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Menacés par 800 licenciements, les salariés de General Electric à Belfort ne désarment pas
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Quatre mois après l'annonce d'un lourd plan social menaçant leur usine de turbines à gaz, les syndicats se démènent pour limiter la casse et obtenir l'intervention du gouvernement.
L’été a été studieux pour l’intersyndicale du site General Electric à Belfort. D’abord, du «lobbying intensif», selon l’expression de Philippe Petitcolin (CGE-CGC) qui s’est rendu «quasiment deux fois par semaine à Bercy» avec l’objectif de«forcer le gouvernement à faire pression sur GE pour qu’il revoie sa copie». Fin mai, le géant américain a annoncé un lourd plan de restructuration qui prévoit 1 050 suppressions de postes en France, dont près de 800 au sein de l’entité turbines à gaz du site belfortain.
Mi-juillet, l’intersyndicale a mis en demeure l’Etat de faire respecter l’accord signé entre GE et le gouvernement au moment du rachat de la branche énergie d’Alstom en novembre 2014. Les syndicats pressaient le gouvernement d’actionner enfin ce levier susceptible, selon eux, de faire basculer les négociations avec le conglomérat américain. Car, outre la création de 1 000 emplois, GE s’était engagé à conserver à Belfort un centre de décision et à sanctuariser le site comme centre mondial pour la turbine 50 Hz. Autant de promesses non tenues qui menacent la pérennité de l’usine, estiment les syndicats.
Au sortir du comité de suivi de ces engagements, qui s’est tenu le 11 septembre à Bercy, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, semble s’être rangé à leur avis : il a indiqué dans un communiqué que «le plan de restructuration envisagé entraînerait la rupture des engagements pris par GE s’il était mené à son terme sans modification». Le ministre de l’Economie doit par ailleurs rencontrer Lawrence Culp, le PDG du géant américain, pour obtenir «les évolutions nécessaires du plan». « C’est une victoire, dans le sens où le gouvernement commence enfin à soutenir notre action et mettre la pression sur GE. Mais ils le font aussi parce que plane la menace d’une plainte contre eux. Elle est prête, et si le gouvernement n’obtient pas les garanties suffisantes, on appuiera sur le bouton», prévient Philippe Petitcolin.
«Plan massif de délocalisation»
De son côté, GE s’est récemment dit prêt à «adapter le projet de réorganisation en cours». Sur quelle base ? Eh bien, cet été, l’intersyndicale a aussi planché sur un projet alternatif, avec experts et salariés. Il s’agit de refuser des ajustements à la marge en contrecarrant de fond en comble ce qui n’est rien d’autre, selon Petitcolin, qu’un «plan massif de délocalisation». Pour alimenter ce contre-projet, les salariés ont fait remonter de manière anonyme les dysfonctionnements concrets qu’ils rencontraient dans leur travail. «Depuis trois ans, tous nos dirigeants mondiaux ont été virés, ceux qui sont restés ont été déclassés. On n’a plus personne pour défendre nos intérêts et d’autres ont décidé de nous supprimer», résume le syndicaliste.
Le projet alternatif propose de s’appuyer «sur l’expérience et l’expertise qu’on a à Belfort». Il redéfinit le périmètre de l’usine et défend une organisation où chaque pôle, chaque métier, de l’ingénierie au commercial, serait implanté dans la ville, et non pas dans le reste de l’Europe ou aux Etats-Unis. Il a été transmis mardi dernier à la direction, lors du comité de groupe européen, alors que 200 salariés «accompagnaient» la sortie d’une turbine à gaz fraîchement produite, histoire de faire la démonstration qu’il n’y a pas de blocage.
«On a fait zéro jour de grève et pourtant, la production accuse un retard de plusieurs centaines de jours. Les pénalités varient entre 100 000 et 300 000 euros par machine, elles s’élèvent en tout à 100 millions d’euros, c’est plus que les 70 millions d’euros de gain attendu avec leur plan social !» s’étrangle Philippe Petitcolin, qui a intercepté une lettre du patron de la branche gaz au niveau européen adressée à un client. Dans ce courrier rendu public et diffusé aux salariés, le patron suisse basé en Suisse, (mais qui aurait dû être Français basé en France selon l’accord de 2014), use d'«arguments trompeurs», selon Petitcolin : il justifie des retards de production imputables aux usines américaines et suisses par des difficultés à Belfort depuis l’annonce du plan social. «Il nous fait porter le chapeau pour se protéger alors que les délais ne sont pas tenus depuis que les pièces nécessaires à l’assemblage ne sont plus fabriquées à Belfort mais achetées à l’étranger», argumente le représentant du personnel qui se félicite des «bons chiffres du marché». Il repart, comme l’intersyndicale le martelait. «Le marché de la turbine à gaz a rebondi au premier semestre et GE a pris une grosse part du gâteau. Ils ont vendu plus que sur toute l’année 2018».
Ultimes discussions
C’est dans ce contexte que s’ouvrent cette semaine les discussions avec la direction pour dessiner le projet final. «On espère que GE retrouve la raison et revoie significativement son plan. Parce que ce n’est pas tenable, ni socialement ni économiquement», insiste Philippe Petitcolin. Il s’agit de revoir à la baisse le nombre de suppressions de poste qui, pour l’heure, consiste en une division par deux de l’effectif et porterait un coup fatal au site belfortain. «Nous sommes prêts à ce que des gens partent, les volontaires. Mais au-delà de 200 départs, l’usine serait trop dépouillée pour assurer le volume d’activité», estime Petitcolin.
La création d’une activité spécialisée dans les turbines d’avion sur place avec 200 emplois à la clé, solution présentée début juin et censée amortir la casse sociale, est à un stade «plus qu’embryonnaire» : 4 millions d’euros sur la table, 15 emplois… «Le volume de départs devra être indexé sur le volume de création d’emplois. Et on est loin du compte», tacle-t-il. L’intersyndicale espère parvenir à un accord d’ici au 21 octobre, date à laquelle GE doit déposer son plan de licenciements à la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) pour homologation. Autant dire qu’un véritable compte à rebours a commencé.