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Au congrès de la CGT, la crise des gilets jaunes entre les lignes

CGT

Lien publiée le 17 mai 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.liberation.fr/france/2019/05/16/au-congres-de-la-cgt-la-crise-des-gilets-jaunes-entre-les-lignes_1727522

Au rassemblement de la Confédération générale du travail, qui se tient depuis lundi à Dijon, Philippe Martinez doit être réélu ce vendredi à la tête de l’organisation.Alimenté par la défiance des Français vis-à-vis des syndicats, le conflit entre les partisans de la négociation et ceux de la grève générale bat son plein.

C’est l’invité surprise de ce 52e congrès de la CGT : le gilet jaune. A Dijon, où près de 1 000 délégués de la centrale sont réunis depuis lundi pour faire le bilan des trois dernières années et définir ses nouvelles orientations, ils sont plusieurs à avoir évoqué ce nouvel acteur de la contestation sociale à la tribune. Né hors de tout cadre syndical, le mouvement a valu quelques secousses au syndicat de Philippe Martinez. Sans toutefois trop déstabiliser le secrétaire général sortant, seul candidat à sa succession. Jeudi, ce dernier a été élu en fin de journée à la commission exécutive confédérale, sorte de gouvernement de la CGT. Prochaine étape ce vendredi : l’ancien métallo devrait être conforté à la tête de l’organisation. Au cours de cette semaine de débats bourguignons, ce dernier a toutefois reçu quelques coups de semonce.

Mardi, le rapport d’activité de la centrale, dans lequel les gilets jaunes ne sont jamais mentionnés, a été adopté par les congressistes à seulement 71 %. L’abstention, elle, a frôlé les 15 %. Pas de référence non plus aux occupants des ronds-points dans le document d’orientation, fixant la stratégie du syndicat, malgré des amendements déposés par des cégétistes en ce sens. «Nous n’avons pas souhaité focaliser sur les gilets jaunes […] car d’autres mouvements dits "citoyens" […] méritent tout autant notre attention», a justifié à la tribune du congrès un défenseur du texte, dont la version initiale avait été rédigée avant novembre 2018. Reste que le dit document d’orientation n’a recueilli que 70,63 % de votes favorables jeudi. C’est certes à peine mieux qu’il y a trois ans (70,3 %), mais loin d’être un plébiscite.

Entre-temps, la direction confédérale s’est aussi vu imposer un changement de taille par sa base : un amendement faisant référence à la Fédération syndicale mondiale (FSM), l’organisation syndicale internationale proche des communistes, que la centrale avait quittée en 1995, a été adopté et ajouté au document d’orientation. Philippe Martinez était défavorable à ce rapprochement. Malmenée par un gouvernement jusqu’alors pas très enclin à discuter avec les corps intermédiaires, fragilisée par l’absence de grandes victoires syndicales, doublée par la CFDT aux dernières élections professionnelles, la CGT avait commencé à entrer dans une zone de turbulences bien avant le congrès et l’émergence des gilets jaunes. Mais ce mouvement a révélé au grand jour des tensions internes. Opposant les tenants d’une ligne plus contestataire, qui prône la «grève générale» et la «convergence des luttes», aux adeptes d’une approche plus mesurée dans laquelle le dialogue social et la négociation avec l’Etat et les autres partenaires sociaux n’est pas tabou. «Rien de neuf», temporisent bon nombre de cégétistes. De simples et sains «débats», assure aussi Martinez, qui refuse l’image d’une maison divisée. «Ce qui nous rassemble, c’est la lutte de classes, a rappelé un cheminot à la tribune. La question, après, c’est comment on la met en œuvre.» Croisés à Dijon, lors de cette grand-messe cégétiste, quatre militants racontent leur vision de la CGT. A la nouvelle direction du bureau confédéral, qui sera formellement élue ce vendredi, de composer avec toutes ces aspirations.

Frédéric Herrewyn

Aide-soignant, membre de la fédération santé (45 ans, Lille)

Le 15 mai 2019 à Dijon. Congrès de la CGT. Portrait 3.

Photo Claire Jachymiak

«Il y a quelque chose de symptomatique : la CGT perd des adhérents et ne parvient pas à enrayer les réformes du gouvernement. Le souci, c’est que la confédération n’envoie pas de messages clairs. Ça nous aiderait à mieux mobiliser sur le terrain. Le 9 mai, par exemple, on a manifesté pour défendre la fonction publique. Mais aujourd’hui, on ne nous propose pas de nouvelle date de mobilisation. C’est un problème. La confédération n’est pas assez impliquée et peut-être pas assez à l’écoute. Quand on se battait contre la loi travail, j’avais proposé que l’on fasse aussi des manifestations les week-ends. Ça n’a pas été retenu. Et aujourd’hui, on voit que c’est ce que font les gilets jaunes. Ça a du sens ! S’il y avait moins de surdité dans nos structures, on trouverait des solutions. Si la direction confédérale avait interrogé ses bases, elle se serait vite rendu compte que nous portions des revendications similaires avec les gilets jaunes. Ce mouvement, c’est peut-être l’occasion pour la CGT d’accompagner la colère sociale. On aurait dû, on aurait pu… Mais la CGT est parfois enfermée dans un monde clos. Aujourd’hui, elle semble choisir la voie de la négociation. Mais est ce qu’on peut négocier avec le gouvernement ? Et négocier quoi, le moindre mal ? La place de la CGT n’est pas dans ce dialogue social. Sur les violences policières, on aurait aussi dû être plus clair. On dirait que Martinez a découvert ça le 1er mai, alors que ça fait des mois, nous, qu’on se prend des gaz lacrymo ! Il est peut-être trop éloigné de la base ? La CGT ne doit ignorer personne et considérer toutes les propositions, mêmes minoritaires.»

