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«Le sionisme est-il un mouvement libérateur démocratique?» Par Henryk Erlich
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) accuse une partie de l’extrême gauche française d’être antisémite, parce que, dit-il, « l’antisionisme est le nouvel habit de l’antisémitisme ». Cet épisode illustre bien l’extraordinaire confusion intellectuelle qui caractérise aujourd’hui, en France, le débat autour du « nouvel antisémitisme ». « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Albert Camus, en 1944.
Jean-Jacques Marie présente ci-dessous la réponse du bundiste Henryk Erlich à Simon Doubnov (1938). Le Bund (Union générale des travailleurs juifs), dont les premiers éléments se constituent à Vilnius durant les années 1870, cherche à unifier les travailleurs juifs de l’empire russe au sein d’un parti socialiste, dont la création est officialisée en octobre 1897. Il s’opposait au sionisme de l’époque. (Réd. A l’Encontre)
Manifestation des jeunesses du Bund à Varsovie, en juin 1932
*****
Henryk Erlich et Victor Alter: le sens de leur combat politique
Par Jean-Jacques Marie
En 1938, une délégation sioniste, composée de David Ben Gourion [1], Vladimir Jabotinski [2] et Itzak Grynbaum [3], se rend en Pologne, alors dirigée par un gouvernement ultra-nationaliste, profondément réactionnaire et antisémite. Leur objectif est de convaincre le maximum des juifs polonais de quitter la Pologne et d’en discuter entre autres avec les autorités polonaises elles-mêmes et les cercles réactionnaires désireux de bouter le maximum de juifs hors de Pologne. Cette visite qui reçoit l’approbation du grand historien Simon Doubnov, auteur d’une monumentale Histoire moderne du peuple juif, suscite une réponse vigoureuse du dirigeant du Bund [4] Henry Erlich, membre de la direction de l’Internationale socialiste, par ailleurs gendre de Doubnov dont il avait épousé la fille Sofia Doubnova. Nous traduisons ici le long extrait publié dans le livre d’Emanuel Nowogrodzki : The Jewish Labor Bund in Poland (Shengold, 2001).
Pour en saisir la portée il faut se rappeler que le gouvernement polonais de l’époque tente à toute force de bouter le maximum de juifs hors de Pologne. Le 15 février 1938 le député Huten-Czapski propose la création d’un sous-secrétariat d’Etat pour l’émigration des juifs. L’historien Pawel Korzec note : « A une des séances du sénat le sociologue et juriste éminent Léon Petrazycki, après avoir assuré qu’il n’était animé par aucun sentiment antijuif, estime néanmoins que le sort des Juifs en Pologne est joué. Il prévoit que leur situation empirera de mois en mois, d’année en année et qu’ils devront se résoudre à l’émigration. Il reproche encore aux Juifs de ne pas comprendre la situation et de tenter envers et contre tout de résister à une nécessité historique ». [5]
Dans la foulée, le 20 septembre, alors qu’Hitler prépare le dépeçage de la Tchécoslovaquie, auquel le gouvernement polonais participera – modestement mais fermement – en occupant la région de Teschen, l’ambassadeur polonais en Allemagne Josep Lipski rend visite à Hitler qui le reçoit aimablement et lui déclare qu’il comprend tout à fait l’aspiration de la Pologne à acquérir des colonies pour y envoyer ses sujets juifs. Ironie cruelle de l’histoire quelques semaines plus tard les nazis raflent 15’000 juifs polonais installés en Allemagne et les expédient en Pologne !
Henryk Erlich et Victor Alter ont été exécutés entre 1941 et 1943 par le pouvoir stalinien. Un examen de cette tragédie historique a été publié par Isabelle Tombs, dans Journal of Contemporary History, 1988, vol. 23, intitulé «Erlich and Alter. The Sacco and Vanzetti of the USSR: An Episode in the Wartime History of International Socialism»
Cette véritable chasse aux juifs débouche sur un projet de loi sur l’émigration (forcée !) destiné à être soumis à la Diète (le parlement polonais) dont Pawel Korzec donne le résumé suivant : « Aux termes de ce projet le Conseil des ministres établirait chaque année une liste de cinquante à cent mille juifs qui seraient contraints de quitter le pays dans l’année. (…) La sélection serait faite au niveau régional par une commission spéciale d’émigration composé de représentants de l’administration, de la communauté juive et de la population non juive. Le financement de toute cette procédure serait à la charge des juifs de Pologne et de l’étranger ». [6]
C’est dans ce climat que se déroule la visite des trois dirigeants sionistes cités ci-dessus pour obtenir des cercles polonais dirigeants l’envoi de juifs polonais en émigration.
