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Alain Bihr: Sur «Capital et idéologie» de Piketty
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://alencontre.org/societe/debat-capital-et-ideologie-un-titre-en-trompe-loeil.html
Par Alain Bihr
Après Le Capital au XXIe siècle(Le Seuil, 2013), qui a connu un succès mondial [1], Thomas Piketty vient de publier un nouvel ouvrage qui prend la suite et complète le précédent, Capital et idéologie (Le Seuil), qui a immédiatement bénéficié d’une large couverture médiatique. Fort de mille deux cents pages, ce dernier affiche une ambition théorique certaine, au-delà du remarquable appareil statistique sur lequel il s’appuie, mis de surcroît en ligne à la disposition du public, qui n’exclut cependant ni la clarté de l’exposé (en dépit de quelques néologismes, il n’est nullement jargonnant et se littoujours d’une manière agréable) ni la modestie de son auteur (qui ne masque pas ses hésitations et doutes chemin faisant). Dans cette mesure même, il n’est pas nécessaire de choisir d’emblée de se placer d’un côté ou de l’autre de l’alternative à laquelle se réfère Michel Husson à la fin de l’article qu’il lui a consacré sur ce même site : « le monde va se diviser entre ceux qui pensent qu’il s’agit d’un regard nouveau, irrévérencieux et inductif sur les structures sociales et l’idéologie(…) et ceux qui le lisent comme la thèse de maîtrise en science politique/anthropologie/sociologie d’un étudiant sans formation » [2]. S’il ne mérite sans doute pas pareil excès d’honneur, il n’encourt pas non plus pareille indignité (toute relative d’ailleurs), du moins immédiatement. D’autant plus que tout au long de son ouvrage, Thomas Piketty manifeste une dénonciation incisive des inégalités sociale et une révolte sincère contre leur creusement, qui affecte la « mondialisation » néolibérale, ainsi qu’une détermination résolue à formuler des propositions pour tenter d’inverser cette dynamique infernale, en allant à la fin de son ouvrage jusqu’à jeter les bases d’un nouveau projet socialiste, celui d’un « socialisme participatif » censé dépasser le capitalisme.
Il faut donc le prendre au sérieux, l’examiner de près et le disputer, dans tous les sens du terme, ce que Thomas Piketty appelle d’ailleurs lui-même de ses vœux. L’ampleur de l’ouvrage exclut cependant de le faire en une seule fois. Dans ce premier article, je me pencherai simplement sur ses fondements théoriques, dont l’exposé se concentre dans son Introduction, pour en souligner les faiblesses, au demeurant assez évidentes au vu du peu de place que Thomas Piketty consacre à définir les principaux concepts qu’il mobilise. A commencer par les deux qu’il a réunis dans le titre de son ouvrage.
Sur le capital
La première surprise du lecteur est, en effet, de ne trouver dans les pages de l’Introduction où Thomas Piketty présente ces fondements aucune définition de ce qu’il entend par capital. Le terme lui-même n’y figure quasiment pas : sauf erreur de ma part, je n’en ai relevé que trois occurrences (pages 20, 34 et 65), aucune ne donnant lieu ne serait-ce qu’à un embryon de définition, comme s’il ne nécessitait aucune attention particulière ou comme s’il allait de soi pour l’auteur, si ce n’est pour le lecteur. Et c’est bien le cas en l’occurrence. Comme dans son précédent ouvrage, et comme la quasi-totalité des économistes, Thomas Piketty entend en fait par capital toute forme de propriété, toute espèce d’actif (matériel ou immatériel) susceptible de procurer à son détenteur richesse (hauts revenus et gros patrimoine) et pouvoir. En somme, il adopte ce qu’on peut nommer, d’un point de vue marxiste, une conception fétichiste du capital comme rapport social de production, propre à ce que Marx nommait « l’économie vulgaire », qui, d’une part, le réifie (le confond avec ses supports matériels : moyens de production, monnaie, titres de crédit ou de propriété, etc.) et, d’autre part, le déifie (en fait une puissance surhumaine voire surnaturelle en lui attribuant la capacité de se mettre par lui-même en valeur) [3].
En fait, l’objet de Thomas Piketty n’est nullement le capital stricto sensu. Ce sont les inégalités sociales plus largement considérées dans leurs relations avec les idéologies qui les accompagnent et les soutiennent. C’est d’ailleurs ce qu’il répète à l’envi dès l’Avertissement au lecteur et dans l’Introduction de son ouvrage.
