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Lutte des classes en France, où en sommes-nous ?

Lien publiée le 24 juin 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://aplutsoc.org/2019/06/23/lutte-des-classes-en-france-ou-en-sommes-nous-23-06-2019/

Cet article vise à introduire une discussion nécessaire, dans la perspective d’une rencontre nationale ouverte. Il ne traite volontairement pas de tous les aspects politiques de la situation française, laissant à d’autres articles, contributions, échanges, le soin de revenir en particulier sur la situation des organisations syndicales après le congrès confédéral de la CGT, ainsi que la crise «existentielle» de la FI et ses conséquences. Il se réfère au passage à des réflexions d’autres camarades, en l’occurrence Pierre Salvaing (avertissement : dans ce lien, bien aller au delà des lignes de présentation pour trouver le texte de Pierre Salvaing, mise en page trompeuse) et Jacques Chastaing, qui peuvent bien entendu à leur tour y réagir.

Le deuxième acte du quinquennat, deuxième fournée d’attaques antisociales.

A propos des élections européennes, nous écrivions, quelques temps avant leur déroulement, qu’elles ne pouvaient en rien contribuer à une issue politique conforme aux besoins de la majorité et qu’elles ne pouvaient qu’aider Macron, que ce soit avec le RN devant ou que soit avec le RN derrière sa liste, tout en notant la fébrilité présidentielle devant la fragilité de son propre dispositif.

Ces élections passées, l’exécutif et les médias chargés de sa mise en scène, peuvent sembler confortés. Nous serions passés à l’«acte II» du quinquennat.

Macron est en train de faire passer au parlement les lois Dussopt, dite de «transformation de la fonction publique», et Blanquer, cette dernière avec quelques mises au rencart parmi les passages les plus provocateurs, ceci ne réglant rien sur le fond et n’empêchant pas des décrets ministériels d’arriver par derrière ou même d’anticiper. L’élément central de la loi Dussopt, à savoir le fait de retirer le contrôle des carrières des fonctionnaires aux Commissions administratives paritaires tout en promouvant le recrutement par contrat et non par concours, vise à faire de l’autoritarisme, du clientélisme et du piston la vraie norme de l’ «action publique».

La réforme de l’assurance-chômage annoncée est qualifiée de «profondément injuste» par la CFDT, d’«attaque violente d’un populisme assumé» par la CFE-CGC – nous commençons volontairement cette énumération par les organisations syndicales réputées les plus pro-patronales : CFDT, UNSA, CFE-CGC, CFTC et FAGE «dénoncent cette vision d’une réforme guidée par le seul prisme budgétaire qui stigmatise les demandeurs d’emplois». Poursuivons : selon la CGT, elle «prend pour cible les travailleurs précaires», Yves Verrier (secrétaire confédéral FO) précisant que «c’est la réforme du gouvernement, de l’exécutif, et d’eux seuls» (Pouvait-t-on en douter? – mais tous ces dirigeants ont tous participé à la «concertation» ou «dialogue social» d’où est sortie cette «réforme»!).

Selon Benoît Teste, dirigeant de la FSU, le même exécutif compte faire passer à l’automne, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (une arme décisive, rappelons-le, contre le salaire socialisé, instaurée par le plan Juppé de 1995), la définition d’un «âge pivot» à 64 ans, à savoir qu’on ne pourra pas toucher de retraite «complète» (complète, au regard des contre-réformes déjà en place !) avant 64 ans, pour ensuite, dans un calendrier qui tiendra compte des élections municipales, faire passer le gros de sa réforme sur la «retraite à points», dans laquelle la valeur, variable, du point, sera à la main du gouvernement : la paupérisation massive des vieux, des retraités, ira donc de pair avec la baisse de l’espérance de vie qui a commencé, et y contribuera.

