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Garrido: La France insoumise peut-elle encore se relever ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Ancienne porte-parole de la France insoumise, l'avocate Raquel Garrido revient sur les débats qui agitent le mouvement de Jean-Luc Mélenchon après son échec aux élections européennes.
La France insoumise a fait irruption dans la vie politique française en juin 2016. Elle est l’un des outils de ce qui est désormais appelé par tous "le dégagisme". C’est quoi, le dégagisme ? C’est le rejet en bloc du PS et de LR, les deux partis qui se sont répartis tour à tour le pouvoir de gouverner et le pouvoir de s’opposer depuis plus de 40 ans. C’est le rejet de la captation de la démocratie par ces deux mouvances (et de leurs alliés), alors que la majorité des français était de plus en plus poussée vers les marges de la participation civique.
En dehors de ce cercle des "participants" il n’y a avait jadis que les non-inscrits, les abstentionnistes, et les électeurs des "extrêmes" qui, n’arrivant jamais (ou si peu) à se classer au second tour des scrutins, avaient l’habitude de se contenter d’un protagonisme citoyen de basse intensité ou définitivement cantonné aux contre-pouvoirs que sont le mouvement syndical ou associatif.
Nous ne reverrons plus s’affronter comme elles le faisaient jadis, la composante social-démocrate et conservatrice de l’oligarchie.
2017 a explosé ce paysage. Voyant le coup venir de loin, l’oligarchie s’est adaptée. Elle a fabriqué de toutes pièces un "Tancrède". Tancrède, c’est le personnage du film Le Guépard, qui épouse les attributs de la révolution garibaldienne pour se faire adopter par elle et au final défendre les intérêts de sa famille aristocratique. C’est de là que vient la célèbre tirade "il faut que tout change pour que rien ne change". Macron a réunifié, dans les urnes et au gouvernement, l’oligarchie française. C’est sans retour. Nous ne reverrons plus s’affronter comme elles le faisaient jadis, la composante social-démocrate et conservatrice de l’oligarchie. Tant mieux ! Ce combat était hypocrite, dans la mesure où les prétendus adversaires étaient d’accord sur l’essentiel, à savoir la politique économique (et son corollaire évident : la politique de l’Union européenne).
En 2017, alors que le vieux monde partait à vau-l’eau, et alors que le Front national bénéficiait à plein de son statut d’underdog n’ayant jamais trempé les mains dans le pouvoir, Jean-Luc Mélenchon a fait plus que mettre un pied dans la porte. La création ex nihilo d’un instrument politique nouveau résumé en un mot - "insoumis" - a permis un score de presque 20% (14.8% des inscrits) et a ouvert une réelle perspective de victoire pour les victimes des injustices démocratiques, sociales et environnementales.
C’est cette perspective de victoire qui en cause aujourd’hui, après le score désastreux de la France insoumise à l’élection européenne.
L’échec électoral interroge à juste titre. Sur le fonctionnement du mouvement, bien sûr, qui souffre de l’absence de lieux de délibération collective décisionnelle. Sur la ligne politique, surtout.
Apprendre à faire sans Mélenchon-candidat, c’est sans doute un des points de passage de la maturation de la France insoumise.
Purgeons un non-dit du succès insoumis. La France insoumise, contrairement aux partis de gauche traditionnels, a refusé le cadre de la Ve République. Elle a acté l’impossibilité de peser réellement sur la politique dans ce cadre institutionnel qui fabrique une majorité godillot et des oppositions écrasées. Elle a défini l’horizon : l’avènement d’une nouvelle constitution (appelons-la VIe République) qui permette au souverain – le peuple – de l’être vraiment. Le paradoxe de cette stratégie originale, c’est que pour passer légalement à la VIe République, il fallait en passer par une victoire à l’élection présidentielle.
MÉLENCHON-CANDIDAT
Et donc il fallait un candidat sérieux. Ainsi, alors que la perspective était d’abolir le tout-pouvoir du monarque présidentiel, le chemin pour y arriver requérait le concours d’un personnage ayant la stature d’un monarque présidentiel ! Cette difficulté, qui est une des données du contexte actuel, explique sans doute pourquoi la France insoumise a eu du mal à se positionner dans la campagne européenne, qui ne pouvait pas être conduite par Mélenchon himself.
Apprendre à faire sans Mélenchon-candidat, c’est sans doute un des points de passage de la maturation de la France insoumise, et cela n’a strictement rien à voir avec une critique de la stratégie dite "du bruit et de la fureur", qui n’a pas vraiment été mise en œuvre en 2016-2017, où Mélenchon s’est révélé tel qu’il est, à savoir cet instituteur républicain qui vous élève et vous rassure. Surtout, cette critique est assez discutable. Certains détestent la grande gueule de Mélenchon, c’est sûr. Mais beaucoup l’adorent et la vivent comme une colère par procuration. On ne peut pas dire que la période soit à l’eau tiède et aux ventres-mous.