« Le Capital au XXIe siècle a tendance à traiter les évolutions politico-idéologiques autour des inégalités et de la redistribution comme une sorte de boîte noire. J’y formule certes quelques hypothèses à leur sujet, par exemple sur les transformations des représentations et attitudes politiques face aux inégalités et à la propriété privée induites au XXe siècle par les guerres mondiales, les crises économiques et le défi communiste, mais sans véritablement aborder de front la question de l’évolution des idéologies inégalitaires. C’est ce que je tente de faire de façon beaucoup plus explicite dans ce nouvel ouvrage, en replaçant en outre cette question dans une perspective temporelle, spatiale et comparative beaucoup plus vaste. » (page 11)
Et c’est encore ce qu’il répète à la fin de l’ouvrage, lorsqu’il est amené à récapituler son propos :
« J’ai tenté dans ce livre de proposer une histoire à la fois économique, sociale, intellectuelle et politique des régimes inégalitaires, c’est-à-dire une histoire des systèmes de justification et de structuration de l’inégalité sociale, depuis les sociétés trifonctionnelles et esclavagistes anciennes jusqu’aux sociétés postcoloniales et hypercapitalistes modernes. » (page 1191)
Ainsi, il aurait été bien plus exact et plus honnête que son ouvrage portât le titre Inégalités et idéologie. C’est d’ailleurs ce qu’il laisse clairement entendre dans la présentation de ses sources, intitulée « Les sources utilisées dans ce livre : inégalités et idéologies » (page 26). Alors pourquoi avoir fait figurer dans ce titre le mot de capital qui occupe si peu de place dans la matière même de l’ouvrage ?
Sur les inégalités sociales
Puisque Thomas Piketty entend traiter des différentes manières dont, dans toute l’étendue spatio-temporelle des sociétés humaines, les inégalités structurelles de ces dernières ont été pensées et justifiés, du moins pourrait-on s’attendre à ce qu’il définisse ce qu’il entend par inégalité sociale. Or, là encore, le lecteur restera sur sa faim.
En premier lieu, il ne prend pas soin d’en donner une définition en compréhension, répondant à cette question aussi simple que décisive en définitive : que faut-il entendre par inégalité sociale ? La seule fois où il le tente, cela débouche sur une formulation singulièrement tautologique : « Un régime inégalitaire, tel qu’il sera défini dans cette enquête, se caractérise par un ensemble de discours et de dispositifs institutionnels visant à justifier et à structurer les inégalités économiques, sociales et politiques d’une société donnée » (page 15). En somme, un régime inégalitaire justifie et structure des inégalités. On pouvait s’en douter…
Que l’on me permette de comparer cette légèreté d’approche avec les précautions dont nous nous sommes entourés, Roland Pfefferkorn et moi-même, lorsque nous avons entrepris, dans un ouvrage de dimensions cependant infiniment moindres, l’étude du caractère systémique des inégalités entre catégories sociales [4]. Nous en ayons fourni la définition synthétique suivante :
« Une inégalité sociale est le résultat d’une distribution inégale, au sens mathématique de l’expression, entre les membres d’une société des ressources de cette dernière, distribution inégale due aux structures mêmes de cette société et faisant naître un sentiment, légitime ou non, d’injustice au sein de ses membres » (page 8).
Définition suivie d’un commentaire sur plusieurs pages de ses différents éléments composants, soulignant notamment l’irréductibilité des inégalités sociales à leur mesure mathématique, qui n’annule en rien le recours à une telle mesure autant que possible ; leur caractère multidimensionnel (les inégalités sociales couvrent tous les aspects de l’existence humaine) ; leur nature phénoménale (apparente, superficielle) au regard des rapports sociaux structurels qui leur donnent naissance (j’y reviendrai) ; la nécessité mais aussi la difficulté quelquefois qu’il y a à distinguer entre inégalités sociales, inégalités naturelles et inégalités individuelles ; enfin le fait que les inégalités sociales sont toujours enjeux de débats et de combats entre celles et ceux qu’elles affectent, qu’elles les favorisent, les défavorisent ou qu’elles épargnent, à des degrés divers. Ce sont là des préalables et des précautions théoriques qui nous ont paru indispensables, pour éviter pièges et confusions dans lesquels risque de tomber qui ne s’en entoure pas, comme nous allons le voir.
