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Honorer les combattants africains de la Seconde Guerre mondiale : "Un manque et un besoin"

Lien publiée le 22 novembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Yorgui Koli, Compagnon de la Libération, originaire du Tchad. Il débarque en Provence, le 17 août 1944 et participe à la campagne de France jusqu'en novembre 1944.

Yorgui Koli, Compagnon de la Libération, originaire du Tchad. Il débarque en Provence, le 17 août 1944 et participe à la campagne de France jusqu'en novembre 1944. Musée de l’ordre de la Libération.

À l'occasion du congrès des maires de France, cette semaine, une convention a été signée pour la mise à disposition par le ministère des Armées d'une liste de 100 noms de combattants africains ayant participé à la libération de la France. Cette démarche fait suite à l'appel lancé par Emmanuel Macron en août dernier pour que les maires honorent ces soldats.

Soldat Antiègne Porofo, né en 1909 en Côte d’Ivoire, mort pour la France le 16 décembre 1944 à Pierre Bénite (Rhône). Lieutenant Makane Sidibe, né en–1897 au Mali, mort pour la France le 23 mai 1940 à Aulnois (Vosges). Soldat Salem Nacer, né en 1918 en Algérie, mort pour la France le 13 septembre 1944 à Fort de Sapey (Savoie).  Sous Lieutenant Kacem Ben Hattab El Hadi Ben, né en 1915 en Tunisie, mort pour la France le 25 janvier 1944 à San Elia (Italie).

Ces hommes font partie d’une liste de 50 noms de combattants africains ayant participé à la libération de la France au cours de la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci a été rendue publique, jeudi 21 novembre, dans le cadre d’une convention signée par Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées et l’association des maires de France.

"La France a une part d’Afrique en elle"

Elle fait suite à un appel lancé il y a quelques mois par le président Emmanuel Macron. Le 15 août, à l’occasion du 75e anniversaire du débarquement de Provence, le chef de l’État avait invité les maires de France à baptiser rues et places aux noms de combattants africains. "La France a une part d'Afrique en elle et sur le sol de cette Provence, cette part fut celle du sang versé", avait alors insisté le président de la République. "Je lance aujourd'hui un appel aux maires de France pour qu'ils fassent vivre, par le nom de nos rues et de nos places, par nos monuments et nos cérémonies, la mémoire de ces hommes qui rendent fiers toute l'Afrique et disent de la France ce qu'elle est profondément : un engagement, un attachement à la liberté et à la grandeur, un esprit de résistance qui unit dans le courage".

Depuis cet appel, peu d’élus locaux se sont manifestés. Pour les encourager à honorer la mémoire de ces combattants, ils ont désormais à disposition une cinquantaine de noms. Cette liste a été établie par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et le Service historique de la Défense (SHD). "On peut croiser dans pratiquement tous les départements français cette mémoire des combattants coloniaux, soit parce qu’ils ont été des zones de combats, des lieux d’inhumation avec les nécropoles et les carrés militaires ou encore des lieux de sanatorium ou d’entraînement", explique Antoine Grande, le chef du département de la mémoire et des hauts lieux de la mémoire nationale de l’ONACVG qui a travaillé sur cette liste, contacté par France 24. "D’une certaine manière, toutes les régions de France ont une histoire avec les troupes coloniales".

Des combattants célèbres et inconnus

La Bretagne a ainsi accueilli des camps allemands de prisonniers coloniaux notamment à Rennes et à Quimper. La région de Lyon a été marquée par le massacre de tirailleurs en juin 1940, dont 188 sont inhumés dans la nécropole nationale de Chasselay. Dans les Vosges, le tirailleur sénégalais originaire de Guinée Addi Bâ a participé à l’établissement du premier maquis, tandis qu’à Royan le compagnon de la Libération centrafricain Paul Koudoussaragne s’est illlustré en février 1945 dans les combats pour libérer la poche. Tant d’histoires, mais qui pour certaines sont encore bien méconnues. La faute notamment à un manque de ressources. "La difficulté pour les combattants africains, c’est que vous avez des registres d’état civil qui sont aléatoires, avec parfois des erreurs d’orthographe pour le nom ou des dates de naissance erronées, ou encore des parcours militaires assez lacunaires", souligne Antoine Grande. "Si cela était aussi simple que pour les autres combattants, nous n’aurions pas de difficultés à établir des biographies étoffées. Cela montre que nous sommes sur un manque et un besoin".

Malgré ces difficultés, l’ONACVG a choisi de ne pas se focaliser uniquement sur les parcours les plus connus et les plus documentés. "Si nous ne faisions une liste qu’avec des combattants célèbres, nous n’aurions pas besoin d’une telle démarche. Il aurait été facile d’établir une trentaine de noms", décrit Antoine Grande."Au contraire, nous voulons montrer aux maires qu’en partant de leur territoire, nous avons pu retrouver tel ou tel nom. Même si un homme a été oublié en France et en Afrique, on peut quand même réussir à avoir quelques éléments sur son parcours".

La carte des pays d'origine des 50 soldats africains dont le nom et la biographie ont été diffusés aux maires de France

La carte des pays d'origine des 50 soldats africains dont le nom et la biographie ont été diffusés aux maires de France Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG)

Vers une liste d’une centaine de noms

Pour y parvenir, l’ONACVG et le SHD se proposent d’effectuer ce travail de recherche pour une commune ou une collectivité souhaitant honorer la mémoire d’un combattant en lien avec sa ville ou sa région. Leurs équipes peuvent également accompagner des scolaires engagés dans un travail d’histoire et de mémoire. "Nous voulons avant tout ouvrir une porte pédagogique", insiste Antoine Grande.

Car le sujet est toujours sensible. À Sarcelles, une stèle représentant des soldats africains morts pour la France durant les deux guerres mondiales a été vandalisée le 14 novembre dernier juste après les commémorations du 11-Novembre. "Ce type de dégradations montre bien l’importance sociale de ces questions", analyse Antoine Grande. "Il y a toujours la crainte pour certains que si on souligne la spécificité de certains parcours, on gomme la mémoire des autres. Ce qui n’est absolument pas le cas. Cette histoire des combattants africains, c’est une histoire africaine, mais c’est aussi une histoire française". Le travail de l’ONACVG et du SHD se poursuit. D’ici la fin de l’année, ces deux organismes espèrent pouvoir proposer aux maires de France une liste d’une centaine de noms de combattants africains ayant participé à la Seconde Guerre mondiale.