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Catalogne. Des anticapitalistes sans concessions sur la situation...

Catalogne

Lien publiée le 5 septembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://blogs.mediapart.fr/antoine-montpellier/blog/050919/catalogne-des-anticapitalistes-sans-concessions-sur-la-situation

Le 14 juillet dernier la CUP (Candidature d'Unité Populaire), au sortir de son Assemblée Nationale et, après des débats serrés, produisait un rapport politique qui prenait la mesure des difficultés que connaît le mouvement pour l'indépendance depuis l'échec de la mobilisation référendaire de 2017. Tout en gardant le cap de l'indépendance

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Nous reproduisons ici la traduction intégrale de ce rapport qui, en premier lieu, établit le diagnostic sévère d'une situation politique et sociale défavorable au mouvement indépendantiste dont la CUP est l'aile radicale clairement anticapitaliste. Dans un paradoxe assumé et argumenté, elle n'hésite pas à pointer les causes internes de la défaite subie suite au référendum d'octobre 2017, sans exclure sa propre responsabilité dans cet échec. Pourtant, c'est le titre, il ne s'agit surtout pas de se résigner mais, au contraire, de se préparer à recommencer. En tirant cependant les leçons de ce qui a mené aux difficultés actuelles à porter le flambeau de la revendication de république indépendante. La CUP propose à cet effet ses préconisations programmatiques et d'actions ainsi que des modifications importantes de son fonctionnement interne.

Le second volet du paradoxe c'est la prise en considération par cette organisation que si l'indépendantisme catalan est en difficulté pour reformuler sa stratégie politique autour de l'alternative opérer un repli, peu explicité au demeurant par ses tenants, sur la gestion de l'autonomie institutionnelle ou se préparer à relancer la lutte pour l'indépendance, ce qui est le choix de la CUP, il existe un élément essentiel qui plaide pour cette seconde option. Revenant sur leur maximalisme irréel appelant à repartir la fleur au fusil face à un régime, le procès et les emprisonnements ou l'exil des dirigeants catalanistes le montrent aisément, ayant gagné la première bataille, les cupaires, affirment cependant que ledit régime est loin d'avoir gagné la guerre car l'une des données clé de cette victoire des unionistes/espagnolistes est que celle-ci ne règle pas leur propre crise. Une crise scandée par une instabilité institutionnelle confirmant que le bipartisme qui faisait les beaux jours des premiers 30 ans de postfranquisme ne s'est pas vraiment remis, malgré un maintien ou une certaine remontée électorales, de la crise de 2008 et de ses conséquences sociales et politiques (mouvement des Indigné-es  et des Marées de 2011, apparition d'un Podemos ayant certes beaucoup perdu aujourd'hui de son allant initial et poussée relative de Ciudadanos, sans parler de la montée récente, provisoirement devenue poussive, de l'extrême droite). En somme personne sur l'échiquier politique espagnol et catalan n'échappe aux difficultés à faire aboutir ses propositions de sortie de crise.

L'avenir dira si la CUP qui, tout en étant une petite organisation, avait su peser pour radicaliser le processus vers l'indépendance, avant de subir, comme les autres, les contrecoups de l'échec, parviendra  à se relancer à partir, ce sera la conclusion de cette introduction, du pari qu'elle fait de rendre compatibles, d'une part, le maintien de son option rupturiste avec l'Etat espagnol mâtinée de critique acérée des insuffisances politiques des grands partis indépendantistes et, d'autre part, sa volonté de s'ouvrir à l'unité catalaniste jusqu'à envisager, de façon inédite, de participer au Govern, le gouvernement catalan. Pour autant que cette unité de gouvernement se fonde sur un accord programmatique que ses potentiels partenaires de gouvernement pourraient ne pas trouver digérable par leurs actuelles stratégies d'évitement d'un conflit ouvert avec l'Etat espagnol jusqu'à ce que tombent les probables prochaines condamnations des prisonniers politiques. Evènement qui, avec une Diada (grande fête nationale de mobilisation), ce 11 septembre, permettra de prendre le pouls de l'indépendantisme populaire et pourrait ouvrir de nouveaux espaces politiques aux anticapitalistes et à ceux, parmi les non anticapitalistes, qui se prendraient à nouveau à penser que l'heure d'une reprise des hostilités, en mode montée en pression progressive mais certaine via de la désobéissance civile, pourrait redevenir d'actualité.

Antoine

Un grand merci aux traducteurs Xavier Claret et Antoine Puig-Caixas auxquels l'auteur de cette introduction s'est modestement associé pour opérer les adaptations que la mise en page et les exigences de lisibilité d'un long texte rendaient nécessaires. En sollicitant leur bienveillance s'ils ne retrouvent pas exactement ce qu'ils ont produit.

Le texte original en catalan est consultable ici : La CUP flexibiliza la duración de mandatos y abre la puerta a responsabilidades de gobierno

« Ils veulent nous prendre la terre, pour que le sol se dérobe sous nos pas»

(Sous-Commandant Marcos)

« Combattons la résignation, préparons-nous à recommencer »

Rapport de la CUP

Assemblée Nationale de la CUP

14 juillet 2019

Celrà (Pays Catalans)

  1. Analyse de la situation: crise systémique et crise de l'état espagnol
  2. Une crise globale du système capitaliste : économique, sociale et écologique

1.1 Une crise écologique sans précédent

1.2 Une nouvelle crise économique et sociale à l'horizon

                    1.3 Une crise du système patriarcal doublée d'une crise du système de soins, dont nous les femmes subissons les pires effets.

              1.4 Un système-monde instable

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  1. Un changement de cycle aux Pays Catalans

2.1 Le sujet politique

2.2 Changement de cycle aux PPCC

2.3 Fin de cycle : stabilité du régime aux pieds d'argile

2.4 La CUP-CC et la première tranche de la législature

  1. Ne renonçons à rien, nous voulons tout
  2. Nous réarmer pour recommencer

1.1 Un projet plus nécessaire que jamais

1.2 Des objectifs stratégiques pour le prochain cycle

  1. En traçant de nouveaux scénarios pour exercer l'autodétermination

2.1 Un projet politique pour crever les masques du 78

2.2 Pour une alliance confédérale de peuples pour la démocratie et                          contre l'austérité

2.3 Le municipalisme, un outil pour construire des souverainetés et   exercer l'autodétermination

                      2.4 Et comme horizon un coup à l'autoritarisme et l'austérité

                            2.5 Le féminisme et la lutte LGTB, un outil pour tout changer

        

  1. Un projet pour combattre la résignation

   3.1 Du blocage parlementaire au projet politique

   3.2 Un projet politique pour la majorité

   3.3 Défendre la démocratie aujourd'hui c'est lutter pour la fin de la                répression

                                        3.4 Face à la possibilité d'élections anticipées

  1. Un processus de rénovation de la structure nationale
  2. Sur les aspects politiques et organisationnels
  3. Sur la méthode

I   Analyse de la situation: crise systémique et crise de l'Etat espagnol


Ce premier paragraphe vise simplement à apporter des éléments de réflexion aux militant.e.s et aux assemblées locales et territoriales, afin de fonder la discussion et le débat sur l'action politique à développer

  1. Une crise globale du système capitaliste: écologique, économique, sociale et du système de soins

Nous sommes confrontés à un contexte marqué par l'aggravation continuelle des conditions de travail de la classe ouvrière des Pays Catalans depuis le début de la crise de 2008. Nous parlions de crise du système capitaliste à cette époque et dix ans plus tard, nous pouvons dire que les classes populaires ont perdu beaucoup de leurs droits, que nos conditions de vie se sont détériorées et que nous vivons dans des emplois précaires. Les femmes, en raison de la division sexuelle du travail, ainsi que d'autres groupes fragilisés, sont les principales victimes des attaques les plus dures

En référence à nos positions anticapitalistes, nous soulignions alors que vouloir faire endosser les causes de la crise à l’ensemble de la population était une tactique pour justifier l'austérité ; une tactique pour permettre que le capital continue à générer des bénéfices, tandis que les travailleurs voyaient leurs salaires s’abaisser et les services publics se dégrader. La situation actuelle confirme cette analyse; nos conditions de vie matérielles se sont nettement dégradées, et les bénéfices des entreprises n’ont cessé de croître. Les services publics attaqués, la précarité et les salaires de misère font toujours partie de notre quotidien.

La croissance du capitalisme et sa logique d’accumulation du capital ne sont pas réformables. Par conséquent, il est indispensable et urgent que les différentes luttes sociales convergent vers un même horizon : une alternative au système de marché incompatible avec les droits de l'homme, le féminisme et le renversement du changement climatique.

Et nous devons le faire en combinant théorie et pratique anticapitalistes. Cette combinaison nous est nécessaire pour aller au-delà de la simple « correction » des dommages causés par le capitalisme. Ce n’est qu’à partir d’un discours clair, avec pour toile de fond que «le capitalisme est incompatible avec la vie», que nous pourrons établir le consensus nécessaire dessinant un horizon suffisamment rapproché et réalisable. Ce n'est que dans le cadre d'une confrontation claire avec la marchandisation de la vie, où nous limitons la recherche des bénéfices économiques dans tous les domaines possibles, qu'il sera possible de tracer la voie à suivre pour aller de l'avant.

Le concept "d'égalité des chances", qui a suscité un tel consensus à travers le discours des partis sociaux-démocrates dans toute l'Espagne, s'est révélé être un grand mensonge : toute personne née en Espagne dans une famille disposant de peu de ressources mettra quatre générations (120 ans) pour atteindre un revenu moyen. La grande majorité de la population ne croit pas que ses enfants ont ou auront des conditions de vie meilleures ou égales aux siennes, le tout dans un contexte où plus de 620 000 foyers vivent sans revenus et sans aides (ce qui aurait dû faire passer au rouge tous les indices institutionnels et civils relatifs à la pauvreté énergétique, à la malnutrition infantile, etc.)

De même, nous constatons que des propositions réformistes à l'ordre du jour en Europe, telles que la tentative de réglementation minimale du loyer ou des plates-formes telles qu'Airbnb, n'ont pas été et ne seront pas suffisantes pour répondre au droit d'accéder à un logement digne, à la situation d'urgence climatique, ou aux nombreuses autres violations qui portent atteinte à notre droit à une vie digne, si celles-ci ne font pas l’objet d’une récupération des secteurs stratégiques, par exemple.

Il nous incombe donc de tirer parti de ce contexte d’insatisfaction, du manque de perspectives optimistes pour l’avenir et de l’incapacité du système à couvrir les besoins de la majorité de la population des Pays Catalans, pour construire ce double chemin (social et national ndt) ayant pour objectif de surmonter les obstacles créés par la société capitaliste. Chemin qui sera la colonne vertébrale des différentes luttes, chemin qui proposera une réponse intégrale, ouverte et crédible pour l'ensemble de la classe ouvrière. Un exemple : générer de plus en plus de lieux collectifs de production et de gestion répondant aux besoins de la majorité de la population et qui se confronteront de manière méthodique, massive et inflexible aux rapports mercantiles.

 
1.1.Une crise écologique sans précédent


Les Pays Catalans, comme le reste de la planète, se trouvent au seuil d’un effondrement social et écologique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Trois des neuf processus fondamentaux de la stabilité du système terrestre (changement climatique, biodiversité et cycle de l'azote / phosphore) ont dépassé les seuils critiques établis par les scientifiques. Nous sommes devant une urgence écologique et climatique, nous connaissons une crise du modèle actuel de civilisation capitaliste industrielle occidentale, fondé sur l'expansion et l'accumulation illimité de capital, l'exploitation des hommes et de la nature, la destruction massive de l'environnement.

Au cours des 50 dernières années, l'expansion du capitalisme à l'échelle planétaire a nécessité une augmentation exponentielle de la consommation de matière et d'énergie, de même qu’une augmentation des taux d'exploitation de la nature. Tout cela brise l'équilibre écologique global de la planète et accélère des processus tels que le changement climatique, la perte de biodiversité ou l'acidification progressive des océans.

Selon les dernières données du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), qui sont considérées comme une évaluation conservatrice de la réalité, la planète se dirige vers un scénario de réchauffement climatique de 1,5 ° C. pour l’année 2030 (calculé sur la base des températures de l’époque préindustrielle), en raison de l’utilisation intensive des combustibles fossiles et des besoins énergétiques élevés du mode de production capitaliste.

Les rapports internationaux soulignent que l'humanité dispose d'un maximum de 10 ans pour réduire l'utilisation des énergies fossiles. De plus, surtout depuis le début de la crise de 2008, et du fait de l’intensification des échanges internationaux et de la nécessité d’utiliser des méthodes d’extraction plus intensives en CO2 (EFS), sa consommation mondiale augmente et le scénario le plus probable du réchauffement est une augmentation supérieure à 2º en 2030, pouvant atteindre les 3º. Dans tous les cas, un réchauffement climatique mondial de 1,5º aurait déjà un impact croissant sur les écosystèmes, le climat planétaire, l’accès aux ressources en eau, l’agriculture et, en définitive, sur le bien-être de la population.

Aujourd'hui, la situation environnementale mondiale atteint un niveau critique. Les classes populaires sont les plus touchées par la détérioration des conditions environnementales résultant des pollutions générées par le capitalisme (contamination de l'air et de l'eau, accumulation de déchets, présence de polluants dans la nourriture, ...). Dans le même temps, l’impact de la crise écologique et climatique s’articule de manière inégale autour de la planète, reproduisant les logiques néolibérales du centre et de la périphérie. A tel point que les territoires les plus appauvris, historiquement exploités par le capitalisme « extractiviste » et ayant une contribution aux émissions de gaz à effet de serre globalement la plus faible, sont les plus pollués et les plus affectés par la crise écologique et climatique (ex: augmentation de la fréquence des phénomènes climatiques extrêmes telles que sécheresses, inondations, rareté des sources d’eau, pertes de récoltes…).

Le changement climatique aura un impact important sur la répartition démographique de la planète. Les régions méridionales des continents africain, asiatique et américain, déjà gravement endommagées par la sécheresse, la culture intensive de plantes transgéniques, la déforestation, connaîtront des conditions beaucoup plus défavorables pour la reproduction de la vie. Cela provoquera de grands mouvements de population : on estime actuellement qu'environ 150 millions de personnes seront contraintes d’émigrer pour fuir l'urgence climatique. Les Pays Catalans seront l’un des territoires où ce flux migratoire affectera la démographie et donc la composition sociale des villes. En ce sens, nous constatons déjà que l’absence de politiques antiracistes est un atout pour les positions d’extrême droite, compromettant ainsi notre projet d’Unité Populaire.

Les organisations capitalistes supranationales ont répondu à cette urgence environnementale par une apparence de réforme du capitalisme intégrant un point de vue écologique, que nous désignons comme un capitalisme “vert”. Il s'agit d'un mécanisme de légitimation du système dont le but est de maintenir les activités néolibérales extractivistes à l'échelle planétaire. Cette offensive néolibérale protège les intérêts des secteurs économiquement les plus puissants et mise sur un scénario dans lequel il n’y a pas de réduction de la consommation d’énergie fossile. Cette politique augmentera les inégalités, niera les droits les plus élémentaires des classes populaires, ne leur permettra même pas de maintenir leur niveau de vie matériel actuel.

Les divers traités internationaux non mis en œuvre, les échecs réitérés des conférences sur le climat ont définitivement effacé l'espoir qu'une partie du mouvement écologiste avait mis dans la voie réformiste du capitalisme, mettant en évidence le fait que capitalisme et écologie sont incompatibles.

Cependant, l’idée d'un capitalisme « plus écologique » est l’argument que les différents gouvernements autonomiques de l'ensemble des Pays Catalans ont utilisé pour légitimer certaines politiques extractivistes qui, peu à peu, morcellent notre territoire. Sans frein, le capitalisme a intensifié au cours des dernières années les processus d'absorption de la rente foncière, d'exploitation et de privatisation de la nature avec pour principal objectif de prendre le contrôle des biens communs stratégiques : l’eau, l’énergie et le sol. Cette exploitation de la terre n'aurait pas été possible sans l’enchevêtrement des complicités entre l’architecture institutionnelle et les oligarchies économiques qui s’est donnée à voir avec la paralysie technique, par le Gouvernement de la Généralité de Catalogne, de la Loi du Changement Climatique ( loi adoptée par le Parlement catalan en août 2017 ; ndt) et par les coupes qui s’ensuivirent du fait du Tribunal Constitutionnel [lequel tribunal a jugé, en juin 2019, que le Parlement catalan n’avait pas le pouvoir de formuler des objectifs de réductions d’émissions polluantes ou d’interdire la fracturation hydraulique, et a déclaré anticonstitutionnels 15 articles de cette loi ; ndt].

Cette complicité a été illustrée aussi lors des projets de stockage de gaz Castor ou de gazoduc MidCAT, par le maintien d’un modèle énergétique non renouvelable et nucléaire, par la menace de développer l’industrie minière ainsi que la fracturation hydraulique, ou par l’offensive cherchant à blinder un modèle de gestion privée de l'eau. 