Car, pour ne pas l’avoir fait, Thomas Piketty rétrécit singulièrement, en deuxième lieu, la définition en extension des inégalités sociales, ce qui le conduit à réduire le champ des inégalités sociales dont ils traitent. Et même doublement. Il les réduit d’une part aux seules inégalités entre catégories sociales et entre nations ou groupes de nations, en négligeant celles entre femmes et hommes, celles entre générations et classes d’âge tout comme les inégalités socio-spatiales (à l’intérieur d’une même nation : inégalités entre régions, entre villes et campagnes, entre centres-villes et banlieues, etc.) même s’il lui arrive d’évoquer ces dernières en passant : par exemple page 27, page 38), contrairement à ce que nous avons tenté de faire dans le Dictionnaire des inégalités [5]. D’autre part, Thomas Piketty tend constamment à réduire les inégalités entre catégories sociales et entre nations ou groupes de nations principalement aux inégalités de revenus et de patrimoines (en omettant par exemple les inégalités face au logement, face à la santé, face à l’accès à l’espace public, face aux médias, etc.), contrairement à ce que nous avions fait dans Déchiffrer les inégalités [6] et dans Le système des inégalités. Ainsi, lorsqu’il traite de la montée des inégalités dans le monde au cours des quatre dernières décennies, tous les indicateurs retenus concernent uniquement l’aggravation des inégalités dans l’ordre de partage des revenus : symptomatiquement les graphiques, par lesquels Thomas Piketty illustre cette dernière, s’intitule « La montée des inégalités dans le monde » (page 37), « L’inégalité dans les différentes régions du monde » (page 39) ou encore « La courbe de l’éléphant des inégalités mondiales » (page 41) et « Les inégalités de 1900 à 2000 », comme si les inégalités de revenus étaient à elles seules « les inégalités » voire « l’inégalité ». Et cela transparaît encore lorsqu’il traite « des nouvelles inégalités éducatives » qu’il réduit encore pour l’essentiel à des inégalités de revenus (pages 52-53), semblant ignorer tout ce que les inégalités face à la scolarité doivent à la distribution et à l’accumulation inégales de « capital culturel légitime » au sein des familles [7].
Et les quelques fois où Thomas Piketty étend le champ des inégalités au-delà des inégalités socio-économiques (de revenus et de patrimoines), il ne prend pas soin d’articuler les unes aux autres, en se contentant de les juxtaposer, sans laisser du coup apparaître le caractère systémique des inégalités sociales. Par exemple : « L’inégalité moderne se caractérise également par un ensemble de pratiques discriminatoires et d’inégalités statutaires et ethno-religieuses (…) On peut citer les discriminations auxquelles font face celles et ceux qui n’ont pas de domicile ou sont issus de certains quartiers et origines. On peut penser aux migrants qui se noient » (page 14). Ou encore lorsqu’il relève la non-congruence entre les inégalités de revenus et les inégalités scolaires (page 57).
En dernier lieu enfin, Thomas Piketty ne rapporte jamais les inégalités sociales aux rapports sociaux structurels qui leur donnent naissance, qui les manifestent mais les masquent aussi pour partie. Autrement dit, il ne saisit pas le caractère phénoménal des inégalités : le fait que les inégalités sociales ne sont que des phénomènes, la manifestation selon le cas évidente ou au contraire biaisée et pour partie masquées de structures sociales sous-jacentes, celles constituées par les rapports sociaux fondamentaux que sont les rapports sociaux de production ainsi que les rapports sociaux de reproduction (articulant les rapports sociaux de sexe et les rapports sociaux de génération). D’ailleurs, le fait de travailler à peu près exclusivement sur des données individuelles concernant les revenus et les patrimoines, en les ordonnant en quantiles (essentiellement déciles et centiles), a pour conséquence mécanique d’occulter ou, du moins, de négliger les rapports de production [8]. En somme, Thomas Piketty raisonne comme si les inégalités sociales étaient la structure sociale elle-même en confondant les deux dans ce qu’il nomme des « régimes inégalitaires » dont j’ai donné la définition plus haut.
Sur l’idéologie
Thomas Piketty n’est guère plus disert sur le second concept que mobilise le titre de son ouvrage, celui d’idéologie. Ce qui est d’autant plus gênant que l’usage de ce concept ne peut aller de soi, tant ses mésusages ont été multiples. Et sans qu’on se soit posé au préalable la question de savoir si son usage peut ne pas être lui-même… idéologique. Ce qui suppose au minimum d’en fournir une définition claire et précise qui permette d’en justifier l’usage à des fins de connaissance critique de la réalité sociale.