Aux européennes, la France insoumise a présumé ne pas pouvoir toucher les abstentionnistes comme elle l’avait fait à la présidentielle. Or, la participation a augmenté de 10 points en 2019 ! C’était donc possible, même si on reste très loin du contexte présidentielles. LFI s’est donc réfugiée par avance dans un espace "participant" (électoralement) constitué principalement de CSP+ et présumé se référer à des catégories connues de la politique française, comme l’est la référence à "la gauche". La composition de la liste a été à l’image de cet objectif, et la ligne politique s’y est adaptée aussi. Les qualités de Manon Aubry ne sont pas ici en cause.
On est populiste, on ne le proclame donc pas.
Son profil a été choisi pour une certaine raison : montrer les signaux d’une ouverture à la société civile et d’une compatibilité avec une certaine "gauche" allergique à Mélenchon et à la stratégie dite populiste. C’est ce choix de profil de campagne qui s’est avéré une erreur.
L’érosion du vote Macron a été capté par Jadot, dont le discours euro-béat, violemment anti-insoumis et anti-gilet-jaune était compatible avec les électeurs de Macron. Ces votes ne seraient pas venus à la France insoumise. Ce n’était pas là que résidait la réserve de voix. Donner des signaux à cet électorat, en refusant l’idée de sortie de l’UE en cas d’échec de négociations sur les traités, alors que c’était le programme en 2017, n’a pas payé et a au contraire jeté la suspicion sur la détermination de LFI.
POPULISME ET DÉGAGISME
Un dernier mot sur le populisme. Il faut s’entendre sur le sens de ce mot. Le populisme n’est ni un programme, ni un régime politique, ni une mesure de décibels. C’est une stratégie politique qui consiste à décider quels seront les deux termes d’une grande controverse nationale. Les théoriciens en sont les politologies Mouffe et Laclau. En Espagne, l’ex-Podemos Iñigo Errejon, s’en prévaut et a dépassé Podemos aux élections à Madrid.
Quand on est populiste, on ne le proclame donc pas. On le fait. Macron et Le Pen, qui l’ont très bien compris, ont divisé les français en deux camps. Le vocabulaire change selon le point de vue, mais le périmètre est le même : progressistes (ou mondialistes) versus nationalistes. Cette summa divisio est entérinée massivement par les médias et renforcée par la logique institutionnelle de la Ve République qui résume la vie "démocratique" aux deux protagonistes du second tour de la présidentielle.
La perspective d’une assemblée constituante doit être plus que jamais la boussole de LFI. C’est sa fonction historique. Elle n’a pas été conçue pour faire sa laine sur le dos d’une gauche traditionnelle en déclin. Elle n’a certainement rien à gagner à se contenter d’un rôle - fusse-t-il central - dans la sempiternelle recomposition de la gauche radicale.
La démocratie est un préalable, pas une utopie dépourvue de caractère urgent.
Le dégagisme sait ce qu’il ne veut pas, mais il ne sait pas clairement ce qu’il veut. Il peut basculer dans un fascisme à la française, oui. Il y a cependant une option lumineuse, fraternelle, ancrée dans la philosophie des Lumières, et dans le combat historique pour l’émancipation personnelle et collective. La souveraineté est la caractéristique de celui qui n’a pas de maître. Les français recherchent encore cette liberté d’être souverains. Souvent je pense à l’aspiration des chiliens pour le pouvoir populaire – poder popular – qui a valu les heures les plus belles et les plus terribles de la vie de mes parents. J’ai retrouvé cette aspiration lorsque je marchais le samedi avec les gilets jaunes. Je sais que la France insoumise peut être utile à percer ce chemin, qui, comme a dit René Char, "n’est précédé d’aucun testament".
La France insoumise doit imposer sa propre summa divisio. En vérité il y a deux camps, celui de la Ve République, ancien régime décadent en pleine hystérie autoritaire, et celui de la VIe République. C’est cette latéralité qui permet d’envisager des victoires. Il n’y a rien de plus fédérateur et positif que la perspective d’une "hyper-démocratie" nouvelle. S’y retrouvent, possiblement, les abstentionnistes, les votes blancs et nuls, les dégoutés de la politique, les nostalgiques d’une droite classique chassée des seconds tours des scrutins, et les militants déjà engagés dans les luttes sociales ou environnementales.
Gare, ici, aux fausses polémiques. Accentuer la bataille pour la VIe République n’implique en rien de renoncer à la luttes des classes et à la défense de notre écosystème. Au contraire, c’est en prenant le pouvoir sur les leviers de la production et de la redistribution des richesses que nous trouveronsdes solutions concrètes au réchauffement climatique et aux injustices. La démocratie est un préalable, pas une utopie dépourvue de caractère urgent.