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Mémoires d’un braqueur : les cavales de François Besse
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Page wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Besse
Dans son livre « Cavales », François Besse remonte le fil de son histoire : sa riche existence de gangster, son expérience misérable de prisonnier, son obsession de la liberté.
La nécessité de fuir est née quand il était enfant, quand il ressentait sans comprendre les entraves de la misère, quand son insatiable curiosité se cognait contre le mur de l’école, quand seule son imagination lui faisait franchir les frontières vers les possibles. François Besse raconte sa vie dans « Cavales » (Plon). On y comprend que le petit garçon né en mai 1944, fils d’un réfugié espagnol électricien et d’une mère française, qui excellait en calcul mental, démontait des moteurs, concevait des vélos à partir de bouts de ferrailles, faisait de la couture avec sa mère, était un champion de la barre fixe à la gymnastique, était un enfant vif. Le genre à déborder du cadre. Dévoré par l’ennui sur le chemin tout tracé de la norme, François Besse s’est consolé dans le risque.
En regardant les avions s’envoler au-dessus de sa tête sur la base de l’armée de l’air située à quelques kilomètres de Cognac, l’enfant a tôt aspiré à une vie d’aventures, délestée de toute contrainte, gorgée d’idéaux, qui le porterait entre ciel et terre, s’imaginait-il. L’illégalité offrait l’illusion de tout cela. François Besse a commis des braquages flash, en deux minutes, senti l’adrénaline le saisir, tété l’instant présent comme un nourrisson accroché au sein de sa mère. Six évasions, vingt ans derrière les barreaux, autant d’années de cavale de l’Europe au Maghreb, François Besse a rencontré Jacques Mesrine, fait équipe avec lui.
La métaphysique du mitard
On lit dans « Cavales » le hold-up des deux compères au casino de Deauville, la police aux trousses de ces bandits, leur fuite au volant d’une voiture criblée de balles, leur marche dans la forêt, traversant des rivières, blessés et à la nage, pour échapper aux forces de l’ordre. Ces gangsters qui n’étaient pas peu fiers de voir leurs trombines à la télé en mode « wanted », d’être célèbres dans toutes les taules de France, appartiennent à cette catégorie désuète de voleurs marginaux, enfants du XXe siècle, qui ont cru dépouiller le système, plus que les gens, qui se fabriquaient un discours de justiciers en lutte contre « l’hyperconsommation » pour justifier leurs gestes fous. Des hommes qui militaient dans leurs cellules contre les QHS (quartiers haute sécurité), se soulevaient contre les conditions indignes de détention. Des gros bras qui ont survécu au pire, retranchés dans des égos surdimensionnés.
François Besse a scié des barreaux avec du fil d’ange, enfermé des gardiens de prison dans des cellules, franchi les murs des pénitenciers à bout de draps noués entre eux. Dedans, il était lui-même. Dehors, il s’inventait des identités, gages de son sursis. Jusqu’à ce que la justice le rattrape.
C’est paradoxalement derrière les barreaux, étranglé par la solitude, confronté à l’inhumanité du mitard, dans l’impasse de l’être, que François Besse a trouvé une voie. En faisant des pas dans le noir, en lisant les pages déchirées d’une bible, le détenu a dompté sa panique, ses pulsions, sa révolte. Dostoïevski, Tolstoï, Zweig, Camus, lui ont appris qu’on peut composer avec le monde, si l’on a les mots. Et puis il y a eu l’amour, qui a frappé François Besse, sans prévenir. Une femme, une fille. Le temps force à la sagesse. François Besse est libre, à bientôt 75 ans. Il lui aura donc fallu toute une existence pour comprendre qu’à toujours se fuir, on se rate.