Le passage «à froid», malgré les protestations, de cette seconde batterie de contre-réformes, constituerait une nouvelle défaite pour le monde du travail et pour la jeunesse, et, en l’état actuel des choses, les politiques des directions syndicales nationales et l’état des forces politiques classées à gauche ou relevant, par leurs origines, du mouvement ouvrier, étant ce qu’ils sont, il faut froidement dire que ce passage est engagé. Il n’est pas fait, mais il est engagé et il l’est plutôt bien, car il semble peu probable que les lois Dussopt et Blanquer soient défaites avant leur enregistrement parlementaire (mieux vaut en effet parler d’enregistrement que de vote !).

«Voir» ou pas des «luttes partout»?

Faut-il pour autant considérer que «les défaites encaissées, la classe ouvrière ne bouge pas. Et ceux qui voient des luttes partout racontent des balivernes», comme l’écrit par exemple le camarade JK dans un article diffusé par le site Club Politique Bastille ?

La «classe ouvrière» ne se réduisant pas aux secteurs relativement syndiqués et encore relativement protégés par des statuts et des garanties, on ne saurait évacuer de l’analyse de ses mouvements les gilets jaunes, qui, dans leur écrasante majorité, en font partie. Ils n’ont pas été battus, mais ils n’ont pas renversé Macron : car c’est bien l’affrontement central avec l’exécutif qui a marqué la situation pré-révolutionnaire que la France a connue en novembre-décembre 2018, avec de fortes répliques dans le premier trimestre 2019.

L’exécutif incarné dans Macron a été, politiquement et symboliquement, et le politique et le symbolique sont en l’occurrence des données qui pèsent matériellement et concrètement, affaibli, mais il a tenu, pour les raisons politiques que nous venons d’évoquer. Par rapport à cette crise, nous sommes dans «le jour d’après» (après le 9 janvier 1905 le tsar a tenté de reprendre le dessus !). On ne saurait analyser le moment présent sans l’inscrire dans cette dynamique mouvante. Qu’un reflux relatif corresponde aux élections européennes et à leur lendemain immédiat était prévisible. La question est d’en mesurer la portée et, bien entendu, celle de son utilisation par le régime en place.

D’autre part, il y a différentes manières de «voir des luttes partout» : il n’est pas bon de les fantasmer, mais les occulter ne vaut pas mieux et peut tout autant relever du fantasme – en l’occurrence, le pessimisme des couches militantes organisées voyant (à juste titre) que leurs organisations ont tout fait pour aller à la catastrophe et barrer toute perspective politique, pessimisme bien ancré qui a pu suspendre un temps son jugement ces derniers mois, mais qui ne pouvait que revenir au galop après les Européennes.

Le même froid réalisme qui commande de mesurer le danger d’une reprise en main par un exécutif violent faisant passer pleinement sa seconde fournée de contre-réformes, commande aussi de prendre en compte le fait qu’en effet, il y a bel et bien des luttes partout !

Le mouvement des Urgences.

Le mouvement des services d’urgence dans les Hôpitaux est parvenu, par ses propres forces, se généraliser contre le ministère de la Santé et donc contre l’exécutif. Notre camarade Jacques Chastaing, auquel on pourrait ainsi reprocher de «voir des luttes partout», n’a pourtant pas inventé la liste, qu’il allonge régulièrement – à la date du 21 juin, 402 établissements de santé, dont 133 services d’urgence en grève, «grèves illimitées, ponctuelles, débrayages, préavis, pétitions … dans les hôpitaux, urgences, maternités, ehpad», imposant aux organisations des journées d’action nationales qui prennent un caractère autre que celui des traditionnelles «journées d’action» – la prochaine est le 2 juillet -, car il s’agit de la montée d’un mouvement de fond, s’affirmant comme présent partout, et comme se centralisant contre le pouvoir en place.

