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Livre: Paul Roussenq, Le Beau voyage

Lien publiée le 5 mai 2019

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https://dissidences.hypotheses.org/12163

Paul Roussenq, Le Beau voyage, Saint-Dié-des-Vosges, Les éditions de la Pigne, préface de Jean-Marc Delpech, 2018, 125 pages, 8 €.

Un compte rendu de Jean-Guillaume Lanuque

Paul Roussenq est une figure de l’anarchisme surtout connue pour son expérience du bagne (voir par exemple L’Enfer du bagne chez Libertalia). Né en 1885, il a très tôt goûté à la prison. Durant son service militaire, sa révolte à l’égard de ses supérieurs et de la discipline le conduit dans les bataillons disciplinaires, avant d’être condamné à vingt ans de bagne en Guyane. Loin de rentrer dans le rang, il conteste encore et encore l’autorité, subissant plus de 4 000 jours de cachot ! L’insoumission faite homme. Finalement libéré, il est contraint de demeurer sur place, vivant de son activité d’écrivain public. Ce n’est qu’au début des années 1930 qu’à l’occasion d’une procédure d’amnistie générale, il rentre en métropole. L’action en sa faveur du Secours rouge international (SRI) l’amene à participer à toute une série de meetings organisés par le PCF, et à voyager en URSS au cours de l’année 1933, d’août à novembre.

L’Humanité, 31 décembre 1932, en Une.

A son issue, il rédige un récit, édité en 1935 par le Parti, dans lequel il avait été invité à valider un certain nombre de suppressions. La présente édition, richement présentée par Jean-Marc Delpech, propose donc le texte intégral de cette brochure, complété par les notes publiées peu de temps après dans Terre libre, publication anarchiste, qui livraient ses considérations les plus critiques, celles-là même qui avaient été censurées. La lecture de A l’ombre du drapeau rougedonne à plusieurs reprises l’impression de lire un texte réécrit aux couleurs de la propagande la plus éhontée. Outre la préface de Marcel Cachin et une conclusion lourdement apologétique, on note des considérations dithyrambiques sur Lénine (« (…) puissant génie (…) réalisateur sublime (…) apôtre de génie (…) », p. 34), Dzerjinski (« (…) grand apôtre de la régénération de l’enfance abandonnée (…) l’un des plus grands bienfaiteurs de l’humanité. », p. 75), et des remarques attendues sur les ouvriers, vrais privilégiés du régime.

Des notations sur diverses étapes d’un voyage axé sur les réalisations du « socialisme » (usines, kolkhoze prospère, le tout nourri d’un grand nombre de chiffres) et menant le groupe de Moscou à Léningrad, en passant par la Volga, Stalingrad et l’Ukraine, témoignent de davantage d’authenticité : la visite d’une prison de Moscou ou d’une usine à Gorki se concluent à la fois par des constations positives et des propositions d’amélioration concernant la qualité de la nourriture ou celle des logements ouvriers, par exemple. Cette dimension est bien sûr plus largement évoquée dans Terre libre. Sont alors soulignés la privation de liberté, la forte présence de la police politique, le niveau de vie médiocre, la bureaucratie parasitaire et privilégiée, ou encore la fouille des ouvriers au sortir des usines pour éviter les vols. Aux yeux de Paul Roussenq, l’URSS qu’il visite « s’embourgeoise » (p. 118), ce qui ne l’empêche pas de s’enthousiasmer pour une jeunesse pleine de dynamisme, ou pour ces conquêtes que sont la place essentielle accordée aux enfants, la fin de l’analphabétisme ou celle de la religion. Ce témoignage de Paul Roussenq prouve donc que l’on pouvait être anarchiste et porter un regard nuancé sur la réalité de l’URSS de Staline. L’homme subira encore l’emprisonnement dans des camps au cours de la Seconde Guerre mondiale, avant de mettre fin à ses jours à Bayonne, en 1949, comme un ultime pied-de-nez adressé à la société bourgeoise…