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Sport ou profits ? Le fiasco du Championnat du monde d’athlétisme
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le 17e Championnat du monde d’athlétisme s’est déroulé du 27 septembre au 6 octobre à Doha, la capitale du Qatar. Cet événement international, qui voit s’affronter les meilleurs athlètes de nombreuses disciplines, s’est tenu dans une atmosphère étouffante – et de surcroît, absurde.
Des conditions dantesques
Le thermomètre a tutoyé les 40 °C. Les conditions étaient donc extrêmes pour une activité physique de haute intensité. Les défenseurs de l’événement (qui ne sont pas très nombreux) s’empressent de rectifier : « le Khalifa international Stadium est climatisé ! » En effet, pour éviter que ce stade grandiose ne se transforme en fournaise, il bénéficie de plus 3000 bouches d’aération.
Bien sûr, les épreuves qui se sont tenues à l’extérieur du stade ont eu lieu sous un soleil de plomb. C’était le cas du marathon et des épreuves de marche (20 km et 50 km). Le champion du monde de l’épreuve sur 50 km, Yoan Diniz, a déclaré : « Je suis clairement dépité. Je ne vais pas mentir : je suis arrivé ici en très grande forme, mais il y a plein de choses qui m’interpellent. Tout le monde va prendre le départ, mais j’ai l’impression que les athlètes du hors stade (marathon et marche) sont pris pour des cons ».
Comme si cela ne suffisait pas, les organisateurs ont poussé l’absurdité – et le cynisme – jusqu’à profiter de l’occasion pour faire des expériences sur la résistance des athlètes aux fortes chaleurs. Yoan Diniz expliquait : « On est plus pris pour des cobayes. On nous a envoyé un questionnaire pour voir notre comportement par rapport à la chaleur et l’humidité. On peut aussi prendre une capsule pour voir notre réaction au niveau de la thermorégulation de notre corps. »
Le marathon féminin s’est tenu par 42 °C ressentis. Le taux d’humidité était de 71 %. Sur les 68 athlètes engagées au départ, 28 ont dû abandonner ou être arrêtées sur décision médicale. Nombre d’entre elles ont quitté la course sur des brancards ou dans des fauteuils roulants. Or ce triste résultat était parfaitement prévisible.
Pour éviter un tel fiasco, d’autres options auraient pu être envisagées, par exemple privilégier le mois de novembre, où la température oscille entre 21 °C et 30 °C, à Doha. Mais les agendas sportifs et les droits TV entraient en contradiction avec le bon sens le plus élémentaire. Les instances internationales soumettent le sport aux logiques financières. « Le sport a été oublié », déplorait le directeur technique national de l’athlétisme français, Patrice Gergès.
La politique sportive du Qatar
Le Qatar n’en est pas à son premier coup d’essai dans le domaine sportif. En 2011, l’émir du Qatar – alors proche de Sarkozy – rachetait le PSG pour y « investir » des sommes faramineuses. En 2015, le Championnat du monde de handball s’est déroulé au Qatar. L’équipe du Qatar était d’ailleurs composée de mercenaires achetés dans d’autres pays. Même un certain nombre de « supporters » étaient payés pour assister aux matchs ! Enfin, la Coupe du monde de football de 2022 se déroulera au Qatar, dans des stades climatisés et extrêmement énergivores.
Pourquoi les dirigeants qataris développent-ils – jusqu’à l’absurde – cette soi-disant « politique sportive » ? Et pourquoi les instances internationales du sport jouent-elles le jeu ?
La bourgeoisie qatarie, dont la puissance repose sur l’industrie pétrolière, cherche à diversifier ses sources de profits. Elle veut notamment développer le secteur du tourisme. Le sport est un moyen d’attirer les touristes (riches) et de donner « une bonne image » à ce régime ultra-réactionnaire. Cela pousse l’Emir à faire tout et n’importe quoi pour obtenir des événements sportifs internationaux. Les dirigeants qataris sont accusés d’avoir corrompu les instances de la FIFA et de l’IAAF (fédération internationale d’athlétisme). En mai 2019, Nasser al-Khelaïfi, l’actuel président du PSG, a été mis en examen pour « corruption active ».
Au passage, les infrastructures sportives sont construites dans des conditions dramatiques pour les travailleurs (la plupart étaient d’origine étrangère). En 2018, six ex-employés indiens et népalais de Vinci portaient plainte contre ce groupe français de BTP et contre sa filiale qatarie, pour « travail forcé » sur les chantiers de la Coupe du monde 2022. Les ouvriers de ces chantiers travaillaient entre 66 et 77 heures par semaine. Entre 2012 et 2017, près de 3000 ouvriers sont morts sur les chantiers, souvent d’une crise cardiaque. Le tout dans le silence complaisant des institutions sportives internationales...
Quelle alternative au « sport business » ?
Le Championnat du monde d’athlétisme nous montre, une fois de plus, où mène la collusion entre le sport et la course aux profits capitalistes. Les grandes compétitions sportives se transforment en des événements où le jeu est dépassé par ses enjeux, celui de satisfaire les intérêts de la classe dominante, tant au niveau économique qu’au niveau de « l’image positive » engendrée par l’organisation d’événements sportifs. Les instances sportives internationales sont devenues la caisse de résonance des intérêts d’une minorité de privilégiés.
Il est nécessaire de délivrer le sport des logiques et des pressions de la course au profit, avec tous les vices que cela engendre. Il faut investir massivement dans les services publics pour construire des infrastructures utiles à la pratique sportive et aux loisirs du plus grand nombre. Pour développer la pratique physique des plus jeunes, il est indispensable de soutenir les clubs amateurs, les associations et le sport en milieu scolaire. En bref, il faut mettre la pratique sportive au service de la grande majorité de la population.