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L’impossible révolution de l’extrême gauche qui n’a pas su entendre la colère des «gilets jaunes»

Gilets-jaunes LO

Lien publiée le 10 juin 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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LE SCAN POLITIQUE - La 48e édition de la fête de Lutte ouvrière (LO), qui se déroule chaque année à Presles (Val d’Oise), est l’occasion pour les communistes révolutionnaires de demander des comptes à leur parti: pourquoi ne s’être pas greffé au mouvement des «gilets jaunes», porteur de revendications sociales?

Au stand «confit social» de la fête de Lutte ouvrière, Laurence* dévore gaiement une cuisse de canard: elle raconte les journées sur les ronds-points, les conversations qui se sont tissées avec des gens, dont certains gagnaient «encore moins» qu’elle. La fraternité naturelle entre les rouges et les «gilets jaunes» va, pour elle, de soi.

«Il faut qu’on réalise que la force c’est nous, qu’on fasse grève sans peur de perdre un mois de salaire, ou deux. C’est nous, les travailleurs, qui avons le pouvoir!» martèle-t-elle sous le regard approbateur de ses compagnons de tablée. Quand Laurence évoque le mouvement découvert par la France le 17 novembre, ses yeux brillent, il représente, c’est sûr, le réveil de travailleurs enfin conscients des intérêts de leur classe.

Pourtant, deux heures plus tard, dans la bouche de Jean-Pierre Mercier, militant ouvrier et syndicaliste de la CGT PSA, l’engouement est moindre. Le camarade - puisque c’est ainsi qu’on désigne chacun - anime le forum «Les Révolutionnaires et le mouvement des “gilets jaunes”».

À une foule compacte, indifférente à l’alternance pluie-soleil qui les trempe puis les cuit, il explique que, oui, la mobilisation a suscité la sympathie de LO. Mais qu’il n’était pas nécessaire d’être cote à côte dans les cortèges pour être solidaire des révoltés de novembre, que le combat doit se mener avant tout dans les «grandes concentrations ouvrières».

Qui a fait le plus ami-ami avec les contestataires des ronds-points?

Au moment des questions, un membre du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) essaie d’attraper le micro, doit finalement se contenter de parler dedans - la militante LO qui distribue la parole ne le lâchera pas. L’homme est fâché. Il dit que lui et ses camarades du NPA ont fait les deux: ils ont rejoint les manifestations et ont clamé leur soutien aux «gilets jaunes», que cela ne les a pas empêchés de distribuer leurs tracts à l’usine. Il rappelle que Nathalie Arthaud, la porte-parole de LO, a déclaré qu’elle ne porterait jamais de gilet jaune parce qu’elle était une «communiste révolutionnaire» et point final. Jean-Pierre Mercier sourit et raille: «J’avais prévu le coup.»

Comprendre: il avait anticipé les reproches. Il dégaine alors une batterie de citations pour montrer que son parti, au moins, n’a jamais dénié au mouvement son caractère populaire. Contrairement au NPA qui, dans un premier temps, s’est méfié d’une mobilisation «porteuse d’une vieille revendication du patronat routier, pour qui les profits se mesurent à l’aune des tonnes de carburant mises dans les cuves de ses camions». Les arguments continuent de s’enchaîner pour savoir qui a fait le plus ami-ami avec les contestataires des ronds-points. Un homme, assis dans les gradins, râle d’une voix forte: «Vous pourriez parler un peu des “gilets jaunes”?»

«Il faut l’arrêter ce monsieur»

Difficile: LO et le NPA, la gauche de la gauche de la gauche, ne s’accordent même pas sur la nature du mouvement. Pour NPA, on assiste à l’étincelle qui pourrait allumer la révolution. Pour LO, c’est au mieux la prise de conscience politique d’une partie de la population, au pire un mouvement «sympa» et déjà terminé. Ce vocable maladroit, «sympa» est sorti de la bouche d’un militant LO qui organisait, le dimanche à 17h, un autre forum sur le sujet. Il y avait encore plus de monde qu’au précédent, une centaine de personnes environ.

La ligne du parti trotskiste y a été répétée: les «gilets jaunes» sont des travailleurs dont la révolte est légitime mais qui se trompent de cible en visant Macron. Le président n’étant qu’un pantin aux mains du «capital», il serait vain de le destituer. Aussi faut-il se battre contre les patrons, dans les entreprises, pas contre les politiques. Les «gilets jaunes» n’auraient pas encore «pris conscience» de ce fait. À la énième formule du genre, une femme quitte le forum en criant.

«Ils sont drôles ces gens… ils attendent depuis des années le signal d’une nouvelle révolution et face aux “gilets jaunes”, ils ont été capables de se dire “ah non, ce n’est pas ça qu’on attendait”»

Agnès, institutrice à la retraite

Elle s’appelle Agnès*, a 57 ans, est institutrice à la retraite et trouve «dégueulasse» de «dire que les ‘‘gilets jaunes”, dont certains ont perdu un œilune main, ne sont pas des révolutionnaires, qu’ils ne se sont pas comportés comme il fallait. Il fallait l’arrêter ce monsieur!…» Dans une allée parallèle à la conférence, face à un petit groupe de militants LO, elle s’exclame: «Il fallait l’arrêter ce monsieur.. Ils sont hautains chez LO! T’entends le ton qu’ils prennent?» Les autres opinent, se demandent ce que Lutte ouvrière attend exactement.

Le mot qui circule: ils ne l’auront jamais leur révolution s’ils continuent à être si tatillons, à vouloir que chaque travailleur opprimé chante L’Internationale. «Ils pensent qu’il faut être communiste pour lutter, mais y’a de tout dans ce mouvement», abonde une femme brune qui s’étonne: «Pourquoi ils iraient dans les usines les “gilets jaunes”? Ils y bossent pas!»

Agnès rallume une énième cigarette et murmure: «Ils sont drôles ces gens… ils attendent depuis des années le signal d’une nouvelle révolution et face aux “gilets jaunes”, ils ont été capables de se dire “ah non, ce n’est pas ça qu’on attendait”.»

Après s’être calmée, elle décide de revenir dans le forum pour expliquer les raisons de sa colère. C’est inutile, d’autres s’en chargent à sa place. Un homme peste au micro: «Vous espérez quoi Lutte Ouvrière? Que les “gilets jaunes” marchent d’un côté de la muraille de Chine et les communistes de l’autre et qu’un jour on se retrouve tous ensemble sous un soleil éclatant?» La formule est applaudie, l’animateur LO a l’air fatigué.

* Les prénoms ont été modifiés