Erlich et les autres dirigeants du Bund, dont Victor Alter, se battent, eux, pour que les juifs polonais aient les mêmes droits que les autres polonais, combat qu’ils mènent en même temps que la défense des travailleurs juifs doublement opprimés en tant que travailleurs et en tant que juifs.
Certains jugent ce combat perdu d’avance et objectent que si les juifs polonais avaient répondu à l’appel des sionistes (et du gouvernement polonais !) à quitter la Pologne, ils auraient échappé au massacre organisé ensuite par les nazis, présenté comme inéluctable. C’est oublier un fait incontournable : l’invasion de la Pologne par Hitler est le premier acte de la marche nazie vers l’Est, c’est-à-dire vers l’URSS, pour détruire le « bolchevisme » ou plus exactement ce que les propagandistes nazis, après les chefs des russes blancs, appelaient le « judéo-bolchevisme ». Or cette marche vers l’Est a été systématiquement encouragée au cours des années 30 par la bourgeoisie anglaise, dignement représentée en particulier par Chamberlain et Halifax, et sa vassale la bourgeoisie française. Ces deux bourgeoisies voulaient à toute force garder leur précieux empire colonial, menacé à leurs yeux par le « bolchevisme », malgré la dégénérescence bureaucratique stalinienne, toujours incarné par l’URSS, dont elles souhaitaient la destruction.
Ces deux bourgeoisies voulaient donc à toute force pousser Hitler vers l’Est. Elles y voyaient un double avantage : détourner les nazis de leur propre empire à elles et leur confier la tâche de détruire le foyer mondial du « bolchevisme », seul courant politique à l’origine – avant la dégénérescence stalinienne trop souvent ignorée – historiquement favorable à l’émancipation des peuples colonisés que la social-démocratie voulait maintenir sous le giron de sa bourgeoisie nationale.
Tel est le sens du traité de Munich le 30 septembre 1938. Mais pour attaquer l’Union soviétique il fallait pour des raisons géographiques évidentes passer sur le cadavre de la Tchécoslovaquie et de la Pologne. Les gouvernements français et anglais se gardent bien de gêner Hitler dans cette double entreprise. Ainsi ils cautionnent le dépeçage puis, plus discrètement, l’invasion de la Tchécoslovaquie et, s’ils déclarent la guerre à l’Allemagne au lendemain de l’invasion, au début de septembre 1939, ils se gardent bien d’entreprendre la moindre opération militaire qui pourrait gêner le chef nazi. C’est ce que l’on appela alors la « drôle de guerre » qui permit à Hitler de concentrer toutes ses forces sur la Pologne, balayée en trois semaines, premier acte d’une entreprise dont le second acte devait être l’attaque de l’URSS différée par le pacte Hitler-Staline, dont Hitler avait besoin pour attaquer la Pologne : la drôle de guerre anglo-française est ainsi le prologue du massacre des quelques trois millions de juifs polonais.
Fait beaucoup plus décisif encore : la solution finale est le produit direct de la guerre, souhaitée par les bourgeoisies mondiales, contre l’URSS, considérée par Hitler comme le centre mondial du « judéo-bolchevisme ». Jusqu’à la fin 1941 en effet, la politique juive des nazis, très proche de celle du gouvernement polonais en 1938-1939 visait à chasser les juifs « ailleurs ». Ils envisagent alors l’envoi massif des juifs allemands… à Madagascar. Goebbels l’évoque en juillet 1940 : « Plus tard nous avons l’intention d’expédier les juifs à Madagascar » [7]. Soulignant un peu plus tard la volonté des nazis de faire de la Pologne « un grand réservoir de travail à notre profit », Goebbels ajoute : « Plus tard nous repousserons les juifs encore une fois hors de ce territoire. » [8] Encore le 18 décembre 1941, juste à la veille du déclenchement de la « solution finale », dont il n’est pas encore informé, il note dans ses Carnets : « Les juifs doivent avant tout quitter le territoire du Reich (…) Tous les juifs doivent être transférés à l’Est. » [9]
Au lendemain de l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht, Henryk Erlich et son camarade Victor Alter, se réfugient en Union soviétique. Le NKVD les arrête, les incarcère à la Loubianka et les accuse d’avoir été envoyés par les services secrets polonais pour organiser des attentats. En juillet 1941 peu après l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht il les condamne à mort mais ne les exécute pas.