Or, sous ce rapport, ce qu’en dit Thomas Piketty est bien faible et insuffisant. Il n’y consacre que moins de deux pages (pages 16 et 17), n’aboutissant qu’à des formules vagues et lâches. Qu’on en juge :
« Je vais tenter dans le cadre de ce livre d’utiliser la notion d’idéologie d’une façon positive et constructive, c’est-à-dire comme un ensemble d’idées et de discours a priori plausibles visant à décrire comment devrait se structurer la société. L’idéologie sera envisagée dans ses dimensions à la fois sociales, économiques et politiques. Une idéologie est une tentative plus ou moins cohérente d’apporter des réponses à un ensemble de questions extrêmement vastes portant sur l’organisation souhaitable ou idéale de la société. »
Le restant du développement est consacré à mentionner qu’une idéologie se doit notamment d’aborder « la question du régime politique, c’est-à-dire de l’ensemble des règles décrivant les contours de la communauté et de son territoire, les mécanismes permettant de prendre des décisions politiques en son sein, et les droits politiques de ses membres » ; ainsi que « la question du régime de propriété, c’est-à-dire de l’ensemble des règles décrivant les différentes formes de possession possibles, ainsi que les procédures légales et pratiques définissant et encadrant les relations de propriété entre groupes concernés ». Et, en conséquence, elle se doit de fixer notamment « un régime éducatif (c’est-à-dire les règles et institutions organisant les transmissions spirituelles et cognitives : familles et Églises, pères et mères, écoles et universités) et un régime fiscal (c’est-à-dire les dispositifs permettant d’apporter des ressources adéquates aux États et régions, communes et empires, ainsi qu’à des organisations sociales, religieuses et collectives de diverses natures). » Mais aucune explication ni justification ne sont fournies quant aux raisons pour lesquelles une idéologie est censée se pencher sur ces différentes questions plutôt que sur d’autres, tout aussi cruciales s’agissant de justifier l’existence et la persistance d’inégalités entre membres d’une même société ; par exemple celle de savoir qui a le droit ou qui à l’obligation de porter des armes et de participer à la défense du territoire ou à la conquête de territoire voisin ; ou encore celle de savoir qui décide de la nature du sacré et qui fixe celles et ceux qui ont le droit mais aussi le devoir de le manipuler ; ou encore celle de savoir comment se règlent les conflits entre membres de la société et ceux qui en sont chargés ; etc.
Là encore, qu’on me permette d’établir une comparaison avec la définition que j’ai fournie de ce qu’est une idéologie en général, à l’occasion de l’analyse du caractère idéologique du néolibéralisme, largement inspirée de la tradition marxiste :
« Une idéologie est un système culturel (au sens anthropologique du mot) dont le noyau est constitué par une conception du monde à la fois englobante et cohérente, qui implique un programme d’action sur le monde et par conséquent aussi une axiologie, et dont la fonction essentielle est de justifier la situation, les intérêts ou les projets d’un groupement social particulier. » [9]
Cette définition met délibérément l’accent sur trois moments (au sens d’éléments constitutifs) qui sont autant de conditions nécessaires à la constitution d’une idéologie. Un moment théorique : une conception englobante et cohérente de la réalité sociale ou, du moins, d’une partie conséquente de celle-ci. Un moment pratique ou pragmatique : un programme d’action, selon le cas politique, morale, éthique, pédagogique, etc., ou tout cela à la fois, qui nous dit non seulement ce que le monde est (ou est censé être) mais encore ce que nous devons et pouvons y faire et en faire, comment et pourquoi nous avons à y agir. Enfin un moment apologétique : la justification voire l’idéalisation de la situation, des intérêts, des actions, des positions et/ou des propositions, des projets d’un groupement, pris dans des rapports complexes (d’alliance, de concurrence, de rivalité, de lutte, etc.) avec d’autres groupements, justification qui a pour fonction de permettre à ce groupement de parvenir à ses fins ; en ce sens, toute idéologie est toujours fondamentalement un plaidoyer pro domo.
Dans l’usage qu’il fait du concept d’idéologie, Thomas Piketty retient les deux premiers moments, sans toujours clairement les distinguer d’ailleurs, mais il tend à négliger le dernier. Plus exactement, s’il reconnaît bien une dimension apologétique aux idéologies inégalitaires qu’il examine, c’est en la rapportant à la société dans son ensemble bien plus qu’au groupement (caste, ordre, classe, etc.) dominant. Pour lui, une idéologie vise davantage à justifier l’ordre social en tant que tel, y compris dans sa dimension inégalitaire, dans le but de le conforter, qu’à justifier spécifiquement la position dominante de ceux qui instituent et perpétuent cet ordre inégalitaire parce qu’ils en profitent. Cela apparaît dès les premières lignes de l’Introduction :
« Chaque société humaine doit justifier ses inégalités : il faut leur trouver des raisons, faute de quoi c’est l’ensemble de l’édifice politique et social qui menace de s’effondrer. Chaque époque produit ainsi un ensemble de discours et d’idéologies contradictoires visant à légitimer l’inégalité telle qu’elle existe ou devrait exister, et à décrire les règles économiques, sociales et politiques permettant de structurer l’ensemble. » (page 13).
Et Thomas Piketty enfonce le clou par après : « (…) on aurait bien tort de voir dans ces constructions intellectuelles et politiques un pur voile hypocrite et sans importance permettant aux élites de justifier leur immuable domination. » (page 61). Ce qui revient à dire qu’une idéologie inégalitaire peut être l’idéologie dominante au sein d’une société donnée sans être d’abord et essentiellement l’idéologie du groupement dominant, c’est-à-dire l’expression tout à la fois de ses intérêts, de ses passions et de sa vision du monde, destinée à justifier sa position dominante. Sans doute serait-il erroné de réduire une idéologie à ce seul moment apologétique [10]. Mais c’est une autre erreur, et de plus grave conséquence, que de minorer voire d’ignorer ce moment comme finit par le faire Thomas Piketty, en transformant toute idéologie en une simple réponse au « besoin irrépressible des sociétés humaines de donner du sens à leurs inégalités, parfois au-delà du raisonnable. » (page 45). Car : « Toutes les sociétés humaines ont besoin de donner du sens à leurs inégalités et les justifications du passé, si on les regarde de près, ne sont pas toujours plus folles que celle du présent. » (page 46).
