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Perspective politique ? Chiche !

Lien publiée le 13 septembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://aplutsoc.org/2019/09/12/perspective-politique-chiche-editorial-du-12-septembre-2019/

Les luttes sociales ont besoin de perspectives politiques et les luttes sociales cherchent à construire de telles perspectives. En novembre-décembre dernier, notre pays a connu une vague de manifestations spontanées émanant principalement des couches les plus pauvres et jusque là les moins organisées du prolétariat : les «gilets jaunes». Ce mouvement a cherché la généralisation et la centralisation.

Quand M. Macron déclare : «La violence était telle qu’il n’était pas possible de désarmer la police. On n’aurait peut-être pas tenu. Les préfectures auraient brûlé, des personnes allaient mourir, victimes de ce qui était à un moment une folie collective.», c’est très précisément à cela, qu’il ne veut surtout pas nommer autrement que «folie collective», qu’il pense : une mobilisation sociale, populaire, massive, se centralisant contre le pouvoir exécutif (lui-même), en vue de le renverser.

Il manque dans ce pays une force politique organisée, démocratique, qui soit capable de dire et qui dise haut et fort à ce sujet : « Eh bien ! En voilà une, de perspective politique ! »

La société ne cesse de se prendre des coups. Le système de retraite «à points» avec ou sans «âge pivot», ce n’est rien d’autre que la fin du droit à la retraite, remplacé par une indemnité individuelle non garantie puisque fixée chaque année par le pouvoir. Casse des services publics, attaques contre le droit aux études … nous en sommes au stade où, sur fond de la catastrophe climatique et environnementale produite par le système du profit, ce sont l’espérance de vie, la vie même et son cadre pour les jeunes générations, qui sont menacées de manière existentielle.

Quoi de plus normal que le regroupement pour stopper cela en affrontant le pouvoir central de l’État, le pouvoir exécutif, qui agit contre nous, sous le nom de « réforme », et s’en prend directement aux droits démocratiques, pour le compte de la loi du profit mortifère ? Ce regroupement, c’est cela, la démocratie.

Il y a donc dans ce pays une perspective politique alternative !

Cette perspective est celle que les couches les plus pauvres et les moins organisées ont dessinées en novembre-décembre dernier. Pour qu’elle aboutisse il faut la grève, qui permet que le plus grand nombre prenne ses affaires en main. Une grève généralisée et centralisée renversant le pouvoir exécutif, ce n’est pas la « folie collective », mais c’est l’action du peuple constituant, qui pourrait mettre en œuvre lui-même l’élection de sa propre représentation, constituante et à tous les niveaux, formée d’élus réellement responsables et contrôlés. Une telle révolution, « citoyenne » si l’on veut, à la différence du sens de cette expression chez les forces politiques qui disent la préconiser, ne passe pas par le respect des institutions, mais par leur renversement, et telle est la condition pour que les urnes parlent la vraie langue de celles et de ceux d’en bas. Nous disons donc que ce serait une révolution prolétarienne, et par là démocratique, et que cette perspective n’a rien d’inaccessible.

A qui penserait, en effet, que ce serait là, sinon de la folie collective, du moins une utopie éventuellement dangereuse, nous l’invitons à examiner les autres possibilités, celles qui se présentent comme réalistes et qui réalisent l’acceptation et donc la protection du cadre institutionnel existant.

Ces lignes sont écrites au moment même où, en cet après-midi du vendredi 6 septembre, Philippe Martinez, représentant de la CGT, s’est rendu à Matignon pour participer à la « concertation » sur les retraites, après avoir déclaré qu’il hésitait à y aller et qu’il ne voulait pas servir de « caution » – mais il avait déjà été officiellement reçu fin août. Étrange « concertation » en effet, que ce simulacre où tout est déjà décidé et annoncé, puisqu’il s’agit uniquement d’accréditer la mise en place de la « retraite par points », autrement dit la fin du droit à la retraite dans son principe même.