Beria tente alors, sur demande de Staline de mettre en place un comité mondial antifasciste destiné à mobiliser les juifs du monde entier contre l’envahisseur. Sur ordre de Staline il fait libérer les deux bundistes et les invite à collaborer à la mise en place du projet de Comité antifasciste juif. Les deux bundistes rédigent une déclaration de principe expliquant : le danger que le nazisme fait peser sur l’humanité menace les Juifs plus encore que les autres peuples. Ils proposent de former en URSS un comité juif antihitlérien, composé de sept représentants des populations juives de pays sous la domination nazie et d’un représentant des populations juives de l’Union soviétique, des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Leur comité devrait coopérer avec les gouvernements et les ambassades des pays ayant une nombreuse population juive et combattant l’hitlérisme et tisser « un lien permanent avec la population juive des pays réduits en esclavage par l’hitlérisme. » Staline a dû juger exorbitante cette proposition d’une internationale juive antifasciste dirigée par deux dirigeants juifs polonais de l’Internationale socialiste, installée à Moscou mais échappant au contrôle du Kremlin. Le 4 décembre 1941 il fait emprisonner puis condamner à mort Alter et Ehrlich mais se demande sans doute si les deux hommes ne pourraient pas être encore utiles car il diffère l’exécution de la décision.
Erlich se pend dans sa cellule le 12 mai 1942, Alter sera fusillé le 17 février 1943. La propagande stalinienne répondra à l’émotion suscitée aux Etats-Unis et ailleurs par leur disparition en les accusant de défaitisme face aux nazis !
Quant à Simon Doubnov, il avait quitté l’URSS en 1922, émigré en Lituanie puis en Allemagne, avant de se réfugier en 1937 à Riga où les soviétiques le laissent en paix quand ils envahissent la Lettonie mais où les nazis l’assassinent dès leur arrivée en juillet 1941.
Aujourd’hui, ce texte d’Erlich revêt une actualité supplémentaire au moment où le gouvernement polonais, dans sa tentative négationniste d’effacer le souvenir de l’antisémitisme brutal des gouvernements polonais (et de l’Eglise) des années 30, annule une rencontre prévue avec le chef du gouvernement israélien et trois autres chefs de gouvernement européens réactionnaires au motif que le Ministre des affaires étrangères israélien avait évoqué à la veille de la rencontre prévue cette page peu glorieuse.
*****
«Le sionisme est-il un mouvement libérateur?»
Par Henryk Erlich
« Si l’on examine la politique sioniste au cours des dernières années on arrive à la conclusion que ces gens ont perdu la tête et qu’en voulant sauver une étincelle des illusions sionistes, ils commettent des crimes contre les masses populaires juives plus grands les uns que les autres. Les dirigeants du mouvement sioniste ont commencé à jouer ouvertement la carte antisémite ! Leur esprit est envahi par la pensée folle de former un bloc des pays ayant des gouvernements antisémites comme alliés du sionisme, constituant une force pour « exercer une pression » sur le gouvernement britannique [10]. Afin de se gagner ces pays, les sionistes présentent aux membres de la Société des nations des « théories » qui coïncident totalement avec les « fondements théoriques » avancés par les « théoriciens » de l’antisémitisme comme base de leur politique d’éradication des Juifs. Que le professeur Doubnov lise l’annexe numéro un au mémorandum (aide-mémoire) adressé par l’« Agence juive à la Société des nations en septembre 1937, et il les persuadera qu’il en est bien ainsi.