Ce gauchissement du concept d’idéologie que pratique Thomas Piketty s’explique par le fait qu’il n’examine que des idéologies inégalitaristes, pire : il fait comme si l’idéologie n’avait pas d’autre fonction possible que celle de justifier les inégalités sociales existantes, comme l’expriment bien les deux passages que je viens de citer. Car, dès lors, il n’est pas nécessaire de prendre en compte ou même seulement de mentionner sa fonction apologétique pour les groupements dominants : elle va de soi.
Il est clair pourtant qu’il y a eu, au cours de l’histoire des idéologies égalitaristes : des idéologies revendiquant l’égalité (sous différents rapports) entre les membres de la société. Son cortège est celui des grandes moments de révolte des dominés : les soulèvements des esclaves dans l’Antiquité, les jacqueries millénaristes qui parcourent le Moyen Age, les tendances radicales de la Réforme, les accents plébéiens qui ont accompagné les premières révolutions bourgeoises dans les Provinces-Unies, en Angleterre, plus tard en France jusqu’aux mouvements anarchistes, socialistes et communistes contemporains en sont autant de jalons, pour rester cantonné dans la seule histoire européenne.
Sur les rapports sociaux de production
Le principal défaut d’où découlent les travers précédents est la méconnaissance, par Thomas Piketty, du concept de rapports sociaux de production. De ces derniers, il saisit tout au plus avec constance les rapports de distribution en se focalisant sur les inégalités de revenus et de patrimoines.
Cette méconnaissance transparaît, par exemple, dans sa difficulté à expliquer pourquoi la question de la propriété et celle du pouvoir politique sont étroitement articulées, articulation rapportée par lui à leur seule dimension idéologique (page 17) ; ou encore pourquoi cette articulation est immédiate dans les modes de production précapitalistes alors qu’elle passe par des médiations juridiques dans le mode capitaliste de production, ce qui leur donne l’apparence de l’appartenance à deux sphères distinctes, la sphère économique et la sphère politique (page 18). Une question sur laquelle Marx avait avancé l’intuition décisive suivante :
« C’est toujours dans le rapport immédiat entre le propriétaire des moyens de production et le producteur direct (…) qu’il faut chercher le secret le plus profond, le fondement caché de tout l’édifice social et par conséquent de la forme politique que prend le rapport de souveraineté et de dépendance, bref, la base de la forme spécifique que revêt l’État à une période donnée.» [11]
Cette méconnaissance transparaît encore dans sa minoration de l’objectivité des rapports de production et de la survalorisation consécutive de l’autonomie et de la puissance du politique et de l’idéologique. Thomas Piketty a certes parfaitement raison de dire qu’il faut « prendre l’idéologie au sérieux » (page 20). Ce qui implique aussi bien d’accorder tout leur poids aux facteurs idéologiques dans l’analyse de la structuration et de la transformation historique des sociétés humaines, par conséquent dans l’explication de leur diversité spatiale et temporelle ; que d’accorder à ces facteurs une autonomie relative à l’égard des autres facteurs de structuration et de transformation (développement des forces productives, rapports de production et de reproduction, rapports de propriété, etc.). Mais peut-on pour autant affirmer que :
« L’inégalité n’est pas économique ou technologique : elle est idéologique et politique. Telle est sans doute la conclusion la plus évidente de l’enquête historique présentée dans ce livre. Autrement dit, le marché et la concurrence, le profit et le salaire, le capital et la dette, les travailleurs qualifiés et non qualifiés, les nationaux et les étrangers, les paradis fiscaux et la compétitivité, n’existent pas en tant que tels. Ce sont des constructions sociales et historiques qui dépendent entièrement du système légal, fiscal, éducatif et politique que l’on choisit de mettre en place et des catégories que l’on se donne » (page 20) ?
