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Etienne Chouard ou les impasses d’une radicalité sans principes

Lien publiée le 21 juin 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

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Jack Dion

Directeur adjoint de la rédaction

C'est la dernière prouesse d'un homme célèbre sur les réseaux sociaux, où il est plus connu que n'importe lequel des éditorialistes parisiens. Il s'appelle Etienne Chouard. Ce professeur à la retraite a franchi la barrière de l'anonymat en 2005, à l'occasion du référendum sur le Traité constitutionnel européen, en militant pour le « non » avec une capacité de vulgarisation avérée. La suite fut moins glorieuse, puisque son nom a été associé à des causes équivoques et à des noms douteux, à commencer par celui d'Alain Soral et ses dérives antisémites. Comme il patinait sur la glace de l'ambiguïté, l'ex-prof a conservé une certaine aura, notamment parmi les « gilets jaunes ». Ses admirateurs ne retenaient que son action louable en faveur du RIC (référendum d'initiative citoyenne), oubliant que, tel le dieu Janus, Etienne Chouard a deux visages.

Sa récente interview au Média a levé les ambiguïtés. L'ex-professeur a été interrogé par Denis Robert, directeur de la web-TV, et Mathias Enthoven, désireux de lui faire clarifier ses positions. A cette occasion, l'impétrant a expliqué qu'il était victime d'un mauvais procès ; qu'il n'était pas le militant « brun » décrit ici et là ; que l'antisémitisme et le négationnisme étaient des opinions comme les autres ; et qu'Alain Soral était un « résistant » méconnu.

Soudain, Denis Robert, jusqu'alors fort complaisant, osa formuler une simple interrogation : « Est-ce que tu as un doute sur l'existence des chambres à gaz ? » Et l'intéressé de répondre, tel un enfant pris le doigt dans le pot de confiture : « Mais qu'est-ce que c'est que cette question ? Ce n'est pas mon sujet. Je n'y connais rien. »S'ensuivirent quelques minutes de haute voltige durant lesquelles Etienne Chouard jongla avec les échappatoires pour ne pas répondre, arguant qu'il n'était pas un spécialiste de la Shoah, qu'il ne s'était pas documenté sur le sujet, qu'il n'avait pas assez lu. En vertu de quoi il ne sait toujours pas si Auschwitz était un camp d'extermination ou un centre de vacances. Il faut croire que l'Education nationale a un vrai problème de formation puisque l'on peut avoir passé une vie d'enseignant et tout ignorer de ce qui n'est pas vraiment un détail de l'histoire.

D'aucuns ont reproché à Denis Robert d'avoir invité un personnage infréquentable qu'il n'est nul besoin d'écouter. C'est le contraire qui est vrai. A l'insu de son plein gré, le directeur du Média a poussé son interlocuteur dans ses derniers retranchements, jusqu'à cet aveu final qui prouve à ceux qui en auraient douté que l'ex-professeur, en dépit de ses dénégations répétées, est un Faurisson au petit pied, obscur besogneux de la cause négationniste.

Certes, quiconque ayant suivi les méandres de sa pensée le savait depuis longtemps. Mais il est symptomatique que cet accouchement ait eu lieu à l'instigation d'une web-TV que nul ne suspectera d'accointance avec la presse bien en cour. En de telles circonstances, on pourrait s'étonner qu'Etienne Chouard conserve encore un capital de sympathie intact dans une frange de la famille dite « radicale ». En fait, son succès s'explique par la perte de crédibilité de la parole officielle et des médias dominants. Ce phénomène a pour conséquence de valider tout point de vue contraire, si irrecevable soit-il.

On passe vite du doute scientifique au doute systématique, et de l'esprit critique à la croyance aveugle - a fortiori depuis l'avènement des réseaux sociaux, où le meilleur (la parole libre) cohabite avec le pire (le confusionnisme sans rivage). Ainsi, à l'étalage de supériorité morale d'une élite qui diabolise toute pensée non conforme s'oppose le virus de la méfiance, légitimant toute pensée différente par le simple fait qu'elle apparaît illégitime.

Telle est la rançon du principe dévastateur selon lequel les ennemis de nos ennemis sont obligatoirement nos amis. Orwell le disait d'une autre manière : « Tout se passe comme si la vérité devenait mensonge, dès lors qu'elle sort de la bouche de votre ennemi. » Résultat : des gens se réclamant de la gauche de la gauche vont jusqu'à soutenir les islamistes (au nom de la lutte contre l'Occident dominateur), absoudre l'antisémitisme (au nom du combat contre la colonisation israélienne), encourager les dérives « indigénistes » (au nom de l'émancipation des prétendus « racisés ») ou blanchir Etienne Chouard (au nom de la dénonciation des bien-pensants). On ne dira jamais assez qu'il est des principes avec lesquels on ne transige pas, sauf à perdre son âme.