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Du Thé Eléphant à SCOP-TI
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.lesutopiques.org/du-the-elephant-a-scop-ti/
L’outil dont les coopérateurs et coopératrices disposent désormais, tout comme leur savoir-faire, amènent à rappeler les liens historiques existant avec l’origine du « Thé de l’Eléphant », né dans une maison de commerce à Marseille en 1892, qui, après avoir été rachetée par de grands groupes industriels, ne cessa de s’agrandir avec le temps et de développer sa capacité technique de traitement et de conditionnement de thés et de plantes aromatiques.
Notre histoire
L’usine créée à Gémenos, le 23 octobre 1989, correspond à la date de rassemblement des unités de production de Marseille et de traitement des matières premières de Pont de Joux, situé au pied du Garlaban, près d’Aubagne. En 1998, l’activité de l’usine du Havre fut, elle aussi, regroupée avec celle de Gémenos. Cet ensemble devait aussi contribuer à pérenniser l’activité de conditionnement de Thés et Infusions aromatisés en accédant à une notoriété européenne (au statut d’unité de production européenne).
Le site industriel de Gémenos est un pôle d’activité particulier qui dispose de deux spécificités uniques, à cette échelle, avec la présence d’une ligne de coupe des plantes récoltées et un atelier d’aromatisation humide permettant la présence d’arômes naturels. A une époque, le site s’approvisionnait d’ailleurs dans la région provençale, en plantes aromatiques (Tilleul, Verveine, Camomille, Menthe, etc.) et en arômes naturels, venus du pays de Grasse. L’un des projets initiés par les coopérateurs et coopératrices de SCOP-TI, dont une partie a connu cette pratique, consiste précisément à réhabiliter ce procédé d’aromatisation et réintroduire ces circuits courts de commercialisation.
Malgré la très bonne santé économique de cette entité, le groupe Unilever décida, le 28 septembre 2010, de fermer le site et de mettre en œuvre un plan de licenciement. Dès lors, les travailleurs et travailleuses luttèrent pour préserver l’outil industriel et leurs emplois, et établirent dans le même temps une solution alternative qui aboutit, après 4 ans de lutte et contre la décision du groupe Unilever, à un accord signé le 26 mai 2014. Ce dernier déboucha sur la création de leur propre entreprise, SCOP T.I, Société Coopérative Provençale de Thés et Infusions, avec un effectif de 58 coopérateurs et coopératrices, dont 46 futurs salarié.es.
Mai 2014 : la victoire
L’organisation de la coopérative SCOP-TI
Souhaitant en finir avec un modèle social hiérarchique, qui soutient la recherche de profit au détriment de l’emploi, les ex-salarié.es de Fralib ont établi le projet de maintenir l’usine en activité et de se constituer en coopérative. Le rêve d’instaurer une « république sociale » dans l’usine « comme dans l’atelier », garantissant de fait la « souveraineté » des salarié.es au sein de l’entreprise, s’est concrétisé par la création de la Société Coopérative Ouvrière Provençale de Thé et Infusions, dont les statuts ont été déposés le 5 Août 2014. Scop-TI est composée de 58 personnes qui se sont battues pendant 1336 jours, contre leur ancien employeur, pour préserver leur emploi et montrer qu’un autre choix de société est possible… L’organisation de l’entreprise a profondément changé puisque, désormais, chaque voix compte et tout se décide en Assemblée Générale des Coopérateurs ou par le biais du Conseil d’administration qui en est issu. Ce dernier est composé de 11 personnes, élues par les coopérateurs et coopératrices, pour une durée de quatre ans. Un comité de pilotage a été ensuite mandaté pour mener à bien le projet de la coopérative dans les démarches administratives et opérationnelles. Toute cela est le produit d’une lutte longue ; c’est en premier lieu le résultat de la détermination de celles et ceux qui l’ont menée bien sûr ; mais aussi de la solidarité qui s’est construite et développée autour. Enfin, on ne peut ignorer que cela repose sur un collectif syndical CGT qui, « sous l’ancien régime », rassemblait près de 50% des salarié.es : 94 sur 182.