Que les rapports sociaux (en l’occurrence : les rapports capitalistes de production) soient des constructions sociohistoriques n’exclut en rien leur objectivité, au double sens où ils existent en dehors des acteurs sociaux (individuels et collectifs) qui sont pris en eux et par eux et où ils exercent à leur égard une contrainte plus ou moins puissante, au rebours de l’affirmation selon laquelle ils « n’existent pas en tant que tels ». Les deux termes de cette proposition renvoient sans doute à une contradiction qui est au cœur de la praxis sociale, de l’agir sociohistorique : celle entre les sujets humains et leurs produits et œuvres qui se fixent en dehors d’eux et face à eux comme une réalité objective qui pèsent sur eux de tout le poids de leurs déterminations matérielles, institutionnelles et spirituelles (idéologiques), objectivité qu’ils sont en mesure de transformer plus ou moins radicalement et quelquefois même de révolutionner, en leur substituant progressivement ou brutalement d’autres rapports. C’est toute cette dialectique que Marx évoque dans le célèbre passage suivant :
« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés à se transformer, eux et les choses, à créer quelque chose de tout à fait nouveau, c’est précisément à ces époques de crise révolutionnaire qu’ils évoquent craintivement les esprits du passé, qu’ils leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs costumes, pour apparaître sur la nouvelle scène de l’histoire sous ce déguisement respectable et avec ce langage emprunté. » [12]
Pour en revenir aux rapports capitalistes de production et aux actions susceptibles de les modifier, il est clair que ces dernières peuvent infléchir plus ou moins « le marché et la concurrence, le profit et le salaire, le capital et la dette, les travailleurs qualifiés et non qualifiés, les nationaux et les étrangers, les paradis fiscaux et la compétitivité ». Mais, sauf à entamer une rupture révolutionnaire avec ces rapports, ces inflexions ne modifieront pas fondamentalement ces rapports. Qu’un nouveau partage soit institué entre le profit et le salaire, par exemple, conduisant à réduire substantiellement les inégalités de répartition de la richesse sociale produite (sous forme de valeur), ne modifie en rien ni la nature du profit (résultat de leur péréquation de la plus-value, donc de l’exploitation du travail humain dans le cadre des rapports capitalistes de production) ni celle du salaire (résultat de la transformation de la force de travail en marchandise, autre caractéristique structurelle des rapports capitalistes de production), qui apparaissent ainsi pour ce qu’ils sont : autant de formes des rapports capitalistes de production.
Qui plus est, non seulement de pareilles réformes de ces rapports n’en modifient nullement la nature mais elles sont la condition même de leur reproduction. C’est que Marx et Engels ont tôt indiqué dans un autre passage des plus célèbres de leur abondante littérature :
« La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de toutes les conditions sociales, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d’idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d’envisager leur situation sociale, leurs relations mutuelles d’un regard lucide. » [13]
Ainsi, la rude inflexibilité des rapports capitalistes de production a-t-elle pour condition la flexibilité de leurs formes phénoménales, soit leurs transformations (au sens propre de changements de forme) permanentes, auxquelles contribuent à l’occasion les réformes qui prétendent les dépasser. Nous aurons à nous en souvenir lorsqu’il nous faudra évaluer la portée des propositions de Thomas Piketty en faveur d’un « socialisme participatif ».
La minoration de l’objectivité des rapports sociaux et la majoration consécutive des facteurs idéologiques transparaissent également dans les formulations auxquelles il s’abandonne dès lors qu’il traite des transformations historiques, qui trahissent inversement une surestimation de la puissance de l’idéologie. Ainsi lit-on sous sa plume : « C’est la rencontre d’évolutions intellectuelles et de logiques événementielles qui produit le changement historique : les unes ne peuvent rien sans les autres » (page 48). Ou encore : « (…) les idées et idéologies comptent dans l’histoire, mais elles ne sont rien sans le truchement des logiques événementielles, des expérimentations historiques et institutionnelles concrètes, et souvent de crises plus ou moins violentes » (page 61). Encore conviendrait-il de se demander si, derrière et dans ces « logiques événementielles, expérimentations institutionnelles et crises plus ou moins violentes » ne se manifeste pas tout simplement la dure et inflexible objectivité des rapports sociaux (de production, de propriété, de classe, etc.), des contradictions qui les dynamisent et des transformations qui en résultent, souvent à l’insu même des acteurs sociaux, en les obligeant précisément à faire preuve d’innovations idéologiques et politiques et en leur en fournissant aussi l’occasion.