Complicité aussi dans la consolidation d'un modèle touristique de masse dans les Pays Catalans (avec l’arrivée de 44 millions de touristes étrangers chaque année), qui se diversifie à travers de nouvelles niches de croissance avec le secteur des croisières (6 millions de croisiéristes / an) ou avec des projets d’événements majeurs et d’infrastructures touristiques telles que le Barcelona World, les Jeux olympiques d’hiver de 2030 ou le circuit automobile de Montmeló. Et, pendant ce temps, les fonds “vautours” continuent leurs affaires dans le désert immobilier créé lors de l’éclatement de la bulle en 2007 et lancent de nouveaux projets urbains sur l’ensemble du territoire.

Le capitalisme continue à exercer une pression telle sur la nature que les conditions environnementales des sociétés humaines deviendront un risque pour la survie de l’Humanité. L’urgence climatique et écologique, son impact sur les classes populaires nous obligent, en tant que gauche indépendantiste, à relire l’écologie avec une perspective anticapitaliste et à intégrer l’antiracisme politique comme un de nos axes centraux. Le manque de politiques fortes contre la xénophobie fait croître des organisations racistes partout dans le monde, avec comme conséquences des souffrances que les travailleurs immigrés ou « racialisés » endurent, un plus grand discrédit de la gauche, ainsi que des difficultés pour développer notre feuille de route.

La réduction du temps de travail, l'abrogation de la loi sur les étrangers, le renforcement par l'administration publique du secteur agricole à travers un réseau public développant la consommation de proximité, la validation des diplômes étrangers, sont des mesures qui pourraient diminuer les tensions générées par le changement démographique sur le marché du travail et éviter que les discours racistes puissent se développer.

Il est urgent de jeter les bases d'une révolution écologique qui se confronte avec le productivisme et l' « extractivisme » capitalistes et qui renforce le contrôle populaire des biens communs naturels. Il est urgent aussi de promouvoir de nouvelles formes sociales de production non aliénées qui brisent le paradigme néolibéral autodestructeur car, lorsque nous parlons d'écologisme, nous parlons de la vie dans sa globalité.

 

1.2 Une nouvelle crise économique et sociale à l'horizon

Au cours des 30 dernières années, le capital financier est devenu dominant dans les principales économies capitalistes, dépassant en pouvoir et en influence l’élite industrielle et entraînant le secteur productif à être de plus en plus dépendant de la dynamique volatile du secteur financier.

Cette centralité de la finance dans l’économie mondiale est mise en évidence par la
fréquence croissante des grandes crises financières suivant inévitablement les
récessions. Depuis le début de la libéralisation des marchés des capitaux au début des années 80, au cours de l'ère Thatcher-Reagan, 12 crises financières majeures se sont produites dans les centres financiers - pays et villes globales -. La plus récente date de 2007-2008, et elle provoqua ce qui est actuellement connu sous le nom de «Grande Récession», dont de nombreuses économies ne se sont pas encore remises.

La financiarisation de l’économie comme mécanisme essentiel pour l’accumulation de profits - dans le cadre de l'approfondissement du capitalisme « racial », héritier des sociétés coloniales européennes du XVe siècle déjà basé sur la logique extractiviste -, découle de la crise de surproduction qui a commencé dans les années 70.

Cette crise de surproduction se décline sur quatre plans:

a) La restructuration néolibérale : consistant en un transfert de ressources des classes populaires vers des couches plus aisées tout en rendant possibles de meilleures conditions d’investissement pour ces dernières en même temps qu’un appauvrissement généralisé et une augmentation des inégalités.


  1. b) La globalisation : comprise comme la mondialisation des processus du capital et qui concrètement aujourd'hui implique la localisation des centres de production dans des pays où il n'y a ni impôts ni lois sur les salaires, sur la pollution, etc. ou bien des pays plus laxistes que ceux où sont situés les centres financiers. Cette répartition du travail suit le schéma de relations économiques racistes, qui a jeté les bases du système capitaliste entre colonies et métropoles, de manière beaucoup plus sophistiquée.
  1. c) La financiarisation de l’économie : basée sur le développement massif de l’endettement des familles travailleuses, principalement pour l'acquisition d'un logement, comme élément fondamental de réalisation de profits dans lesquels les investisseurs se concentrent en spéculant sur des produits financiers cotés en bourse.

  2. d) L'autoritarisme du marché : autrement dit l'austérité en tant que politique économique que les Etats et les institutions appliquent pour apporter leur contribution aux trois plans précédemment évoqués ; cela commence avec les « Plans d’Ajustement Structurel » imposés aux pays d’Afrique et d’Amérique latine, maintenant appliqués dans les pays européens.


Les Pays Catalans sont immergés dans cette dynamique, dans une Union Européenne qui est une bonne élève dans la mise en place de cet autoritarisme du marché : nous avons un haut niveau d'endettement et nous sommes soumis aux objectifs de stabilité de la dette, du déficit et des dépenses qui affectent directement la qualité des services publics et qui ont transformé les institutions en de simples organes de décentralisation administrative sans capacité d'appliquer une politique souveraine et de soutenir la qualité de vie telle que nous la concevons. Bien qu'après la crise de 2007-2008, le contrôle de l’inflation et des intérêts de la dette par des organismes internationaux soit ferme parce que les Etats du sud de l'Europe n'ont plus beaucoup de possibilité de contracter des dettes toxiques - comme ce fut le cas dans l'Etat espagnol avec la crise de 2008-, les conditions sont réunies pour une nouvelle crise financière,

Celle-ci aurait des effets dévastateurs car les résultats des politiques d'austérité dans les
Pays Catalans ont laissé un pays ravagé par la crise. Les travailleur-ses continuent à avoir le même salaire qu’il y a 10 ans. En fait, plus de 20% de la population salariée gagne moins de 1 000 euros bruts par mois. 25% des femmes salariées gagnent un salaire annuel inférieur à 11 792 euros brut, soit un salaire net de 842,5 euros mensuel.


Alors que la rémunération des travailleur-ses n’a pas encore retrouvé les niveaux de 2000, les profits des entreprises en Espagne ont augmenté de 200% en 2016 par rapport à l'année précédente.


Plus concrètement, depuis le premier trimestre de 2012, la productivité par heure travaillée a augmenté 10 fois plus que le salaire moyen. Nous voyons comment les salaires sont paralysés puisque les entreprises ont choisi de gagner en compétitivité avec un coût de la main-d'œuvre moins élevé.

D'une part, les personnes qui accèdent à un emploi le font dans des conditions de plus en plus précaires, le salaire annuel d'une travailleuse de 26 ans est inférieur de 33% à celui de 2008 selon les données de l'INE [Institut National des Statistiques], alors que le coût de la vie est en constante augmentation dans des secteurs de base tels que les transports (6,3%), le logement (3,7%) ou les communications (2,5%).

D'autre part, et au titre des mécanismes européens de contrôle du marché du travail, les politiques migratoires condamnent des milliers de personnes vivant dans les Pays Catalans à travailler dans l'économie souterraine, faute de papiers de résidents, et à être une armée de réserve dans un marché du travail flexibilisé, précarisé et fragmenté où les femmes, les jeunes et les migrants sont les groupes les plus impactés et les plus exploités.

1.3 Une crise du système patriarcal doublée d'une crise du système de soins, dont nous les femmes subissons les pires effets.

 

Les caractéristiques du travail effectué par nous, les femmes, sont résumées par l’accumulation des pires conditions de travail, à savoir la ségrégation verticale et horizontale, le travail partiel, le harcèlement sexuel, la violence structurelle à laquelle nous sommes toutes soumises.

La participation des femmes au marché du travail se traduit par des inégalités entre hommes et femmes, notamment une reconnaissance sociale moindre des tâches associées au travail féminin, un écart des rémunérations salariales. Dans les Pays Catalans, il se situe entre 16 et 25%. L’écart de salaire atteint 49,9% pour les femmes racisées et/ou les femmes nées hors d'Europe, qui sont les travailleuses les plus exposées à l’exploitation et à la pauvreté.

Cette situation, qui crée un plus grand risque de pauvreté chez les femmes en âge de travailler, augmente encore après la vie active, lors du passage à la retraite. L’écart des retraites entre hommes et femmes dans les Pays Catalans est actuellement supérieur à 40%.

L’organisation du système de retraite condamne à l’extrême pauvreté les femmes qui ont passé leur vie à travailler comme salariées ou à travailler dans le domaine informel (comme la couture à la maison, la participation à l’entreprise du mari ou de la famille) ou à travailler chez elles pour les tâches familiales.

Dans le contexte actuel (avec des salaires insuffisants pour faire face aux dépenses de base telles que le logement, la nourriture, le transport, les fournitures de base, et avec des services publics totalement inadéquats qui sont démantelés continuellement au profit du secteur privé), il faut également prendre en compte le vieillissement de la population et une pyramide des âges de plus en plus inversée.

Cette évolution met en évidence un fait essentiel à prendre en compte dans l’analyse des conditions de vie des femmes : l'augmentation des besoins en soins.

Dans le modèle familial dominant des territoires d'Europe du Sud, c’est la famille qui garantit le soin aux personnes et, par là-même, qui assure le fonctionnement et le développement du système capitaliste.

Dans le cycle actuel de réduction constante des services publics de santé et d'éducation, des avantages sociaux et des services sociaux, c’est la famille qui se charge des soins, qui offre le soutien à ses membres, principalement au sein des classes populaires. Beaucoup de travailleurs n'ont pas accès aux services de soins offerts par le marché, services caractérisés tant par des coûts disproportionnés que par un traitement indigne, aussi bien pour les personnes soignantes que pour les personnes soignées. Ainsi, dans les familles de la classe ouvrière qui ne peuvent pas se payer des services de soins, c’est la famille (mais surtout les femmes) qui garantit le bien-être du noyau familial. Ces femmes remplissent ces tâches au détriment de leur temps libre, au détriment de leur carrière professionnelle, en supportant une charge de travail très élevée avec des risques pour leur propre santé.

En ce sens, il convient de noter la perversité de la chaîne globale des services de soins, qui génère une chaîne d’exploitation entre les femmes elles-mêmes. Ainsi une femme, généralement blanche, peut consacrer du temps et des ressources nécessaires pour accéder à un poste de responsabilité dans une grande entreprise ou dans la fonction publique, en conséquence les tâches que cette femme cesse d'assumer à la maison seront le travail d'une autre femme.

Et cette autre femme, plus jeune ou plus pauvre, ou connotée ethniquement (ou tout à la fois), accomplira cette tâche à un prix inférieur. Au cas où ce serait une femme migrante qui assumerait cette tâche, cette femme, dans son pays d'origine, aura sûrement délégué des tâches à d'autres femmes de sa famille ou de son environnement le plus proche. Il s’agit de la chaîne globale de soins, où la valeur des heures de travail de chaque femme est inférieure à celle de la femme précédente.

La croyance selon laquelle l'élimination ou la réduction de l'écart salarial passerait par la présence des femmes aux postes de responsabilité n'est que partiellement vraie. L’ascension sociale de ces femmes blanches, ayant accompli un parcours universitaire, disposant d'un grand capital social et ayant accès à des services de qualité, génère aussi un appauvrissement et une exploitation de femmes ayant de nombreuses difficultés qui, elles, continueront de rester dans le marché des soins. Ce marché des soins est l’un des plus précaires par sa déréglementation. Et dans le cas où la maison est l’espace de travail, la sécurité est faible et le taux de harcèlement sexuel est particulièrement élevé.

Compte tenu de ces remarques, nous devons aborder les deux questions suivantes :

a- Comment redistribuer les tâches de soins de manière égale entre hommes et femmes, avec pour objectif d’en finir avec la division sexuelle du travail, la féminisation et la racialisation de la pauvreté ?

b- Quelle est notre proposition concernant la répartition des soins dans la société, qui réponde aux besoins de l’ensemble de la classe des travailleurs, dans toute sa diversité ?

Dans tous les Pays Catalans, nous devons lutter contre toute offensive d'externalisation des services aux différents niveaux institutionnels, car leur externalisation aggraverait les conditions de travail des travailleuses et réduirait la qualité du service. Dans le même temps, cela impliquerait une dégradation du service qui aura un impact direct sur l’ensemble des femmes. Ces femmes finiront par travailler de manière invisible, non contrôlée, non rémunérée et non reconnue, pour des personnes qui ont besoin de soins. Un exemple très clair est la "loi Aragonés" qui, dans le cadre du Parlement de Catalogne, vise à réglementer l’externalisation et la privatisation des services de soins et d’attention aux personnes.

Aux régressions des conditions matérielles de vie, aux prises en charge de tâches de soin et de reproduction de la vie qu’assument gratuitement les travailleuses, s’ajoute le contexte de violence dans lequel nous, femmes, vivons immergées.

14 féminicides dans les Pays Catalans ont été comptabilisés depuis le début de l’année. Le nombre d’agressions sexuelles, la multiplication des discours ouvertement sexistes, la montée de l’extrême droite dans la rue mais aussi dans les institutions, tout cela favorise la phobie misogyne et structurellement LGBTI.

Nous vivons dans une société profondément sexiste, une société où la moitié de la population des Pays Catalans souffre au moins d’une triple oppression, se traduisant par de multiples violences que nous subissons, telles que la féminisation de la pauvreté, la violence économique, etc. et, au bout du compte, les féminicides.

En ce sens, le collectif LGBTI est également l’un des plus touchés par les conséquences du capitalisme et du patriarcat. Le binarisme du genre, la famille et le mariage monogame hétérosexuel perpétuent la division sexuelle du travail ainsi que la transmission intergénérationnelle de la propriété bourgeoise des moyens de production et sanctionnent les dissidences sexuelles, affectives et de genre.

Phobie LGBTI dans toutes ses expressions et assimilation par le système à travers l’institutionnalisation de leurs luttes et le prétendu « capitalisme rose » sont les deux faces d’une même monnaie. Malgré l’égalité juridique formelle, pleinement réalisée dans les Pays Catalans sous occupation espagnole, en partie dans la Catalogne Nord et toujours en attente en Andorre, cette égalité n’est pas concrétisée matériellement.

Les personnes LGBTI de la classe ouvrière ont, par rapport aux autres travailleurs, un salaire inférieur de 4% à 10%, ont des possibilités de trouver un emploi inférieures de 7 %, et davantage de risques d'être licenciées ou harcelées sur le lieu de travail. Il faut aussi noter l'indisponibilité et le manque d'outils d'autonomisation et d'autodéfense : seulement 36% des travailleurs-ses sont conscient.e.s des attitudes phobiques envers les LGBTI au travail (dont seulement 4% font l’objet de plaintes). Cette réalité est encore plus flagrante dans le cas spécifique des personnes trans : 85% sont au chômage et ont une espérance de vie de 35 ans.

Les jeunes LGBTI souffrent d'un taux de suicide quatre fois plus élevé que la moyenne du pays et sont rejetés par leurs propres familles. Malgré les progrès réalisés en matière de dé-pathologisation par les gouvernements autonomiques, il subsiste un manque de volonté politique. Cela se traduit par de faibles ressources, quand il en existe, affectées, sur ce terrain spécifique, au domaine de la santé, qui reste encore hostile dans son ensemble au collectif LGBTI. Le système éducatif n’est pas non plus exempt de la phobie LGBTI et continue de reproduire les discours et les pratiques hétéro-patriarcales, créant un terrain propice au harcèlement.

Ce manque de volonté politique s'étend également aux lois contre la phobie LGBTI adoptées ces dernières années par le Parlement de Catalogne, le Parlement de Valence et le Parlement des Îles Baléares. Ces gouvernements prétendument progressistes ne développent pas de législation ni ne prévoient de postes budgétaires adéquats pour la mise en œuvre des politiques opposées à la phobie LGBTI.

Les agressions LGBTI-phobiques augmentent chaque année d'une manière alarmante, selon l'Observatoire de l'homophobie. On note d’une part le renforcement positif du collectif LGBTI qui dénonce de plus en plus les agressions (on estime cependant que 90% des agressions ne sont pas suivies de plaintes), mais d’autre part le développement des comportements « décomplexés » des agresseurs qui se vérifie dans les discours tenus en particulier par l'extrême droite.

L’autre face de la médaille, le « capitalisme rose », est, en résumé, l'appropriation de la lutte par le système. Il cherche à désactiver le potentiel révolutionnaire de cette lutte par son intégration dans les discours « progressistes » tout en exploitant le collectif LGBTI en tant que niche de marché sur lequel il impose des normes de consommation, une pression esthétique, des modèles de comportement, etc... Toutes les formes d'organisation sociale alternative construites par la communauté pendant des décennies sont détruites et leur intégration dans des institutions telles que la famille, le mariage ou l'armée et les forces de sécurité s’imposent.

En tant qu'organisation, nous avons également des tâches restées en suspens dans ce domaine. La CUP et l'ensemble de la gauche indépendantiste continuent d'avancer des discours et des pratiques hétéro-normatives ainsi qu'une image et des dynamiques masculinisées. Notre incapacité à comprendre que ces combats sont un outil utile de libération sexuelle, affectif et de genre, nous éloigne souvent de ce secteur de la classe ouvrière.

De la même manière, au sein de l'organisation, les militants LGBTI subissent des agressions LGBTI-phobiques.