Juillet 2014, lors de la fête organisée pour célébrer la victoire, meeting avec Gérard Affagard (CFE/CGC), Olivier Leberquier et Gérard Cazorla (CGT)
Les coopérateurs et coopératrices ont dû se réorganiser en termes d’adaptation de postes et de montée en compétences pour pallier les pertes de savoirs enregistrées au niveau des différents secteurs d’activité de l’entreprise à l’issue du conflit (Administration, Production, Qualité, Hygiène Santé Environnement, Logistique), de façon à maintenir l’activité dans une perspective de développement pérenne. L’organisation de l’entreprise, comptant sur l’embauche de tous les salarié.es licencié.es ayant lutté jusqu’au bout, sans distinction, et considérant d’autre part le démarrage imminent de l’activité et les enjeux de développement de sa capacité opérationnelle, a amené les coopérateurs et coopératrices à penser le maintien de leur emploi à partir d’un changement d’activité, dans certains cas, ou d’une recherche de polyvalence, dans d’autres cas. Cela a nécessité la mise en place d’un plan de formation pour modéliser et opérationnaliser l’adoption de ces changements, appliqués dans un premier temps aux 29 premier.es salarié.es de SCOP-TI en 2015, puis à celles et ceux qui nous ont rejoints au premier semestre 2016.
A propos de la rémunération, il y a eu de grands débats avant le démarrage de l’activité. Nous avons choisi un salaire unique par catégorie professionnelle, soit trois rémunérations différentes au sein de la Scop avec pour condition que les écarts restent raisonnables. Du temps d’Unilever, il y avait des différences de revenus de 15 à 25% pour un même travail. C’était à la tête du client. Le salaire minimum pour la première catégorie d’ouvriers est donc de 1 600 euros, net, pour 35 heures par semaine, sur treize mois. Les agents de maîtrise et les technicien.nes gagnent 1 670 euros, et le directeur général qui doit avoir un statut de cadre, gagne lui 2000 euros, soit le minimum légal de la convention collective. Ce qui représente un écart de salaire au sein de la Scop de 1 à 1,25, quand il était de 1 à 310 avec Unilever.
Notre philosophie
Le projet de l’entreprise s’inscrit dans une démarche Economique Sociale et Solidaire qui répond idéalement à la philosophie développée par les salarié.es, sur la base de leur revendication politique, sociale et économique et de leur choix organisationnel. La démarche de Scop-TI s’articule en effet dans la convergence des deux mouvements historiques qui contribuent à l’émergence du concept d’Economie Sociale et Solidaire. La création de la coopérative correspond à l’adoption d’une gestion démocratique garantissant l’instauration de qualités de travail satisfaisantes pour tous ses acteurs et actrices, et à un engagement dans une recherche de développement de productions de qualités, inscrites dans une perspective de soutenabilité économique et environnementale.
La volonté de Scop-TI, depuis sa création, est de parvenir, à moyen ou à long terme, à l’élaboration de circuits d’échanges relativement courts conçus dans une perspective de développement durable. Cela consiste à promouvoir la réimplantation et la relance d’une activité de production d’herbes aromatiques, arboricoles de qualité, en particulier en France et dans un périmètre local et participer à la reconstitution de ses filières. Notre but est de privilégier des partenariats avec des producteurs et productrices de proximité et de réhabiliter ainsi des savoir-faire, abandonnés ou en déclin, de manière à garantir l’approvisionnement de matières premières au sein d’un circuit viable et équitable, tout en veillant à ce que nos produits restent accessibles à la commercialisation.
Les salarié.es de SCOP-TI se positionnent ainsi en faveur d’une éthique, d’un ensemble de valeurs qui soutiennent l’adoption d’un mode de production et de consommation différent, tenant compte des grandes problématiques actuelles, qui incitent à replacer l’humain au centre de préoccupations sociales, économiques, environnementales raisonnées. C’est de cette manière que Scop-TI décline son engagement social et ses valeurs, à travers la devise portée en exergue sur le devant de son usine, forte d’une histoire singulière et d’une ligne philosophique à part entière : « engagée sur l’humain, engagée sur le goût ».
