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2022 : Besancenot, un messie pour la gauche de la gauche ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Depuis la perquisition des locaux de La France insoumise fin 2018, Jean-Luc Mélenchon est affaibli. Olivier Besancenot a-t-il encore le feu sacré pour porter sur ses frêles épaules les espoirs d’une radicalité de gauche en 2022 ?
Tribune. Douze années se sont écoulées depuis la dernière campagne présidentielle de celui que l’on surnommait jadis avec condescendance «le petit facteur». Aujourd’hui renforcé dans ses certitudes et raffiné par l’expérience, ce revenant au charisme radical pourrait opérer un come-back retentissant. Et ravir les cœurs et les suffrages du peuple d’extrême gauche, jusqu’ici promis à Jean-Luc Mélenchon…
Le scénario ressemble à une série Netflix bien ficelée : après avoir bousculé les vieux briscards de la LCR, un jeune militant doué transcende la doxa trotskiste pour créer une épatante dynamique électorale. Puis, se fatiguant des vicissitudes du jeu politique, il se met en retrait et assiste silencieusement à l’écroulement de sa famille politique. La gauche de la gauche se passionne alors pour son nouveau champion : un tribun lettré mais gueulard, usant et abusant de méthodes populistes pour atteindre les rives du pouvoir. La conquête aura échoué d’un cheveu, à 600 000 voix près… Depuis ? Plus grand-chose, si ce n’est beaucoup d’agitation et surtout un grand flou…
Reste un boulevard pour porter la contestation à Macron
Car où que l’on se situe sur le spectre politique, l’horizon paraît bouché. Lancé dans une difficile reconstruction, le PS se cherche pour mieux rebondir. Englués dans des querelles intestines, Les Républicains peinent à se remettre du départ massif de leurs troupes vers la macronie. A l’extrême droite, le RN, au fil de spectaculaires trahisons familiales, patine. Reste bien La France insoumise avec, devant elle, un boulevard pour porter la contestation à Emmanuel Macron. Sauf que les Français craignent le dirigeant Mélenchon plus qu’ils ne le louent. Jugé trop clivant et agressif selon une étude menée en novembre 2017 par la Fondation Jean-Jaurès, le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône s’est, depuis, piteusement illustré par des saillies à l’encontre des policiers (qualifiés de «barbares»), des journalistes… sans oublier la lamentable séquence filmée de la perquisition des locaux parisiens de LFI fin 2018.
Même les figures historiques de l’extrême gauche, tel Alain Krivine, balaient d’un revers de la main l’hypothèse d’un Jean-Luc Mélenchon en capacité d’accéder à l’Elysée : «Il est gentil mais il dort avec le portrait de Mitterrand au-dessus de son lit !» En 2022, face à un président sortant en pleine force de l’âge, comment Mélenchon pourrait-il incarner autre chose que l’homme du passé, tenté par la campagne de trop ? Partout à gauche, ses challengers ont bien conscience de cette impasse à venir. Y compris les trotskistes (famille dont Jean-Luc Mélenchon, ex-lambertiste, est issu !), qui n’aiment rien tant que les épopées aux accents millénaristes et autres rêves de «grands soirs». Ils en sont persuadés : un «messie» se cache très probablement dans leurs rangs. Parmi les noms évoqués, celui d’un ex-candidat à l’Elysée revient avec insistance : Olivier Besancenot. Barbe de trois jours et visage apaisé, ce dernier jurait pourtant en 2015 dans les élégantes pages du M, qu’il coulait des jours tranquilles depuis son semi-retrait de la vie politique.
C’est pourtant toujours lui que le parti convoque lorsqu’il s’agit d’aller défendre une position tranchante dans les médias. Toujours lui que les salles chauffées à blanc réclament. Encore et toujours à lui que les éditeurs proposent de signer un essai, un dictionnaire ou bien une analyse de la révolution russe à l’occasion de son centenaire (1). Ses punchlines font toujours mouche tandis que ses apparitions médiatiques, des plateaux de BFM TV aux colonnes des Inrockuptibles,imposent chaque jour un peu plus une incontestable habileté de «bon client». Efficacité redoutable, références ultracontemporaines… et ce souci constant de résoudre la contradiction à laquelle Mélenchon ne s’attelle plus : concrétiser la politique en la mettant à hauteur de peuple. Un peuple transgénérationnel et transpartisan, qui va du trotskiste Krivine à l’altermondialiste Bové, en passant par les compagnons de lutte rencontrés sur sa route, telle Assa Traoré.
Besancenot est doué, rassembleur, mais a-t-il encore le feu sacré, cette envie de porter sur ses frêles épaules les espoirs démesurés d’une radicalité de gauche en quête de héraut ? Après deux campagnes présidentielles en 2002 et 2007 menées tambour battant, l’envie semble s’être tarie. Et le lumineux fardeau de la tradition trotskiste bien lourd… Le monde a changé, les luttes se sont transformées, la contestation déprofessionnalisée. A l’image des prophètes soixante-huitards qui l’ont précédé, le Besancenot volontaire et sautillant des années 2000 a lui aussi fait la douloureuse expérience des années et du réel. L’histoire, souvent cruelle pour les trotskistes, pourrait encore une fois se répéter, à moins d’un rebondissement spectaculaire, comme une soudaine envie de changement, une faille dans le dispositif mélenchonien. Après s’être abattue sur les partis dits «classiques», la vague dégagiste emportera-t-elle aussi celui qui fut élu pour la première fois en 1983, pour laisser place à un illustre challenger ? Les prochains mois apporteront des réponses.
(1) Que faire de 1917 ? éd. Autrement, 2017.
Laurent-David Samama Essayiste, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès
Laurent-David Samama est auteur des Petits matins rouges (éd. de l’Observatoire, 2019).