1.4 Un système mondial instable


Les crises écologique, économique et sociale ont également une implication directe sur la configuration de la carte des relations internationales. Cette carte est marquée durablement par la lutte pour le contrôle des ressources naturelles, une lutte à chaque fois plus acharnée en raison du contexte d'urgence climatique et écologique.


La carte politique internationale est configurée de manière multipolaire : la puissance économique, politique et militaire des États-Unis est de plus en plus remise en question par d'autres puissances comme la Chine ou la Russie, souvent renforcées par des puissances régionales telles que l’Iran ou la Turquie.

Pendant ce temps, l'Union Européenne perd de son importance en raison de la crise politique et économique galopante à laquelle doivent faire face les institutions qui la composent, ainsi que ses Etats membres ; elle a de plus en plus de difficultés à devenir un acteur politique, économique ou militaire uni dans les affaires mondiales. En conséquence, l’UE finit par apparaître souvent comme un acteur sans moyens pour freiner les interventions militaires des USA et avec beaucoup de difficultés pour manœuvrer dans des accords commerciaux ou d’investissement, comme ce fut le cas du TTIP (toujours en cours de négociation avec les États-Unis) ou du CETA (signé après des négociations difficiles avec le Canada).

Les États et les organisations internationales répondent de plus en plus aux intérêts des grandes firmes transnationales, en se vidant de plus en plus de tout vestige de souveraineté populaire. Le rôle des firmes mulinationales devient alors essentiel pour comprendre les politiques (internes et externes) des États, qui priorisent les intérêts économiques des grandes industries militaires et de sécurité, ainsi que des entreprises d'énergie et de communication, qui continuent à spolier brutalement des ressources naturelles. L'autoritarisme de marché – dont l'Etat espagnol ainsi que l’approbation de l’article 135 de la Constitution Espagnole en sont un exemple très clair - impose que les profits multimillionnaires et la stabilité économique des grandes entreprises passent toujours avant le bien-être et le développement de la vie.

La doctrine du choc et les discours de la peur ont été les principaux outils pour défendre 
ces intérêts au nom de la sécurité, produisant ainsi la grave régression et la violation des
droits humains au niveau international. Violation des droits humains alimentée par le cadre politique et économique de capitalisme racial et patriarcal, protégé par des systèmes politiques, législatifs et judiciaires, et par les directives et les actions d’institutions supranationales telles que OTAN, le FMI, la BM ou l’UE elle-même.

Ainsi, se forme une carte internationale qui vire vers l'extrême droite, avec une gauche politique confrontée à des difficultés importantes pour se réorganiser et se construire avec un projet alternatif global. Produit des doutes de la gauche, l'extrême droite est la force qui parvient à capitaliser, par le biais d’une rhétorique nationaliste, la colère à l’égard de l’UE, bien qu’elle soit en réalité une fidèle alliée des intérêts des grandes entreprises.

L'UE n'est pas étrangère à cette dynamique. Bien qu'historiquement la social-démocratie
ait revendiqué le rêve européen en tant qu’instrument de progrès et de développement, depuis des années, l’UE n’est qu’un instrument pour imposer des politiques de misère et d’austérité, terrain qui profite à une extrême droite chaque fois plus forte dans le Parlement Européen et le reste des institutions de l'UE. Nous subissons des décennies de politiques de sécurité qui génèrent la mort de milliers de personnes dans nos mers, ce qui alimente l'affaiblissement des droits démocratiques les plus fondamentaux, la régression de droits humains indispensables et tourne le dos aux besoins sociaux et économiques les plus urgents. Nous allons, pour que soit sécurisée la frontière, vers une criminalisation plus grande et plus perverse de la solidarité et des tentatives de sauver des vies humaines en Méditerranée. L’UE est toujours prête à intervenir, promouvoir et garantir ses intérêts géo-économiques et ceux des grandes entreprises et à banaliser la répression en tant qu'outil pour maintenir l'ordre nécessaire.

Les Pays Catalans n'échappent pas à cette réalité. La crise économique et démocratique,
comme le conflit sur le droit à l'autodétermination, doivent être lus dans ce contexte et avec cette perspective, pour comprendre quels pourraient être les outils utiles pour
l’internationalisation, le cadre discursif à développer, les propositions concrètes à mettre en œuvre, les alliances politiques et sociales à construire au niveau international pour pouvoir garantir l'exercice du droit à l'autodétermination.

2 .Un changement de cycle dans les Pays Catalans

2.1 Le sujet politique

 

Historiquement, la gauche indépendantiste avait assumé (elle continue d’en assumer une grande partie), la thèse affirmant que le seul « sujet » pouvant assurer la construction nationale des Pays Catalans est le peuple ouvrier catalan, formé par la classe ouvrière et les classes populaires. Il s’agissait d’un processus d'indépendance nationale qui impliquait d'atteindre à la fois l'indépendance et le socialisme féministe. Nous sommes conscients du degré d'hétérogénéité existant au sein de notre peuple, aussi bien en termes de conditions sociales, de conscience nationale et de conscience de classe. Cette hétérogénéité, cependant, est un fait qui existe dans tous les pays européens, qu’ils aient ou non un conflit national.

Face à ces difficultés, nous devons savoir identifier et construire les éléments communs qui peuvent unir une conscience nationale et une conscience de classe à partir desquelles nous pourrons engager la construction matérielle de la souveraineté politique et économique des Pays Catalans.

Nous croyons que ce processus passe par la stratégie de l’Unité Populaire. Développer un programme social, politique, économique et culturel revendicatif, unique pour toute la nation, devient plus nécessaire que jamais.

Concernant la revendication de souveraineté politique pour la Catalogne-Nord (partie des Pays Catalans située en France, soit le département des Pyrénées Orientales ndt), les différentes expressions du « catalanisme » - dans un sens très large - ont navigué entre plusieurs options souvent non structurées.

Ainsi, l’indépendantisme de la Catalogne-nord a tenté un regroupement a la remorque du « Procés » (processus pour l’indépendance ndt) de la Catalogne-Sud, à travers l’ANC [Assemblée Nationale de Catalogne] nord-catalane. Son activité a oscillé entre deux tactiques : d’une part manifester la solidarité avec l'indépendance de la Catalogne-Sud, (une position qui soulève une grande sympathie, au-delà des noyaux militants du catalanisme, qu'il faut prendre en compte) et d’autre part prolonger un certain discours de protestation contre le centralisme français, sans définir de projet politique. Les secteurs les plus régionalistes et de droite ont tenté de capitaliser sur la question des noms de la nouvelle région et ont tenté le énième projet (après le Bloc Catalan et la Convergence de la Catalogne-Nord) pour pouvoir s'installer, même a minima, dans les institutions locales.

Au milieu de ce paysage politique, plane l’idée de créer un « bloc large » pouvant revendiquer un statut autonome pour la Catalogne Nord. Il est évident que, pour la gauche indépendantiste, ce pari serait envisagé uniquement du point de vue tactique, car nous pensons que l’État français n’est pas un lieu où les libertés nationales du peuple catalan puissent être garanties.

La gauche indépendantiste en Catalogne Nord a développé, ces dernières années, un travail dans deux directions. D'une part, elle s'est efforcée de rajeunir et de donner une portée et une cohérence aux propositions et aux initiatives du catalanisme, d'autre part, elle a commencé à travailler au sein de plusieurs mouvements populaires qui ont permis au mouvement national d'entrer en contact avec diverses luttes (comme celle des Gilets Jaunes et celle du mouvement antiraciste contre les centres d’internement). Bien que le degré de mobilisation de ces luttes sociales soit encore faible, nous soutenons pleinement cette double stratégie.

Dans la Franja del Ponent (territoires catalanophones de l'est de l'Aragon ndt) les « comarques » (niveau administratif comparable aux communautés de communes françaises ndt) de ce territoire ne représentent aucune unité géographique ou économique. La conscience collective d'appartenir à la Franja est définie par le fait que l'on parle le catalan dans le cadre administratif de l'Aragon. Ces « comarques » subissent un important processus de dépopulation, avec le déplacement d'une grande partie de la jeunesse dans les grandes agglomérations des Pays Catalans mais également à Saragosse (environ 15 000 catalanophones) ou d'autres villes de la région aragonaise telles que Teruel, Casp, Alcañiz et Montsó). Ces dynamiques ont un impact très direct sur l'utilisation de la langue.

Quand bien même certaines « comarques» de la Franja del Ponent font partie des « comarques» des Pays Catalans ayant un usage social élevé du catalan, on commence à constater l'interruption de la transmission de la langue.

À tout cela, il faut ajouter l'enracinement d'un fort sentiment anti-catalaniste dans une partie de la population. Ce phénomène, lié aux réseaux de clientélisme provincial, à l’enracinement du nationalisme espagnol et à un conservatisme fort, empêche le catalan de se normaliser au-delà de son statut linguistique habituel et, partant, rend difficile l’enracinement de la conscience nationale. Nous devrons travailler dans l’unité avec les autres « comarques» catalanes les plus proches pour pouvoir effacer la frontière administrative qui nous a été imposée.

Dans le Pays Valencien (comme à Majorque), les projets politiques que présentent les soi-disant « gouvernements du changement » sont inscrits dans les limites du régime politique actuel, celui de l’Etat des autonomies, conçu comme le cadre pour développer les droits nationaux et sociaux. Ces projets ne visent pas à rompre le cadre juridique existant afin de pouvoir exercer l'autodétermination ou à engager un processus de conquête des souverainetés car, dans ce cas, il leur serait nécessaire d'envisager une rupture, même minime avec l’actuel régime politique.

La construction d’alternatives politiques ayant pour objectif l’autodétermination et la récupération des droits et des souverainetés se heurte à plusieurs difficultés. Par exemple, la force d’attraction exercée par les partis au pouvoir sur les cadres politiques accentue la faiblesse organisationnelle de la CUP et de la gauche indépendantiste ou encore la tendance à estimer que le seul objectif réalisable à l’heure actuelle est de préserver les gouvernements progressistes, comme dernier rempart à un retour du PP [Parti Populaire, droite conservatrice libérale] au pouvoir.

Dans le pays Valencien la base sociale est beaucoup moins large que celle qui a existé en Catalogne avant les frustrantes négociations pour les réformes de la fiscalité ou du statut d’autonomie. Face à la connivence ou à la volonté négociatrice, dans le meilleur des cas, des forces social-démocrates, les luttes pour les libertés politiques et l'antifascisme peuvent permettre d’articuler des espaces de résistance et de contre-pouvoir pour avancer vers l’autodétermination.

Enfin, les deux principaux événements politiques qui ont permis de rompre l’hégémonie du PP à Majorque ont été le 15M (en référence à la date du 15 mars 2011 qui a mis en branle le mouvement des Indignés ndt) et la grève de l’enseignement. Le mouvement des Indignés, avec ses idées et ses formes d’action, a été un terrain qui a permis à de nombreuses personnes de se politiser et de promouvoir durant des mois des manifestations dans la rue, de défendre les revendications relatives à l’usage de la langue et à la souveraineté du territoire, basées sur des revendications sociales et pour l’emploi, et de développement de la démocratie. La grève de l'enseignement a été l’expression la plus intense d'une mobilisation sociale et populaire à Majorque, se confrontant directement à un gouvernement.

Ce dernier exemple permet de vérifier que les tensions et les conflits sociaux, sont un bon allié de la CUP et de la gauche indépendantiste pour gagner en crédibilité.

2.2 Un changement de cycle dans les Pays Catalans


Nous observons un certain épuisement du cycle de luttes qui a explosé avec le début de la crise économique, démocratique et nationale en Espagne, il y a à peu près une décennie, qui contribuèrent à approfondir la crise du régime. Au cours de ces années, des centaines de milliers de personnes ont développé une conscience politique principalement sur le droit à l'autodétermination, anti-oligarchique et féministe partout dans les Pays Catalans. L'anticapitalisme et le rejet de l'UE ont progressé résolument. Et en Catalogne Sud, le mouvement populaire pour l'autodétermination a permis de mettre en échec l'état Espagnol au point de générer une crise constitutionnelle sans précédent.

Dans ce cycle, s'est renforcée l'idée selon laquelle l’organisation et la mobilisation
populaire sont décisives pour impulser de profonds changements politiques et sociaux. 
En conséquence, ce qui avait été des options politiques institutionnelles minoritaires ou
carrément marginales ont fini par être déterminants, directement ou indirectement, pour que se constituent les gouvernements des principales institutions des Pays Catalans. Et malgré cela, les objectifs qu'elles visaient et défendaient n'ont pas été atteints. Aujourd’hui, ces stratégies qui semblaient sur le point de tout changer il y a quelques années, ne paraissent plus en position de produire des changements significatifs à court terme.

En ce qui concerne les mouvements populaires, le mouvement féministe s'est coordonné et implanté partout dans les Pays Catalans; le syndicalisme alternatif, qui a joué un rôle indispensable dans la grande grève générale d’octobre 2017 dans la Principauté de Catalogne, s'efforce de croître et a posé des problèmes aux syndicats CCOO et UGT dans certains secteurs, mais il reste clairement minoritaire hormis l'administration publique; le secteur de l'économie sociale et coopérative est en voie d’affermissement de son assise partout dans la Principauté de Catalogne et de développement modéré sur l'ensemble des Pays Catalans; le mouvement écologique est en pleine croissance sur tout le territoire, et le mouvement pour le logement est en train de devenir dans les villes un laboratoire de syndicalisme d'assemblées territoriales qui, en suivant le chemin ouvert par les PAH, place au centre du débat la marchandisation du logement et la lutte contre la massification touristique. Concernant d'autres domaines de lutte et de mouvements populaires, ils se réactivent mais avec des difficultés pour se coordonner, pour une part, en raison des stratégies de récupération de nombre de ces luttes par les projets de la gauche institutionnelle et, d’autre part, à cause de la difficulté de construire des alternatives claires de lutte ou des institutions alternatives de pouvoir populaire dans les domaines sociaux, économiques, voire politiques.

2.3 Fin de cycle: stabilité du régime aux pieds d'argile


Les résultats des élections des 28 avril et 26 mai ont établi un scénario dans lequel la tendance politique centrale sera la recherche de la stabilité du régime, bien que celle-ci ne soit pas garantie.

Les résultats de la CUP aux élections municipales ont été ambivalents. D'une part, 
la représentation institutionnelle s'est maintenue voire a progressé dans une bonne partie du territoire. D'autre part, les mauvais résultats obtenus dans la plupart des grandes agglomérations urbaines du pays, nous obligent à pousser une réflexion pour pouvoir apprendre tant des succès que des erreurs et comprendre ce qui s'est passé.

Les facteurs à analyser sont:

  • la propre activité municipaliste déployée par la CUP dans ces zones et l'inégale capacité à rentabiliser le travail accompli ;
  • l'influence de la dynamique nationale de ces élections municipales - tant pour le rôle joué par la CUP-CC dans la législature actuelle du Parlement de Catalogne que pour le débat politique général -;
  • notre non-participation aux rendez vous électoraux espagnols et européens, les dynamiques politiques plus générales qui ont catapulté l'ERC et le PSC dans une grande partie du pays, favorisées par un faux sentiment de stabilité politique et économique, la peur de la montée de l'extrême droite et le long ressac post-référendum ;
  • la difficulté de la CUP, dans le contexte créé par la situation répressive et les cas concrets des prisonniers politiques, à trouver un espace où elle puisse critiquer et analyser la politique sans être soupçonnée d’un manque de soutien ou de sensibilité envers les prisonniers;
  • le jeu des partis du gouvernement utilisant la carte de la répression de façon stratégique, surtout dans le domaine électoral, pour construire une nouveau récit du nouveau cycle.

Au-delà de ces observations, les caractéristiques de la période concernant
la stabilité du régime après le cycle 2015-2017 sont les suivantes:

  • Les élites économiques et politiques étatiques et catalanes cherchent une
    restabilisation du régime à travers un rôle de plus en plus actif du PSOE. Cependant, celui-ci a des pieds d'argile et tente de trouver des alliances tant avec la droite des nations périphériques qu'avec la gauche espagnole qui se trouve dans une situation de faiblesse après un cycle électoral qui lui a fait perdre des voix.

  • Dans les Pays Valenciens, aux Îles Baléares et dans les Pitiüses [groupes d’îles, dont Ibiza et Formentera, de l’archipel des Baléares], la reconduction des gouvernements de coalition entre le PSOE, Podemos et les différentes coalitions de la gauche souverainiste (Compromís et Mes respectivement) dit l'échec des droites espagnolistes à récupérer le pouvoir autonomique et municipal (sauf dans le cas d’Alicante), et la volonté majoritaire de poursuivre le soutien à des gouvernements qui ont mis en avant la demande d'un meilleur financement et donc une certaine résistance à la recentralisation de l'Etat espagnol.

  • Malgré tout, la droite espagnoliste et l'extrême droite franquiste représentée par VOX en particulier, continueront à être un facteur de pression constant en faveur de la recentralisation de l'Etat, de l'impulsion de mesures de coupes dans les droits sociaux et civils ; elles constituent, par là-même, également un véritable obstacle à de possibles mesures permettant de faire retomber la tension dans le conflit démocratique entre le peuple catalan et l’Etat espagnol, et donc un obstacle à la re-stabilisation du régime.

