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Algérie : Face aux entreprises de divisions du pouvoir et à la répression, le 5 juillet donnons un nouveau souffle au hirak
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Crédit Photo: Titi Haddad
Au cinquième mois du mouvement, après avoir tenté des manœuvres pour diviser la population sur la question de la participation des femmes au mouvement, sur la question religieuse, le communisme, le pouvoir tente de diviser sur la question culturelle, identitaire pour attaquer la mobilisation.
Il a commencé par réprimer tous les rassemblements qui se tenaient à Alger en semaine. Il a interdit les manifestations du vendredi à ceux qui venaient de la périphérie d’Alger. Il est passé à un second stade en arrêtant Louiza Hanoune, parce qu’elle aurait comploté avec Saïd Bouteflika et le Département du Renseignement et de la Sécurité contre l’armée ou on ne sait quoi. Si cette réunion a eu lieu, elle a eu lieu quand Bouteflika était encore président, le 2 avril, donc elle discutait avec le conseiller du président, des rapports politiques que nous ne partageons pas, mais avec une institution officielle. Il s’agit en réalité d’une intimidation par rapport aux militants politiques.
Louiza Hanoune est en prison, on lui refuse la liberté provisoire, on ne sait pas pour quelle raison. Les militants du PT nous disent qu’elle est en très mauvaise santé, car elle a plus de 65 ans et des problèmes de tension et de diabète notamment.
Ils ont demandé sa libération. Un comité pour la libération de tous les détenus d’opinion dont Louiza Hanoune organise des manifestations pour peser pour la libération.
Le pouvoir a ciblé ceux qui portaient l’emblème amazigh
Le drapeau amazigh est l’emblème de l’Afrique du Nord. Depuis 62, il y a un grand problème identitaire en Algérie et dans tout le Maghreb, on disait que le Maghreb est arabe. Mais le mouvement culturel et la résistance des peuples dans cette région ont fini par imposer la reconnaissance officielle de l’identité amazigh de l’Afrique du Nord. Alger est la région la plus visée. On n’enlève pas les emblèmes en Kabylie car le rapport de force est très fort, mais toute personne qui brandit l’emblème à l’Ouest à Oran ou à l’Est à Skikda ou Annaba, est victime d’une arrestation.
Les arrestations des jeunes qui ont brandi l’emblème Amazigh sont nombreuses, ils ont même arrêté des jeunes qui ont brandi des pancartes qui disent « Yatnahaw ga3 » en Égypte pendant la Coupe d’Afrique de football. Ils sont apparemment détenus à la prison d’El-Harrach. Le but est de diviser le mouvement.
L’accélération de la répression est liée à la fin de l’échéance légale constitutionnelle du 9 juillet qui correspond à la fin du mandat du président intérimaire, la fin du mandat du gouvernement, qui ne peut pas dépasser 90 jours à partir du 9 avril. C’est la peur centrale du régime.
La répression est violente, ils arrêtent beaucoup de monde à Alger, dans les marches, dans toutes les régions d’Algérie et on les met sous mandat de dépôt, c’est-à-dire qu’ils sont systématiquement emprisonnés. Lundi 1erjuillet, 16 jeunes ont été mis sous mandat de dépôt pour avoir brandi l’emblème amazigh ou un autre drapeau. Des femmes ont été arrêtées parce qu’elles portaient la robe kabyle.
Le pouvoir contre un dirigeant historique de la guerre de libération
Lakhdar Bouregaâ a été arrêté parce qu’il était critique par rapport à l’état-major. Bouregaâ est un dirigeant historique de l’ALN, qu’il a rejoint en 1956. Il a été dirigeant de la zone d’Alger, c’est une figure importante de la guerre de libération. Il est connu pour ses positions politiques, et a toujours eu une expression libre. Il participe au mouvement, pour le départ de tout le système, y compris du chef de l’état-major qu’il cite nominativement dans ses interventions politiques. Il était présent à la réunion des partis pour l’alternative démocratique, et a déclaré que l’armée nationale populaire ne peut pas être le digne successeur de l’Armée de libération nationale.
