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Pourquoi Trump s’intéresse au Groenland

Lien publiée le 23 août 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/08/23/pourquoi-donald-trump-s-interesse-au-groenland_5501981_4355770.html

En montrant son intérêt pour le territoire arctique, le président américain se positionne dans la course aux ressources souterraines qui l’oppose à la Russie et à la Chine.

Révélé le 15 août par The Wall Street Journal, l’intérêt de Donald Trump pour l’acquisition du Groenland a été confirmé trois jours plus tard par le président lui-même. Le refus du gouvernement groenlandais et de la première ministre danoise, Mette Frederiksen, ont poussé Donald Trump à retarder sa visite au Danemark, prévue pour septembre, entraînant un incident diplomatique entre les deux pays.

L’attitude du président américain, coutumier des sorties provocatrices, a été largement critiquée. Elle ne doit pourtant rien au hasard.

Une réponse aux Russes et aux Chinois dans la course vers l’Arctique

Les propos de Donald Trump s’inscrivent dans un contexte plus large dans lequel l’océan Arctique devient le lieu d’investissements croissants de la part des Russes et des Chinois, à mesure que le réchauffement climatique fait fondre la calotte glaciaire. Les territoires de l’Arctique sont riches en matériaux indispensables à l’industrie (or, zinc, cuivre, graphite, nickel, platine, uranium) et en hydrocarbures. Un rapport de l’Institut géologique américain publié en 2008 estimait que ces ressources représentaient jusqu’à 13 % des réserves non découvertes de pétrole et 30 % pour le gaz.

Carte de l’océan Arctique.

Carte de l’océan Arctique. Infographie Le Monde

Dans cette course à l’exploitation des vastes ressources souterraines de l’Arctique, la Russie et la Chine ont devancé les Américains. D’après le cabinet de conseil financier Guggenheim Partners, plusieurs centaines de projets d’infrastructures représentant plus de 860 milliards de dollars d’investissements sont en train de voir le jour dans l’océan le plus septentrional du globe. La Russie a déjà prévu 186 milliards de dollars d’investissements, contre un peu plus de 100 pour les Etats-Unis. La société pétrolière russe Rosneft a commencé à forer sur un champ dont le potentiel est estimé à un demi-milliard de barils, et découvre de nouveaux champs potentiels régulièrement. Le pays espère produire de 20 % à 30 % du pétrole russe dans les eaux arctiques d’ici à 2050. Gazprom, lui, extrait déjà de grandes quantités de gaz de ses exploitations en mer de Petchora.

La Norvège s’est elle aussi lancée dans l’extraction des ressources pétrolières dans la mer de Barents, au nord de ses côtes, avec une première exploitation dans le champ de Goliat, mise en service en 2016. Une seconde exploitation devrait voir le jour en 2022.

Mais en plus des huit pays de la zone, la Chine joue les invités (plus ou moins) surprises dans la course aux ressources. Car, bien que celle-ci n’ait aucune côte sur l’océan Arctique ni aucune revendication territoriale, la seconde économie du monde compte bien peser et s’est déclarée comme une « puissance presque arctique ». Elle fait partie du Conseil de l’Arctique comme pays observateur, depuis 2013, et est entrée au capital de joint ventures russes d’exploitation gazière. La Chine a aussi multiplié les investissements dans les pays arctiques européens, notamment au Groenland, en échange d’un accès aux ressources minières de l’île, ce qui permet au territoire de moins dépendre de sa tutelle danoise.

Un enjeu stratégique pour les Etats-Unis

Ces initiatives chinoises sont perçues par les Etats-Unis comme une menace directe à leur influence sur une région qu’ils estiment être une extension géographique du continent américain, à l’instar de l’Alaska, acquis en 1867.

Face à ces avancées sino-russes, les autorités américaines tentent désormais de réagir. Ainsi, l’administration Trump a annoncé en janvier 2018 l’ouverture des eaux arctiques américaines au forage, notamment au large de l’Alaska, mais la décision a été jugée illégale par une juge du district de l’Alaska le 31 mars, car seul le Congrès a le pouvoir d’ajouter des zones ouvertes à l’exploitation des hydrocarbures. Ce revers met en difficulté les ambitions de l’administration Trump, qui considère désormais l’Arctique comme un enjeu central. La stratégie publiée par le Pentagone en juin 2019présente clairement cette zone comme une nouvelle grande compétition entre eux, les Russes et les Chinois.

Au-delà de la géopolitique, les propos de Donald Trump ont également une connotation très politique : il s’agit aussi d’adopter une rhétorique plus agressive et directe, à l’instar de la stratégie musclée adoptée par Moscou. Donald Trump, depuis son élection, s’emploie à « secouer » un jeu diplomatique habituellement feutré et très codifié, ce qui s’avère populaire auprès de son électorat, friand de cette image de négociateur « dur » mais réaliste (ou « Deal Maker »), capable de faire bouger les lignes.

Un achat qui semble peu probable

Malgré les velléités américaines, l’achat de cette île de 2,16 millions de kilomètres carrés reste très peu probable, en raison de nombreux obstacles. Parce qu’un tel achat doit passer par un traité, celui-ci doit être ratifié par les trois parties : les Etats-Unis, le Danemark et le Groenland, dont le consentement est obligatoire. Or les Groenlandais ne souhaitent pas d’un rachat ou d’une nouvelle tutelle, mais demandent au contraire – et de longue date – davantage d’autonomie, si ce n’est l’indépendance réelle, à Copenhague.

De l’autre côté de l’Atlantique, la ratification d’un traité d’achat requiert obligatoirement l’approbation du Congrès, c’est-à-dire aussi bien du Sénat (qui doit ratifier), contrôlé par les républicains, que de la Chambre des représentants (qui doit donner son autorisation budgétaire). Si la ratification des sénateurs n’est pas inconcevable, la Chambre des représentants, repassée sous pavillon démocrate aux élections de mi-mandat de novembre 2018, rend la conclusion d’un traité au mieux incertaine, au pire impossible.

Enfin, du côté danois, une vente est également complètement exclue, Copenhague n’ayant aucun intérêt à perdre son influence historique sur ce territoire qu’il revendique depuis 1775, d’autant qu’il a déjà décliné une offre des Etats-Unis dans le passé. En effet, après avoir songé à acquérir l’île en 1867 (juste après avoir racheté l’Alaska aux Russes), les Américains ont soumis une offre en 1946 aux Danois, leur proposant 100 millions de dollars en or, ce que ces derniers avaient refusé. La proposition, restée secrète, n’a été révélée qu’en 1991, lorsqu’un journal danois, le Jyllands-Posten, a étudié les documents désormais déclassifiés.