  • Le cycle du 1er octobre a mis au jour le caractère autoritaire de la monarchie
    parlementaire espagnole, avec une issue répressive au cycle d'autodétermination catalan, avec des prisonnières et des prisonniers politiques, des exilé.e.s, de nombreuses personnes mises en examen, poursuivies, inculpées et mises à l’amende pour avoir exercé leurs droits civils et démocratiques fondamentaux.

  • Les condamnations qui interviendront à l'issue du procès contre le Mouvement du 1er octobre [2017, jour du référendum d’autodétermination] marqueront un avant et un après dans la légitimité de l'Etat espagnol en Catalogne et dans la plupart des Pays Catalans, comme dans le nouveau cadre politique de gestion de la dissidence, et constitueront un facteur d'instabilité du régime à court ou à long terme.

Il faudra être attentif au rôle de la Monarchie Espagnole, quant à d'hypothétiques grâces, opération qui pourrait aller dans le sens de rechercher une re-légitimation de cette institution dans les Pays Catalans et d'imposer des renoncements (plus ou moins implicites) à la réédition d'épisodes comme le 1er-Octobre.


  • Les effets de l’application de l’article 155 et de la répression, en particulier des emprisonnements d'une bonne partie du gouvernement de la Principauté de Catalogne, ont contribué au repli politique d'une partie des forces de l’indépendantisme gouvernemental. En ce sens, le rôle du Govern [gouvernement catalan] a consisté à faire de la surchauffe symbolique [sur l’indépendance], combinée à la continuité des politiques sociales et économiques des gouvernements précédents sous hégémonie convergente [de CiU, Convergencia i Unió, le parti de centre droit catalaniste qui a géré pendant des décennies l’autonomie catalane] abandonnant même toute activité allant dans le sens d'amener l'autonomie à ses limites afin de mettre en évidence les coûts qu’implique de rester dans le cadre de l’État espagnol.

  • La fin d’une feuille de route vers l’indépendance qui a marqué le cycle précédent et qui,
    pour les secteurs modérés de l’indépendantisme catalan, allait dans le sens de forcer une négociation avec l’Etat, a été remplacée par la lutte entre JxC [les partisans, de centre droit, de Carles Puigdemont] et ERC [Gauche Républicaine de Catalogne, social-démocrate] pour occuper la position hégémonique dans le bloc indépendantiste et l'espace central qui vise à gouverner la Catalogne.
  • Malgré tout, il continue à y avoir en Catalogne un secteur très large de la population,
    (autour de 50%), qui de façon réitérée s'exprime dans le sens de ne pas renoncer à l'indépendance et à l'exercice de l'autodétermination, ainsi qu'en faveur de l'héritage du 1er octobre, bien que les forces hégémoniques dans le camp indépendantiste aient renoncé à réactiver la dynamique de confrontation avec l’État pour rendre effectif le droit à l'autodétermination.

  • Il existe une volonté très majoritaire désirant surmonter le cycle précédent à travers la mise en avant de droits civils et politiques (liberté des prisonniers politiques, retour des
    exilé.e.s et la défense de l’autodétermination) et aussi en faveur d’un progrès concret
    dans l'amélioration des droits sociaux et des conditions de vie matérielles.

  • En Catalogne, le niveau de rejet de la Constitution et de la Monarchie espagnole
    atteint des chiffres dépassant respectivement les 57% et les 75% dans les sondages d’opinion; dans le reste des Pays Catalans les opinions favorables à une république plutôt qu'à la monarchie sont également majoritaires.

  • Bien que la défense de la désobéissance civile et institutionnelle, résumée dans le slogan "Nous le referons" ait un très large soutien, il est chaque fois plus évident que le chemin de l'unilatéralité [d’une proclamation de l’indépendance] et de la désobéissance institutionnelle n'est pas une option envisagée par les indépendantistes gouvernementaux.

2.4 La CUP-CC et la première partie de la législature


La CUP-CC a joué un rôle essentiel et décisif dans tous les moments clé du cycle
précédent (2012-2017). Bien que n'étant pas une force gouvernementale, elle a été indispensable pour la consultation de 2014, pour le remplacement d'Artur Mas par Carles Puigdemont en janvier 2016 [à la tête de la Généralité], et surtout pour le remplacement de la fausse feuille de route que « Junts per Sí » [successeur électoral de Junts per Cat]avait promise et qui a mené au référendum sur l'autodétermination du 1er octobre. La CUP-CC a également été décisive dans les moments clé de septembre 2017, tant dans la réalisation d'une stratégie concrète de désobéissance civile, qui a défait la stratégie provocatrice et violente de l’État Espagnol, que dans l'animation du mouvement populaire qui a tenu tête à l’État, a empêché les reculades du gouvernement et a rendu possible le 1-O.

La CUP s’est impliquée dans l'organisation du référendum avec ses ressources matérielles et humaines ; elle a joué un rôle décisif pour garantir qu’il soit mené à son terme et pour veiller à ce que le gouvernement de la Generalitat ne recule pas. Cependant elle s'est fermée sur elle-même, en perdant de vue et en cessant de contrecarrer le récit « magique » de l'indépendance produit par le Govern. Cette stratégie de blindage a été souvent nécessaire, du point de vue de la lutte contre la répression et de la création de canaux de communication sécurisés pour concrétiser le référendum.

Une fois passé ce moment d'exception, les atermoiements et les manoeuvres du Govern ont débouché sur ce qui a été clairement reconnu au cours du procès : toutes les déclarations étaient abstraites et symboliques, elles n'avaient aucune validité et il n'y avait aucune intention réelle pour les rendre effectives.

La CUP n'a pas su formuler une réponse claire et forte qui aurait pu démasquer ces déclarations, cette incapacité ne pouvant pas, au demeurant, se justifier par la stratégie conjecturelle du blindage.

Ainsi, non seulement nous avons cessé d'être un agent faisant pression pour faire avancer la défense de la souveraineté de notre peuple, mais, activement ou passivement, nous avons avalisé le récit du Govern, sans remettre en cause publiquement aucune de ses démarches qui diluaient le mandat du 1-O et surtout sans mettre en valeur le potentiel de changement qui se manifestait dans la rue pour dénoncer un État [espagnol]ouvertement autoritaire, plus contesté que jamais lors de la grève générale du 3-O [3 octobre 2017, grève générale contre la répression du référendum du 1er].

Et ainsi, le CUP a subi un résultat sévère aux élections du 21-D [élections législative autonomique du 21 décembre 2017 sous le « 155 »]. Dans la première partie de la législature, et malgré la faiblesse de ce résultat, la CUP a joué un rôle actif dans la tentative (avortée) d’investir Carles Puigdemont en tant que candidat de la principale force indépendantiste issue des élections. Dans le processus des négociations la CUP a refusé d'entrer au Bureau du Parlement, elle a rejeté un accord de gouvernance mais elle est parvenue à un accord politique pour l'investiture de Carles Puigdemont qui finalement ne fut pas signé à cause du rétropédalage de l'ERC et de JxC.

Cependant, à partir du moment où JxC et ERC ont tous deux renoncé à investir Carles Puigdemont et après deux séances plénières d’investiture avortées - la première convocation étant annulée par le président du Parlement Roger Torrent (ERC), et la seconde par l’emprisonnement du candidat à la présidence du gouvernement, Jordi Turull (JxC) -, la CUP-CC a facilité, par le biais de l'abstention, l'investiture de Quim Torra (JxC) comme président de la Generalitat.

Le renoncement du nouveau gouvernement de JxC et de l'ERC à tenir ses engagements d’avancer vers la République Catalane et concrétiser le mandat du 1-Octobre ainsi que ses politiques publiques, ont conforté la CUP-CC dans une position d'opposition au gouvernement. C’est ainsi que le Conseil Politique de la CUP a approuvé un document dans lequel elle optait, d'une part, pour l'ouverture d'un nouveau cycle de mobilisation populaire en profitant du début du procès contre l'autodétermination devant le Tribunal Suprême, et, d'autre part, pour un blocage de l'activité parlementaire

L’incapacité d’expliquer ce qui s’était passé avant, pendant et après le 10-O, en premier lieu pour des raisons de sécurité, puis d’avoir une lecture propre des faits, aussi bien en direction de nos propres militant.e.s que de l’ensemble de la population, nous a entraînés, de fait, dans une dynamique de tractations et de manque de transparence qui avaient été un trait caractéristique de l'organisation lors de la première législature et la majeure partie de la seconde.

Si nous prenons en compte ces différents éléments et, en particulier, la façon dont le Govern a fait jouer stratégiquement la corde sensible de la répression subie, la CUP-CC s'est retrouvée prise à contre-pied, d’abord par le maintien de son discours du cycle précédent (en cohérence avec les engagements du 21-D de mettre en œuvre la République) et ensuite par son incapacité à mettre en forme un changement de lecture et de discours permettant de prendre la mesure du nouveau moment politique.

Aujourd'hui, une fois terminé le cycle électoral espagnol (législatives, européennes et municipales) avec le jugement [des emprisonné.e.s politiques indépendantistes] devant la Cour Suprême mis en délibéré, il est temps de tirer un premier bilan de cette option tactique. 

Ainsi, malgré les travaux rigoureux développés par le groupe parlementaire de la CUP-CC, l’impact politique et social du travail développé par l'ensemble de l'organisation ne peut pas être qualifié de positif. La CUP a vu s'aggraver une certaine faiblesse structurelle après le 1-O pour diverses raisons:


  • Malgré le discours et la pratique parlementaire d’opposition frontale, le CUP-CC a souffert d'une subordination de fait à l’indépendantisme gouvernemental par manque d'une feuille de route alternative après l' 1-O.

  • Une aggravation de la subordination tacite à cet indépendantisme gouvernemental
    en permettant l'investiture de Torra par l’abstention sans contrepartie.

  • La tactique de blocage a eu un impact minime et n’a pas donné de résultats concrets,
    si ce n’est le renforcement de l'isolement parlementaire de la CUP et la dérive vers un discours
    de dévalorisation de l’institution parlementaire [catalane].

  • Le silence politique et médiatique résultant de la non-participation de la CUP aux
    élections espagnoles (situation aggravée par la participation à ces élections du Front Républicà [coalition de gauche catalaniste comprenant Poble Lluire, une des deux principales composantes de la CUP. Elle ne parvint pas à atteindre les 3%]) et aux élections européennes.
  • Le renouvellement complet, quand les législatures ne parviennent pas à leurs quatre ans, des porte-paroles au Parlement (en raison de la règle d’un mandat non-renouvelable adoptée par la CUP ndt)alors que la présence institutionnelle de la CUP n’est qu’un terrain parmi d’autres de la lutte globale et que ces député-e-s sortants bénéficiaient d’une haute considération de la part de l'électorat. 

Cependant, il y a aussi des éléments positifs à prendre en compte en ce qui concerne l'activité déployée au Parlement et au-delà :

  • Le rôle clé, bien que rendu invisible, dans l'animation du cycle de mobilisations correspondant au début du procès contre l'autodétermination : sans le rôle dynamisant et d'impulsion de la CUP, par un travail unitaire à la fois discret et efficace (avec la gauche indépendantiste, avec Omnium et l'ANC, avec ERC et JxC, et avec les syndicats I-CSC et USTEC), ces mobilisations n’auraient même pas débuté.

  • Le travail local, bien que volontairement dilué dans les comités de grève, des femmes militantes de la CUP et de la gauche indépendantiste lors des grèves du 8M, et le déploiement de porte-paroles et de moyens au service de la mobilisation.

  • l'image de la CUP-CC comme la seule opposition au Govern sur une perspective indépendantiste de gauche,
  • l'image de la CUP-CC comme outil utile pour certains secteurs mobilisés pour dénoncer quelques politiques sociales du Govern (par exemple, la loi «Aragonés» sur les contrats de services).

II Nous ne renonçons à rien, nous voulons tout

La fin du cycle du 15 M et du 1-O, confirmée par les résultats des élections du
28A [législatives du 28 avril] et 26M [européennes et municipales du 26 mai], n'ouvre la voie, pour le moment, à aucun nouvel horizon de changement. Au-delà du mouvement féministe qui a réussi à être visible dans la rue et à remporter quelques victoires et d'un mouvement pour faire face à l'urgence climatique qui n'est pas encore apparu comme tel de façon évidente dans les Pays Catalans malgré les nombreuses expériences du mouvement écologiste local, la réalité est que ni le mouvement populaire pour l’autodétermination et l'indépendance ni les mouvements anti-austérité n'ont été en mesure de formuler un projet politique ou une feuille de route qui rendent possibles les changements qu'ils défendent. Cependant les conditions pour une rupture démocratique peuvent se bâtir dès à présent, à partir de pratiques de désobéissance et de rupture démocratique parce que maintenant nous avons acquis l'expérience.

La CUP et l'ensemble de la gauche indépendantiste avons une responsabilité importante dans ce sens. Nous avons essayé de formuler des projets de pays et des projets de mobilisation, mais depuis le 1-Octobre, peut-être avons-nous été plus un acteur critique – avec une disposition à la mobilisation et à la solidarité, ça oui – qu' un acteur porteur de propositions.

Les expériences de ces dernières années offrent un terrain d’apprentissage unique et fertile: beaucoup de choses se sont passées, de nombreux événements politiques d’une grande importance et de longue portée ; l'unité populaire et la gauche indépendantiste y avons joué un rôle essentiel, en participant à des conseils municipaux dans les villes et villages où vit une partie très importante du pays, en étant déterminants dans de nombreuses décisions qui ont affecté l'ensemble de notre peuple et qui ont eu un impact international en commençant par le rôle essentiel de la gauche indépendantiste dans la grande victoire populaire constituée par les journées du 1er et 3 Octobre, mais qui débuta avec les mobilisations du mois de septembre contre l'occupation et la répression policière ainsi qu’avec la résistance à l'occupation du local de la CUP par la police le 20 septembre.

L’assimilation de tout ce capital politique comprenant beaucoup de succès, mais aussi quelques erreurs, nécessite des discussions d'une portée et d'une profondeur importantes qui se poursuivront probablement pendant des mois.

Les débats de cette Assemblée Nationale [de la CUP] se veulent un pas dans cette direction. Sans cesser d'être critiques, nous voulons apporter notre grain de sable pour sortir de cette situation de blocage - un blocage antidémocratique, un blocage répressif et un blocage appauvrissant - dans lequel nous nous trouvons. Nous envisageons notre Assemblée Nationale comme un point de départ, pas d'arrivée: nous voulons promouvoir un débat large, de mouvement, avec la gauche indépendantiste et l'ensemble des organisations, mouvements, associations et personnes qui ont pour fil à plomb le projet de l'unité populaire, le projet de pays, avec le mouvement populaire pour l'autodétermination, les organisations de gauche et partisanes de la démocratie, et aussi le tissu associatif et populaire de notre peuple.

Ce débat de mouvement, qui se développera à travers le territoire et devra se développer inévitablement dans un cadre large avec le maximum de complicités possible et auquel pourraient participer, au delà de la gauche indépendantiste, tous les collectifs, personnes et organisations du territoire qui se sentent concernées par la coordination de l'unité populaire, prendra sa pleine extension par un travail spécifique pour poser les bases d'un processus de refondation de la CUP. Ce processus de débat inclura les niveaux politiques, organisationnels, d'alliances et de relations internes et externes, s'il le faut, dans le but d'apporter une réponse pour une stratégie à long terme la plus partagée possible avec tous les acteurs concernés.

Mais d'abord, il est urgent de formuler un projet d’intervention politique face aux défis immédiats que nous avons en tant que peuple et, nous, la CUP, l’unité populaire et la gauche indépendantiste, voulons continuer à jouer un rôle fondamental sur ce terrain.

C'est notre engagement.

 

  1. Nous réarmer pour recommencer

 

Aujourd'hui l'exercice de l'autodétermination et la fin des politiques d'austérité et, par conséquent, la construction d'une république souveraine et indépendante dans les Pays Catalans, capable d'organiser ses institutions et son économie, ainsi que ses ressources naturelles et économiques, au service de la vie, au service des intérêts de la grande majorité, et ceci avec un système démocratique complet, sont un objectif plus éloigné que ce qu'il paraissait il y a quelques mois.

Le constater ne signifie pas renoncer aux objectifs d'indépendance et de construction d'une société juste, mais, bien au contraire, pour la CUP, se renforcer dans ces objectifs et s’interroger sur les conditions qui les rendront possibles et sur ce qu'il faut faire pour les rendre possibles.

1.1. Un projet plus nécessaire que jamais

Aujourd’hui, face à la dévastatrice menace écologique, face aux inégalités et à l'injustice du capitalisme racial et patriarcal, face au refus de la part des États espagnols et français du droit à l'autodétermination et, par conséquent, du droit de construire un futur en étant libres et en démocratie, un projet fondamentalement indépendantiste, socialiste, antiraciste, féministe et écologiste pour les Pays Catalans est plus nécessaire que jamais.