Ainsi afin de ne pas irriter les représentants de ces pays les sionistes se retiennent, se retiennent consciemment, de signaler toutes les injustices auxquelles les Juifs sont soumis.
Septembre 1937 c’était le moment où la population juive de Roumanie était menacée de perdre sa citoyenneté et ses droits. En septembre 1937 la population juive de Varsovie vivait des jours douloureux. Et en septembre 1937 le représentant de la Pologne à Genève déclara – et ce pas pour la première fois – que les Juifs devraient quitter la Pologne. Les représentants les plus connus de l’Agence juive et du Congrès juif mondial « circulaient » alors dans les couloirs de la Société des Nations, mais pendant ces journées ces gentlemen n’ont pas prononcé un mot en défense des masses populaires juives en Europe. Et le ministre des affaires étrangères polonaises, Beck, pouvait livrer à la presse un communiqué, après une réunion avec le docteur Weizman, affirmant que le leader du mouvement sioniste, le Docteur Weizmann et lui, étaient parvenus à une compréhension totale et cordiale des problèmes de l’émigration juive.
Et ce que les sionistes font sur l’arène internationale c‘est aussi ce qu’ils font dans les pays où vivent les Juifs. Qui peut oublier la fameuse déclaration de Grynbaum en 1927 sur le « million de Juifs superflus » qui devaient quitter la Pologne. Qui peut oublier sa déclaration non moins fameuse de 1928 affirmant que « les Juifs souillent l’air en Pologne » ?
Mais les années 1927-1928 étaient des années paradisiaques comparées à notre époque. Certainement à cette époque le slogan « Les Juifs en Palestine » était populaire non seulement chez les sionistes mais aussi chez les antisémites. Néanmoins qui alors dans la société polonaise mettait alors en cause nos droits dans le pays ?
Commémoration à Paris, par personnes nées à Przytyk, du pogrome perpétré en 1936 dans cette ville
Huit années fatales ont passé et est arrivée l’année 1936 l’année des pogromes à Przytyk, Minsk-Mazowiecki et dans un grand nombre d’autres endroits. Le camp ouvertement fasciste en Pologne a non seulement prêché mais engagé une bataille économique d’extermination contre les Juifs, il a exigé une émigration forcée massive, des ghettos et des lois de Nuremberg pour les Juifs qui resteraient « temporairement » en Pologne. Et les fascistes ont par leurs déclarations et leurs actes fait appel à la force physique pour accélérer l’exode des Juifs hors de Pologne. Même le chef du gouvernement a déclaré : « la lutte économique pourquoi pas ? ». Les masses populaires juives sentaient leurs droits élémentaires de citoyens et d’être humains menacés et elles se sont mobilisées dans le combat pour défendre ces droits ce qui s’est traduit par la grève du 17 mars et la campagne de masse pour réunir le Congrès de lutte contre l’antisémitisme.
Et voilà que sur ces entrefaites trois gros bonnets sionistes, représentant les diverses factions sionistes, arrivent en Pologne : Ben Gourion, Grynbaum, Jabotinski. Comme un homme d’état, chacun d’eux a convoqué une conférence de presse destinée aux journalistes polonais et chacun d’eux, à sa manière a affirmé son accord à cent pour cent avec les groupes polonais antisémites.
Ben Gourion, membre de Poalé Zion, a déclaré que la seule solution de la question juive en Pologne était l’émigration. Mr Grynbaum des Sionistes généraux a déclaré que les juifs étaient effectivement une gêne pour les paysans polonais, pour les femmes des sergents polonais. Quant au « duce » juif Jabotinski il a déclaré que l’on devrait évacuer les Juifs de Pologne, et vite !
