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Tsipras s’affiche à la une du Financial Times pour promettre "plus de réformes" néolibérales
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Quatre ans après avoir défié sans succès la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), le Premier ministre grec est devenu le promoteur zélé de l'orthodoxie économique. Il pose même en couverture d'un supplément du "Financial Times" pour souhaiter plus de "réformes" à son pays, ravagé par l'austérité.
L'auraient-ils cru, si on les avait prévenus en 2015, ou auraient-ils préféré prendre cette histoire pour une dystopie invraisemblable ? Il y a quatre ans, l'ensemble de la gauche radicale française se remplissait d'espoir après la victoire de Syriza aux élections générales en Grèce. Le nouveau Premier ministre, le fringant Alexis Tsipras, promettait de mettre fin à l'austérité économique imposée par la troïka - Commission européenne sous influence berlinoise, Banque centrale européenne (BCE), Fonds monétaire international (FMI) - au peuple grec, en mettant les grands moyens s'il le faut. Décidé à défier les diktats néolibéraux, le chef du gouvernement d'Athènes avait même convoqué un référendum, le 5 juillet 2015, par lequel le peuple grec avait rejeté à 61% le plan d'austérité imposé par les créanciers. Le temps de l'Europe social était enfin venu, se prenait-on à rêver.
L'illusion s'est vite dissipée. A peine une semaine après le référendum, Alexis Tsipras pliait devant la troïka, en signant l'accord drastique en échange duquel la Grèce a eu accès à de nouveaux crédits. Le Premier ministre affirmait alors n'avoir pas d'autre choix pour éviter un "désastre" à son pays. Aujourd'hui, ce qui passait pour du fatalisme ressemble bien davantage à de la duplicité : Tsipras est en effet devenu un défenseur enthousiaste des politiques néolibérales, sous les applaudissements de la presse économique.
Le conservateur Financial Times vient en effet de publier un hors-série ("special report"), intitulé "Investir en Grèce". A la une du magazine, le sourire aux lèvres : Alexis Tsipras, surmonté d'un titre flatteur : "L'agitateur devenu réformateur économique". Dans les pages du "FT", le Premier ministre grec est couvert de louanges : "En janvier 2015, Alexis Tsipras, leader du soi-disant parti d'ultra-gauche Syriza, est arrivé au pouvoir en promettant la fin de l'austérité qui avait plongé la Grèce dans une des plus profondes dépressions de l'histoire économique, écrit le journaliste Martin Wolf. Aujourd'hui, sous sa direction, une Grèce en rémission souligne sa fidélité à la politique orthodoxe de l'eurozone." Et le journal britannique d'applaudir une "politique macro-économique remarquable pour son orthodoxie" : excédent primaire généreux, croissance qui redémarre, taux d'intérêt en diminution…
TSIPRAS PROMET "PLUS DE RÉFORMES"
L'article élogieux est suivi par une longue interview d'Alexis Tsipras. Lequel y fait allégeance aux recettes du néolibéralisme, et donc à son bilan : "Je pense que chaque jour qui passe, les gens comprennent dans leur vie quotidienne à quel point la situation a changé", plastronne le chef de Syriza. Se vantant des hauts niveau d'investissement étrangers dans le pays, il promet davantage dans les mois à venir : la finalisation de projets de privatisation massifs, comme celui du port du Pirée cédé aux deux tiers à un opérateur chinois, devrait exciter l'avidité de grands groupes. Le Financial Times boit du petit lait. Mais tout n'est pas encore parfait : "[Tsipras] concède que la Grèce doit intensifier ses efforts pour rendre la vie plus facile aux investisseurs", écrit le magazine. L'intéressé promet : "Bien sûr, je reconnais qu'il y a toujours des problèmes, que nous devons faire plus de réformes - et les réformes, c'est comme la bicyclette : si vous n'en faites pas, vous tombez."
Depuis quatre ans, le gouvernement grec n'a pas cessé de pédaler. Le salaire minimal a été constamment diminué, baissant de 200 euros, pour permettre au pays de rester "compétitif". Seulement relevé en janvier dernier, il dépasse tout juste 650 euros bruts mensuels aujourd'hui. Pressé de dégager un excédent budgétaire colossal chaque année, le gouvernement a massivement taillé dans les retraites et les aides sociales. La moitié des citoyens grecs gagnaient moins de 7.611 euros par mois en 2017. Le chômage, en baisse, approche toujours les 20%, plus du double chez les jeunes, ce qui conduit à un exode massif et un vieillissement de la population. La situation sociale en Grèce est dramatique : 40% des ménages en sont réduits à refuser les soins de santé par manque de moyens ; la consommation d'antidépresseurs a, d'après une enquête, été multipliée par 35 en quatre ans, tandis que le nombre de suicides a explosé. 35% de la population vit sous le taux de pauvreté, le plus haut niveau d'Europe. Les impôts de la moitié la plus pauvre de la population ont ainsi augmenté de 339%, les 10% les plus en difficulté perdant 86% de leur revenu. Quant au retour de la croissance, il masque difficilement le fait que le PIB du pays, écrasé par l'austérité, atteint tout juste sa valeur… du début du XXIe siècle.
Dans le même temps, les ports, les autoroutes, les aéroports, les chemins de fer et réseaux de distribution d'électricité ont été vendus à des grands groupes étrangers, principalement allemands. Le gouvernement d'Angela Merkel a d'ailleurs réalisé plusieurs milliards d'euros de bénéfices depuis 2011 en rachetant de la dette grecque. De son côté, pour attirer toujours plus d'investisseurs, Alexis Tsipras a mis en place des politiques inspirées par celles des paradis fiscaux, comme le système de "golden visa" qui permet à tout investisseur réalisant une opération de 400.000 euros ou plus de gagner un permis de séjour de cinq ans en Grèce. Signe supplémentaire que le berceau de la civilisation européenne est devenu un immense terrain de jeu pour investisseurs, les pages du supplément du Financial Times sont émaillées de publicités visant à convaincre de mettre de l'argent dans les anciens services publics hellènes : Ipto, filiale privatisée de PPC, l'entreprise publique de distribution de l'électricité, se vante ainsi dans le magazine de "mettre en place les fondations du marché dérégulé de l'énergie en Grèce"; PPC dispose également d'une page de publicité, payée avec l'argent public grec, pour convaincre les lecteurs du FT qu'elle "entre dans une nouvelle phase où elle prévoit de se transformer en fournisseur européen moderne, efficace et regardant de l'avant". En attendant d'autres "réformes", sans doute.