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Soudan : le régime militaire négocie sous la pression populaire
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Crédit Photo: DR.
Depuis le 6 avril, des milliers de SoudanaisES campent chaque jour devant le QG de l’armée dans la capitale Khartoum pour demander le transfert du pouvoir à une administration civile.
Après une phase de tensions et de suspension des discussions, durant laquelle des hommes armés ont tiré sur les barricades des manifestantEs, les négociations ont repris dimanche 19 mai entre militaires et civils. Les manifestantEs avaient décidé de bloquer la ville, en réponse aux attaques de milices proches du président déchu, Omar el-Béchir, qui ont déjà fait de nombreux mortEs et blesséEs.
« Pour écraser le “sit-in”, les militaires devraient tuer un nombre important de gens, ce n’est plus possible. C’est la raison pour laquelle il faut trouver un accord », explique Rashid Saeed Yacoub de la Sudanese Professionals Association, cité par le Monde. Le grand soulèvement du peuple soudanais est ainsi arrivé à un carrefour. Les masses sont-elles simplement en train de couper la tête du régime ou vont-elles le déraciner ?
Le régime militaire au pied du mur
L’opposition et les militaires s’étaient déjà entendus sur plusieurs points avant la suspension des négociations : la durée de la période de transition (trois ans) et la création d’un Parlement composé de 300 personnes, dont les deux tiers seraient issus de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC).
Mais la tension dans les rues de Khartoum est montée d’un cran, tandis que de nouvelles discussions sont en cours entre civils et militaires, avec l’objectif de mettre en place un futur gouvernement de transition dont serait exclue l’ex-formation d’el-Béchir, le Parti du Congrès national (NCP). Après seulement, des élections pourront être organisées.
L’opposition unifiée au sein de l’Alliance pour la liberté et le changement exige la présence de huit civils et trois militaires au sein du Conseil souverain, une institution-clé de la transition qui doit se substituer au Conseil militaire pour une période de trois ans, avant la tenue d’élections. Les généraux souhaitent selon lui avoir sept militaires et quatre civils.
Un régime militaire appuyé par les milices religieuses
Aujourd’hui, le général Hemedti, numéro 2 du régime militaire et responsable des milices génocidaires janjawids, a tout intérêt, au même titre que son numéro 1 le général el-Burhane, à être au pouvoir et à y rester. S’ils perdent la protection du Conseil militaire, ils se trouveront en grand danger, du côté du processus de justice intérieure mais aussi face à la Cour pénale internationale.
Hemedti représente l’héritage direct des 30 ans du régime de Béchir, lui-même produit d’une alliance entre l’armée et les Frères musulmans, unique ailleurs dans le monde arabe. Quand une nouvelle guerre a éclaté au Darfour en 2003, Bachir a été convaincu que le fait de transformer une jeunesse radicalisée arabe en milices lui permettrait de gagner. Mais en créant les janjawids et en les renforçant sans relâche sous Hemedti, le régime soudanais a créé un monstre qu’il ne peut pas contrôler et qui représente une menace pour la sécurité non seulement du Soudan, mais également de ses voisins régionaux.
Avec le « processus de Khartoum », signé en novembre 2014, l’Union européenne a décentralisé sa lutte contre l’immigration illégale. Cette gestion des frontières a permis de renforcer les Forces de soutien rapide, constituées de… combattants des milices janjawids.
Avec la chute de l’ancien régime, il est désormais possible qu’une véritable coopération entre l’Union européenne et le Soudan se mette en place. Une coopération par ailleurs demandée par Hemedti à plusieurs reprises ces dernières années, puisque les milices janjawids sont largement impliquées dans le contrôle des frontières.
Perspectives
Mais pendant ce temps, la mobilisation se poursuit. Dans certains endroits, et sans attendre l’invitation de la Sudanese Professionals Association, des travailleurEs et des fonctionnaires se mobilisent dans leurs usines et leurs bureaux pour exiger des contrats à durée indéterminée, des syndicats indépendants renaissent et expulsent des cadres de l’ancien régime dans leurs lieux de travail. La Sudanese Professionals Association a avancé lors des dernières semaines la proposition d’une grève générale afin de faire aboutir ses objectifs. Face à l’intransigeance du régime et à la menace d’une répression généralisée de l’armée et des milices, cette perspective devient de plus en plus une nécessité immédiate, voire une question de vie ou de mort pour la révolution soudanaise.
Romain Prunier