L’enjeu est fondamental et, comme les revendications vitales sur «la fin du mois», et comme l’inquiétude massive et légitime de la jeunesse devant la destruction des conditions de vie sur terre, il met de fait en cause les rapports sociaux existants :

«Combien coûtent les vies humaines ? C’est la question que nous posons. En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés alors même que la population augmente et vieillit ; la moitié des maternités du pays également. (…) la dégradation de notre système de soinsnous met toutes et tous en danger, professionnels comme patients(Appel Nos vies d’abord lancé par des professionnels de santé en soutien au mouvement engagé).

La mobilisation des personnels des Epahd en même temps que le profond mécontentement des retraités, avait été une forte composante de la trame qui, au printemps 2018, préparait en fait l’explosion sociale ouverte le 17 novembre 2018, cela alors même que les journées d’action «classiques» contre la seconde «loi travail» puis les grèves perlées annoncées par avance comme devant durer des mois chez les cheminots, et des mouvements étudiants dispersés, connaissaient, eux, autant de défaites.

La reprise de ce mouvement, en plus large et plus visible, après la période dite des «gilets jaunes», montre bien que, justement, il n’est pas vrai que «les défaites encaissées, la classe ouvrière ne bouge pas».

D’une part, il n’y a pas eu de défaites majeures supplémentaires pendant le semestre ouvert par la crise pré-révolutionnaire déclenchée le 17 novembre dernier. D’autre part, la classe ouvrière, le prolétariat ou le monde du travail (quel que soit le nom qu’on lui donne), loin de «ne pas bouger», enregistre à sa façon, organique et objective, les leçons des affrontements récents.

Si la lame de fond des urgences continue le mouvement des Ehpad du printemps 2018, elle a aussi eu la capacité de s’affirmer comme mouvement national, généralisé et centré contre le gouvernement et tenant dans la durée. Cette capacité supérieure est pour elle un acquis de la période récente. C’est un mouvement immédiatement politique au sens révolutionnaire du terme : il affronte l’ordre existant et le pouvoir d’État et il s’en rend compte. C’est d’ailleurs pour cela que Jacques Chastaing, dans son recensement de ces «luttes partout», a en l’occurrence raison de compter aussi les préavis, pétitions, actions locales n’allant pas jusqu’à la grève, etc., car il ne s’agit pas dans ce cas d’actions-bidons ou de substituts, mais bien d’une mobilisation de fond, politique, qui prédétermine la poussée vers la grève proprement dite et donne donc leur contenu à toutes les autres formes d’action (outre le fait que les personnels de santé s’efforcent à se mobiliser sans jamais laisser tomber les malades et la population).

Dans l’enseignement.

Ces caractéristiques se retrouvent, de manière moins visible, dans ce qui est en train de se passer dans l’enseignement public. Le 17 juin, plusieurs syndicats, dont les syndicats de métier historiques des professions enseignantes des lycées et collèges affiliés à la FSU, ont appelé à la «grève du Bac». Ce mot d’ordre circulait depuis début mai, permettant à ces directions syndicales de se présenter comme très combatives tout en n’organisant pas, de fait, la montée en puissance contre Blanquer et le gouvernement qui était alors possible. Il était clair qu’il ne pouvait réussir à mobiliser réellement que dans quelques établissements en pointe, mais ne serait pas majoritairement suivi. Les médias ont, fait significatif, décidé de ne pas faire de campagne du type «les bacheliers pris en otage», car l’intérêt du gouvernement était, en dehors de quelques déclarations martiales du ministre, que l’on en parle le moins possible. Après coup, Blanquer communique un nombre de grévistes officiel : 2,54% de l’ensemble des personnels enseignants du second degré. Il est avec cela facile de faire croire à un bide complet. Sauf que le chiffre réellement significatif est secret défense, c’est celui qui donnerait la proportion de grévistes par rapport aux personnels effectivement convoqués pour surveiller le bac ce jour-là. On peut le supputer du chiffre ministériel : il y a eu de 20% à 40% de grévistes parmi les profs surveillant habituellement le Bac, ce qui est énorme. De plus, ceux qui n’ont pas fait grève ont souvent tenu à exprimer leur opposition à la «réforme» du lycée par des motions et pétitions, ou l’avaient déjà fait auparavant. Les uns et les autres savaient que le Bac ne serait pas empêché, mais pensaient qu’à un moment donné il faudra peut-être en arriver là. Cerise sur le gâteau : le ministre dans son communiqué nous apprend que «0,53%» des enseignants des écoles primaires auraient fait grève, autrement dit qu’un instit sur 200 a jugé devoir faire grève en solidarité avec les «grévistes du Bac», cela sans même y avoir été appelé.

