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Sur la crise dans le Comité pour une Internationale Ouvrière

Lien publiée le 17 juillet 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article49637

Le CIO/CWI [1] serait menacé d’une scission. Cette organisation ne soumetant pas ses différences d’appréciation internes à la discussion publique, il n’est pas facile de comprendre les termes de cette crise.

Le CIO/CWI est une organisation internationale de tradition trotskyste, engendrée par un « parti père », le Socialist Party anglais, qui est aussi son organisation nationale la plus importante. Dans les années 80, quand ses membres militaient encore dans le Labour Party comme courant Militant, il a acquis une reconnaissance importante, entre autres dans la lutte contre la poll tax de Margaret Thatcher.

Selon certaines informations, cette organisation pourrait être menacée d’une scission. C’est ce qui se dit : et c’est là que le problème commence. Nous en sommes réduits à des documents internes qui « fuitent » sur Internet, à des articles qui les commentent dans la presse d’autres groupes de la sphère anglophone et à tirer des conclusions qui relèvent de l’interprétation astrologique ou de la kremlinologie. C’est que le CIO/CWI ne soumet pas ses différences d’appréciation internes à la discussion publique.

Sur Internet, on trouve en particulier un texte de 12 pages de Peter Taaffe (membre de la direction depuis 50 ans) du 15 janvier, titré « en défense d’une orientation de lutte de classe pour le CIO/CWI ». Dès le début, on sort la grosse artillerierie : « …le CIO/CWI est confronté à …des tendences au mandélisme petit-bourgeois [2]. » C’est en premier lieu à l’organisation irlandaise que Taaffe reproche « de brader la nécessité absolue de construire une organisation qui se fonde sur le mouvement de la classe ouvrière » au profit « d’une politique identitatire ».

Les exemples que donne Taaffe ne sont pas très parlants et ne suffisent pas pour se faire une opinion. Le Socialist Party irlandais est certainement à l’heure actuelle l’organisation la plus en pointe du CIO/CWI, avec une présence certaine dans les mouvements sociaux et quelques députés au parlement. Aurait-il, dans le mouvement contre la criminalisation de l’avortement, fait des concessions au « féminisme bourgeois », parce qu’il n’a pas appelé les syndicats à soutenir cette lutte ? A-t-il, de façon analogue, fait des concessions au « nationalisme irlandais » ? Ce qui est remarquable dans le texte de Taaffes, c’est qu’il s’appuie sur des declarations qu’auraient faites « certains camarades » et qu’il ne cite aucun texte du SP irlandais. Et par ailleurs, à quoi riment de tels reproches ?

« D’après ce qui se dit » Taaffe a été mis en minorité à une réunion de l’instance de direction large du CIO/CWI fin 2018. Les directions des organisations grecque et étatsunienne ont en gros soutenu les Irlandais. Mais au secretariat international, Taaffe dispose d’une solide majorité, avec laquelle il s’est empressé de créer une fraction qui répond au joli nom de « In defence of a working class Trotskyist CWI », ce qui n’a sans doute pas besoin d’être traduit.

Je sais parfaitement ce que les organisations du CIO/CWI ont à leur actif et quels sont leurs mérites. C’est pourquoi je ne me réjouirais certainement pas si ce cadre devait exploser. Pour autant, je ne vois rien dont il soit utile de s’inspirer dans leurs pratiques militantes, leurs conceptions politiques et organisationnelles et leurs modes de fonctionnement. C’est sûr, il y a là une grande efficacité, et de telles organisations fonctionnent depuis longtemps comme des machines bien huilées. Leurs membres sont actifs et dévoués, ils ne connaissent ni « peut-être » ni « je ne sais pas vraiment ». Formellement tout est réglé démocratiquement en interne. Mais la direction reste toujours en selle et ne supporte dans les faits aucune contradiction sérieuse. Quand une perte de contrôle menace, on organise la scission.

Je connais personnellement Peter Taaffe depuis les années 2000, lorsque le CIO/CWI discutait avec les « petit-bourgeois mandélistes » de savoir si et comment on pourrait créer au plan européen une force anticapitaliste plus importante. Peter Taaffe parle bien et facilement, il sait faire rire ses auditeurs avec ses anecdotes. Quand on parle avec lui, on a le sentiment d’échanger avec un individu capable d’écouter et de douter aussi. Mais, je suis désolé de le dire, déjà en discutant avec les responsables d’un rang immédiatement inférieur, je n’ai entendu que des discours formatés – ce n’est pas comme cela qu’on forme des révolutionnaires capables de se former une opinion part eux-mêmes.

En 2010, j’ai demandé à un camarade pakistanais pourquoi son organisation s’était détournée du CIO/CWI pour aller vers la IVe Internationale, car elle aussi n’est guère plus qu’une petite courant internationale. Il me répondit en riant que ça avait déjà été un grand soulagement de ne plus avoir affaire qu’à des Européens (en l’espèce, des Anglais), qui savaient toujours mieux ce qu’il y avait à faire au Pakistan. Malgré toutes ses faiblesses, la force de la IVe Internationale par rapport au CIO/CWI et aux organisations de même nature, c’est de réunir des camarades qui élaborent sur un pied d’égalité et prennent des positions ensemble sans avoir besoin d’une poignée de dirigeants dépositaires des vérités du marxisme.

Manuel Kellner, « Sozialistische Zeitnug » juillet 2019


P.-S.

• Version originale :
http://www.sozonline.de/2019/07/kleinbuergerliche-abweichungen/

• Traduit par Pierre Vandevoorde.

Notes

[1] « Sozialistische Alternative » en Allemagne, “Gauche révolutionnaire” en France, le LSP/PSL en Belgique, en sont membres.
Voirhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_pour_une_Internationale_ouvri%C3%A8re
Leur site en anglais : http://www.socialistworld.net/ (NDT)

[2] Ernest Mandel (1923–1995) était le membre le plus connu de la IVe. Internationale. Quelques-uns de ses écrits ont connu des tirages très importants en Allemagne, comme le Traité d’économie marxiste, le Troisième âge du capitalisme et l’Introduction au marxisme. Accoler ainsi un « isme » à un nom à des fins d’invective politique est une mauvaise habitude caractéristique des rivalités entre sectes.