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Hongkong. Le parlement saccagé qui fait la une de la télévision d’Etat chinoise
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Par Rédaction A l’Encontre
Il n’est pas habituel que la chef de l’exécutif de Hongkong, Carrie Lam, en compagnie du chef de la police Stephen Lo Wai-chung, tienne une conférence de presse à 4 heures du matin le mardi 2 juillet, en chinois de Canton et en anglais. Le thème le plus important développé par Carrie Lam avait trait à la caractérisation des actes de quelques centaines de manifestants qui avaient envahi le parlement (LegCo) le 1er juillet: ce sont des émeutiers, ils devront être jugés en tant que tels. Ce qui implique une peine de prison de 10 ans. Elle répondait ainsi à la demande d’amnistie pour toutes les personnes arrêtées qu’une partie du «mouvement démocratique» large formulait.
Quant au chef de la police, face à des journalistes en grande partie de Hongkong, il passa son temps, dans son intervention et ses réponses, à justifier la non-intervention de la police face aux quelques centaines de jeunes qui avaient forcé l’entrée du parlement. Son argument s’articulait sur deux éléments: 1° lui-même aurait subi antérieurement, dans sa résidence, une tentative d’intoxication avec «une poudre blanche toxique» et craignait dès lors qu’une utilisation identique soit faite dans le parlement; 2° la police n’est pas intervenue parce qu’elle voulait être certaine que tout le personnel du parlement avait pu sortir, suite à l’entrée des manifestants. Ses explications répondaient à une interrogation reprise par divers journalistes: comment se fait-il que la police soit restée sur les côtés? N’est-ce pas la preuve que sa passivité se conjuguait avec une volonté de créer un contexte de provocation politique? Ce d’autant plus que le silence était quasi total, lors de la conférence de presse, sur la manifestation de plus d’un demi-million de personnes qui s’était déroulée le 1er juillet à Hongkong.
La conférence de presse tranchait avec la cérémonie présidée par Carrie Lam dans la matinée du 1er juillet – cérémonie sous bonne garde – qui marquait le 22e anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la République populaire de Chine par la Grande-Bretagne. La date du 1er juillet était aussi adoptée par les diverses composantes du «mouvement démocratique» pour manifester dans la foulée des grandes mobilisations exigeant le retrait de l’acte d’extradition vers la Chine continentale et non pas sa seule suspension comme annoncé par Carrie Lam.
Il n’a pas fallu longtemps pour que la qualification d’«émeutiers» utilisée par Carrie Lam soit répercutée dans la presse de la Chine continentale contrôlée par le Parti communiste chinois. C’est une des premières fois qu’elle cite aussi ouvertement les «événements de Hongkong», les limitant, cela va de soi, au «saccage du parlement».
Pékin «informe»
La conclusion coulait de source. C’est ce que rapporte Verna Yu, basée à Hongkong, dans le Guardian, en date du 2 juillet: «Le gouvernement chinois a fermement condamné les manifestants qui ont pris d’assaut et vandalisé l’Assemblée législative de Hongkong lundi soir, qualifiant cet acte de «totalement intolérable». Dans une déclaration de l’agence de presse publique Xinhua, le bureau de liaison du gouvernement chinois à Hongkong, sa principale organisation représentative dans la ville, s’est déclaré «choqué, indigné et a fermement condamné» le siège du bâtiment du parlement. «Certains éléments extrémistes ont eu recours à une violence effrénée pour prendre d’assaut l’édifice de l’Assemblée législative et ont commis une série d’agressions à grande échelle. C’est choquant, c’est déchirant et c’est une source de colère», a déclaré le communiqué. «Leurs actes violents constituent un défi extrême à l’Etat de droit de Hongkong et compromettent gravement la paix et la stabilité de Hongkong. C’est totalement intolérable.» Selon le communiqué, le bureau de liaison de la Chine a soutenu les autorités de Hongkong afin qu’elles enquêtent sur les actes de violence dans le but de sauvegarder la loi et l’ordre à Hongkong.» Verna Yu souligne que «dans le même temps, le Bureau des affaires de Hongkong et de Macao du Conseil des affaires d’Etat, soit le cabinet chinois, a publié une déclaration de condamnation formulée de la même manière, jurant d’aider les autorités de Hongkong à enquêter sur la «responsabilité pénale des délinquants violents». Ces déclarations et communiqués ont été diffusés par la télévision d’Etat en Chine.