La réalité est celle d’un mouvement très profond de refus de contre-réformes à la fois réactionnaires, épuisantes, et appliquées selon la méthode délibérée du bricolage. Ce mouvement est montant, alors que les vacances arrivent : il n’y a donc pas de raison qu’il ne soit pas montant … à la rentrée.

Grèves et conflits.

Ces indications importantes, sur le secteur de la Santé et sur celui de l’Éducationnationale, ne sont pas présentées ici pour se rassurer à bon compte sur le fait que «il y a des luttes». L’analyse concrète d’une situation concrète ne peut pas se limiter à des proclamations du genre «il y a plein de luttes» ou «il n’y a pas de luttes». La vraie question politique est d’évaluer si l’«union grandissante des travailleurs» avance ou recule. Le caractère général, central et fondamental du mouvement dans la Santé, et le fait que la résistance des enseignants ait franchi le cap symbolique d’une grève «le jour du Bac», sont deux indications importantes à cet égard : leur contenu politique et la combativité qui lui est associée ne sont pas en recul.

Pour autant qu’on puisse en juger faute de toute statistique fiable (celles des services du Ministère du travail, qui doivent bien entendu être décryptées, sont de toute façon non connues depuis 2016 pour ce qui est des grèves, depuis 2017 concernant les négociations d’entreprise), les grèves et conflits dans les entreprises en général n’ont pas diminué, que ce soit des conflits défensifs pour l’emploi – les plus mal engagés et les plus médiatisés, comme actuellement General Electric à Belfort-, des mouvements défensifs dans des entreprises fonctionnant à la commande publique comme à la compagnie La Méridionale (transport maritime avec la Corse), ou, sans doute plus significatif encore, des grèves contre la pression au travail et les licenciements abusifs pour faute, comme dans le bâtiment dans le groupe Colas à Saint-Etienne et au Puy-en-Velay, et bien entendu les grèves pour les salaires, qui obtiennent des résultats certes insuffisants mais importants pour l’état d’esprit des travailleurs, comme celle de 80% des 140 ouvrières et ouvriers de l’usine d’embouteillage de Prahec (la Fié des Lois, Deux-Sèvres) qui ont obtenu une hausse de 50 euros du salaire brut au bout de 5 jours de grève, ou la série de débrayages et de rassemblements qui se poursuivent chez GCA (sous-traitant de l’AIA) à Clermont-Ferrand, où les revendications sont une hausse de 100 euros du salaire brut et l’embauche de CDD en CDI.

Il est probable que le nombre de conflits et de grèves dans les entreprises, tout en continuant à former une trame de fond invisibilisée, mais fondamentale, est plus faible qu’en janvier-mars où il s’agissait directement de répliques locales et éparses à l’affrontement central de fin 2018. Mais, en relation avec la poussée nationale dans la Santé et celle qui sourd dans l’Éducation, ce probable repli ne signifie pas un «recul des luttes». Faute de force politique et de directions syndicales qui formulent consciemment son mouvement propre, le prolétariat de façon organique et peu consciente cherche à souffler pour contre-attaquer, en assimilant la gravité de la prochaine bordée d’attaques gouvernementales.

