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Patrick Artus : "L’Allemagne n’est pas face à un choc cyclique mais face à un immense défi structurel"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'économie allemande spécialisée dans l'industrie automobile et chimique est de moins en moins adaptée à la réalité de la croissance mondiale, explique l'économiste Patrick Artus. C'est pourquoi l'activité, qui s'est arrêtée au deuxième trimestre, n'est pas près de repartir.
Comment expliquer le recul de la croissance allemande ?
Il y a certainement un petit effet de prudence des investisseurs lié à l'inquiétude générale provoquée par la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis . Mais pour l'essentiel, les problèmes de l'Allemagne sont bien plus profonds et reposent sur l'obsolescence de son modèle économique dans un monde qui a changé. On se dirige vers une régionalisation des échanges commerciaux avec des produits fabriqués au plus près de la demande. On le voit au ralentissement du commerce mondial, 2,5 % cette année, alors qu'il progressait ces dernières décennies à une vitesse de 3 % à 4 % l'an. Et la Chine importe moins. Ses importations stagnent aujourd'hui après avoir augmenté de 10 % par an. Enfin l'activité dans le monde repose de plus en plus les services et de moins en moins sur l'industrie, dont la part dans la croissance mondiale se réduit. En Chine, les investissements dans l'industrie ont baissé de 5 % sur un an alors qu'ils croissaient de 20 % avant 2015.
L'Allemagne ne trouve plus sa place dans ce nouveau modèle ?
Elle exportait massivement des produits industriels en Chine. Elle est donc doublement affectée par cette évolution . Elle s'est spécialisée dans les voitures thermiques, l'industrie chimique et les biens d'équipement, trois secteurs qui ont vocation à se contracter, pour les raisons évoquées précédemment mais aussi pour leur impact environnemental. L'industrie allemande a aussi un problème de compétitivité-coûts. Elle est en train de perdre des parts de marché parce que sa productivité n'augmente plus et que les coûts salariaux augmentent. Pendant longtemps, elle pouvait se permettre de vendre des voitures ou des machines-outils à des prix élevés parce qu'elle était bien spécialisée. Ce n'est plus le cas.
Pourtant, elle est au plein-emploi…
C'est une illusion. Le chômage n'a pas augmenté parce que les entreprises n'ont pas fait les ajustements de l'emploi qui s'imposaient. Or ce serait la seule façon d'absorber la stagnation de la productivité. Actuellement, les salaires augmentent de 5 % quand la production industrielle recule de 5 %. C'est intenable. L'Allemagne se retrouve à peu de chose près dans la situation de 2000, avant que les réformes Schröder viennent doper la compétitivité de l'économie. On n'est donc pas face à un choc cyclique mais face à un immense défi structurel. L'économie allemande va être en croissance quasi-nulle pendant un certain temps.
Ses partenaires européens pressent l'Allemagne d'investir plus. Ont-ils raison ?
L'Allemagne dégage un excédent d'épargne équivalent à 8 points de son PIB. Et elle utilise ces excédents pour financer le déficit public des Etats-Unis, dont elle est devenue le premier créditeur, devant la Chine. Se faisant, elle détruit de la croissance en Europe. Les investisseurs allemands auraient tout intérêt à réorienter cette épargne chez elle, pour préparer les industries d'avenir et vers les pays de l'Union européenne où la demande doit progresser