Avant lui, Yves Verrier pour FO a déclaré « contester » la retraite par points, mais il est allé à Matignon. La FSU y sera reçue en fin de journée. Nous ne savons pas si Solidaires doit être reçu, mais ils l’avaient été, à Matignon, fin août. Certes, la position de ces organisations diffère de celle, soutenant ouvertement le gouvernement, qu’affichent CFDT, UNSA, CFTC (mais pas la CGC qui se déclare très mécontente). FO organise un rassemblement national le 21 et la CGT suivie par Solidaires appelle à une journée d’action le 24. Mais tous se rendent aux « concertations » alors que tout est déjà décidé. Et aucun, du côté des directions, n’appelle à se donner les moyens de la grève tous ensemble, ne serait-ce qu’en mettant cela en discussion, ce qui serait conforme au B.A.-BA de l’action syndicale.

Parmi les organisations politiques issues du mouvement ouvrier, dites «de gauche», ou affirmant avoir vocation à le dépasser ou à la remplacer, telles que la France Insoumiseet Europe Écologie Les Verts, aucune n’assume comme perspective politique la généralisation et la centralisation des luttes sociales existantes contre le pouvoir central. Toutes, en fait, la combattent. Leur perspective est donc d’attendre 2022.

N’appelons même pas cela de l’électoralisme, car cela ne le mérite pas : cette longue attente, impliquant que les soulèvements sociaux qui vont à nouveau se produire soient laissés en plan, isolés, émiettés, n’aboutira pas à la victoire électorale de la gauche ou de l’ancienne gauche qu’elle soit unie ou désunie. Aujourd’hui, ceux qui suspendent la lutte sociale aux élections de la V° République sont aussi les organisateurs de leurs propres défaites électorales (à moins qu’ils ne se rallient à la participation à telle ou telle formule gouvernementale pour mettre en œuvre la même politique !). Tous (nous parlons des dirigeants, pas des militants ) font donc le jeu de Macron aujourd’hui et de Marine Le Pen demain matin, alors que ni l’une ni l’autre ne représente une majorité réelle.

Précisons qu’il est légitime et utile de préparer les élections municipales partout où cela est possible, mais que là aussi, même si les possibilités locales, y compris dans les petites communes étranglées par les mesures budgétaires, peuvent être significatives, la déconnexion d’avec les luttes sociales réelles de la grande majorité conduit au piétinement et à la défaite. Et cette déconnexion menace à partir du fait que les organisations politiques suspendent leurs perspectives à 2022, c’est-à-dire à l’impasse.

En résumé : la participation au « dialogue social » avec ou sans journées d’action multipliées, d’un côté, et les yeux rivés sur la ligne bleu horizon des scrutins de la V° République, de l’autre, au-delà des particularités et petits jeux spécifiques des uns et des autres, n’ont rien de réaliste, et surtout pas du point de vue des revendications quotidiennes les plus élémentaires, ni du point de vue électoral sérieusement compris. Ces orientations politiques visant à la reproduction de l’ordre existant conduisent à son aggravation.

Réaliste est par contre la préparation politique de l’affrontement. Si cela n’était pas réaliste, si seule prévalait la brillante politique des directions existantes, tout le monde serait rentré se coucher, ou se cacher, depuis longtemps : or, ce n’est pas le cas. Les personnels des Urgences, de l’enseignement public, les « gilets jaunes », la jeunesse qui commence à manifester « pour le climat », d’autres encore, ont tous fait preuve d’une capacité remarquable à relever la tête compte tenu de ces conditions politiques. Et cela va continuer parce que l’effondrement social et environnemental engendré par le capitalisme entre dans sa phase aiguë, laquelle ne fait que commencer.

Nous avons parlé ici de la France. En Algérie, depuis des mois, l’immense majorité de la population a imposé dans les faits, dans la rue, l’exercice de bien des libertés que le pouvoir lui refusait, et est à présent confrontée à la mise en œuvre de la perspective politique même dont nous parlions plus haut à propos de la France : une assemblée constituante pour laquelle on n’attend pas une convocation tombée d’on ne sait où, mais qu’il s’agit de réaliser sans, malgré et contre l’appareil d’État existant, en l’affrontant pour le détruire.