Nos valeurs et engagements
La qualité des matières premières est garantie 100 % naturelle, sans arômes artificiel. Nos thés et plantes aromatiques proviennent directement de nos fournisseurs qui s’approvisionnent auprès des meilleurs producteurs mondiaux. En ce qui concerne notre approvisionnement en thé vert, nous travaillons en vue de signer une exclusivité avec des producteurs dont la récolte est issue d’arbres centenaires du Vietnam, plus particulièrement de la région de Suoi Giang dans la Provence du Yen Baie.
Nos lignes de productions sont certifiées BIO. Notre service qualité est le véritable centre névralgique de l’entreprise : il est à l’origine des innovations mises en œuvre au sein de la coopérative et du développement des nouvelles recettes réalisées à travers les gammes de produits proposés par SCOP-TI. Il analyse et contrôle la qualité des productions de la réception des matières premières aux premiers emballages, soit tout au long du processus de conditionnement jusqu’à l’aboutissement du produit fini. Les opérations de contrôle et de suivi de la qualité ont été intégrées dans un ERP et peuvent être supervisées et contrôlées à partir d’un système informatique unifié, déployé à l’échelle des différents secteurs d’activité et des différentes phases de développement de la production, ce qui permet une réactivité et une sécurité sans égal. De fait, les productions disposent d’une traçabilité totale : des ingrédients utilisés pour le conditionnement des produits jusqu’aux consommateurs et consommatrices.
Les emplois
Le redémarrage de l’activité à Gémenos, à travers la création de SCOP-TI, a contribué à préserver un fleuron industriel sur le territoire aubagnais, synonyme de maintien du savoir-faire, de préservation de l’emploi et de relance économique. La priorité, suite à cette victoire, consiste dans un premier temps à assurer l’embauche des ex salarié.es de FRALIB, devenu.es coopérateurs et coopératrices de l’entreprise SCOP-TI, qui ont lutté pendant plus de trois ans pour la conservation de leurs emplois. Lors de la fermeture de l’usine Fralib nous étions 182 salarié.es à Gémenos, 76 d’entre nous sont allé.es jusqu’au bout du conflit. Tous et toutes ont eu le choix de participer au projet en devenant coopérateur/trice et salarié.e de la Scop. Sur ces 76, 58 ont choisi d’être coopérateurs/trices et 49 ont fait part de leur volonté d’y être salarié.es. Nous sommes actuellement 41 salarié.es, prochainement 43.
Cette réussite économique et sociale devrait permettre de créer directement de nouveaux emplois, en fonction bien évidemment des résultats obtenus au cours des prochaines années et qui seront d’ailleurs décisifs quant à la pérennisation de l’activité. L’activité que SCOP-TI espère développer, à partir de la demande qu’elle est en capacité de générer et sur la base de sa force d’innovation et de production, peut contribuer à la revivification d’une agriculture locale ou nationale de plantes aromatiques ou arboricole et s’avérer indirectement créatrice d’emplois. Nous savons que la promotion de circuits-courts, selon notre objectif de développement, contribue également à réduire l’empreinte écologique. Acheter des produits fabriqués sur le territoire limite les émissions de CO² et autres particules liées aux transports de marchandises provenant de tous les coins du monde.
Pour aller plus loin…
Acheter nos produits est, bien entendu, le meilleur moyen de nous soutenir1. Faire connaître notre lutte aussi ; quelques films peuvent servir de support à des débats2 ; et puis, comme l’émancipation passe aussi par la culture, plusieurs d’entre nous participent à des activités telles que celles de Los Théâtros3 ou Los Fralibos4…
Théâtre : la lutte des Fralib racontée et jouée par les Fralib
Les SCOP-TI
2 Les coriaces sans les voriaces, Claude Hirsch, 2017. 1336 : des hauts, débats, mais debout, Claude Hirsch, 2015. Pot de thé pot de fer, Claude Hirsch, 2011.
3 Voir la pièce : 1336, histoire d’une lutte.