Son arrestation a été accompagnée par une campagne de la chaine publique, l’ENTV, qui prétend qu’il était membre de l’armée française et n’avait pas fait la guerre d’Algérie ! Heureusement, l’organisation nationale des Moudjahidin a publié une déclaration pour combattre la remise en cause de son parcours révolutionnaire. Il y a une grande mobilisation en solidarité avec ce grand personnage. Comme pour Louiza Hanoune, il s’agit d’empêcher la formulation d’un discours politique alternatif.
Réprimer pour freiner le mouvement
Le but est d’empêcher les regroupements et l’organisation, la répression n’est pas une fin en soit. Elle traduit la dérive autoritaire de l’état-major, il ne faut pas oublier qu’on n’est pas à l’abri d’un coup de force militaire comme en Égypte ou au Soudan. Ce qui nous protège, c’est le rapport de forces du vendredi, qui est très important aujourd’hui.
Le but est de créer une diversion par rapport au mot d’ordre central qui est le départ du système politique global, dont le chef d’état-major Gaïd Salah fait partie, avec Bensalah, le président intérimaire, et Bedoui, le chef du gouvernement. Il est le porte-parole officiel du système, dont il se fait le porte-voix chaque semaine. C’est lui qui a interdit dans un discours le port de toute emblème autre que l’emblème national, et qui a donné comme instruction la justice de mettre sous mandat de dépôt les jeunes arrêtés.
Des initiatives politiques contradictoires
Il y a deux grandes initiatives. La première a été prise par les partis libéraux, avec l’ancien chef du gouvernement Ali Benflis, les islamistes comme Djaballah et des personnalités issues du système en général, qui appellent à une conférence pour le 6 juillet. Ils sont d’accord sur le principe d’organiser une présidentielle rapidement, pour sortir le pays de la crise et continuer le système en changeant le président. Il y a une décantation en interne, des organisations de la société civile, des organisations de défense des droits de l’Homme et des syndicats se retirent.
La deuxième initiative, dit démocratique, dénonce le fait qu’une présidentielle consacrerait la continuité du système. Elle dit que la rupture ne peut intervenir que dans le cadre d’un processus constituant et elle dit qu’il n’y a aucune possibilité de dialogue sans la libération des détenus, sans la levée des entraves aux libertés syndicales, d’expression, à la liberté de manifestation, et d’autres revendications.
Le PST est partie prenante de cette deuxième initiative, sur un principe d’unité d’action sur toutes les questions, notamment les questions démocratiques. Ces dernières abordent la question de la souveraineté du peuple, l’ouverture du champ politique, et l’arrêt de l’immixtion de l’armée dans les débats politiques.
Elle appelle à une manifestation histoire le 5 juillet, jour de l’indépendance de l’Algérie. Le peuple va manifester massivement pour dire que nous voulons récupérer la souveraineté sur notre pays. La guerre de libération a permis de libérer l’Algérie de la colonisation, mais il faut en finir aussi avec le néo-colonialisme qui est incarnée par le régime en place.
Ce n’est ni un front de gauche, ni un front antilibéral et anti impérialiste. Il s'agit d'un front démocratique et donc inter-classiste autour de revendications démocratiques et transitoires qui intéressent en premier chef les intérêts des travailleurs et des masses populaires qui doivent prendre la direction de cette bataille qui pourrait engendrer une dynamique révolutionnaire au sens marxiste, au sens de la révolution permanente.
Cela fait 19 vendredis que nous manifestons massivement, que le mot d’ordre de rejet complet du système est maintenu, que toutes les propositions de l’état-major sont rejetées. Pour l’été, on va passer un été chaud mais où la mobilisation va continuer. Nous sommes beaucoup plus inquiets vis-à-vis de la répression, alors on essaie de s’organiser en face, avec le réseau de solidarité avec les détenus d’opinion, avec les noyaux organisés dans toutes les wilayas pour défendre les libertés qui sont lourdement menacées et qui menacent les droits sociaux et la possibilité de s’organiser. C’est une question fondamentale : on met toujours en cause les libertés pour mettre en place un État fort. Nous voulons donc accentuer l’auto-organisation et continuer les débats publics partout où c’est possible, pour affaiblir le pouvoir et renforcer le mouvement.
Kamel Aïssat et Antoine Larrache