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14 août 1917 : mort d’Eugène Vigo dans une cellule de Fresnes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://paris-luttes.info/14-aout-1917-mort-d-eugene-vigo
Dans la nuit du 13 au 14 août 1917, mort d’Eugène Bonaventure Vigo, dit Miguel Almereyda (anagramme de : Y’a la merde), militant et propagandiste anarchiste et antimilitariste, à la prison de Fresnes.
Né le 5 janvier 1883 à Béziers (Hérault), il est très tôt orphelin de son père. En 1898, il arrive à Paris pour tenter sa chance qui ne lui sourit guère ; apprenti photographe, il est complice d’un vol qui lui vaut 2 mois de prison. Révolté, il fréquente les anarchistes et écrit, en 1901, un premier article dans "Le Libertaire" dans lequel il revendique un attentat, mais la bombe de sa fabrication n’explose pas, ce qui ne l’empêche pas d’être condamné à un an de prison. Recueilli à sa sortie par Séverine, il entre ensuite comme secrétaire de rédaction au "Libertaire". Propagandiste pacifiste par la parole comme par l’écrit, il participe, à Amsterdam en juin 1904, au congrès constitutif de l’ "Association Internationale Antimilitariste", et devient avec Yvetot, co-secrétaire de la section française. Le 30 décembre 1905, vingt-huit membres de l’A.I.A (dont Miguel), sont lourdement condamnés (de 3 à 4 ans de prison) pour "l’affiche rouge" qui conseille de répondre par l’insurrection à tout ordre de mobilisation. Le 14 juillet 1906, ils sont amnistiés. Almereyda se lie alors avec Gustave Hervé et Eugène Merle avec qui il participe à la création du journal "La Guerre Sociale". En 1908, il est condamné à 2 ans de prison pour avoir fait l’apologie de la mutinerie des soldats du 17e [1]. Amnistié en août 1909, il se mobilise alors pour sauver Francisco Ferrer [2]. En 1910, retour en prison pour incitation au sabotage lors de la grande grève des cheminots. Libéré en mars 1911, il crée "Les Jeunes Gardes révolutionnaires", groupe de combat qui s’affronte dans la rue à l’extrême-droite et se fait une spécialité de démasquer les indicateurs au sein du mouvement ouvrier.
Anarchisme et antimilitarisme en 1914
Mais Miguel s’éloigne peu à peu des anarchistes qui le lui rendront bien. On se souvient en effet que l’éclatement de la Première Guerre mondiale provoque de vives tensions au sein du mouvement qui est divisé entre « défensistes » et « antimilitaristes ». En 1916, Kropotkine corédigera avec Jean Grave, le « Manifeste des Seize », prenant ainsi publiquement parti pour le camp des Alliés et contre l’agression allemande [3]. Un peu avant, en mars 1913, Miguel quitte avec Eugène Merle "La Guerre Sociale" pour fonder " Le Bonnet Rouge ". Rien à voir avec les actuels "bonnets rouges" bretons : se présentant comme "organe de la défense républicaine", ce journal satirique républicain et anarchiste, hebdomadaire (1913) puis quotidien (1914), fut justement une cible privilégiée de l’Action française, mouvement royaliste d’extrême-droite. "Le Bonnet rouge" fut impliqué dans divers scandales lors de la Première Guerre mondiale, étant accusé notamment de défaitisme : en 1914, au moment de la conscription militaire, il participe ainsi à l’appel à la désertion lancé par l’Action internationale Antimilitariste. Or, la censure mise en place lors de la première guerre mondiale limitait la liberté de la presse en interdisant la publication d’articles pouvant nuire à la sécurité nationale ou ébranler le moral des troupes et de la population. Miguel Almereyda est ainsi accusé de diffuser certaines informations confidentielles (il révèle dans un article sa négociation avec le ministre de l’intérieur concernant la non utilisation du fichier "Carnet B"). Egalement victime d’une machination politico-financière [4], il est arrêté le 4 (ou le 6) août 1917 et accusé d’intelligence avec l’ennemi, ce qui lui vaut de violentes fausses accusations de la part de Léon Daudet, l’une des principales figures politiques de l’Action française. Incarcéré à la Santé, puis à Fresnes, il est découvert mort, vraisemblablement assassiné dans sa cellule le 14 août (étranglé avec ses lacets de bottine). Il laisse un jeune fils orphelin, Nono, le futur cinéaste Jean Vigo.
Extrait de « Zéro de conduite », film de Jean Vigo
Note
Ressources utilisées disponibles en ligne : Ephéméride anarchiste, R.A Forum, Wikipédia, Maîtron, Larousse.
Notes
[1] Les mutins du 17e régiment d’infanterie de ligne sont 500 soldats qui se mutinent contre la répression de la révolte des vignerons du Languedoc en 1907 (5 morts lors de la fusillade de Narbonne). Les mutins pillent l’armurerie et prennent la direction de Béziers, ils s’installent alors sur les Allées Paul Riquet, et mettent crosse en l’air. La population leur offre vin et nourriture. Le Midi est au bord de l’insurrection, la situation est brûlante, Clémenceau devant faire face à un vote de défiance.
[2] Pédagogue libertaire espagnol qui fonde l’École moderne en 1901, un projet éducatif rationaliste qui promeut la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide. Elle fut la première d’un réseau qui en comptait plus d’une centaine en Espagne en 1907. En 1909, suite aux événements de la semaine tragique à Barcelone, il est accusé, notamment par le clergé catholique, d’être l’un des instigateurs. Condamné à mort par un tribunal militaire à l’issue d’une parodie de procès, il est fusillé le 13 octobre.
[3] En ce sens, la perte d’audience du mouvement anarchiste n’a pas seulement pour cause « externe » l’attrait pour la révolution russe de 1917 : certaines figures majeures du mouvement ont également commis de graves erreurs de positionnement qui éloigneront nombre de militant-e-s et de sympathisant-e-s libertaires.
[4] L’affaire de la liquidation des « Bains de mer de San Stefano », des fonds étrangers qui auraient été versés au « Bonnet rouge ».