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La menace fasciste en France

Lien publiée le 5 avril 2019

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La menace fasciste en France

Les dérives racistes et sécuritaires des gouvernements français alimentent un renouveau du fascisme. Il semble important de comprendre ce phénomène pour mieux le combattre. 

Chasse aux migrants, lois sécuritaires, idéologies identitaires et réactionnaires,racisme anti-musulman : la France connaît une période sombre. Depuis la crise de 2008, la population s’appauvrit et les politiques libérales s’accentuent. L’extrême-droite ne cesse de progresser aux élections, et semble même se banaliser. Mais la menace d'un péril fasciste ne provoque que l’indifférence.

L’antiracisme moral et républicain, avec son front antifasciste qui regroupe les partis de la vieille gauche, se révèle impuissant. Le Parti socialiste a trop joué sur l’antifascisme pour des raisons bassement électoralistes. Mais un antifascisme autonome peut émerger pour combattre les politiques néolibérales, autoritaires et racistes. Le sociologue Ugo Palheta propose ses réflexions dans le livre La possibilité du fascisme.

                                              

Décomposition politique

Le concept de fascisme semble usé. Il désigne un ennemi, mais ne permet pas de comprendre un phénomène. C’est devenu davantage une injure politique que la description d’une réalité. Le populisme reste un concept confusionniste qui amalgame extrême-droite et extrême-gauche. Le Front National (FN) se réjouit d’être qualifié de populiste. Ce parti n’est plus qualifié de fasciste et parvient ainsi à effacer ses origines. Au contraire, le qualificatif de populiste permet au FN de se placer du côté du peuple.

Le fascisme repose sur une idéologie qui mêle autoritarisme, nationalisme et xénophobie. Mais le fascisme s’appuie également sur des pratiques, notamment la répression du mouvement ouvrier pour défendre le capitalisme. Le fascisme n’est pas une simple milice armée au service du patronat pour s’opposer aux forces révolutionnaires. Ce réductionnisme économique ne prend pas en compte la dynamique politique et idéologique du fascisme. Néanmoins, la montée de l’extrême-droite peut s’expliquer par un contexte de crise sociale et politique.

La crise de 2008 débouche paradoxalement vers des réformes néolibérales. Le droit du travail ne cesse de se réduire et les classes populaires continuent de s’appauvrir. Les inégalités ne cessent de s’accentuer. Le Parti socialiste a mené des politiques néolibérales qui s’opposent aux attentes de son électorat. Aux élections de 2017 et après le mouvement contre la loi Travail, il a finit par s’effondrer. La droite reste tiraillée entre un courant néolibéral majoritaire et une tendance gaulliste. La bourgeoisie semble s’orienter vers une idéologie néolibérale, avec une dimension raciste et autoritaire.

Emmanuel Macron devient président dans ce contexte de décomposition politique. Mais il s’appuie sur une minorité de la population, avec moins de 30% des suffrages au premier tour des législatives. Le nouveau pouvoir s’appuie sur une base sociale réduite, composée de patrons, de cadres et de professions libérales.

 Le Conseil de l'Europe ne veut plus des lanceurs de balles de défense.

Etat autoritaire et racisme

Thatcher, Reagan et Pinochet incarnent un tournant néolibéral-autoritaire. La France subit également une crise de la démocratie parlementaire, avec des lois votées de manière expéditive. Le capitalisme ne s’accompagne pas forcément de la démocratie. Les libertés ont été arrachées par des révoltes sociales. Mais le capitalisme se développe à travers l’esclavage puis la colonisation. L’exploitation repose sur la domination sociale et la contrainte des salariés.

En novembre 2015, après les attentats, le gouvernement impose l’état d’urgence avec des assignations à résidence et des perquisitions brutales. Les habitants des quartiers populaires et les militants des mouvements sociaux sont particulièrement visés. L’état d’urgence débouche également vers la répression de la contestation sociale, avec des violences policières. Les partis de droite et de gauche s’accordent sur ces politiques sécuritaires.