Les gilets jaunes, de samedi en samedi, continuent. Le 22 juin a même vu une remontée par rapport aux samedis précédents, avec plusieurs blocages de péages autoroutiers notamment. Autant les initiatives prétendant représenter politiquement ce mouvement n’ont eu guère d’impact, et c’est tant mieux car elles étaient en rupture avec son contenu social réel, autant l’on peut dire, dans la mesure où le «mouvement des gilets jaunes» comme force offensive de type insurrectionnel est à présent derrière nous, que cette continuation, cette pérennité, qui ne s’arrêtera pas de sitôt, s’intègre à présent dans une sorte de bruit de fond permanent, avec les grèves et conflits dans les entreprises. Son message pour la masse des prolétaires est qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard, il va falloir revenir à la charge.

Nous ne sommes donc pas, au total, dans une situation de défaite ou de reflux, et l’on peut très bien comprendre cela sans minimiser pour autant le poids des reculs sociaux successifs, ni le danger des développements politiques prochains.

L’exécutif français.

Le pouvoir exécutif a un moment de répit, que prolongeront sans doute les vacances d’été, hors possible krach financier. Ce moment de répit suit un moment où il a senti le vent du boulet, tout en ayant pu s’appuyer sur le fait qu’aucun des appareils politiques anciens, issus du mouvement ouvrier, ou nouveau, entendant s’en défaire une bonne fois, ne le menaçait, mais qu’au contraire tous, à leur façon et dans un affaiblissement croissant, le protègent de fait.

Il lui faut donc reprendre la main, ce qui ne passe pas seulement par la reprise des contre-réformes rapidement énumérées au début de cet article, mais par la structuration institutionnelle de l’État.

Ils sont sortis de l’ «État de droit» et n’y retourneront pas.

Le macronisme est sorti de «l’État de droit», c’est-à-dire de la conformation de l’exécutif, police, gendarmerie, armée, justice … aux lois existantes, ce qui donnait des garanties même quand, en même temps, l’on contestait ces lois. Là, nous rejoignons totalement Pierre Salvaing :

«La marche à la barbarie est quelque peu accélérée. Elle s’exprime notamment par les restrictions incessantes des libertés démocratiques, généralisées, qui trouvent en France une expression particulière, dans les attaques contre les Gilets Jaunes, mais aussi contre les journalistes et le gazage des dirigeants syndicaux le premier mai, tous gestes où le symbolique rejoint le passage direct à l’acte.»

Après les Européennes, les velléités de certains magistrats de procéder à des condamnations de policiers ayant blessé, mutilé, éborgné, ont d’abord suscité les menaces des prétendus «syndicats», en fait des organisations factieuses, que sont «Alliance» et compagnie – des menaces physiques collectives, de désorganisation de l’État et d’autonomisation complète des bandes policières.

Castaner a appuyé sa clientèle et c’est la directrice de la «police des polices», l’IGPN, dont on a découvert l’existence à cette occasion, Mme Brigitte Julien, qui «réfute totalement le terme de violences policières». Le déni officiel ouvre grand les vannes de la dérive, une dérive non seulement anti-démocratique, mais visant à se délester de toute norme de droit, de toute fiabilité en matière de droit à la sûreté des citoyens et de la population.

C’est ainsi que l’on voit des préfets pondre des arrêtés d’expulsion contre des migrants et des réfugiés au motif, employé au conditionnel, que leurs papiers, délivrés par des États notamment africains, pourraient bien être faux. Les violences policières, ça n’existe pas, tout papier d’état civil africain pourrait être faux, ce qui justifie l’expulsion : un conditionnel préfectoral permet d’expulser.

L’article 1 de la loi Blanquer, qui n’a pas été retouché, comporte une catégorie de droit porteuse de la même équivoque et donc de la même insécurité pour les administrés et pour les justiciables : le «devoir d’exemplarité» des enseignants, une notion pseudo-juridique mêlée de rhétorique, dont personne n’est en mesure de donner la signification exacte ; c’est bien là le but recherché.