Thomas Piketty en fournit lui-même un exemple saisissant lorsqu’il esquisse une analyse de la genèse du régime fordiste de reproduction des rapports capitalistes de production dans les formations capitalistes centrales (États-Unis et Europe occidentale en tête) dans le cours des années 1920-1940, donnant notamment naissance à l’État-providence (pages 54-55). Il commence à en attribuer le mérite à la constitution de « coalition d’idées fondées sur des programmes de réduction des inégalités et de transformations profondes du système légal, fiscal et social », incarnées notamment par des partis social-démocrates. Après quoi, il enchaîne de la sorte :
« Le facteur le plus important conduisant à l’émergence de telles coalitions d’idées et de cette nouvelle vision du rôle de l’État fut la perte de légitimité du système de propriété privée et de libre concurrence, d’abord de façon graduelle au XIXe siècle et au début du XXe, du fait des énormes concentrations de richesses engendrées par la croissance industrielle et des sentiments d’injustice provoquées par ces évolutions, et ensuite de façon accélérée à la suite des guerres mondiales et de la crise des années 1930. »
Cette phrase illustre littéralement l’importance relative que Thomas Piketty accorde d’une part aux facteurs idéologiques, d’autre part aux dynamiques et contradictions des rapports de production et de classe : il consacre plusieurs lignes aux premiers pour liquider en quelques mots la référence à ces événements de toute première importance que furent les deux guerres mondiales et la crise structurelle initiée par le krach boursier new-yorkais d’octobre 1929, autant de manifestations explosives des contradictions recelées par le développement des rapports capitalistes de production, plaçant le mode de production capitaliste lui-même au bord du gouffre, nécessitant de profondes réformes de ses rapports constitutifs, donnant ainsi leur chance historique à « des coalitions d’idées » qui, sans ces explosions, auraient continué à faire antichambre dans l’Histoire. Ce que Thomas Piketty lui-même avoue du bout des lèvres en évoquant la brusque « accélération » dont ces coalitions auront bénéficié de la part de ces explosions.
Un dernier indice de l’incompréhension par Thomas Piketty du concept de rapports sociaux de production nous est fourni par l’étonnante formulation suivante : « la théorie du passage mécanique du “féodalisme” au “capitalisme” à la suite de la révolution industrielle ne permet pas de rendre compte de la complexité des trajectoires historiques et politico-idéologiques observées dans les différents pays et régions du monde (…) » (page 21). Théorie qui est celle censément proférée par le marxisme. Ce dernier a produit des multiples hypothèses, analyse et théories à propos de ce passage, en donnant quelquefois naissance à d’âpres discussions entre marxistes [14]. Mais, pour divergents qu’ils aient pu être entre eux sur cette question, aucun d’entre eux ne l’a fait dépendre de la seule « révolution industrielle ». Pour cette simple raison que tout marxiste sait que la transition d’un mode de production à un autre, en l’occurrence du féodalisme au capitalisme, est nécessairement un processus pluriséculaire, qu’il est impossible de condenser dans les quelques décennies qui ont vu se produire la « révolution industrielle ». Prétendre le contraire, c’est ne rien comprendre ni à ce qu’est un mode de production ni à ce que sont les rapports de production qui lui servent de base structurelle [15]. Quant à l’impossibilité de rendre compte, sur des bases marxistes, « de la complexité des trajectoires historiques et politico-idéologiques observées dans les différents pays et régions du monde », je me permets de renvoyer le lecteur au tome 3 de Le premier âge du capitalisme, plus précisément aux parties X et XI, où je ne consacre pas moins de l’équivalent (en nombre de pages !) de l’ouvrage de Piketty à une entreprise de ce genre ; et je l’en fais juge [16].
Retour sur le titre
Revenons une dernière fois sur le titre de l’ouvrage. En intitulant celui-ci Capital et idéologie, Thomas Piketty ne pouvait pas ignorer qu’il mobilisait ce faisant deux concepts qui, l’un et l’autre, sont fortement connotés en ce qu’ils font signe vers une certaine tradition théorique et politique, le marxisme, et plus encore vers son initiateur, Marx lui-même. Certes, Marx n’a pas eu le monopole de l’usage de ces deux termes, dont il n’est au demeurant pas l’inventeur : il a repris le terme de capital aux économistes de son temps et celui d’idéologie à l’école française du même nom fondé par Antoine Destutt de Tracy (1754-1836). Mais il est non moins certain que Marx aura fait subir à chacun de ces deux concepts, à celui de capital plus encore qu’à celui d’idéologie, une révolution théorique telle qu’il est difficile pour ne pas dire impossible d’en faire usage aujourd’hui sans se référer à ce qu’il en a fait, que ce soit pour placer ses pas dans les siens ou pour s’en affranchir, d’une manière ou d’une autre [17].
Et c’est pourtant exactement la démarche de Thomas Piketty qui use de ces concepts comme si Marx n’en avait jamais traité. Comme je ne lui ferai pas l’injure de supposer qu’il ignore tout de Marx, il faut bien chercher le sens d’une telle mise entre parenthèses ou d’un tel contournement de ce dernier, qui sont tout sauf innocents, dans le bénéfice qu’il peut en retirer : faire croire qu’on peut s’émanciper de Marx sans se donner la peine de se confronter à lui, pour de bon et sérieusement. Ou encore : faire croire que l’on est en mesure de dépasser Marx sans se donner la peine de passer par lui. En définitive : faire croire que l’on se situe au-delà de Marx alors qu’on est nettement en deçà de lui, sur plusieurs points majeurs.