Christelle Hébrard

Factrice, membre de la fédération des activités postales et de télécommunications (45 ans, Moulins)

Le 15 mai 2019 à Dijon. Congrès de la CGT. Portrait 1.

Photo Claire Jachymiak

«La CGT tente de rajeunir, d’évoluer avec la société. Mais elle doit faire face à un gouvernement très dur. Nous subissons beaucoup de répression syndicale et avec la loi anticasseurs, cela s’est amplifié. Dans ce contexte, il est difficile de mener des luttes. Je sors de six jours de grève dans un centre de tri de mon département. A la suite de ce conflit, des grévistes ont été mis à pied par la direction. Ces derniers temps, c’est vrai que la direction confédérale de la CGT a été critiquée en interne. Mais Martinez a raison quand il dit que la grève ne se décrète pas. Certes, la confédération est là pour lancer l’offensive mais ensuite, c’est aux bases syndicales de faire bouger les salariés. Nous devons continuer à porter la lutte de classe et de masse. Et pour cela, pour être le plus nombreux possible, la CGT doit faire de la place à tous les travailleurs, mieux intégrer les cadres, les privés d’emploi, les travailleurs ubérisés. Les lignes bougent sur ce point, mais certains à la CGT ont des réticences. Cela peut donner une image un peu vieillotte. Nous avons plein de propositions sur la protection sociale, l’emploi, les retraites. C’est le fruit de plus de cent vingt ans d’histoire. C’est aussi ce qui nous différencie des gilets jaunes : nous sommes une organisation structurée, qui propose. On est loin d’être le syndicat de l’anti-tout.

«Cela dit, parfois, la CGT participe à des négociations dans les ministères, où elle perd plus de temps qu’autre chose. Il faudrait peut-être plus privilégier le terrain. Peut-être, est-on parfois trop dans nos bureaux, pas assez à prendre la température auprès des travailleurs, et notamment des femmes et des jeunes qui ont des choses à dire, par exemple sur les enjeux environnementaux.»

Maud Denis

Formatrice, secrétaire fédérale de la fédération construction, candidate à la commission exécutive confédérale (44 ans, Amiens)

«Nous avons besoin d’une CGT rassemblée, unie et surtout utile. C’est ainsi qu’on obtiendra des luttes gagnantes. Dernièrement, le mouvement des gilets jaunes a un peu complexifié la situation. Des tensions se sont exprimées en interne, mais c’est loin d’être nouveau. Il y a toujours eu plusieurs courants, mais au fond, on a le même but : défendre les intérêts des salariés et aller vers plus d’équité sociale. C’est l’essentiel. Je crois que l’on peut être "modérés" tout en se montrant "contestataires". Cela ne veut pas dire que l’on est une CFDT bis. On doit réfléchir à de nouveaux types d’action. Certains voient la grève comme le seul moteur. Mais est-ce que c’est bien cela qu’attendent les salariés ? Les grandes "randonnées" à travers Paris ou ailleurs, je ne pense plus que cela suffise. La CGT doit aussi être plus lisible, plus visible. Sans communication, on n’avance pas. Cela passe par un travail de proximité et par des propositions concrètes.

«Quant au terrain du dialogue social et de la négociation dans les instances nationales, il ne faut surtout pas l’abandonner. La politique de la chaise vide n’est pas la solution. Car si on n’est pas là, on ne risque pas de faire bouger les choses. Aller négocier, c’est aussi faire entendre son mécontentement. Il faut absolument défendre nos idées, pour convaincre. Après, bien sûr, il faut les deux : quand nos idées butent, la construction du rapport de forces s’impose.»

Franck Rothais

Tourneur sur commande numérique, membre de la fédération de la métallurgie (50 ans, La Roche-sur-Yon)

Le 15 mai 2019 à Dijon. Congrès de la CGT. Ambiance.

Photo Claire Jachymiak

«Il y a un réel danger pour la CGT. On n’arrive pas à faire sortir les salariés pour faire grève. C’est vrai qu’au niveau national, on n’a pas gagné grand-chose ces derniers temps, même si on a toutefois enregistré des victoires dans certaines boîtes. Pour changer la donne, il faut miser sur l’unité syndicale. Mais on est à une époque où cela n’existe plus, avec une CFDT qui, en face, n’appelle plus à la grève. Pourtant, seul le syndicalisme rassemblé peut nous permettre de gagner des choses, nous n’avons pas le choix. C’est comme cela, par exemple, que l’on a réussi à faire tomber le Contrat nouvelle embauche, il y a plus de dix  ans.

«En interne, certains râlent à la CGT et réclament plus de grèves. Mais tout cela est politique. Ce n’est pas comme cela qu’on avancera. La CGT a un rôle déterminant à jouer. L’intérêt du gouvernement, c’est de nous voir disparaître. Mais on est encore là ! Même les gilets jaunes ont besoin de nous. S’ils ne changent pas de stratégie, ils ne vont pas aller loin. A un moment donné, il faut des leaders. Il ne faut pas oublier tout de même que leurs revendications, en faveur du smic, ou encore de la sécurité sociale, nous les portons, à la CGT, depuis plusieurs dizaines d’années. Et par le passé, on a prouvé que l’on pouvait gagner des choses.»