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Le temps des maisons Phénix

Lien publiée le 4 mai 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.anti-k.org/2019/05/04/histoire-le-temps-des-maisons-phenix/

Alternatives économiques, 2 mai 2019

Grâce à Maisons Phénix, plus de 200 000 ménages modestes ont accédé à la propriété d’un pavillon à faible coût. Et de faible qualité.

« Avec Phénix, vous pouvez réaliser le plus beau de vos rêves d’enfant : avoir une maison. » Cette publicité des années 1980 fait écho à ce que toutes les enquêtes mettent en évidence : les Français rêvent de posséder une maison individuelle avec un jardin.

Dès 1947, dans un sondage sur les « désirs des Français en matière d’habitation urbaine », l’Institut national d’études démographiques (Ined) mettait en avant ce résultat. Et la demande est forte dans les années d’après-guerre, car la France est à reconstruire.

Tout d’une automobile

L’entreprise Maisons Phénix est justement fondée en 1945 par l’ingénieur André Pux. Il construit selon un procédé venu d’Angleterre : une structure en acier, des parois en plaques de béton, le tout préfabriqué en usine et monté rapidement. Des commandes publiques lui permettent de démarrer avec des bâtiments pour héberger des ouvriers de la reconstruction.

A Creil, 48 maisons sortent de terre en 1949. Le 1er février 1954, une femme meurt gelée sur un trottoir de Paris lors d’un hiver particulièrement glacial, suscitant l’appel de l’abbé Pierre en faveur des sans-logis. Maisons Phénix reçoit une commande de l’Etat pour des « logements économiques de première nécessité » et construit 829 maisons en région parisienne.

L’entreprise va alors monter en puissance en prospectant les familles modestes qui aspirent à accéder à la propriété. Et ça ne marche pas trop mal : en 1970, près de 15 000 maisons Phénix ont été vendues. Le boom est pour les années suivantes : plus de 10 000 maisons construites, chaque année, entre 1975 et 1981, culminant à 14 400 en 1978. Maisons Phénix est le leader des Trente Glorieuses de la maison individuelle, avec 10 % des constructions réalisées au début des années 1980, devant le Groupe Maison Familiale (GMF, fondé en 1949).

Maisons Phénix est le leader des Trente Glorieuses de la maison individuelle, avec 10 % des constructions réalisées au début des années 1980

L’entreprise est le champion de la maison bon marché bas de gamme. Si elle fait appel à l’occasion à des architectes de renom (Jacques Riot en 1954, Paul Chemetov dans les années 1990, Jacques Ferrier dans les années 2000, l’agence Lacoste aujourd’hui), ses maisons vendues sur catalogue sont d’abord des réalisations industrielles. En forçant le trait, elles s’inscrivent dans un mouvement qui vise, comme l’écrivait dans les années 1930 Le Corbusier, à produire des bâtiments « comme Ford assemble sur ses tapis roulants les pièces de ses automobiles »1.

Les charpentes métalliques sont produites depuis soixante-dix ans dans son usine près d’Amboise (Indre-et-Loire), les dalles de béton dans deux usines (actuellement dans la Sarthe et dans l’Oise). Le chantier de construction du gros œuvre de la maison dure de deux à trois semaines seulement : pas de grue ; pièces de charpentes, panneaux de béton et de plâtre, huisserie métallique, tout est porté et assemblé par deux « compagnons », spécialement formés au montage dans l’école de l’entreprise. Le second œuvre (électricité, plomberie, etc.) est confié à des sous-traitants locaux formés pour installer des réseaux prêts à l’emploi, des « pieuvres » électriques et hydrauliques conçues pour les maisons Phénix. La maison est livrée finie au bout de quatre à six mois. Le choix des modèles est, au départ, très restreint, ce qui permet d’abaisser encore les coûts de production par la standardisation.

« Finalement, ça ne nous revient pas plus cher d’être propriétaires », clament les publicités de Phénix avec l’image d’une famille heureuse. Et d’ajouter : « Achetez une maison qui vous laisse de quoi acheter du terrain », que les commerciaux de Phénix recherchent ou proposent en fonction des attentes des clients en matière de prix et de localisation. Ils les aident aussi à financer leur acquisition, à obtenir des prêts bonifiés par l’Etat : « On s’était fixé un budget : c’est Phénix qui nous a fait bénéficier des taux les plus avantageux », dit encore la publicité !

La concurrence arrive

Dans les années 1960-1980, ces commerciaux font merveille. Le sociologue Pierre Bourdieu et son équipe montrent qu’ils sont issus des mêmes milieux populaires que leurs clients et, mieux que d’autres, capables de saisir leurs aspirations comme leurs appréhensions. Une enquête de 1981 précise la répartition de la clientèle : 45 % d’ouvriers, 34 % d’employés et de cadres moyens, 17 % d’artisans et petits commerçants, 11 % de retraités.

Les années 1980-1990 sont beaucoup plus difficiles. La clientèle « veut avoir la sensation de construire sa maison et de choisir complètement ce qu’elle veut »,reconnaît-on alors chez Phénix. Et elle veut une maison qui a l’air plus artisanale, plus traditionnelle. Ce qui favorise les PME locales, le groupe des Architectes bâtisseurs fondé en 1981, ou Maisons Bouygues, fondée en 1979 et qui adopte le slogan permettant de masquer l’aspect industriel derrière l’artisan : « La maison du maçon. »

Aujourd’hui, Maisons Phénix vend modestement 2 000 maisons l’an, les plus chères sont à haute performance énergétique

Phénix va dès lors s’appliquer à habiller sa maison industrielle avec du traditionnel, diversifier ses modèles et les options autour des mêmes châssis, pour poursuivre l’analogie avec l’automobile. Tout en se conformant aux nouvelles normes énergétiques (mises en place, petit à petit, à partir de 1974).

Aujourd’hui, Maisons Phénix vend modestement 2 000 maisons l’an, les plus chères sont à haute performance énergétique. Intégrée dans Geoxia aux côtés de Maison familiale et Maison Castor, sa branche Phénix Evolution se consacre à la dure tâche de trouver des solutions de rénovation industrialisables, à prix abordable, pour les propriétaires des dizaines de milliers de maisons vieilles, pour la grande majorité, de plus de trente ans. De véritables passoires thermiques2

GÉRARD VINDT

  • 1.Voir l’exposition « L’art du chantier », partie « Mécanisation et industrialisation ». On peut y observer, entre autres, des photos d’une usine de panneaux préfabriqués à Saint-Priest (Rhône), inaugurée en 1965.
  • 2.Cet article s’inscrit dans le cadre d’un partenariat entre Alternatives Economiques et la Cité de l’architecture et du patrimoine à l’occasion de l’exposition « L’art du chantier, construire et démolir du XVIe au XXIe siècle », à voir du 9 novembre 2018 au 11 mars 2019 au Palais de Chaillot, 12 place du Trocadéro, 75016 Paris, site Internet : www.citedelarchitecture.fr.