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Algérie: une foule immense malgré la répression
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Malgré des dizaines d’arrestations et une capitale bouclée par la police, une foule massive défile à Alger pour un 14e vendredi consécutif de manifestations et continue de réclamer le départ des figures au pouvoir et l’annulation de la présidentielle du 4 juillet.
La fatigue accumulée pendant le mois de ramadan, qui laissait craindre un affaiblissement, n’a pas non plus entamé la mobilisation après 19 jours de jeûne du lever au coucher du soleil.
Les rues du centre d’Alger sont noires de monde vendredi après-midi, selon un journaliste de l’AFP. D’importantes manifestations se déroulent également dans plusieurs autres villes, dont Oran et Constantine, 2e et 3e villes.
Dans la matinée à Alger, « la police interpellait systématiquement toute personne portant une banderole », a raconté à l’AFP un manifestant, Mehenna Abdeslam, enseignant de l’Université de Bab Ezzouar.
Un journaliste de l’AFP a assisté à l’interpellation d’une femme vendredi matin tandis que TSA a fait état d' »arrestations massives parmi les manifestants » à Alger.
Sur son compte Facebook, le militant du Parti socialiste des Travailleurs (PST), Samir Larabi, a écrit dans la matinée, photo à l’appui, être « en compagnie d’une vingtaine de citoyens dans un fourgon cellulaire » de la police.
La Radio nationale algérienne a constaté « une présence policière accrue » à Alger, évoquant dans son édition de la mi-journée des « vérifications de papiers et des interpellations par endroits », ainsi que des « confiscations de matériel d’enregistrement de journalistes ».
Dans un communiqué, le Front des Forces socialistes (FFS), plus vieux parti d’opposition a dénoncé une « véritable rafle » et un « état de siège à peine voilé (…) propre d’une dictature naissante ».
« Marre des généraux! »
Entravé par le déploiement policier inhabituellement massif dans les rues qu’il emprunte chaque semaine, le cortège s’est rendu sur la Place des martyrs, vaste esplanade en contrebas du quartier de la Casbah, à environ 1,5 kilomètres de son itinéraire habituel.
Depuis le début de la journée, une rangée de véhicules de police et un cordon de forces anti-émeutes empêchent les manifestants d’approcher de la Grande Poste, bâtiment emblématique du centre d’Alger, épicentre habituel des manifestations dans la capitale depuis le 22 février, premier vendredi de protestation.
« Territoire » symbolique que s’est approprié la contestation, les marches du bâtiment, que la police avait vainement tenté de défendre durant plusieurs heures le vendredi précédent, ont été ceintes dans la semaine de palissades, officiellement pour des raisons de sécurité.
Une manifestante algérienne crie des slogans à côté des forces anti-émeutes à Alger, le 24 mai 2019 ( RYAD KRAMDI / AFP )
Comme les précédentes semaines, les slogans visent désormais particulièrement le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, devenu de fait l’homme fort du pays depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika sous les pressions conjuguées de la rue et de l’armée.
« Ce peuple ne veut pas du pouvoir de l’armée », « Y en a marre des généraux! » et « Gaïd Salah dégage! », scandent les manifestants à Alger, mais aussi « pas d’élections, bande de mafieux! ».
Pour l’heure aucun incident n’a été signalé et les réseaux sociaux ont relayés des appels à ne pas céder aux provocations policières et à préserver le caractère pacifique du mouvement de contestation.
Scénario à l’égyptienne?
Les manifestants continuent de réclamer comme chaque semaine le démantèlement du « système » au pouvoir et le départ de ses figures, en tête desquelles, outre le général Gaïd Salah, le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, tous anciens fidèles du président Bouteflika.
Ils exigent également l’annulation de la présidentielle prévue le 4 juillet pour lui élire un successeur, estimant que les structures et personnalités toujours en place du régime déchu ne peuvent garantir un scrutin libre et équitable.
A la veille de l’expiration du délai de dépôt des dossiers de candidature, aucun candidat d’envergure ne s’est déclaré et le rejet massif du scrutin laisse craindre une participation étique, suscitant de plus en plus d’incertitudes sur la tenue de la présidentielle.
Un manifestant algérien crie des slogans à côté des forces anti-émeutes à Alger, le 24 mai 2019 ( RYAD KRAMDI / AFP )
Alors que MM. Bensalah et Bedoui sont aux abonnés absents, le général Gaïd Salah s’est dans la semaine exprimé trois fois en trois jours.
Lundi, il a d’abord opposé une fin de non-recevoir aux revendications de la contestation, estimant « irraisonnable voire dangereux » le départ des figures du « système » et appelant à accélérer les préparatifs de la présidentielle afin d’éviter un « vide constitutionnel » et de juguler « ceux qui veulent faire perdurer la crise ».
Mardi, il a appelé les manifestants à « s’unir » avec l’armée afin de déjouer « l’infiltration » des manifestations par les « instigateurs de plans pernicieux » et mercredi il s’est senti obligé d’assurer n’avoir « aucune ambition politique ».
Le retour au centre de l’échiquier politique de l’armée –considérée comme le réel détenteur du pouvoir jusqu’à l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika– fait craindre à certains observateurs un possible scénario « à l’égyptienne ».
En Egypte, le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Sissi s’est fait élire président de l’Egypte après un coup d’Etat militaire en 2013 contre le président élu Mohamed Morsi. Peu après le coup d’Etat, M. Sissi avait assuré que l’armée « resterait éloignée de la politique ».