été prochain, au moment de la récolte dans l’hémisphère nord.
Le même jour, la tonne de colza valait 356€ en France contre 420€ l’an dernier à la même époque. Toujours le 5 mars, la tonne de maïs ne valait plus que 158€ contre 170€ en moyenne de novembre à janvier inclus. Ainsi, le prix mondialisé des céréales et des oléagineux continue d’être fixé dans les salles de marché par des spéculateurs à l’affut. Ils spéculent sur la hausse des prix dès que peut apparaître un risque de pénurie. Ils spéculent à la baisse quand l’offre mondiale dépasse la demande solvable de 3 à 5%. Dans un cas comme dans l’autre, ils sont indifférents aux besoins réels et à la faim de souffrent encore trop de peuples.
60% des produits laitiers venus sous marques de distributeurs en France
Si le prix du lait a légèrement augmenté depuis quelques mois, il dépasse rarement les 340€ pour 1.000 litres contre 370€ en 2014. La petite hausse de ces derniers mois est davantage imputable à la baisse de la production en France et dans d’autres pays européens, suite à la sécheresse de l’été et de l’automne 2018 qu’à une volonté des distributeurs de mieux payer les produits laitiers en tenant compte des coûts de production. On sait que les négociations ont été très dures entre les centrales d’achat de ces distributeurs et la multitude de leurs fournisseurs. Sachant que 60% des produits laitiers vendus en France le sont sous des « marques de distributeurs », ces derniers ont, comme les années précédentes, utilisé le chantage au déréférencement pour obtenir des rabais. Les cours des porcs sont plus bas qu’en 2018 et 2017 et ceux des bovins de boucherie couvrent à peine les coûts de production. Ce trop faible revenu paysan est en train de fragiliser de nombreuses exploitations et pourrait avoir des conséquences désastreuses dans une profession dont la moyenne d’âge est de 50 ans.
Ajoutons que la concurrence entre distributeurs pour attirer les consommateurs dans leurs magasins respectifs est plus féroce que jamais alors que la fréquentation des grandes surfaces est en baisse en raison notamment de la place prise par le « drive » et les livraisons à domiciles. Et comme la guerre des prix demeure le premier argument pour tenter de gagner des parts de marché, les offres les plus alléchantes se multiplient, en dépit du relèvement de 10% de ce que l’on appelle le « seuil de revente à perte » et de la limitation des rabais consentis en magasin. Mais les enseignes rivalisent de trouvailles pour contourner la loi EGALIM. Ainsi, 22 magasins franciliens de Leclerc ont distribué dans les boites aux lettres un dépliant qui propose du 12 au 23 mars des « gros volumes » avec des « mini prix ». L’affiche concerne beaucoup de produits à moins 30% mais aussi du « 2+1 offert » a toutes les pages. Mieux encore, quand on l’achète par barquettes de 3 kilos, le pilon de poulet élevé en France tombe à 2,83€ le kilo.
Voilà qui n’est pas de nature à mieux rémunérer l’éleveur par l’abattoir qui achète la volaille pour la brader aux enseignes de Leclerc. Lequel prend soin de nous envoyer le message suivant en dernière page de dépliant grand format : « Avec Leclerc, protégeons l’environnement. Ce prospectus est imprimé sur du papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement, et dont la production est certifiée selon un Système de Management Environnemental ». Dans cette même page il est écrit que « les avantages consommateurs Tickets Leclerc et remises immédiates en caisse attribuées par le fournisseur sont délivrés pour son compte aux consommateurs par les centres Leclerc ». Leclerc prétend protéger l’environnement et le pouvoir d’achat du consommateur en même temps, pour reprendre une formule désormais célèbre.
Quand Auchan et Casino perdent des clients
Dans son édition d’hier, le quotidien les Echos faisait état des difficultés du groupe Auchan dans le secteur de la distribution quelques jours après avoir évoqué celles du groupe Casino. En France, le chiffre d’affaires d’Auchan à reculé de 3,3% en 2018 dans la distribution et « son président exécutif n’exclut pas des réductions de surfaces de ses grands hypermarchés … ». Il faut ici se souvenir que la Loi de Modernisation Economique avait été votée en 2008 par les parlementaires de droite. Nicolas Sarkozy à l’Elysée et François Fillon à Matignon avaient fait voter cette loi demandée par Michel-Edouard Leclerc. Elle donnait plus de pouvoir aux distributeurs pour piller leurs fournisseurs et faciliter l’ouverture de nouvelles grandes surfaces de même que, l’agrandissement des rayons dans les magasins de ce type.
Cette loi avait été suggérée par un pseudo visionnaire qui écrivait en 2008 dans un rapport remis à Nicolas Sarkozy : « 379 grandes surfaces ouvraient en moyenne chaque année entre 1986 et 1994, alors que ce nombre est tombé à 162 entre 1995 et 2003. Cette règlement (La loi Raffarin de 1996 limitant les ouvertures de grandes surfaces, NDLR) a particulièrement entravé le développement des grandes surfaces de type maxi-discount au moment même où ce format commençait à séduire les consommateurs », écrivait Emmanuel Macron, rapporteur de la Commission Attali.
L’évolution du commerce depuis cette date a prouvé qu’il avait tout faux.
Gérard Le Puill