En somme, pour un lecteur averti, le titre de l’ouvrage n’est pas seulement trompeur sur la nature de la marchandise qu’il emballe. Il laisse encore immanquablement flotter autour de cette dernière un petit parfum d’escroquerie intellectuelle. (A suivre)
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[1] Traduit en une quarantaine de langue, il a été vendu à deux millions et demi d’exemplaires, selon son éditeur.
[2] http://alencontre.org/laune/thomas-piketty-et-langleterre-ou-comment-ne-pas-traiter-le-sujet.htmlQuelques-unes de mes propres conclusions rejoignent d’ailleurs celles tirées par Michel Husson de l’examen d’une autre partie de l’ouvrage.
[3] Cf. « Critique des représentations fétichistes du capital », http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/critique_representations_fetichistes_du_capital/critique_texte.html
[4] Le système des inégalités, Paris, La Découverte, 2008.
[5] Dictionnaire des inégalités, Paris, Armand Colin, 2014.
[6] Déchiffrer les inégalités, seconde édition, Paris, Syros, 1999 (1ère édition, 1995). Disponible en ligne http://classiques.uqac.ca/contemporains/bihr_alain/dechiffrer_les_inegalites/dechiffrer_les_inegalites.html
[7] Facteur largement documenté depuis les travaux pionniers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les héritiers, Paris, Éditions de Minuit, 1964 et La reproduction, Paris, Éditions de Minuit, 1970, jusqu’à ceux plus récents de Jean-Pierre Terrail, De l’inégalité scolaire, Paris, La Dispute, 2002 ou de Choukri Ben Ayed (dir.), L’école démocratique. Vers un renoncement politique ?, Paris Armand Colin, 2010, pour ne citer qu’eux.
[8] Merci à Michel Husson de m’avoir suggéré cette remarque. Dans Déchiffrer les inégalités, nous nous sommes au contraire efforcés, Roland Pfefferkorn et moi-même, d’opérer non en comparant des quantiles mais des données concernant les catégories socioprofessionnelles, telles que définies par l’Insee, puis de proposer dans un chapitre final de synthèse un tableau récapitulatif (tableau 13.1, page 439) faisant apparaître que les inégalités ainsi établies entre catégories sociales, prises dans toute leur extension, sont largement déterminées par les rapports capitalistes de production. Tableau repris dans Le système des inégalités, op. cit., page 46 et les remarques qui suivent (pages 47 à 54).
[9] « L’idéologie néolibérale », Semen, n°30, Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, novembre 2010.
[10] Thomas Piketty en donne cependant lui-même un bel exemple plus loin dans l’ouvrage en évoquant les mutations idéologiques du christianisme dans le cours du Bas Empire romain : « Au tout début de l’ère chrétienne, Jésus enseignait certes à ses disciples qu’il était “plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux”. Mais, à partir du moment où les familles de riches Romains épousèrent la nouvelle foi et commencèrent à s’emparer au sein de l’Église des positions dominantes en tant qu’évêques et écrivains chrétiens, à la fin du IVe siècle et au cours du Ve siècle, les doctrines chrétiennes se devaient de traiter de façon frontale la question de la propriété et de la richesse, et de faire preuve de pragmatisme » (page 121). Lequel « pragmatisme » consistera évidemment à « penser les conditions d’une propriété juste et d’une économie conforme à la nouvelle foi », c’est-à-dire à justifier les propriétés acquises par l’Église et ses hauts dignitaires au premier chef.
[11] Le Capital, Éditions Sociales, Paris, 1948-1960, Tome VIII, page 172.
[12] Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, http://classiques.uqac.ca/classiques/Marx_karl/18_brumaine_louis_bonaparte/18_brumaine_louis_bonaparte.pdfpage 13.
[13] Manifeste du Parti communiste, http://classiques.uqac.ca/classiques/Engels_Marx/manifeste_communiste/Manifeste_communiste.pdf, page 9.
[14] A titre d’exemples, parmi d’autres, cf. Maurice Dobb et Paul Sweezy (dir.), Du féodalisme au capitalisme : problèmes de la transition, deux tomes, Paris, Maspero, 1977 ; et Trevor Aston et C.H.E. Philpin (éd.), The Brenner Debate: Agrarian Class Structure and Economic Development in Pre-Industrial Europe, Past and Present Publications, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
[15] Je reviendrai dans un prochain article sur la manière dont Thomas Piketty analyse lui-même le passage du féodalisme au capitalisme.
[16] Le premier âge du capitalisme, Tome 3 : Un premier monde capitaliste, Lausanne et Paris, Page 2 et Syllepse, 2019.
[17] On aura compris que ma lecture critique se situe clairement du côté du premier terme de cette alternative et que les références à mes propres travaux qui y sont mobilisées, parmi d’autres possibles, n’ont pour but que de montrer ce que peut produire une confrontation suivie et réfléchie avec Marx.