  • Un projet de défense de l’indépendance des Pays Catalans en tant qu'instrument de changement, comme
    unique possibilité de mettre en œuvre un projet démocratique, républicain, capable de régler la crise écologique et climatique tout en se mettant au service des classes populaires des Pays Catalans.
  • Un projet pour la coordination des Pays Catalans autour d’un projet pour le présent et
    pour le futur, en rejetant tant les projets de construction nationale basés sur des contraintes externes que ceux fondés sur des positionnements économistes de territoires riches qui veulent se séparer d'autres plus pauvres. Nous revendiquons les Pays Catalans comme une réalité plurielle et ouverte à toutes les contributions humaines et culturelles, depuis une perspective internationaliste; une réalité autocritique envers son passé colonial et impérial et disponible pour la construction d'une communauté humaine globale basé sur la paix et la solidarité.
  • Un projet pour l’avènement d'une société socialiste, féministe, inclusive et débarrassée de toute discrimination; une société, donc, dépassant le capitalisme et le patriarcat, pleinement démocratique, sans classes sociales, sans rapports de domination qui soumettent les personnes pour des raisons de classe, d'origine, de genre, d'idéologie ou tout autres raisons.
  • Un projet pour l'impulsion d'une société écologique, favorable par conséquent à la défense des animaux, basée sur la souveraineté alimentaire et énergétique et qui, par conséquent, prenne en charge l'urgence climatique mondiale et agisse de façon responsable, dépasse le mode de production et de consommation en cours, en les mettant au service de la vie et non l'inverse.

Dans les Pays Catalans, beaucoup d'organisations, de mouvements populaires, d'associations et de collectifs, depuis des perspectives différentes, dans des cadres différents, territoriaux ou nationaux, partagent ces inquiétudes et ces points de vue. La CUP, conjointement avec toutes les organisations politiques du milieu de la gauche indépendantiste, de la gauche anticapitaliste et du souverainisme de gauche, travaille pour construire une alternative politique qui s'engage pour la réalisation de tous ces objectifs stratégiques.

1.2. Objectifs stratégiques pour le prochain cycle

Ni la CUP, ni la gauche Indépendantiste ne sommes capables de concrétiser aujourd'hui
ce projet politique. Après un cycle de grande accélération politique et sociale, nous devons nous repositionner et nous imposer des objectifs ambitieux sur le moyen et le long terme, afin d'être en mesure d'impulser les grands changements que nous défendons, le plus tôt sera le mieux.

Après un processus de croissance politique, organisationnelle et électorale ininterrompu depuis 1999, passant de quelques centaines de voix et une poignée d'élu-e-s sous les sigles de la CUP, à plus de 200 000 voix et presque 400 élus en 2015, avec une dizaine de maires et la participation dans plus d'une vingtaine d'exécutifs dans des villages et villes de différentes tailles, dans des environnement ruraux ou métropolitains, la CUP a subi, pour la première fois, sur deux décennies, le premier recul électoral et institutionnel.

Malgré tout, le bilan de toutes ces années est clairement positif.

Il faut fixer des objectifs pour le prochain cycle afin de repositionner la CUP et l'ensemble de la gauche indépendantiste comme un acteur politique essentiel pour les transformations nécessaires à notre pays, au sud de l'Europe et le nord de la Méditerranée.

Nous devons nous préparer à promouvoir, avec les autres acteurs du pays et de partout, un nouveau combat pour conquérir des droits politiques, économiques, sociaux et culturels qui nous permettent un accès complet à la souveraineté, ensemble avec les autres peuples de notre environnement européen et méditerranéen.

Parce que, si aujourd’hui il n'est pas possible d'entretenir la fiction que la rupture est imminente, il faut promouvoir, dès maintenant, l’idée que la rupture démocratique et la construction des souverainetés sont à la fois le chemin et l'horizon. Face aux discours et aux propositions qui poussent à la division, aux renoncements et à laisser la politique entre les mains des institutions, il faut construire, à partir des pratiques et dès à présent les conditions qui rendront possible le projet de libération que nous défendons à partir de la désobéissance civile comme outil pour atteindre la rupture démocratique en affirmant que l'avenir doit de nouveau être entre les mains des gens et que ça ne passe par la mise en vente du pays à travers les externalisations et les privatisations.

C'est pourquoi le CUP en tant qu'outil de la gauche Indépendantiste et de l'ensemble de l'unité populaire doit travailler dès maintenant pour:

  • Dépasser les postures qui laissent l'obtention de conquêtes nationales et sociales entre les mains de tiers dans la limite des cadres juridiques et politiques nationaux, étatiques et / ou internationaux actuels, sans mise en place de scénarios de conflit politique à différents niveaux, dans un cadre d'accumulation de forces.
  • Devenir un acteur essentiel - tant au niveau national qu’international - dans
    l'animation de grands processus de transformation, qui articulent des processus de
    mobilisation et d'auto-organisation populaire, l'intervention depuis les administrations
    locales, territoriales et internationales et la participation de toutes sortes d'organisations sociales, économiques et culturelles.
  • Développer une capacité de mobilisation autonome sur l’ensemble du territoire afin que la CUP et la gauche indépendante soient capables d'impulser des processus d’auto-organisation et de mobilisation populaire où le peuple en lutte soit, chaque fois que nécessaire, le protagoniste principal ,ou de renforcer ceux qui existent déjà.
  • Capacité à assumer les responsabilités institutionnelles là où il le faut, sans perdre
    l’autonomie politique et sociale indispensables pour que ce ne soit pas l'institution qui récupère le potentiel de transformation au profit de sa stabilité, mais au contraire, pour pouvoir faire découler de l'activité gouvernementale une plus grande capacité organisatrice et mobilisatrice du peuple.
  • Enracinement et consolidation de la CUP et de l’ensemble du mouvement dans tout le pays, dans le but de devenir un de ses acteurs porteurs de cohésion, avec implantation tant dans les grandes agglomérations urbaines et métropolitaines que dans les zones moins peuplées, en contrant les tentatives de division de la société catalane pour des raisons d'origine ou d'identité nationale. Dans ce sens il est prioritaire de devenir un référent politique de lutte pour les personnes et les collectifs les plus précaires et vulnérables en termes de classe, comme en termes d'origine et d'environnement culturel – sans papiers, Gitans, etc. - afin de de faire advenir une alliance politique. D'un autre coté, beaucoup de personnes qui vivent chez nous ne se voient pas reconnaître les droits civiques et politiques car la loi sur les étrangers les leur refusent, il faut donc que nous travaillions à obtenir qu'elles soient reconnues comme sujets politiques, à nous allier à leurs cadres de lutte et de travail afin de construire des objectifs stratégiques communs.

  • Enracinement et consolidation de tout le mouvement dans les espaces de lutte et de
    participation de la classe ouvrière dans tout le pays, soit par le biais des syndicats de classe ou d'organisations politiques et sociales ou autonomes; il faut travailler ensemble
    avec ces organisations, coordonner des programmes et des calendriers de travail, promouvoir leur croissance et leur capacité de mobilisation et d’organisation de la classe ouvrière. L'enjeu stratégique de renforcer et faire croître les syndicats est vital pour amener au premier plan la revendication des droits du travail volés et d'autres qui sont encore à conquérir afin de structurer un réseau social plus fort et pouvoir croître comme mouvement à l'unisson des Pays Catalans.

  • Consolidation du projet municipaliste de la CUP et de la gauche indépendantiste dans tous les Pays Catalans, en travaillant à la coordination d'un programme de transformation de ville à ville dans une perspective nationale; nous nous proposons d'augmenter de manière significative les assemblées locales actuelles et le nombre de militants dans les 8 prochaines années, en accordant une attention particulière aux espaces métropolitains, les Terres de l'Ebre, la Franja (bande de territoire située à l 'est de la limite entre la Catalogne et l'Aragon où est parlé le Catalan -ndtr), la Catalogne-Nord, le Pays Valencien et Majorque. A Majorque, en travaillant en collaboration avec la gauche indépendantiste de Majorque et les candidats du municipalisme alternatif de l'île, par l’établissement d'une alternative politique à but indépendantiste, écologiste et de gauche. Au Pays Valencien dans le but de renforcer les candidatures d'unité populaire qui existent déjà, en renforçant dans le même temps les nouvelles et en travaillant en collaboration avec la gauche indépendantiste de chaque ville ou territoire. Finalement, nous œuvrerons à renforcer l'implication de toute l'organisation dans celles de la gauche indépendantiste et dans toute sorte de collectifs, plateformes et comités de luttes politiques, sociales et culturelles, partout sur le territoire et nous impulserons la création de maisons du peuple et de centres culturels populaires jusqu'à multiplier par deux ceux qui existent déjà.
  • Devant le constat des nouvelles formes d'action politique de la part la plus jeune de la population catalane, nous opterons pour la recherche de nouvelles formes de participation permettant l’émergence de « sympathisants » en empruntant les voies que les nouvelles technologies nous offrent. Cela ne signifie en aucun cas la mutation du rôle du militant ni de sa centralité, mais nous devons explorer des propositions de participation via « des projets » et via l'électronique. L'objectif de croître en militants passe inévitablement par se gagner également un deuxième cercle de soutien au projet d'unité populaire.
  • Diffusion, enracinement et extension du projet de souverainetés partout dans les Pays
    Catalans, à travers la création d’une école de formation qui permette la consolidation d'expériences dans les domaines de la mobilisation et de l'organisation populaire, le changement politique et institutionnel, les alternatives économiques et culturelles et a mise en route en définitive de grands processus de transformation sociale et de libération nationale.
  • Développer un discours clair, pratique, facilement assimilable avec la claire volonté de peser sur les conditions matérielles de vie dès qu'il est formulé.
  • Une pratique d'engagement militant avec la formation théorique pour, non seulement pour savoir analyser et comprendre la réalité mais aussi connaître les propositions mobilisatrices déjà développées ayant connu des succès dans différents territoires et dans différents moments historiques comme dans les différents domaines essentiels de la lutte.
  • Nous positionner comme une organisation populaire qui défend et participe activement à la lutte contre le fascisme et le racisme frontalement dans la rue et dans une perspective de classe.

 

  1. Tracer de nouveaux scénarios pour mettre en oeuvre l'autodétermination.

 

Un projet politique pour crever les masques du [régime de] 78 [1978 : date de naissance, par référendum, des institutions de la monarchie parlementaire recyclant de hauts responsables politiques et les élites sociales franquistes]

Comme toujours, la CUP reste déterminée à promouvoir un projet politique qui ait comme
cadre central l’exercice concret du droit à l’autodétermination et à la souveraineté, pas seulement dans les aspects concrets de l'obtention de l’indépendance nationale mais dans sa matérialisation dans tous les domaines pour remplacer la logique de l’accumulation du capital par la logique de la vie: depuis l'économique jusqu'au logement, en passant par le culturel, l'alimentaire, l'énergie, la technologie ou la santé.

Nous sommes conscients que, finalement, cette approche se heurte frontalement aux cadres établis par la République Française et le royaume d'Espagne, qui limitent, quand ce n’est pas qu’elles le nient directement, le droit du peuple catalan à exercer sa pleine souveraineté.

C’est pourquoi nous défendons l’autodéfense des droits, compris comme la défense de tout collectif de faire valoir ses droits auprès de toute entité cherchant à les nier. Nous défendons également pour cela la désobéissance civile en tant qu'outil de légitime défense des peuples devant les lois et pouvoirs injustes.

Dans le cas de l’Espagne, un exemple très évident est l’article 135 de sa constitution, qui donne la priorité au paiement de la dette plutôt qu'au paiement des services publics. Mais on peut aussi parler de la maîtrise du plafond du déficit, de la dette et des dépenses imposées aux conseils municipaux; de l'établissement de taux d'imposition favorables aux classes les plus aisées; de l'impossibilité de légiférer dans le domaine du travail à partir du parlement autonomique, ni en matière de frontières et de sécurité, ni de logement s'il s'agit de réformes structurelles ; des plus de 60 lois abrogées par le Tribunal Constitutionnel au cours de la dernière législature; ou de l'absence de contrôle des principales entités bancaires de l’État, comme en témoigne le renflouement de Bankia.

Aujourd’hui, et dans une plus grande mesure après l’application de l’article 155, la Generalitat et le Parlement de Catalogne ont très peu de souveraineté. Celle ci se partage entre les institutions de l'État [espagnol] et, dans le cas de la plupart des politiques économiques, celles de l'Union Européenne. Les marges politiques que ces deux institutions laissent sont très minces pour ce qui est de la redistribution de la richesse puisqu'elles sont vouées à la défense du droit à la propriété privée et de l'économie de marché.

Et pourtant tout, nous avons un pays déchiré par la crise et il est urgent de trouver des solutions aux problèmes enkystés comme l'accès au logement, le chômage, la précarité et la pauvreté, ainsi que la mise en place de la logique de réduction des dépenses publiques au profit de services de plus en plus privatisés.

C'est pourquoi nous partons de la victoire populaire du 1-Octobre pour affirmer qu'il est possible, ici et maintenant, de mettre sous tension les limites du Régime de 78 et de l'UE de tous les côtés possibles, avec l’objectif de créer, à travers un processus d'accumulations de forces, les conditions pour une rupture démocratique avec l 'État Espagnol et l'Union Européenne. Nous nous proposons de développer les pratiques remettant en question en premier lieu la légitimité de ces institutions à nier des droits, d’impulser une action institutionnelle visant à récupérer les souverainetés – tout en revenant sur les privatisations et en poussant le plus loin possible les compétences du Parlement [catalan], des mairies et de la Généralitat- au moyen de la désobéissance civile et institutionnelle organisée lorsque nécessaire, en assumant la logique et les leçons du 1-Octobre où les institutions et les citoyens organisés ont débordé les limites imposées par l'État et ont rendu possible en pratique l'exercice des droits.

Nous ne pouvons que constater pour la énième fois que l'exercice de l'autodétermination
nationale ne sera pas obtenu par un pacte avec l'Etat, puisque la possibilité d'un référendum a été rejetée par le nouveau gouvernement de Pedro Sánchez et par tous ceux qui l’ont précédé ; ils ne viendra pas non plus d’une proposition de l’UE qui reste un instrument au service des multinationales et des États membres.

Dans ce contexte, un référendum d'autodétermination validé par la communauté
Internationale et l’État ne pourraient être que le résultat d'une solution élaborée au niveau
international après l'effondrement de l'État et du régime, à la suite d'une énorme accumulation de forces politiques et sociales aux niveaux national, étatique et international. De même, les institutions issues de la Transition [de la dictature à la démocratie] ne permettraient un référendum d'autodétermination que dans un contexte d'effondrement et de contrainte internationale, en aucun cas comme conséquence de l’intégration du droit collectif à l'autodétermination dans la liste des droits autorisés.

En ce qui concerne le projet de promouvoir un nouveau référendum unilatéral d'autodétermination, bien qu’il s’agisse d’une option que nous n’écartons pas, nous considérons que les conditions pour qu'il ait lieu devraient être, d’une part, l’impulsion d’une action préalable et parallèle au niveau national et international afin de recueillir le maximum de soutiens et de complicités dans sa réalisation, ainsi qu'une campagne de pression menée par la communauté internationale pour que l'État Espagnol en accepte sa réalisation et ses résultats; l'existence d'un large consensus social en sa faveur; et l'existence d'un gouvernement et d'une administration de la Generalitat absolument engagés dans sa mise en oeuvre, sa préparation, sa réalisation avec les conséquences induites. Les événements postérieurs au 1-Octobre montrent que ces conditions ne sont pas remplies aujourd'hui. Cependant, les faits antérieurs au 1-Octobre et le 1-Octobre lui-même démontrent qu'il est possible de faire émerger ces conditions à travers une pratique politique concrète; la CUP est déterminée à créer dès à présent ces conditions.

   2.2 Pour une alliance confédérale des peuples pour la démocratie et contre l'austérité

Aujourd’hui, l’Union Européenne est l’institution responsable des politiques d’austérité qui
exacerbent l’appauvrissement et renforcent le capitalisme patriarcal, responsable de la nécro-politique migratoire et des directives allant à l’encontre de la défense des services publics, à travers le contrôle de la dette, le déficit et la dépense des institutions locales et autonomiques. Elle a également été responsable, par par son action ou par son silence, de la négation des droits collectifs exprimés par le processus d'autodétermination en Catalogne.

Le problème de la souveraineté catalane n’est pas un simple problème local qui s’explique par la construction ratée, du point de vue démocratique, de l'État espagnol. C'est un problème global, et plus concrètement Européen, en lien avec la lutte pour la souveraineté et la démocratie de tous les peuples soumis à l'Union Européenne et la Banque Centrale Européenne.

C’est pourquoi le processus d’autodétermination des Pays Catalans est quelque part lié aux conditions de développement de l’Union européenne. Il est impératif que ce processus de libération et d’autodétermination favorise des alliances au niveau politique et économique afin de construire des alternatives en termes de souveraineté: sans une alternative internationale qui conteste l'Union Européenne au niveau politique et économique, le processus d''autodétermination du peuple catalan est voué à l'échec.

Le mouvement de libération national et social des Pays Catalans doit continuer à agir, plus intensément si nécessaire, au niveau de l'ensemble des peuples de l'Etat Espagnol et au-delà, pour la reconnaissance du droit à l’autodétermination et pour la construction d’alliances en faveur de son application concrète; mais dans tous les cas, il doit orienter ce travail davantage vers la sensibilisation et la coresponsabilisation de la communauté internationale, que pour convaincre l’État Espagnol.

