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Comment Pénicaud a-t-elle pu invalider l’interdiction de licencier un syndicaliste ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La remise en cause, par la ministre du Travail, du véto délivré par l'inspection du travail contre le licenciement d'un représentant syndical au sein de SFR distribution relève d'un recours hiérarchique, prévu par la loi.
Question posée par L.Joseph le 02/04/2019
Bonjour,
Nous avons raccourci votre question, qui était rédigée ainsi : «Comment est-il possible dans un Etat dit démocratique que la ministre du Travail puisse invalider, sans le justifier, une décision interdisant le licenciement d’un délégué syndical ? Cette affaire passée sous silence dans Libération concerne le propriétaire du journal.»
Vous faites référence au récent accord donné par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, au licenciement par SFR distribution d’un de ses représentants syndicaux, contre l’avis de l’inspection du travail d’Ile-de-France.
L’affaire, expliquée en détail par Mediapart dans un long article, est la suivante. SFR distribution, gestionnaire des boutiques de l’opérateur téléphonique et appartenant au groupe Altice (également propriétaire de Libération), a procédé, au printemps 2018, au licenciement d’Antony Di Ponzio. Travaillant à la boutique SFR des Champs-Elysées, il est accusé de ne pas avoir respecté le planning des horaires de travail. Une accusation contestée par Di Ponzio, qui met en avant ses activités syndicales pour expliquer la décision de la direction.
L’homme, en effet, est aussi représentant de la section syndicale SUD au sein de SFR distribution. Un titre accordé aux responsables de syndicats considérés comme non représentatifs car n’ayant pas encore participé aux élections dans l’entreprise ou n’ayant pas atteint la barre minimale des 10% aux dernières élections. Mais qui n’en confère pas moins le statut de salarié protégé, comme en bénéficient les élus au CSE (comité social et économique, ex-CE) ou encore les délégués syndicaux.
Pour s’en séparer, l’entreprise a donc dû solliciter une autorisation auprès de l’inspection du travail. Autorisation que cette dernière a refusée, considérant, comme l’explique Mediapart, que la faute reprochée n’était «pas suffisante pour justifier un licenciement». Pour l’inspection, c’est au contraire son activité syndicale au sein de l’entreprise, depuis qu’il a adhéré à SUD en 2015, qui serait à l’origine de son renvoi.
En juillet 2018, SFR distribution entame donc un recours hiérarchique auprès de la ministre du Travail, comme la loi le prévoit, contre la décision de refus de l’inspectrice du travail en charge du dossier. La décision, rendue fin mars après une nouvelle étude du dossier par la direction générale du travail (DGT), donne raison à l’entreprise, considérant la question du non-respect du planning comme un motif valable de licenciement de Di Ponzio.
A ce stade, le seul recours qu’il reste au représentant SUD est une action devant le tribunal administratif, afin de faire annuler la décision délivrée par la DGT au nom de la ministre. Une démarche que son avocat a d’ores et déjà entreprise.
Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, cette possibilité donnée au ministère d’invalider une décision d’un de ses fonctionnaires relève donc tout simplement du droit. Cette procédure fonctionne d’ailleurs dans les deux sens : un salarié protégé peut lui aussi faire un recours hiérarchique pour demander l’annulation d’une autorisation de licenciement qui aurait été accordée par l’inspection du travail.
A noter, enfin, que cette remise en cause d’une décision d’interdire le licenciement d’un salarié protégé par le ministère n’est pas rare. Il y a un an, Muriel Pénicaud approuvait, contre l’avis de l’inspection du travail, le licenciement de Gaël Quirante, secrétaire du syndicat SUD PTT dans les Hauts-de-Seine. En août 2017, même chose pour un salarié protégé FO d’une entreprise de Haute-Loire, ICS, dont le renvoi avait été repoussé par l’inspection. On peut enfin citer l’affaire de la chemise arrachée du DRH d’Air France, qui avait conduit la ministre du Travail de l’époque, Myriam El Khomri, a finalement autorisé le licenciement d’un des salariés protégés dont l’inspection du travail avait refusé le renvoi.