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Le délai de carence, une épée de Damoclès sur la santé publique
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le gouvernement annonce ce mercredi ses décisions après le débat sur l'immigration, dont une restriction de l'accès aux soins pour les demandeurs d'asile.
Une mesure pas encore en vigueur, mais qui fait déjà parler d’elle. Dans le cadre du Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, mis sur pied dans le sillage du débat sur le même thème organisé à l’Assemblée nationale début octobre, Édouard Philippe doit détailler ce mercredi 6 novembre les 20 décisions de l’exécutif en la matière.
Et parmi elles, l’instauration d’un délai de carence de trois mois pour les demandeurs d’asile avant d’accéder à la protection universelle maladie (PUMa). Jusque-là, un demandeur d’asile pouvait avoir accès aux soins au moment où s’ouvrait sa procédure. Selon cette nouvelle mesure, il lui faudra maintenant attendre 90 jours avant d’avoir accès à la Sécurité sociale de base.
Selon le gouvernement, il s’agit de lutter contre les “abus” et le “dévoiement” du dispositif. Mais pour certains professionnels du secteur, cette mesure est tout simplement “catastrophique”. Auprès du HuffPost, Delphine Fanget, chargée de plaidoyer chez Médecins du Monde, déplore un “recul sans précédent” dans la prise en charge médicale des demandeurs d’asile.
Rappelant que ces derniers arrivent pour la plupart sur le territoire via “un parcours de migration dramatique”, l’humanitaire estime que cette décision ne fait “qu’aggraver la situation”. Selon un rapport de l’Observatoire de Médecins du Monde publié mi-octobre, près d’un demandeur d’asile sur deux ayant sollicité les services de l’ONG nécessitait des soins médicaux (44%). Mais au-delà du seul sort de cette “population très exposée à des problèmes de santé”, la décision du gouvernement n’est pas sans risque en termes de santé publique.
Varicelle, tuberculose, gale...
Rappelons le principe de base. Si l’État soigne les migrants entrant sur le territoire (via la PUMa ou l’AME), c’est autant par devoir humanitaire que par impératif sanitaire. En d’autres termes, mieux vaut s’assurer que ceux venant d’autres continents et qui circulent parmi la population ne soient pas porteurs de maladies infectieuses. Et sur ce point précis, l’inquiétude est grande chez les professionnels.
“Cette mesure expose la population à de réels problèmes de santé publique, il y a des risques infectieux, car des personnes arrivent malades”, s’alarme Delphine Fanget, citant des cas de rougeoles, de tuberculose, de varicelles ou de gales observés dans différents centres médicaux de Médecins du Monde. Une préoccupation qui est partagée au-delà du seul monde médical. “Plus de restriction dans l’accès aux soins, c’est plus de risques sanitaires, plus de précarisation, et plus de pression sur notre système social et de santé, donc de fausses économies sans effets dissuasifs”, alerte dans un communiqué le député ex-LREM Matthieu Orphelin. “On ne va pas demander un délai de carence à la tuberculose”, renchérit, sur LCI, le député PCF, Stéphane Peu.
Vers un embouteillage aux urgences?
Autre conséquence de ce délai de carence, un potentiel embouteillage aux urgences. En effet, n’étant plus couvert par la sécurité Sécurité sociale, les demandeurs d’asile devront en toute logique se détourner de la médecine de ville à la faveur des urgences pour avoir accès à des soins. Une conséquence qui se trouve donc a priori en complète contradiction avec le dispositif dévoilé par Agnès Buzyn après la grève des urgentistes, mobilisés depuis plusieurs mois contre la saturation de ces mêmes services d’urgence. ”Où vont aller ces gens? Vers le dernier endroit où il y a de la lumière. Les urgences hospitalières”,déplore sur RTL le docteur Patrick Bouffard, membre du conseil d’administration de Médecins du Monde.
À en croire l’ONG, ce basculement a été anticipé par Matignon. “On nous a fait savoir qu’en raison de l’instauration du délai de carence, le gouvernement s’attendait à voir une hausse des recours au dispositif de soins urgents et vitaux (DSUV). Et par conséquent, qu’il était maintenant question de ponctionner les budgets de la PUMa et de l’AME pour augmenter celui du dispositif de soins urgents et vitaux”, souligne Delphine Fanget.
Elle dénonce le “cynisme assumé” du gouvernement qui “joue sur l’accès aux soins des demandeurs d’asile dans l’espoir de faire baisser l’immigration”. En d’autres termes, déshabiller Pierre pour habiller Paul, en espérant que la manœuvre n’ait pas de répercussions sur la santé publique.