Le passage de l interlocuteur « État » à l'interlocuteur « communauté internationale » est une condition sine qua non pour pouvoir continuer à parler de mécanismes comme le référendum ou la reconnaissance du droit à l'autodétermination des peuples. Depuis le gouvernement de l’État et des principales entités juridiques qui soutiennent le régime, le droit à l'autodétermination est considéré comme un facteur de risque au lieu d’être considéré comme un droit collectif fondamental, il est donc important d’ouvrir des lignes de fuite internationales qui nous permet d'avoir des partenaires qui comprennent l'autodétermination comme un droit collectif et comme un facteur de prévention et de résolution de conflits qui ont été les protagonistes de grands changements structurels et géopolitiques partout dans le monde.

Enfin, nous considérons le processus d’autodétermination comme la meilleure contribution à la démocratisation de l'Europe, une Europe des peuples opposable au projet de l’UE, car à l’heure actuelle, seule l’extrême droite propose des scénarios et des projets alternatifs au système en vigueur. Il est plus que jamais nécessaire de construire une alternative démocratique pour l'Europe qui ne soit ni polarisée par le sauvetage d’une UE qui centre sa politique sur l'accumulation de capital, le contrôle des frontières et la gestion de la dette, ni dessinant un projet alternatif qui ne soit soutenu que par quelques acteurs.

Nous devons continuer à travailler à une alliance confédérale des peuples pour la démocratie et contre l’austérité en Europe et en Méditerranée, qui défende les services publics, qui s'oppose aux politiques d'austérité et d'autoritarisme de marché, qui ait une gestion publique de la banque, qui en finisse avec les paradis fiscaux et les centrales nucléaires, qui change radicalement la politique migratoire, qui œuvre pour la réappropriation des biens communs transformant la logique d'accumulation par celle de la vie, qui soit pour la promotion des processus constituants et qui défende la paix et la solidarité entre les peuples, comme alternative à l'Europe et à la Méditerranée du capital et de la guerre, et construise une internationale du climat qui crée un front commun avec les organisations révolutionnaires internationales pour avancer dans la réponse à l'urgence climatique et écologique consolidant les bases d'une révolution écologique et énergétique qui garantisse le bien-être présent et futur des classes populaires. 
 

C’est pourquoi le travail international de la CUP et de la gauche indépendante doit viser à :

  • consolider résolument le choix de faire de la CUP une organisation qui intègre les dimensions municipalistes et internationalistes comme indissociables et qui travaille conjointement avec les gauches anticapitalistes du monde entier.
  • développer l’internationalisation du conflit avec les États Espagnol et Français en termes de conflit démocratique et de construction d'une alternative politique et économique aux politiques d'austérité et de la dette.

Bien que ceci soit l'objectif stratégique de la CUP et de la gauche indépendantiste, nous ne pouvons pas cacher que, à la suite des images du référendum du 1-O, la plus grande partie des États et des citoyens circonscrivent le conflit catalan aux limites de la communauté autonome de Catalogne. Ces événements ont cependant suscité la large perception, qui peut être largement confirmée à partir des archives de presse, que l'État espagnol développait un dispositif policier répressif inédit pour tenter d'empêcher les citoyens de voter. Les images de la violence policière ont échappé à toute tentative de l'État d’en éviter la diffusion. A partir de ce moment et une fois passée la grève du 3-O, surviennent d'autres événements comme la déclaration d’indépendance ratée du 10-O mais surtout la déclaration unilatérale du 27-O et l'exil qui s’en est suivi d'une bonne partie du gouvernement ainsi que l'emprisonnement du reste et, auparavant, des porte-paroles d'Omnium [l’autre grande association catalaniste avec l’ANC] et de l'ANC.

Au delà de tous les événements qui se sont produits, il est certain que, actuellement, la mise en cause de l’action des policiers et le débat sur la dignité de citoyens qui défendent le droit de vote, font place à un discours, relativement hégémonique, d'oubli de la dynamique répressive et de criminalisante qui tourne à présent autour des limites de l'État démocratique de droit face à des aspirations qui peuvent être légitimes mais dépourvues d'une couverture légale. On peut ainsi observer que, sans trop d'exceptions, les chancelleries internationales sont aux côtés de l'État espagnol dans sa défense de la Constitution Espagnole posée comme loi suprême bien qu'elle se limite exclusivement à une défense acritique de l'unité de l’Espagne. Ce positionnement, en particulier au sein de l'UE, est la conséquence d'autres facteurs contextuels et conjoncturels : entre autres, l’a volonté de maintenir la« stabilité » au sud d‘une Europe secouée par l 'austérité, la nature même (et la crise) de l'UE en tant que club d'États ou la montée des populismes identitaires d'extrême droite qui se replient sur l'Etat-nation décimononique - ainsi que la contre-internationalisation du problème que l'arsenal diplomatique de l'État espagnol a intensifiée depuis octobre 2017. Laquelle contre-internationalisation réduit le conflit politique avec la Catalogne à un problème purement interne déplaçant même à présent cette question interne à l'État en un conflit interne à la société catalane.

  • Au delà de nos alliés politiques, ceci nous amène à comprendre la nécessité de faire émerger un positionnement politique partagé par tous les acteurs, civils, politiques et institutionnels, qui défendent le droit à l'autodétermination et la recherche d'une solution politique au conflit. L'expérience des derniers mois sur l'arène internationale demande de notre part plus de capacité et d'habileté au moment de soigner et de construire le discours, les prises de position politiques et les revendications qui doivent accompagner nos appels au soutien à l'autodétermination.
  • Il faut considérer comme alliées les organisations et institutions qui neprendront pas position pour l'indépendance mais pourront le faire pour le respect des droits civiques et politiques et contre la dérive répressive et autoritaire [de l’Etat espagnol]. C'est par ce biais que l'appel à solidarité sera le mieux perçu et que l'État Espagnol sera le plus mis en difficulté.
  • Le travail de dénonciation de la répression, depuis les emprisonnements et la judiciarisation du conflit, doit être animé et coordonné depuis des espaces ayant la volonté de mettre en avant des arguments stratégiques, des scénarios solidaires et des dénonciations de l'Etat d'exception que nous vivons.
  • Il faut travailler intensivement à démontrer que, bien que l'État Espagnol soit un état de droit, celui-ci abuse de son pouvoir et ouvre des trous noirs, au nom de la raison d'État, à des fins idéologiques, en ayant recours aux logiques méprisables de l'Etat d'exception, en les inscrivant dans une dérive et une tendance globale qui sévissent dans d'autres parties du monde, en substituant des tribunaux aux parlements et des procès au débat démocratique. C’est en ce sens qu’il faut activer une dynamique de dénonciation permanente à partir d'une information systématique et documentée de chacun des cas de violation des droits fondamentaux.
  • Le seul moyen d'imposer des prises de position extérieures et à fort impact favorables à une résolution politique du conflit est l'internationalisation de celui-ci. Il s'agit de convertir la cause Catalane en un combat pour la démocratisation de la gouvernance à tous les niveaux, facteur d’'approfondissement démocratique, de transformation sociale et de récupération des souverainetés.
  • En plus de la participation dans les espaces déjà existants, il est opportun de prendre position pour un plan d'ouverture qui fixe une résolution démocratique comme seul horizon possible. Ce plan, qui doit contenir des stratégies d'intervention à plusieurs niveaux, devra se centrer sur une logique de solution politique non violente, politique, négociée et démocratique. Il s'agit de combiner le travail politique dans le domaine même des alliances avec un plan de concertation avec d'autres acteurs et associations. L'offensive diplomatique en règle de l'État Espagnol qui a vécu une des pires crises de sa réputation, a débouché sur de fortes pressions et contraintes pour arriver à construire des complicités et des soutiens et oblige à prioriser le front international, clairement, avec persévérance et souvent discrètement.

Il s'agit en définitive, de mettre à profit le potentiel de légitimité démocratique de nos revendications afin de convertir un problème qui prétend être contenu dans un cadre juridique interne en un problème européen au sein de l'UE et de ses institutions. Cela passe par

  • L'internationalisation du conflit en termes de lutte pour la démocratie les droits civils et politiques, refusant toute lecture du conflit sur la base de questions identitaires
  • Un travail de construction d'alliances politiques et sociales qui donnent la priorité à la recherche d'engagements avec des organisations favorables à la lutte pour la souveraineté, la démocratie et un modèle économique et social alternatif à celui du néolibéralisme, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union Européenne.
  • La construction d’une carte internationale d'organisations et d' Etats favorables à l'exercice des droits civils, politiques, démocratiques et économiques des peuples.
  • La reconnaissance du droit à l’autodétermination et à son exercice concret par les Pays Catalans, y compris le droit de former un État sous la forme d'une république, en tant que droit fondamental et comme mécanisme de prévention et de règlement des conflits.
  • Développement, à partir de la tâche accomplie au niveau stratégique et, plus concrètement, au niveau international, d’un projet de coordination européenne de lutte qui puisse se saisir d'un événement européen dans l'État Espagnol ou Français pour proposer un congrès ou une convention avec une stratégie partagée de lutte. Ce projet doit servir de travail, de coopération et de luttes contre les politiques autoritaires et peut devenir un espace depuis lequel, si c'est fructueux, nous puissions envisager d'autres façons d'intervenir au niveau européen et International. Et, surtout, ce projet doit servir à orienter « l'euroscepticisme » vers la gauche de transformation. Au niveau des prévisions et opportunités politiques pour structurer ce projet, il faut mesurer que la présidence de l'UE et, par conséquent, les lieux où il y aura des rencontres de cette structure, reviendront aux États suivants (n’ont été choisis que ceux qui ont soit une proximité géographique soit une complicité politique évidentes): Allemagne (juin- décembre 2020), Portugal (janvier-juin 2021), France ( janvier-juin 2021) et Espagne ( juin-décembre 2023).

 

2.3 Le municipalisme, un outil pour construire des souverainetés et exercer
l'autodétermination

La stratégie d'autodétermination dans tous les domaines nécessite une dimension municipaliste pour pouvoir se déployer en profondeur. Jusqu'à présent, les expériences municipales de la CUP ont œuvré dans la logique de la convergence avec de multiples luttes sociales, comprenant le municipalisme d'un point de vue populaire et de construction de mouvements, réseaux, coopératives, centres culturels et autres lieux associatifs; mettant le travail institutionnel au service des revendications et des besoins de cette dialectique.

Le municipalisme populaire de la CUP conçoit les institutions comme des espaces de conquêtes politiques mais présentant des limites évidentes issues de la logique recentralisatrice de l'UE et de l’État espagnol. Pour cette raison, elle pense indispensable la construction d'une institutionnalité alternative appuyée sur les la dynamique des « communs » qui fonctionne à partir de la logique du pouvoir réparti, mais assume également le besoin de travailler à partir de la dialectique pouvoir-contrepouvoir avec les mouvements populaires organisés pour rendre effective la conquête des droits quand les limites de l'institution ne permettent pas de les exercer.

Ainsi, la matérialisation de la triade, institution, contre-pouvoir et institutionnalité propre est un défi qui nécessite la construction d’agendas et de stratégies politiques communes, qui pratiquent la désobéissance civile et institutionnelle quand il le faut et qui transfèrent pouvoir et moyens depuis l'institution vers les réseaux organisés afin de consolider les processus populaires. La CUP doit constituer sa force municipaliste en première ligne de la lutte contre la crise écologique et climatique, en étendant ses compétences et en produisant des projets de réduction drastique d'émission de gaz à effet de serre dans le domaine des transports, de l'énergie, du tourisme et de la consommation.

De même, le municipalisme a le défi de construire de l'institutionnalité qui puisse explorer des formes de gestion, de contrôle, de répartition des ressources et d'universalisation dans l’accès à ces ressources. Des formes d’action qui puissent se combiner depuis la gestion publique jusqu'à la gestion communautaire.

Toutes ces questions sont de véritables défis en cours pour la CUP, la gauche
indépendantiste et l'ensemble du municipalisme de transformation. La CUP assume la
profondeur de ces défis, les énormes responsabilités qu'ils entraînent et elle s’engage à porter un débat en profondeur afin d'apporter des réponses et des solutions à la hauteur des besoins du moment historique. Pour cette raison, nous allons promouvoir des espaces tels que l’assemblée des conseiller-es municipaux de la CUP, des réunions de travail, des débats et des coordinations municipalistes ou des Congrès Nationaux Municipalistes, où regrouper, aussi, toute l'expérience accumulée.

Dans ces espaces, il faudra, dans un premier temps, approfondir, débattre et trouver des stratégies communes pour définir les interventions à mener dans les mairies ou les administrations supra-municipales afin qu'elles choisissent de concrétiser la triade institution, contre-pouvoir et institutionnalité propre.

Pour pouvoir réaliser cela, il est indispensable de ne pas penser notre action dans les institutions comme de la simple gestion, même si elle est mieux que celle des autres, mais comme une digue de contention des politiques néo-libérales concentrant ses efforts autour des différentes luttes qui ne se voient pas bridées par les limites de compétence, légales ou budgétaires des mairies, et qui dès lors développent des mécanismes de désobéissance afin d'améliorer le vie des classes populaires, en coordination avec les mouvements populaires en réseau avec les autres municipalités.

Notre présence dans les organes supramunicipaux doit être le premier stade de coordination et de mise en réseau de nos pratiques dans les institutions, mais il faut également bâtir un projet d'intervention dans ces différentes instances (Conseils de Canton, Députation et Aire Métropolitaine de Barcelone) qui soit au service de l'action politique proprement municipale, qui ne lui porte pas tort.

2.4 Et à l'horizon, porter un coup au régime de l'autoritarisme et de l'austérité

Pour affronter, dans des conditions prometteuses de victoires, un nouveau combat qui nous permette d'obtenir des droits que nous refusent des institutions aussi puissantes que l’État espagnol et français ou l'UE, ainsi que tous les tenants d’intérêts que servent ces institutions, nous affirmons qu'il est indispensable d'agir dès à présent pour modifier les conditions sociopolitiques actuelles.

Il s'agit de questions qui ont à voir avec le niveau et la solidité de la capacité d'auto-organisation et de mobilisation des classes populaires : une capacité de construire des horizons qui entraînent l'adhésion de centaines de milliers de personnes en cherchant à améliorer leurs conditions matérielles de vie, une capacité d'entraîner des dynamiques de désobéissance civique et institutionnelle et finalement une capacité à s'affronter à la répression.

Pour cela seront indispensables :

  • une stratégie qui articule mouvements et institutions : dans un contexte de recul économique, de privatisations, de répression, de négation de droits fondamentaux, de perte de souveraineté et d'urgence climatique, l'exercice de droits démocratiques ne peut venir que d'un projet capable d'associer un agenda institutionnel et un agenda de mouvement partagés dans tous les domaines, qui prévoie une action politique offensive pour la conquête de droits dès que possible et qui inclue si nécessaire la désobéissance civile et institutionnelle.

  • la défense de la classe ouvrière et le développement d'une économie enracinée dans le territoire, conjointement avec le syndicalisme alternatif, depuis le secteur public, bien sûr, mais aussi celui de l'économie sociale, coopérative et écologique, face aux intérêts de l'IBEX35 [CAC40 espagnol] et de la monarchie espagnole; autant de secteurs moins dépendants et plus autonomes vis-à-vis d’une économie prédatrice des droits du travail, sociaux et environnementaux et aussi du droit à l'autodétermination, au sens le plus large du terme.
  • la désobéissance car, sans elle, pas d’autodétermination, pas de droits sociaux ou politiques:
    tout chemin pour mettre en oeuvre l'autodétermination, rompre avec le régime de 78 et
    construire une république passe par l’exercice unilatéral des droits et, si nécessaire, par la désobéissance aux pouvoirs imposés. Le régime de 78 c'est une monarchie corrompue, un mécanisme répressif violent et des élites économiques liées à la répression et à l'unité de l'Espagne.
  • la formulation de projets et de stratégies qui coordonnent les Pays Catalans et les autres
    peuples d’Espagne et de France. Une coordination conjointe de la Principauté de Catalogne, la Communauté Valencienne, Majorque, Minorque, Eivissa et Formentera, ainsi que La Franja de Ponent et la Catalogne Nord peut réunir le poids politique, démographique et socio-économique suffisant pour générer un rapport de forces suffisant pour permettre les transformations de fond nécessaires. Au-delà des Pays Catalans, le processus de libération nationale ne peut être qu'une proposition et un positionnement adressé à d'autres peuples pour promouvoir un programme international de démocratisation opposé à ce qui nourrit le fascisme, le racisme et l'autoritarisme.
  • une préparation spécifique, individuelle et collective, face aux stratégies répressives ou destructrices que conduiront inévitablement les institutions en défense du statu quo, incluant des arrestations possibles, des amendes, des poursuites, de la violence ponctuelle ou systématique contre le mouvement de libération et ses membres, la confiscation des droits et même des emprisonnements.
  • une feuille de route pour rendre effectif l'exercice de l'autodétermination, pour obtenir l'indépendance, pour rompre avec le régime et pour la conquête de droits sociaux, civils et économiques: avec l'épuisement de la feuille de route précédente, que la CUP n'a jamais approuvée mais dans laquelle elle a pesé de manière décisive, l'élaboration d'une nouvelle feuille de route, qui parte des succès et des erreurs de la précédente, est aujourd'hui nécessaire.