Dans les années 1970, le néolibéralisme apparaît comme la réponse autoritaire à la contestation des années 1968. Les droits sociaux et les libertés politiques se réduisent pour mettre au pas un prolétariat trop agité. La démocratie autoritaire préserve l’Etat de droit, contrairement au fascisme. Néanmoins, des politiques sécuritaires peuvent préparer le recours ultime au fascisme. La bourgeoisie banalise la répression et les procédures d’exception. La population s’habitue progressivement à la limitation de ses libertés. L’apathie prime sur la révolte. Ensuite, la législation sécuritaire peut permettre au fascisme de s’installer dans un parfait respect de la légalité.

L’idéologie néolibérale reste minoritaire. Les classes populaires rejettent des politiques qui s’opposent à leurs intérêts. Nicolas Sarkozy préfère mettre en avant des valeurs comme le travail ou la famille. Surtout, il s’appuie sur le racisme. L’appauvrissement n’est plus lié aux inégalités sociales mais aux immigrés. L’idéologie raciste permet de justifier les inégalités professionnelles, la ségrégation de l’espace, du travail et de l’école. Le FN relie l’immigration et l’insécurité. Ce discours est reprit par la droite, puis par la gauche.

Un nouveau racisme attaque une « communauté musulmane » qui serait opposée à la « communauté nationale » et aux valeurs de la République. Les personnes musulmanes sont accusées de ne pas bien s’intégrer. La laïcité devient un prétexte au racisme. Les femmes voilées sont particulièrement stigmatisées. L’extrême-droite remplace le vieux racisme biologique par un racisme identitaire et culturaliste. 
Les marxistes négligent le rôle de l’idéologie dans le développement du fascisme. L’extrême-droite est réduite à sa dimension économique et sociale avec son rôle de défense autoritaire du capitalisme. Néanmoins, le marxisme permet de ne pas séparer capitalisme et démocratie.

                   

        

Fascisme et Front national

Le FN n’est pas considéré comme un parti néofasciste. Il est souvent qualifié de populiste, ce qui permet d’atténuer son idéologie raciste. En plus, le FN passe pour le parti du peuple, même si sa sociologie regroupe surtout des patrons et des professions libérales. Le FN reste une création de militants néofascistes qui cherchent à élargir leur base sociale. François Duprat, idéologue national-socialiste, est d’ailleurs à l’origine de l’évolution du discours du FN. Il permet de passer de l’anticommunisme, qui reste un socle majeur, à une dénonciation de l’immigration.

L’électorat du FN s’apparente plus à un conglomérat qu’à un groupe social homogène. C’est loin d’être un « parti ouvrier », comme le présente la propagande médiatique. Sa base électorale est composée des petits patrons et des fractions conservatrices de la bourgeoisie. L’extrême-droite reste éloignée des préoccupations des salariés et des classes populaires. La direction du FN comprend des patrons, des professions libérales et des cadres du privé. Les employés et ouvriers y sont presque inexistants. Néanmoins, une partie des classes populaires soumise aux idées racistes vote pour l’extrême-droite.

Le FN abandonne son discours néolibéral. Il s’inscrit dans une perspective protectionniste et valorise davantage l’intervention de l’Etat dans l’économie. Néanmoins, le FN se garde bien de remettre en cause l’exploitation et d’égratigner le pouvoir des patrons dans les entreprises. La clientèle de l’extrême-droite repose d’ailleurs sur les petits patrons qui sont valorisés contre les multinationales. Pourtant, les conditions de travail dans les petites entreprises sont souvent plus brutales.

Surtout, le fascisme s’appuie sur un opportunisme économique qui peut s’adapter à l’air du temps. Néanmoins, une fois au pouvoir, les fascistes imposent une politique autoritaire au service des patrons. Le FN existe surtout sur la scène électorale et médiatique. Mais ce n’est pas encore un parti fasciste implanté dans la population à travers des milices. Néanmoins, le FN gagne en influence au sein de la police et de l’appareil répressif de l’Etat.