La dérive de la V° République crépusculaire de Macron ne saurait donc être «rectifiée» ou «normalisée», même dans l’hypothèse invraisemblable où les luttes sociales prendraient fin. Cela signifie que le régime ne peut se passer de piétiner son propre droit. Et que les questions démocratiques sont plus que jamais articulées à toutes les questions sociales, ce que les manifestations de gilets jaunes et de bien d’autres ont intégré, en comportant de plus en plus souvent des mots d’ordre dénonçant violences et LBD.

LR et Macron.

Macron n’a guère de base sociale en dehors de l’appareil d’État et de la haute bourgeoisie financière. Mais la peur sociale lui a procuré, aux Européennes, le vote des beaux quartiers. La crise du parti historique de la V° République qui s’appelle aujourd’hui LR ainsi ouverte, est d’une grande importance : s’y joue le ralliement des grands notables et des camarillas préfectorales et affairistes à Macron, dont les municipales seraient le test (mars 2020). Macron a besoin d’eux.

Si Macron était un président-Bonaparte de la V° République pleinement solide et légitime, ce ralliement ne poserait pas de problèmes. Mais ce n’est pas le cas, et l’appareil LR et ses élus sont tiraillés entre deux possibilités et par conséquent trois : aller chez Macron (peu importe les modalités précises, LREM ou pas, etc.), répondre à l’alliance droitière avec la famille Le Pen et le RN, et donc, troisième possibilité, ni l’un ni l’autre et maintien de LR, mais sans Wauquiez à sa tête (cela, au moins c’est réglé !).

Du point de vue de Macron, ce nécessaire ralliement n’est pas sans risque, s’il rate bien entendu, mais aussi s’il réussit, car les gamelles, le clientélisme, la corruption de ce vieil appareil peuvent aussi le plomber, et venir additionner ses faiblesses aux siennes.

Le résultat de cette opération dépendra in fine de la lutte des classes …

Peau de banane …

Pour pouvoir mener à bien le second volet de son offensive antisociale, Macron a besoin de colmater la crise au sommet et de reprendre, d’une façon ou d’une autre, le processus de réforme constitutionnelle visant à faire du parlement une chambre d’enregistrement pure et simple, de manière non pas gaullienne, mais napoléonienne.

C’est très loin d’être fait, et la peau de banane sur laquelle il a glissé au niveau européen permet de prendre la mesure de cette crise au sommet non réglée, et sans cesse renouvelée par les faiblesses et l’incompétence organique de son personnel. La peau de banane s’appelle, on l’aura compris, Nathalie Loiseau, sa tête de liste aux Européennes, priée de se taire à peine élue étant donné ses propos calamiteux sur tous les dirigeants politiques européens ou presque.

La confrontation à peine feutrée entre Allemagne et France, non pas celle qu’imaginaient les «souverainistes» puisque la ligne néolibérale est la même de part et d’autre, mais celle d’impérialismes affaiblis par la crise globale du capital et les foucades de Trump, se poursuit à propos des sièges de bureaucrates «européens» à pourvoir. Mais l’entrée en scène de la France, de Macron, et, donc, de N. Loiseau, dans cette arène, a une fois de plus étalé publiquement le fait que la camarilla macronienne est très douée pour se tirer des balles dans le pied.

Ceci n’est pas une caractérisation psychologique –si ça se trouve N. Loiseau est intelligente !- mais bien politique : comme l’affaire Benalla, qui n’est pas finie, elle découle de la disproportion entre le projet macronien, restaurer l’impérialisme français et la V° République, et ses moyens réels.

* * *

Cette restauration échouera en ce qui concerne «la place de la France dans le monde et en Europe». Mais le point qui est vital pour nous, pour les gens ordinaires, pour les prolétaires, est qu’elle échoue à cause de nous et dans ses projets dirigés contre nous, car sinon, c’est nous qui paierons la facture. Ceci n’est pas écrit d’avance. Discutons, réunissons-nous !

23-06-2019.