Du point de vue de la CUP, cette feuille de route devrait prendre en compte que:

  1. L'avenir des Pays Catalans sera décidé par son peuple, d'où que viennent ceux et celles qui le composent; cela implique de rejeter toute proposition de solution démocratique qui ne reconnaisse pas ce principe d'autodétermination, qui puisse hypothéquer un quelconque des outils qu’un peuple doit utiliser pour pouvoir imposer ses droits.
  1. Le projet républicain doit se lier à l’obtention des plus larges droits sociaux, économiques, politiques et culturels et, par conséquent, à la mise en œuvre, dès à présent, d'un programme de transformation sociale.
  1. Il faut arrêter et inverser les processus promus par les administrations publiques de vendre le pays et ses ressources économiques et naturelles aux entreprises de l'IBEX35 et aux grandes transnationales. Cela signifie impulser les processus de construction et de coordination de souverainetés.
  2. La préparation et le développement de l'organisation et de la mobilisation populaire est l’unique chemin pour surmonter les obstacles et les difficultés que peuvent créer les institutions étatiques et internationales qui veulent empêcher l'exercice de la pleine souveraineté de notre peuple.

 

2.5 Le féminisme et la lutte LGBTI, un outil pour tout changer.

 

Il est évident, comme cela a été dit, que le mouvement féministe a connu une vague de croissance surtout depuis le 8 mars 2018, la première grève générale féministe. Mais nous analysons aussi qu'une grande partie des femmes ne s'organise qu'autour du 8 mars, de plus en plus pour dénoncer la violence machiste dont nous souffrons. Tant la CUP que la gauche indépendantiste avons la responsabilité d'avoir un projet féministe et de changement avec des propositions attractives pour l'ensemble des femmes et du mouvement féministe. De même, nous avons des tâches dans le domaine de la lutte pour les droits LGBTI. La CUP et l'ensemble de la gauche indépendantiste continuons à véhiculer des discours et des pratiques hétéro-normatives et une image et des dynamiques viriles qui nous éloignent souvent de ces secteurs de la classe ouvrière car nous ne percevons pas ceux-ci comme contribuant utilement à la liberté sexuelle, de préférence et de genre. Ainsi, au sein même de notre organisation, les militants LGBTI subissent des agressions LGBTI-phobes.

En ce sens nous proposons de:

  1. a) Continuer le travail de la campagne « Féminisme pour tout changer » afin de continuer à doter d'un contenu féministe nos propositions et de lier la lutte pour les droits fondamentaux avec les luttes indissociables des positions féministes de classe et approfondir l'élaboration d'un programme féministe d'unité populaire qui rassemble les classes populaires et le mouvement féministe.
  1. b) Ouvrir un profond débat pour faire face aux féminicides et rompre avec cette normalisation de l'assassinat des femmes pour le seul fait d'être des femmes. Il faut penser quelle réponse apporter qui dépasse les dynamiques qui ont déjà été essayées comme par exemple des rassemblements chaque fois qu'a eu lieu un féminicide, qui finalement épuisent le mouvement féministe et les militantes, et qui aille au-delà de ce qui s’échange sur les réseaux sociaux.
  1. c) Incorporer une perspective antiraciste et anticolonialiste aux formations sur le féminisme qui sont prévues dans le plan d'action féministe. Former également les militants dans le domaine de la liberté sexuelle, de préférence et de genre.
  1. d) S'engager sur la liberté sexuelle, de préférence et de genre avec révision constante, d'un point de vue féministe, des pratiques et des discours.
  1. e) Soutenir, renforcer les organisations LGBTI anticapitalistes.

 

  1. f) Doter nos propositions et actions, comme la défense des droits du travail, l'accès au logement, etc., d'une perspective LGBTI.

 

  1. g) Mettre en forme un discours cohérent contre le capitalisme rose, dénoncer et combattre le « pinkwashing » ou le « la couche de rose » passé sur les institutions et entreprises et contribuer à la création d'espaces de socialisation alternatifs sûrs pour la communauté LGBTI, à travers les centres culturels et autres lieux associatifs, les fêtes populaires, les organisations LGBTI anticapitalistes, etc.

 

  1. h) « Visibiliser » des personnes LGBTI au sein de notre organisation, tant dans l'activité quotidienne comme dans des postes de responsabilité, qui soient des référents pour les militants et pour les dissidents sexuels et de genre de la classe ouvrière.

 

  1. Un projet pour lutter contre la résignation

Face à l'analyse concrète de la situation, et avec la sentence du Tribunal Suprême contre l'1-O qui se profile dans l'horizon immédiat, la conclusion politique ne peut être la résignation ni le renoncement au droit à l'autodétermination ou à la mise en œuvre de changements sociaux en profondeur.

Bien au contraire, nous devons tracer dès à présent l’horizon indépendantiste, l’horizon du changement, retrouver un profil politique marqué, tout en formulant des propositions politiques efficaces.

Parallèlement, nous devrons préparer le nouveau combat électoral en faisant une proposition politique mobilisatrice qui pose sans complexe la nécessité de dépasser les limites concrètes des institutions, en assumant que cela pourrait conduire à gouverner ces institutions en fonction de certains déterminants programmatiques et stratégiques.

 

3.1 Du blocus parlementaire au projet politique

Sans abandonner les critiques accablantes sur l’inexistence de progrès politiques depuis les élections du 21D [législatives du 21 décembre 2017], la CUP décide de passer d’une opposition frontale - justifiée par cette absence de progrès et par le non respect des mandats du 1-O et du 21D [la proclamation de l’indépendance] - à une opposition affirmée mais de proposition, orientée vers l'avenir, cherchant à promouvoir des changements dès que possible et à produire de nouveaux scénarios d’entente pour aller vers l'exercice de l'autodétermination, l'obtention de l'indépendance et la conquête des droits sociaux. Plus que jamais, appliquons la maxime: tendons la main au gouvernement et aux forces politiques indépendantistes et pour l'autodétermination sur le chemin vers la pleine souveraineté de notre peuple, mais en même temps serrons le poing contre les politiques de privatisation attentant aux intérêts des classes populaires et à la reproduction de la vie.

  • Au désir de faire sauterr les limites du régime, nous ajoutons la volonté de construire un projet politique visant à promouvoir les changements sociaux et politiques dès à présent; nous sommes conscients de l'impossibilité évidente d'obtenir des changements structurels sans dépasser le cadre juridique et administratif en vigueur, nous sommes également conscients que toute tentative de résolution du conflit démocratique devra s'affronter à l’État et à ses instruments de contrôle néolibéral (article 135 et autres), autoritaires (article 155 et pouvoir judiciaire) et répressifs (depuis le judiciaire jusqu'aux instruments policiers et militaires).
  • À partir de cette analyse concrète et en assumant qu'il faut préparer le mouvement et les institutions [où nous intervenons] à un nouveau combat démocratique, nous proposons de réfléchir à la construction, dans les meilleurs délais, des conditions nécessaires tant aux mouvements qu'aux institutions pour pouvoir passer de la mise en tension des limites du régime à l'exercice de l'autodétermination dans tous les domaines.
  • Au niveau institutionnel, cela passe par un travail de propositions pour les classes populaires et la population, qui puissent combiner des mesures choc avec des propositions qui peuvent se déployer à moyen terme et surtout se centrer sur la récupération de la maîtrise publique des services et infrastructures, sur le contrôle des mécanismes de redistribution –fiscale - de la richesse et sur des mesures permettant de garantir une gouvernance qui ait la capacité de donner une dignité matérielle aux personnes et aux communautés.
  • Au niveau du mouvement [pour l’indépendance] et des mouvements [sociaux et sociétaux], nous proposons, d’une part, de travailler à construire une gauche indépendantiste forte, diverse et partageant un même horizon stratégique. Il est important d’organiser le débat sur le mouvement le plus tôt possible pour pouvoir dialoguer sur les perspectives de transformation sociale des organisations de la gauche indépendantiste
  • D'autre part, il est nécessaire de travailler avec une stratégie qui contribue à faire croître et à renforcer le mouvement populaire dans les Pays Catalans avec la volonté d'aboutir à un agenda stratégique commun axé sur la défense des droits sociaux, civils et politiques et l'obtention de victoires grâce à la désobéissance civile organisée. En ce sens, nous travaillerons à la réalisation d'une Rencontre d'Unité Populaire, l’automne prochain, comme outil utile au service d'organisations et de mouvements pour établir un agenda politique et mobilisateur commun.
  • Face la répression de l'État espagnol, il est nécessaire de continuer à construire un mouvement antirépression qui permette de soutenir, d’accompagner et de lutter contre la répression sous toutes ses facettes
  • Enfin, en ce qui concerne la CUP, il convient de prendre en compte le fait que la répression de l’État peut affecter ses structures organisationnelles ; Il faut donc prendre les mesures pour que répression ne puisse pas, à un moment donné, mettre fin à notre organisation.

3.2 Un projet pour la majorité

La CUP doit promouvoir une action politique qui relie tous les fronts d'action politique
disponibles, c’est-à-dire depuis le Parlement jusqu'à la dernière assemblée locale, en passant par tous les domaines d’action institutionnelle, en comptant tous les conseillers, maires et conseillers des cantons, au moyen d'une campagne politique qui nous permette de développer, à travers de grands axes politiques, un travail qui permette de faire face aux principales menaces sociales, environnementales et de pays auxquelles nous sommes confrontés.

Ce travail systématique, articulé autour d’une grande campagne, doit nous permettre de formuler des alternatives, travailler conjointement avec les mouvements populaires et rassembler de larges consensus sociaux sur une série de propositions et de revendications. En pratique, nous devons pouvoir tracer une alternative à l’expropriation des ressources et à la privatisation des services, avec des propositions politiques de choc à court terme et de transformation à moyen et long terme qui associent l'idée d'autodétermination, d'indépendance et des droits sociaux, civils et politiques:

  • En défense du territoire, du climat et des écosystèmes: face à l'urgence climatique et écologique et au modèle expansionniste des grandes infrastructures et d'extractivisme territorial. La CUP doit agir pour la transition énergétique vers un modèle décarboné, dénucléarisé, décentralisé et d'autoproduction locale d'énergie renouvelable qui permette d'atteindre l'objectif d'émissions de gaz à effet de serre 0 en l'an 2050. Cette transition doit garantir le bien-être des classes populaires et être socialement juste, développer l'énergie locale et écologique, être liée aux autres luttes présentes sur le territoire et participer à la lutte pour le bien-être des animaux. C'est pour cela que nous continuerons à agir pour renforcer les alliances stratégiques avec les différentes organisations écologistes avec lesquelles nous agissons partout dans les Pays Catalans.
  • En défense des droits sociaux et du travail et des services publics: pour défendre le
    droit au logement, tout en favorisant la dynamique d'autodéfense de ce droit et du consensus social contre la marchandisation du logement; en défense des services publics comme bastion d'une société qui place la vie au centre; et en défense des droits de la classe ouvrière, en prêtant attention aux nouvelles formes d’exploitation, comme par exemple, le capitalisme de plateforme.
  • En défense du féminisme: en défendant les droits des femmes de la classe ouvrière et les droits des personnes LGBTI, avec un regard intersectionnel posé comme fondamental; nous défendons les services publics en tant que salaire indirect, la socialisation du travail reproductif et la redistribution des richesses par le biais de mesures fiscales et de ressources publiques.
  • En défense de l'autodétermination et des droits civils et politiques: défense des droits
    civils et politiques, à la fois pour les dissidents politiques et pour les migrants et en faveur de l'exercice de l'autodétermination, conçue comme la clé pour résoudre le conflit démocratique actuel
  • Contre la corruption et pour le contrôle de la fraude fiscale et des coûts collectifs induits par les privatisations de services, des ressources et des infrastructures, ainsi que pour un
    contrôle sévère des concessions de services publics encore en vigueur. Le projet consiste à travailler progressivement, à partir d'exemples concrets qui nous permettent d’expliquer notre projet politique de façon dialectique avec les mouvements populaires.

Concrètement il s’agit de :

1) Articuler une campagne politique proposée par la CUP qui serve à travailler, rendre visible et développer des propositions suivant les axes ci dessus et qui soit ouverte à tous - qui puisse être menée au niveau social dans des espaces qui puissent regrouper tout le mouvement populaire dans toute sa diversité, depuis des luttes sociales concrètes, jusqu'au mouvement pour l'autodétermination. Tout partira d'une planification des différentes actions qu'il faudra mener à terme pour garantir et faciliter la participation des militant-es.

Nous proposons que la campagne commence dans la rue avec des assemblées ouvertes juste après le 11 septembre et qu'elle puisse intégrer des actions de dénonciation et de désobéissance civile en rapport avec chacun de ces axes, en particuliers ceux liés à l'IBEX35.

2) pouvoir travailler depuis le parlement et les municipalités à des actions liées aux axes ci dessus et qui incluent la dynamique d'exploration des limites des institutions et, s'il le faut, exercer la désobéissance civile ensemble avec les mouvements populaires afin de conquérir des droits – depuis le vote de lois qui entraînent un conflit avec le Tribunal Constitutionnel jusqu'à la mise en pratique d'actions concrètes qui entraînent une désobéissance aux lois en vigueur.

Du point de vue institutionnel, nous proposons une logique graduelle en partant des actions de la campagne que nous avons exposée au point 1 jusqu'à exercer la désobéissance institutionnelle avec un souci, quand c'est possible, de pédagogie politique pour mettre en évidence les limites des normes constitutionnelles et législatives en vigueur.

En ce sens un des objectifs principaux doit être de provoquer l'autogestion de droits, dans la logique du 1 octobre ou du mouvement de lutte contre les expulsions, et accompagner le mouvement populaire en mettant à son service tous les instruments dont nous disposons en tant qu'organisation, en insistant sur les leçons d'octobre et en mettant ainsi en valeur trois outils indispensables à haut niveau de potentiel de rupture :

  1. i) la pratique de la désobéissance institutionnelle combinée à la désobéissance civile :
  1. ii) la mobilisation soutenue dans le temps et partout sur le territoire

iii) l'auto-organisation populaire autonome hors des logiques partisanes et de parti.

3.3 Défendre la démocratie aujourd'hui, c'est lutter pour la fin de la répression

Le droit à l'autodétermination, le droit de manifester, la liberté d'expression, le droit de
représentation politique, mais aussi les droits des migrants, sont réprimés en permanence
à travers le pouvoir judiciaire, policier, législatif et exécutif qui constituent l'appareil d'État espagnol.

En suivant la même logique d’explication à partir du concret, nous devons comprendre la répression comme le revers de la médaille, et nous devons pouvoir la lire comme un tout et non de manière atomisée et réactive, en nous efforçant de la transformer en boomerang contre l’État. Il faut donc travailler à nous coordonner et à partager les informations afin d’avoir des données pour un bon diagnostic de la carte répressive. De cette façon et sur la base de cas concrets mais en soulignant la raison qui a amené l’Etat à appliquer une action répressive déterminée dans un cas précis et au détriment d'un droit civil ou politique déterminé, nous pourrons travailler sur un diagnostic qui place la réponse répressive dans une logique démocratique et non réactive.

Ce ne sont pas seulement les droits des personnes réprimées qui sont en jeu, ce sont les droits civils et les politiques de tous qui ont été violés et limités par la propre action répressive de l'Etat. En ce qui concerne la violation des droits civils et politiques et de leur défense, nous devons générer la même mobilisation sociale que sur d’autres revendications comme le féminisme, l’accès au logement ou l'opposition au changement climatique.

En revanche, au moment de la rédaction de ce rapport, le procès contre le 1-O a eu lieu, mais la publication des sentences ne signifiera pas la fin du procès intenté au 1-O. Il y aura encore en cours les procès à l'Audience Nationale Espagnole contre les responsables des Mossos, ainsi que toute une série de procédures devant le Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne contre des hauts responsables du gouvernement de l'1-O, contre des membres du Bureau du Parlement de Catalogne, les procès contre les membres du Gouvernement et du Parlement qui sont en exil et sont considérés en rébellion par la justice espagnole, ainsi que le procès pénal contre les membres de la « Sindicatura de Catalunya » [Cour des Comptes de Catalogne] et finalement, la mise en marche de toutes les procédures judiciaires visant les milliers de personnes mises en examen et inculpées par l’Etat espagnol pour tous les faits antérieurs et postérieurs au 1-O.

Et pas seulement en termes de procédures en cours : la liste des sentences du Tribunal Suprême et des autres organes judiciaires marquera la politique de gestion de la dissidence politique organisée par l'État, par le Régime ainsi que la dynamique de violation des droits et libertés, y compris le droit de la défense dans un procès judiciaire.