Pour lutter contre le danger fasciste, plusieurs impasses stratégiques sont à éviter. L’antifascisme bourgeois se réduit à un « front républicain » qui passe par les élections. Cette démarche repose sur une forte confiance dans les institutions démocratiques et la légalité républicaine. Néanmoins, l’histoire du fascisme montre bien que l’Etat démocratique n’est pas un rempart solide. Ensuite, il faut éviter de minimiser le fascisme, comme peut le faire Eric Hazan. Toute complaisance avec l’extrême-droite peut se révéler dangereuse.

  

Lutter contre le fascisme

Ugo Palheta propose un livre stimulant qui permet d’ouvrir des débats et des pistes de réflexion. Le sociologue et militant du NPA tente d’associer les sciences sociales avec la stratégie politique. Son analyse du fascisme ne se réduit pas à la description de groupuscules. Il présente un véritable panorama de la situation en France. Le fascisme découle d’une évolution de l’ensemble de la société. Ainsi, il ne faut pas réduire l’antifascisme à une lutte spécialisée et séparée des autres mouvements sociaux. Ugo Palheta propose surtout une analyse des politiques de l’Etat en France. Cette approche transversale permet de comprendre la situation actuelle pour mieux agir.

Néanmoins, le livre d’Ugo Palheta présente quelques limites. Ses points de vue tranchés permettent de remettre en cause quelques théories à la mode. Il propose des critiques brillantes de diverses analyses. C’est évidemment dans les théories qu’il défend qu’Ugo Palheta se fourvoie. Il reprend quelques lieux communs du petit milieu gaucho-citoyenniste. Le militant gauchiste fait allégeance à l’idéologie décoloniale, sans le moindre recul critique. Il se réfère à Houria Bouteldja et à sa clique du PIR. Faire l’impasse sur les idées antisémites, homophobes et misogynes de ce courant relève de l’aveuglement. Pour un livre sur le fascisme, c’est fâcheux.

Plus sérieusement, Ugo Palheta se réfère à l’analyse de la société divisée entre différentes races. Il élude l’analyse de classe et les clivages sociaux qui traversent le « bloc blanc » et surtout celui des « racisé.e.s ». La lutte des races remplace la lutte des classes, dans une fantasmagorie militante assez déconnectée du monde réel. L’affirmation identitaire ne permet pas de lutter contre le fascisme. C’est au contraire le refus des assignations et des positions sociales qui doivent permettre une perspective émancipatrice.

Ensuite, Ugo Palheta évoque peu la diffusion des idées réactionnaires au sein des classes populaires. Il admet que l’électorat du FN est raciste. Néanmoins, le sociologue écarte la théorie de la personnalité autoritaire, portée par Adorno etWilhelm Reich. Selon cette approche, les idées réactionnaires sont diffusées par des institutions sociales comme la famillel’écolele travail ou encore la religion. En bon idéologue réformiste, Ugo Palheta ne propose aucune remise en cause de ses institutions. Ses œillères sous-gauchistes l’empêchent également d’évoquer l’antisémitisme et les théories du complot. Sans doute pour ne pas fâcher ses amis décoloniaux.

Mais Ugo Palheta relaie également les idées d’un autre courant politique. Il ne cesse de se référer à Cédric Durand, un économiste souverainiste qui incarne bienle nationalisme de gauche. Dans sa critique du néolibéralisme, le sociologue relaie quelques lieux communs républicains. Ugo Palheta prend davantage de précautions et manie un peu plus la nuance pour défendre ce courant. Néanmoins, il ne se réfère pas à l’analyse de classe et à la critique du capitalisme. Il se contente de fustiger le néolibéralisme. Ce ne sont pas les exploiteurs et les patrons qui sont attaqués mais l’oligarchie, la finance, l’Union européenne et même la commission Trilatérale. Ugo Palheta incarne cette gauche du capital qui se bat pour un capitalisme à visage humain avec une régulation de la finance. La dérive d'unJacques Sapir révèle la porosité de ce courant avec l'extrême droite. 