Chacune de ces déclarations a été un coup de tonnerre pour la population juive de Pologne. Mais toute la presse antisémite y a vu la plus haute expression d’une sagesse politique. Les journalistes sionistes polonais, à l’exception des plus stupides et des plus méprisés, se sont étranglés devant ces déclarations difficiles à avaler ! Mais la presse antisémite a déclaré que Ben Gourion Grynbaum et Jabotinski étaient les plus grands et même les seuls politiciens nationaux de la nation juive. Le journal antisémite Czas a même ouvert ses colonnes à la chérie du « duce » Jabotinski. L’antisémite Kurier Warzawski a présenté le livre de Jabotinski L’Etat juif quasiment comme le plus grand événement littéraire de notre époque ; Que voulez-vous de plus ? Le grand Julius Streicher [11] lui-même a reproduit un article de Grynbaum, accompagné du commentaire : « Ce Gynbaum est un honnête juif… »
Cela se passait en 1936. Nous sommes aujourd’hui en 1938. Le Conseil central de l’organisation Ozon [12] vient juste d’achever ses délibérations. Ce groupe a dans les faits pris la place de l’ancien parti de gouvernement qui s’est disloqué en 1935 [13]. Sa réunion a adopté un programme sur la question juive qui coïncide totalement avec le programme des groupes antisémites les plus virulents, le prétendu « Camp national ». La population juive en Pologne y est qualifiée de groupe d’« Etat supplémentaire », qui par sa seule existence » affaiblit le développement normal des forces nationales et étatiques polonaises et fait obstacle à l’évolution en cours en Pologne. » Aussi la participation des Juifs à la vie économique du pays doit-elle être réduite ; le nombre de juifs scolarisés doit être réduit ; on doit se prémunir contre les influences juives sur la culture polonaise. Tout cela doit faire l’objet d’une action légale appropriée. Mais tout cela n’est qu’une « solution » partielle du problème juif. Sa « solution fondamentale » est l’émigration : en Palestine ou ailleurs, car la Palestine seule est trop petite. Les commentaires de presse sont rédigés dans le traditionnel style de haine antisémite. Une seule vision de la vie juive a trouvé « une reconnaissance respectueuse » de la part des auteurs du programme et de ses commentaires… et c’est le sionisme.
Les sionistes ne vont pas tirer profit de ces compliments. Mais confrontée aux citations ci-dessous toute personne objective doit conclure qu’ils le méritent largement. (Traduit de l’anglais par Jean-Jacque Marie, responsable de la publication Cahiers du mouvement ouvrier. Texte envoyé à la rédaction de A l’Encontre par Jean-Jacques Marie, début mars 2019)
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1. David Ben Gourion (1886-1973), secrétaire général de la Histadrout (syndicat des travailleurs juifs de Palestine) de 1920 à 1935, créateur en 1919 de l’Akhdut Avoda (parti sioniste), fonde en 1930 le Mapaï (parti travailliste sioniste). Premier ministre d’Israël de 1948 à 1953 puis de 1955 à 1963.
2. Vladimir Jabotinski, fondateur de la Légion juive en Palestine pendant la première guerre mondiale, puis en 1925 du Parti révisionniste, organisation nationaliste qui contenait une aile fascisante, et de l’organisation clandestine armée dite la Haganah, puis de l’Irgoun, organisation pratiquant le terrorisme.
3. Itzak Grynbaum (1879-1970) membre des « sionistes généraux » courant dit libéral, proche de l’Organisation sioniste mondiale et auquel appartient Haïm Weizman, le président du congrès mondial juif. Sera le premier ministre de l’Intérieur de l’Etat d’Israël lors de sa fondation en 1948
4. Le Bund : parti ouvrier social-démocrate juif fondé en 1897, proche du courant menchévique de la social-démocratie russe (POSDR).
5. Pawel Korzec, Juifs en Pologne, p 260-261
6. Ibid p 264-265
7. Goebbels, Journal 1939-1942, p 185
8. Ibid p. 210
9. Ibid p. 456
10. Rappelons qu’à cette époque la Palestine était sous mandat britannique
11. Julius Streicher,( 1885-1946) directeur du quotidien violemment antisémite Der Stürmer de 1923 à 1945. Condamné à mort au procès de Nüremberg en 1946. Les tests pratiqués lors du procès lui attribuèrent le QI très bas de 106….
12. Ozon : formation politique gouvernementale d’orientation fascisante créée en 1937.
13. La mort en 1935 du chef du gouvernement polonais le maréchal Josef Pilsudski, fut en effet suivie de vives dissensions au sein du bloc gouvernemental qu’il avait constitué autour de sa personne.