Au-delà des réponses qui peuvent être données sur le plan des mobilisations et sur celui du
symbole, chaque fois que cela s’avèrera nécessaire, la CUP sortira des consensus que certain-e-s pourront établir sur ce qu’il faut faire, en suivant son propre chemin. C’est précisément par responsabilité envers le 1-O et avec toutes les personnes réprimées avant et après le 1-O, que la CUP s’engage à mettre en œuvre toutes les propositions politiques nécessaires pour mettre en évidence les cadres définis dans cycle politique précédent, à la fois en ce qui concerne la forme, la portée et l’orientation des mobilisations populaires, le rôle joué par les différents acteurs sociaux et politiques ainsi que pour ce qui fait les limites concrètes des institutions gouvernementales lorsqu'il s'agit de concrétiser le mandat issu des urnes le 1-0.

Dans tous les cas, notre responsabilité, celle du CUP, est de rester le moteur de l’exercice du droit à l’autodétermination et de la défense de la désobéissance civile et institutionnelle en tant que pratique légitime dans des situations d'injustice et d'Impossibilité de résoudre politiquement les conflits centraux pour les droits et les libertés.

En ce sens, le CUP travaillera suivant les axes suivants :

  • Faire preuve de solidarité antirépressive sans abandonner la critique du consensus autonomiste qui apparaît dans les stratégies antirépressives des prisonniers de l'indépendantisme magique .
  • Promouvoir et accompagner les différents appels à la mobilisation qui peuvent être faits
    à ce sujet, en conservant notre ligne politique et notre discours.
  • Mener à terme une action de dénonciation systématique de la répression que l'Etat mène, lui, à terme, ainsi que la répression qui est menée également à terme, de façon systématique, depuis les organes de répression de la Généralitat, avec la complicité politique du Govern.
  • Combattre le discours de la résignation en portant au centre de l’échiquier politique
    des messages et des propositions qui promeuvent la riposte active et de changement à 
    la répression
  • Dénoncer la reconfiguration du consensus avec l'État alors que ne sont pas résolus le droit à l'autodétermination ni réglés tous les cas de répression.
  • Oeuvrer pour que la répression de l'État devienne une incitation à défendre les droits civils, politiques et les libertés collectives, comprenant le droit à la désobéissance et à l'autodétermination comme pratiques fondamentales de la construction démocratique.

3.4 Face à une éventuelle élection anticipée.

Depuis des mois, le débat porte sur des élections au Parlement de Catalogne. Lors de la dernière ronde des consultations, il semble que la convocation d’élections ne soit pas immédiate, mais il ne faut écarter aucun scénario.

Nous devons travailler sur plusieurs hypothèses, car beaucoup dépendra des intérêts électoraux d'ERC et de de JxCat et de l’usage politique qu’ils veulent faire de la sentence et des conséquences de la répression:

  • Elections à l’automne: cela impliquerait l’application immédiate de la proposition de
    l'Assemblée Nationale Stratégique. Bien que, comme l'indique la conjoncture, cette option semble être la plus improbable, il faudrait éviter de fermer précipitamment ce débat stratégique et nous donner le temps nécessaire pour sa concrétisation, sans entraver ce qui pourrait être décidé à cette assemblée nationale.
  • Elections au printemps: cela nous donnerait un horizon de six mois pour développer le projet
    approuvé en juillet dans le cadre de l'Assemblée Stratégique Nationale.
  • Elections à l'automne 2020: cela nous permettrait de dresser un plan d'action à échéance d’un an comme point zéro du projet que nous bâtirons en accord avec ce qui a été approuvé à l’Assemblée Stratégique Nationale du mois de juillet et qui pourrait être mis à jour lors d'une Assemblée Nationale au printemps 2020 en prélude aux élections.

Ainsi, lors du dernier cycle politique marqué par l'aggravation du conflit politique entre la Catalogne et l’État espagnol, le centre de gravité de la politique l’alliances de la CUP a été constitué par la
volonté de constituer, dans le but de faire avancer le processus de rupture démocratique avec l’Etat, un bloc social et politique avec les forces autodéterministes de la Principauté. En pratique, cette tentative n’aura porté ses fruits qu’avec les forces indépendantistes.

Face au renoncement de la part du reste des partis du bloc républicain à provoquer la rupture démocratique avec l’Etat à court ou moyen terme, cette orientation stratégique perd de sa validité. Elle en devient même contreproductive car elle limite les possibilités de la CUP de toucher les secteurs sociaux à caractère populaire qui sont aujourd’hui éloignés du projet indépendantiste.

Cependant, dans la mesure où le chemin menant à l’indépendance et au socialisme passe en partie aussi par le développement d'initiatives dans le domaine de la politique institutionnelle parlementaire, la nécessité d’une politique d’alliances et de fronts électoraux persiste.

En assumant que les forces des partis du Régime de 78 et ses (implicites ou explicites) alliés néo-autonomistes du Catalogne sont en train d’imposer un scénario de maintien du statu quo autonomiste qui sera difficilement réversible à court terme, nous, membres de la CUP, proposons de travailler, sur le terrain des alliances politiques et parlementaires, sur deux plans :

  1. En premier lieu, la convergence de l’ensemble des secteurs politiques et sociaux de la gauche
    de transformation, indépendantiste, autodéterministe et anticapitaliste de Catalogne dans un projet politique et électoral unitaire. Sans que cela empêche toute possibilité que la prochaine candidature au Parlement soit désignée par un nouveau nom qui verrait le jour pendant le processus de gestation de ladite candidature, celle ci portera clairement et de préférence le sigle CUP – il faudra rapprocher les critères objectifs au moment de chercher ces alliances et établir un agenda avant la prochaine bataille électorale afin que soit mise au point larelation entre un tel projet politique et la CUP.

La constitution de cette alliance ne se fera pas à partir d'un accord entre organisations qui verrouille par en haut un programme mais par la création d'espaces dans toutes les municipalités de la Principauté de Catalogne pour construire des noyaux de soutien et de participation, des espaces ouverts à des militants et non militants des organisations qui soutiennent la candidature. Cette candidature qui doit se construire de bas en haut et qui doit évoluer d'elle même à partir d'une méthode de travail ne sera pas le fruit d’une somme d'organisations mais de personnes. Évidemment, dans les municipalités où il y aura des noyaux des organisations (communales ou cantonales), celles-ci auront la charge de dynamiser les réunions et de mettre en forme cette candidature. Les organisations qui la soutiennent auront pu, au préalable, s'entendre sur les thèmes économiques en prenant en compte les accords qui se sont produits pendant ces dernières années avec la CUP-Appel Constituant.

  1. Deuxièmement, le travail permettant que les alliances que nous pouvons construire au niveau
    électoral se donnent pour objectif d’explorer et mettre sous tension les limites institutionnelles du régime autonomiste dans le domaine de la politique sociale et économique:
  1. Pour démontrer à l'ensemble du peuple catalan que les acteurs qui représentent le projet d'Unité Populaire (cristallisé autour de la CUP) sont ceux qui œuvrent le mieux à la défense des intérêts des majorités sociales de la Catalogne et qui permettent ainsi au projet d'Unité Populaire de gagner l'hégémonie sociale.
  1. Pour faire pression afin que les autres partis du Parlement de Catalogne auto-déclarés de gauche évoluent vers la gauche.
  1. Pour approfondir les contradictions du système politique autonomiste, avec la conviction que la pleine satisfaction des besoins de toutes les classes populaires catalanes ne peut avoir lieu dans les marges étroites du régime de 78. D’où il ressort que la nécessité de travailler et d’avancer vers cette satisfaction des besoins populaires est un facteur d'usure du régime.
  2. Pour utiliser toutes les ressources de l'administration publique autonomique pour
    construire des souverainetés et des espaces de pouvoir populaire. C'est à dire pour mettre les
    institutions au service de la construction du tissu communautaire et républicain.

A la CUP, nous estimons que ce programme politique a le potentiel d'interpeller la majorité sociale catalane, depuis les classes ouvrières et précarisées jusqu'à d'autres couches populaires, y compris la majeure partie des secteurs des professions libérales ainsi que l'ensemble des forces autoproclamées de gauche et souverainistes catalanes. Pour cela nous porterons les principaux points d’accord de cette Assemblée Nationale Stratégique auprès du reste des acteurs et forces politiques du mouvement populaire républicain en les exhortant à avancer dans la construction des axes de base concrétisant la nécessaire unité stratégique.

A la CUP, nous travaillerons donc à la constitution d’un large front post-électoral, de gauche et souverainiste, ayant un poids politique et pouvant avoir une capacité d’incidence et de décision au Parlement de Catalogne, au service des objectifs susmentionnés.

Comme cela a déjà été le cas dans de nombreuses municipalités, la CUP sera prête à
assumer des responsabilités dans le Govern ou en faveur de la gouvernabilité de la Generalitat et du Parlement. Mais elle ne le fera pas gratuitement, ni pour collaborer à aucune stratégie de relégitimisation de l‘Etat dans notre pays catalan, ni pour satisfaire les intérêts qui nous sont étrangers. La CUP serait prête à entrer au Govern sur la base d’un ensemble d’éléments programmatiques très clairs, qui mettent en place des politiques et des mesures en faveur des classes populaires et de la classe ouvrière, qui rejettent donc les politiques d’austérité appliquées systématiquement contre celles-ci, qui soient fondées sur la préparation concrète de l'exercice de l'autodétermination, qui nous permettent d'avancer vers une révolution écologique et énergétique, ainsi que vers la justice climatique, suivant un modèle socioproductif non extractiviste et en équilibre avec l'environnement garantissant le bien-être présent et à venir des classes populaires.

III Un processus de rénovation de la structure nationale

Coïncidant avec le débat stratégique ouvert au sein de notre organisation et du mouvement qu’il influence commenceront, dans les prochains mois, les processus de renouvellement de différents organes clés de l’organisation, y compris le Secrétariat National, le Groupe Parlementaire et même certains postes de la structure qui deviendront vacants.

L'usure que le CUP a subie ces dernières années n'est pas étrangère à plusieurs facteurs, tels que: un processus de reflux des luttes; une certaine crise de confiance au sein de l'organisation; une crise organique ouverte avec la présentation d'une candidature issue de la gauche indépendantiste [le Front Républicain] aux dernières élections espagnoles après la décision de la CUP ne pas y participer ; et un enchaînement de deux résultats négatifs pour la CUP (élection au Parlement [catalan] en 2017 et aux municipales cette année) pour la première fois après avoir enchaîné succès électoraux après succès électoraux depuis 1999 jusqu'en 2015 avec une croissance vertigineuse depuis 2007.

Dans ce contexte, ces processus de renouvellement internes sont particulièrement importants. C'est la raison principale qui justifie cette proposition.

Il s’agit d’appliquer une méthode le plus participative possible qui puisse faciliter la constitution d’une liste de militants la plus consensuelle possible, la plus équilibrée dans tous les sens du terme, et la plus capable - en définitive – d’aborder les grands défis qu’en tant qu’organisation nous nous sommes fixés pour la prochaine période. Et il s’agit de le faire dans un contexte de stabilité interne maximum et par le biais de groupes de travail les plus solides et cohérents possibles et qui puissent avoir une continuité.

Cette méthode prévoit un processus permettant aux propositions de naître des assemblées locales et territoriales de l’organisation, de sorte que celles-ci et les différents organes nationaux de la CUP soient en position d’évaluer ces propositions à partir de différents points de vue.

Il ne s'agit en aucun cas de modifier les processus d'élection des organes et des responsables nationaux prévus dans les différents documents statutaires et organisationnels; il s'agit de faciliter des processus de propositions et d’évaluations préalables à ces processus d’élection pour garantir qu'il y ait un travail préalable, mené à son terme collectivement et avec la participation et le suivi de l'ensemble de l'organisation ; une structuration qui permette que les organes nationaux de l'organisation puissent compter sur des équipes de travail ayant pu se préparer à leurs tâches.

Le succès de cette méthode dépend de plusieurs facteurs:

  • un projet politique construit et partagé collectivement et une organisation disposée à se remettre en cause
  • une méthode permettant de promouvoir les profils les plus appropriés, issus de la
    propre organisation, pour que celle-ci se construise
  1. Sur les aspects politiques et organisationnels

Il est évident que de nombreux facteurs politiques et organisationnels conditionnent la cohésion et la stabilité des organes nationaux de l'organisation et ne concernent pas que les seuls processus d'élection.

Au cours des dernières années, les difficultés à réaliser des lectures partagées de la situation et à formuler des propositions collectives et fédératrices ainsi que des facteurs organisationnels tels que la prise en charge du travail de débat et l’élaboration politique au sein du Conseil Politique, ont rendu très difficile le travail dans les instances nationales de la CUP et ont conditionné très négativement leur stabilité et la durée des mandats afférents. Produit de ces circonstances ainsi que de l'intensité du cycle politique vécu, les secrétariats nationaux ont eu des mandats très brefs et avec très peu de continuité.

Nous pensons donc que si nous voulons construire des équipes capables de conduire un travail politique et organisationnel stable et durable au sein de la CUP, certaines questions politiques importantes doivent être abordées et résolues:


  • celle d’un plan de travail élaboré et assumé collectivement et élaboré en fonction des accords de l'Assemblée Nationale de l’organisation et développé à différents niveaux: politique (stratégique, parlementaire, municipaliste et du mouvement populaire) et organisationnel
  • celle d’une plus grande capacité politique du Conseil Politique, et par conséquent également
    des Assemblées Territoriales, qui dépasse le problème des mandats stricts et qui puisse devenir le moteur politique de l'organisation; les représentants territoriaux au Conseil Politique devraient donc avoir une continuité et bénéficier d’une certaine marge politique pour la prise des décisions, le positionnement dans les débats et l’élaboration des accords dans le Conseil Politique. Evidemment en conformité avec les débats, les mandats et le pluralisme des Assemblées Territoriales respectives
  • un secrétariat national bénéficiant de la confiance de l’organisation, qui ait une continuité et une certaine souplesse dans la prise de décisions pour animer l'organisation entre les conseils politiques, pour autant que ce nouveau SN soit le résultat d'un consensus et non de la lutte de blocs. Si nous n'arrivons pas à un SN avec ces caractéristiques, celui-ci aura les mêmes marges de manœuvre que ce qui était le cas jusqu'à présent.
  1. Sur la méthode

C'est une méthode en quatre phases:

  • 1ère phase: proposition de noms: à la demande de l'Assemblée Nationale, le Secrétariat
    National ouvrira la procédure pour que les Assemblées Locales et les Assemblées
    Territoriales puissent formuler les propositions de militants avec les profils qu’ils 
    considèrent les plus appropriés pour participer aux organes nationaux de l'organisation.

  • Chaque assemblée territoriale pourra proposer jusqu'à 10 membres issus de son sein (avec toutefois un maximum de 2 militants d'autres assemblées territoriales); chaque proposition de militant doit être justifiée selon différents critères (politiques, d'organisation, d'expérience, de capacité à construire des équipes, d'écoute active et / ou pour des compétences spécifiques) et avoir l'aval de son assemblée locale. Les propositions de noms de chaque territoire devraient tendre à la parité de genre et
    travailler à obtenir des candidats de différentes tranches d'âge.
  • 2ème phase: évaluation des noms proposés: les assemblées locales et territoriales
    évaluent les militants proposés (une fois qu'ils ont obtenu le consentement de ces militants) selon plusieurs critères. Cette phase servira à filtrer les candidats et déboucherait sur l’approbation par le Conseil Politique d’une liste de 50/60 noms où serait garantie la meilleure représentation territoriale ; on veillera, à cet effet, à ce que chaque assemblée territoriale ait un minimum de deux représentants si la liste retenue est de 50 noms, ou de 3 si la liste est de 60. Le Conseil politique décidera de la liste retenue des 50/60 noms prioritaires par un accord consensuel. Si ce consensus n’est pas atteint, les représentants au Conseil Politique devront se mettre d’accord sur une liste minimum de noms qui sera soumise aux voix. Pour être approuvée, cette liste doit obtenir au moins les 3/5ièmes des voix des représentants territoriaux au Conseil politique. Les représentant-es au Conseil Politique devront proposer des listes jusqu'à l'obtention des votes requis.
  • 3 ème phase: phase de construction des équipes: dans la phase finale du processus, les 50/60 personnes acceptées au Conseil Politique animeront une dynamique de réunions de débat, de discussion et de travail politique sur la base des accords de l'Assemblée Nationale. Ce travail sera développé en coordination avec le Secrétariat National, le groupe parlementaire et la structure nationale en place, avec pour objectif d'élaborer un plan de travail politique, organisationnel et de communication et préparer un projet de liste pour le processus d’élection du secrétariat national de la CUP.
  • 4ème phase: Processus d’élection du Secrétariat national : au cas où le groupe des 50/60
    militants nommés par le Conseil Politique de la CUP termine son processus de travail
    avec succès, il présenterait une candidature collective et les candidatures individuelles
    qu’ils jugeraient opportunes pour le processus d’élection du Secrétariat National, que le Secrétariat National en cours aura ouvert en parallèle et qui doit se dérouler conformément aux dispositions des statuts et du règlement de l'organisation. La présentation de présentation de ces candidatures ne pourra pas mettre en cause le droit que se présentent d'autres candidatures, individuelles ou collectives, dans le processus d'élection du Secrétariat National. Les différents organismes de la CUP devront permettre un processus électoral qui respecte tous les droits et devoirs des différents candidats présentés.