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1er Mai : «L’anticapitalisme du Black Bloc fait écho à la critique du système par les gilets jaunes»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Des Black Blocs lors du défilé du 1er mai 2018 à Paris. Photo Thomas Samsun. AFP
La manifestation de ce mercredi pourrait être l'acmé de la convergence entre l'ultra-gauche et certains gilets jaunes qui ont vécu l'expérience des violences policières.
La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix… en gilet jaune. Quel visage aura le XXVe acte, mixé à la journée internationale des travailleurs ? Sur Facebook, les appels à manifester se multiplient en vue d’une journée du 1er Mai déjà qualifiée d’«historique», de «moment clef», de «date charnière». Vraisemblablement à l’œuvre depuis plusieurs semaines, la convergence des luttes entre les gilets jaunes et l’ultra-gauche va-t-elle atteindre son acmé ?
D’un côté, des groupes comme Gilet Jaune Demain appellent «à rallier la ou les manifestations déclarées» car, estime une autre une page régionale, «il y aura largement de quoi faire tout en restant dans les clous». De l’autre, certains groupes Facebook, dont Black Bloc France, appellent de leurs vœux cette union pour «un 1er Mai en jaune et noir». Les commentaires sur la page attestent, sinon de la convergence, du moins de la sympathie de certains gilets jaunes pour les militants autonomes, anars ou libertaires vêtus de noirs : «Merci les BB, je vous découvre et j’ai un profond respect de votre philosophie.» «Je suis pas un Block Block (sic), je suis un Yellow Block on sera avec vous.» Ou encore : «Bravo à vous, vous êtes des courageux. Nous les gilets jaunes, nous avons besoin de votre aide et présence.»
Cortège de tête
Mercredi, des gilets jaunes pourraient même rejoindre le cortège de tête, cette pratique apparue depuis la mobilisation contre la loi travail de 2016, qui consiste à se positionner à l’avant-même du défilé syndical. Des collectifs encouragent «à prendre la tête du cortège parisien, munis d’un gilet jaune». Ainsi, le groupe Cerveaux non disponibles espère une «tête de cortège jaune et noire», et entend mener plusieurs actions comme «un "Benalla bloc" dans le cortège de tête et un apéro place de la Contrescarpe en fin de journée» pour fêter le premier anniversaire de l’affaire. C’est en effet en marge du défilé du 1er mai 2018 que l’ex-collaborateur de l’Elysée avait commis des violences à l’encontre d’un jeune couple.
Cette «rencontre improbable» entre les gilets jaunes et Black Bloc, qui «débouche sur des liaisons dangereuses du point de vue des autorités», est principalement née d’une «expérience intime de la violence policière», explique Hugo Melchior, doctorant en histoire contemporaine à Rennes-II. Pour ce spécialiste des mouvements de jeunesses révolutionnaires, ces citoyens, pour la plupart néophytes en matière d’engagement politique, ont découvert une violence à laquelle ils n’avaient jamais été confrontés auparavant. Au fil des actes, certains en sont donc venus naturellement «à s’inspirer des modes d’action et d’apparitions dans l’espace public, qui sont l’apanage du Black Bloc, notamment pour se prémunir de déviances policières et d’une répression dont ils ont pu être eux-mêmes les victimes».
Justice sociale, fiscale et environnementale
Ainsi de cet homme travaillant dans le bâtiment, dont l’Obs a dressé le portrait : «On rangeait nos gilets jaunes dans le coffre de la voiture, on s’est fait matraquer par les flics sans raison. Ça a été la fois de trop. J’ai compris que marcher pour marcher, ça n’allait pas suffir.» Pour Guillaume (1), militant antifasciste de 25 ans, qui sera dans le Black Bloc mercredi, cette convergence entre gilets jaunes et militants radicaux n’a rien de surprenant : «Nous luttons pour les mêmes choses : la justice sociale, fiscale et environnementale, ainsi que pour la chute d’Emmanuel Macron. L’anticapitalisme du Black Bloc fait écho à la critique du système par les gilets jaunes.»
Dès lors, le 1er mai 2019 ressemblera-t-il au 1er mai 2018, marqué par des violences et des dégradations ? C’est en tout cas la crainte des autorités. L’an dernier, 14 500 personnes avaient manifesté dans la capitale, parmi lesquelles 1 200 personnes du Black Bloc, selon la police. Cette année encore, des militants radicaux sont attendus en provenance de plusieurs pays européens. Dans une note de la Direction de la sécurité de proximité et de l’agglomération parisienne (DSPAP), que Libération a pu consulter, il est notamment précisé qu’en matière de contrôles préventifs – effectués dès le mardi à 18 heures – «une attention toute particulière sera accordée […] aux trains en provenance de l’étranger».
Lundi soir, le nouveau préfet de police, Didier Lallement, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, ainsi que le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, se sont réunis pour commencer à élaborer l’imposant dispositif de sécurité. Depuis l’arrivée de Lallement, la doctrine du maintien de l’ordre s’est nettement durcie : zone d’interdiction de manifester, utilisation de drones, multiplication des brigades de répression de l’action violente à motos (Brav)… Comme l’an dernier, la préfecture de police de Paris a pris un arrêté obligeant tous les commerces et restaurants installés sur le parcours du défilé intersyndical «à fermer leur établissement le temps de la manifestation», à se protéger «contre les dégradations et les pillages», et à ranger tout mobilier «pouvant servir de projectile ou d’arme par destination».
(1) Le prénom a été modifié