Cet attelage étonnant de républicanisme et de décolonialisme se retrouve dans la proposition d’Ugo Palheta pour lutter contre le fascisme. Là encore, il démonte bien les impasses stratégiques. Mais la piste qu’il propose se révèle peu ragoutante. C’est un mélange d’orthodoxie trotskiste et de gauchisme postmoderne. Ugo Palheta propose un front unitaire, comme les trotskistes. Mais ce conglomérat doit se composer de divers collectifs spécialisés. Une addition des minorités doit même composer un « bloc subalterne », évidemment électoraliste.

Mais la révolution n’est pas un séminaire d’université. Ce n’est pas une succession de paroles séparées et juxtaposées qui peuvent permettre de penser l’émancipation. Une révolte sociale ne découle d’une simple addition des minorités segmentées. C’est une dynamique sociale et politique globale qui doit s’appuyer sur uneautonomie des luttes, contre les institutions, dans une perspective de rupture avec l’Etat et le capitalisme.

Source : Ugo Palheta, La possibilité du fascisme. France, la trajectoire du désastre, La Découverte, 2018

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Pour aller plus loin :

Vidéo : L'Entretien Libre #17, La possibilité du fascisme - Ugo Palheta, mis en ligne sur le site Le Média le 21 septembre 2018

Vidéo : Ugo Palheta : "Il y a un risque de fascisation accélérée du régime en Italie", mis en ligne sur le site de la revue Regards le 11 octobre 2018

Vidéo : Manuel Cervera-Marzal, émission avec Ugo Palheta sur le site Hors-Série le 1er septembre 2018 

Vidéo : Entretien avec Ugo Palheta, auteur de « La possibilité du Fascisme », mise en ligne sur le site Le fil en commun le 11 mars 2019

Vidéo : La Possibilité du fascisme (Ugo Palheta), mis en ligne sur le site Le labo de la légiste le 26 novembre 2018 

Radio : Union rationaliste - La possibilité du fascisme : France, la trajectoire du désastre, émission diffusée sur France Culture le 23 septembre 2018 

Radio : La possibilité du fascisme avec Ugo Palheta, émission Les oreilles loin du front mis en ligne le 16 janvier 2019 

Radio : "La possibilité du fascisme": Rencontre avec Ugo Palheta, publié sur le site Radio Parleur le 25 octobre 2018 

Radio : Ugo Palheta - Résurgence du fascisme en Europe, mis en ligne sur le site Euradio le 29 novembre 2018

Radio : Allez savoir ! La possibilité du fascisme, conférence de Ugo Palheta, mis en ligne sue le site de Radio Pays d'Hérault le 6 février 2019

Radio : Meeting pour Clément Méric, avec Ugo Palheta, mis en ligne sur le site de Radio Parleur le 30 septembre 2018 

Radio : Affaire Clément Méric : le fond de l'air est noir, émission Comme un bruit qui court diffusée sur France Inter le 8 septembre 2018

Revue de presse publiée sur le blog d'Ugo Palheta 

Cuervo, Lire : Palheta, « La Possibilité du fascisme », publié dans le journal Alternative libertaire N°289 de décembre 2018 

Nicolas Patin, Bien nommer le mal, publié dans la revue en ligne La Vie des idées le 22 octobre 2018 

Gabriel Cardoen et Florian Klein, La trajectoire d’un désastre prévisible et résistible : à propos de La possibilité du fascisme d’Ugo Palheta, publié sur le site d’Autonomie de Classe – A2C le 14 janvier 2019 

L’marrakchi, Note de lecture publié sur le site du Parti des indigènes de la république 

Note de lecture publiée sur le site de Bibliothèque Fahrenheit 451

Articles d'Ugo Palheta publiés sur le site de la revue Contretemps

Articles d'Ugo Palheta publiés sur le site Presse-toi à gauche ! 

Articles d'Ugo Palheta publiés dans la revue en ligne La Vie des idées 

Articles d'Ugo Palheta publiés dans le journal en ligne Basta  

Articles d'Ugo Palheta publiés sur le site Acrimed  

Articles d'Ugo Palheta publiés sur le site Anti-K 

Articles d'Ugo Palheta publiés dans le Portail Cairn