En se limitant à ces réactions du pouvoir de Pékin, il apparaît qu’une nouvelle phase semble s’ouvrir dans les affrontements qui se déroulent à Hongkong, et dont les composantes du dit «mouvement démocratique» sont différenciées (voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 20 juin).
Dans de The New Republic, Bethany Allen-Ebrahimian, déjà le 20 juin 2019, rappelait les modalités «informelles» de contrôle croissant par Pékin sur le degré d’autonomie de Hongkong inscrite dans la loi fondamentale (Basic Law, une sorte de mini-Constitution). En 2016, Pékin était intervenu pour disqualifier des élus pro-indépendance, invoquant des questions «techniques», quand bien même le système est une combinaison d’élus directs et indirects liés aux milieux des affaires (BBC, 7 novembre 2016). Il s’agissait de réduire tous les gains politiques acquis par le mouvement démocratique suite à la première élection qui s’effectuait dans le climat marqué par le Mouvement des parapluies, en 2014, dont le thème central, pour rappel, était le soutien à l’élection au suffrage universel du chef de l’exécutif, un but qui n’a pas été atteint, malgré la dimension et la durée des manifestations.
Le système judiciaire de Hongkong est en grande partie indépendant. Le traité d’extradition est un moyen pour Pékin et sa représentation à Hongkong de contourner cet obstacle. Les personnes extradées – dans la situation présente, des éditeurs ont dû être enlevés par les services du PCC – seraient dès lors jugées selon les modalités régnant dans la République populaire de Chine. Cet acte d’extradition se conjugue avec des pressions exercées sur les juges rapportées dans divers articles.
En outre, la Basic Law permet, dans «l’intérêt de la sécurité nationale et de l’ordre public», d’interdire par exemple un parti politique, ce qui a été fait en septembre 2018 contre une petite formation, le Parti national de Hongkong. Ce n’est pas un hasard si Carrie Lam a fait référence explicitement à la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public lors de sa conférence de presse, au même titre que les communiqués et déclarations des plus hautes instances de Pékin. La qualification d’émeute a été utilisée par le chef de la police de Hongkong dès le 12 juin. Ce qui renforce les mesures répressives (procès, emprisonnement) qui avaient été prises à l’occasion du Mouvement des parapluies.
En décembre 2018, les autorités de Hongkong ont envoyé un détachement de la police de Hongkong afin de se tenir au courant des méthodes utilisées par la «police continentale» dans le Xinjiang, une région où l’enfermement dans des camps de centaines de milliers d’Ouïgours (musulmans) est la forme extrême du «contrôle» de la population. Cette information a été donnée par Christy Leung dans le South China Morning Postdu 6 décembre 2018, une publication qui a été rachetée par le patron d’Alibaba, Daniel Zhang, pour servir les intérêts du PCC. Le South China Morning Post avait manifesté une inclination insupportable pour Pékin face au Mouvement des parapluies.
Au cours des dernières années, les options de Pékin et de ses représentants à Hongkong visent à resserrer le contrôle, à utiliser tout affrontement pour faire appel au thème de la «mise en danger de la sécurité nationale» et des «agissements de forces étrangères». Pour l’heure, étant donné la fonction économique actuelle de Hongkong pour la Chine, une répression massive reste peu envisageable pour Xi Jinping. Mais les différentes composantes du «mouvement démocratique» font face à un pouvoir qui se situe dans l’ombre de celui installé à Pékin. C’est une des raisons pour lesquelles certains des militants interviewés dans le dossier publié le 20 juin sur ce site mettent l’accent sur la nécessité, malgré toutes les difficultés, de créer une jonction entre les revendications démocratiques et sociales à Hongkong et celles émergeant en Chine continentale. (2 juillet 2019)