Au Royaume-Uni, la tentative de coup d’État de Boris Johnson visait à instaurer un régime monarchique faisant du premier ministre une sorte de président façon V° République. B. Johnson ne représente en rien la légitimité populaire du référendum de 2016, car il veut faire de l’Angleterre un paradis fiscal qui sera l’enfer pour les pauvres, pour la majorité : le Brexit aussi bien que l’Union Européenne sont des impasses pour assurer l’avenir, qui requiert la rupture avec le capitalisme. Mais le coup de Johnson a fait descendre dans la rue des millions, avec une place centrale des syndicats et de la jeunesse, imposant un rapport de force qui a vu ce vieux parlement vermoulu opérer un contre-coup d’État en se faisant maître de son ordre-du-jour et en prétendant contraindre Johnson à renégocier. Ceci constitue une impasse, bien entendu, mais ceci souligne que la question de la mobilisation sociale pour imposer une vraie démocratie, une vraie assemblée souveraine, réalisant, avec la perspective réelle ici d’un gouvernement du Labour mandaté pour cela, une politique d’urgence sociale qui ne passe ni par le Brexit, ni par l’UE, mais tend la main aux peuples d’Europe en commençant par accepter la réunification de l’Irlande et l’auto-détermination de tous les peuples britanniques, est une question qui arrive à toute vitesse dans le plus vieux, et jusque là le plus stable, des États capitalistes du monde !

En Italie, la tentative de coup de force de Matteo Salvini, qui était «l’homme fort» du gouvernement, a échoué, en surface parce qu’une combinazione parlementaire entre le M5S et le PD s’est formée contre lui, mais en profondeur parce que la mise en place d’un pouvoir fort sans maquillage annonçait de graves affrontements sociaux qui ont fait peur aux « hautes sphères » du capital et de l’État. Le gouvernement Conte PD-M5S va mener la même politique « néolibérale » qui violente la société et, envers les migrants, sachant que le M5S avait voté les lois racistes de Salvini, il demande à l’UE de « prendre en main » le problème, c’est-à-dire de faire le sale boulot à sa place dans la mesure du possible, puisque l’échec du coup d’État de Salvini est largement dû à la résistance de combattantes de la liberté comme Carola Rackete contre lui. Il est donc tout à fait illusoire de prétendre que « la raison » l’aurait emportée et qu’un « barrage » aurait bloqué Salvini. Le capital italien a estimé n’être pas, ou pas encore, en mesure, d’imposer un régime de force intégral. Mais ce n’est pas l’alliance des Materella, des Renzi et des Conte qui fera rentrer le clown mussolinien dans sa tanière. C’est la préparation de l’affrontement social central, ici aussi …

Ces petits coups d’œil sur quelques pays clés et proches -et nous pourrions continuer avec l’Espagne et la Catalogne, avec l’Allemagne …- montrent que le problème de l’organisation politique autour de la question du pouvoir, non comme un sujet abstrait, mais comme aboutissement des luttes sociales réelles, est international et, surtout, confirme le diagnostic : poser cette question et appeler à s’organiser pour cela, c’est la seule voie réaliste.

Le travail prosaïque de tous les jours pour vivre, se défendre, défendre le pain quotidien, les droits et la dignité, est indissolublement lié à la mise en cause de l’ordre qui détruit la vie, le pain, les droits et la dignité. Être réaliste, c’est révolutionnaire. Ce travail prosaïque appelle, ne peut pas se développer, sans la perspective réelle, qui sourd de la crise sociale et politique, de la révolution prolétarienne, car l’affrontement central généralisant les luttes existantes n’est rien d’autre que cela. C’est bien connu, il n’y a pas de parti pour cela. Nous appelons à commencer à agir et discuter, non sur « un parti » en soi, mais – dans la diversité des traditions politiques et des courants – sur ce lien, sur cette perspective.

Tous ensemble dans la grève pour en découdre avec le pouvoir exécutif : cela c’est une perspective politique, la plus réaliste, pas forcément la plus violente, la plus nécessaire.

Après avoir cassé code du travail et fonction publique, ils veulent détruire le droit à la retraite, tout en nous poussant à accepter la «transition» vers un monde sans eau, sans vie et sans droits.

Nous appelons à débattre « perspective politique » le dimanche 20 octobre 2019 à14h au Maltais Rouge (Paris).