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Au bord de l'asphyxie, l'Afpa est dans la rue
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Voilà quelques-uns des slogans qui seront brandis ce jeudi 22 novembre, par les salariés de l’association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Pour la première fois depuis très longtemps, et à l’appel des syndicats CGT, CFDT, Force ouvrière, SUD Solidaires, CFE-CGC et CFTC, le premier organisme de formation se met en grève et descend partout en France dans la rue. Cette mobilisation exceptionnelle est destinée à mettre la pression sur le gouvernement Ayrault, en particulier sur Michel Sapin et Thierry Repentin, les ministres du travail et de la formation professionnelle.
Car il y a urgence à l’heure où le chômage explose. L'Afpa (9 300 salariés, 160 000 stagiaires en 2011, dont 92 000 demandeurs d'emploi, 216 centres) joue sa survie. Depuis le changement brutal de son modèle économique et l’ouverture à la concurrence du marché de la formation en 2009, la vénérable institution connaît une crise sans précédent (voir en “lire aussi”, nos enquêtes précédentes). Après avoir frôlé la cessation de paiement en juin, son déficit devrait atteindre 75 millions d’euros fin 2012 ! Une situation guère tenable très longtemps. « On a lié les jambes et les bras de l’Afpa tout en la mettant en demeure de courir », dénoncent les syndicats.
Au sommet de l’État, on mesure la gravité de la crise et on promet de refaire de l’Afpa le bras armé de l’État en matière de formation en particulier des chômeurs. « Sans le changement de majorité, l’Afpa aurait déposé le bilan », reconnaît dans une interview récente à la Dépêche du Midi, Thierry Repentin, le ministre délégué à la formation professionnelle, qui renvoie la responsabilité sur l’ancien gouvernement de Nicolas Sarkozy.
« Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a, dès le mois de mai, pris en main le dossier et mis en œuvre les mesures nécessaires à la poursuite de l'activité. L'État a débloqué près de 20 millions d'euros de paiements de factures restées en suspens. Un nouveau président a été nommé, il nous a fait des propositions de sauvetage de la structure ; nous les étudions. Les décisions vont intervenir rapidement », poursuit le ministre.
«L’État nous a mis la tête sous l’eau. À lui de nous sauver» Pour relever l’Afpa au bord de la faillite, et dont l’avenir reste suspendu à une recapitalisation de l’État (estimée à hauteur de 200 millions d’euros), Yves Barou, le nouveau président nommé en juin, ex-directeur général de Thalès, a présenté le 15 novembre à l’association des journalistes de l’information sociale, l’AJIS, son plan de refondation visant à un retour à l’équilibre en 2015 ou 2016. Objectif : « Créer le champion français de la formation professionnelle ».
La nouvelle direction veut repenser l'offre avec des formations modulables et sur-mesure, doper son activité d'accompagnement des plans sociaux. Elle prévoit aussi une cure d’économies de 102 millions d’euros qui passera par la suppression de 500 postes d’ici 2007 via un plan de départs volontaires et le gel des salaires en 2013. Elle promet d'investir dans le « capital humain » en embauchant de 600 à 700 formateurs et d'injecter 135 millions d'euros dans la modernisation des plateaux techniques.
Pour les syndicats qui demandent à être reçus par le gouvernement, ce plan de refondation est « intéressant mais pas à la hauteur de la situation ». « Il ne nous satisfait qu’à moitié. Pour l’heure, ce ne sont que de bonnes intentions. Nous attendons qu’il se traduise en actes. L’État nous a mis la tête sous l’eau. C’est à lui de nous sortir de l’eau », réagit Fabrice Casselman, délégué régional CFDT en Picardie, élu au comité central d’entreprise.
Dans cette région où Mediapart s’était rendu en février dernier, bassin industriel sinistré par le chômage où le niveau de qualification est l’un des plus bas de France, et le taux d'illettrisme l'un des plus élevés, la mobilisation des salariés de l’Afpa sera très forte ce jeudi 22 novembre. C’est l'une des plus petites régions de l'Afpa, qui avait parmi les meilleurs résultats financiers. Aujourd'hui, en déficit (moins 3 millions d’euros alors qu’elle totalisait 5 millions d'euros d'excédents brut d'exploitation en 2009 avant la réforme !), le démantèlement y est criant.
Stagiaires en baisse et de moins en moins satisfaits, notamment les chômeurs, salariés déboussolés qui se retrouvent sans activité et contraints à la mobilité géographique pour certains, formateurs en sur- ou sous-activité, effectifs saignés... L’Afpa-Picardie n’en finit pas de se déliter. Les conditions de travail y sont particulièrement dégradées. Au lendemain de notre enquête que vous pouvez relire ici et à la suite du changement de majorité présidentielle, une nouvelle équipe de direction a été mise en place. Mais les maux demeurent.
« Démissions, accidents du travail, tentatives de suicide... Les salariés sont encore plus à bout », constate Jean-Luc Madani, défenseur Prud'hommes pour l'Oise, secrétaire du CHSTC et délégué CFDT. L'ex-directeur régional d'exploitation, longtemps en accident du travail, qui avait témoigné de son mal-être au travail depuis la mise en place de la réforme sous couvert d’anonymat lors de notre enquête et qui avait fini par démissionner quelques mois plus tard, s’est donné la mort en se jetant sous un train en octobre dernier.
Convaincue que ce drame est « lié aux pressions de la direction régionale de l’époque, à un management destructeur », la CFDT-Picardie s’organise pour porter l’affaire devant les tribunaux « pour sa famille ».