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Pourquoi les médias internationaux boycottent-ils le hirak populaire en Algérie?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
J’ai été interpellé par la déclaration de l’ancien ambassadeur américain à Alger, David Pearce disant qu’il ne comprenait pas la raison du boycott du Hirak populaire en Algérie par les médias internationaux.
“Les protestations en Algérie sont importantes, disciplinées, persistantes, non-violentes, 38 semaines. Incompréhensible qu’elles ne reçoivent presque aucune attention dans les médias internationaux”. L’ancien ambassadeur s’en étonne d’autant qu’il s’agit du “plus grand pays en Afrique, second plus populeux dans le monde arabe. La taille du tiers oriental des États-Unis”.
Ce boycott, les Algériens n’ont pas eu besoin du tweet de l’ambassadeur pour le constater, ils l’observent à l’oeil nu depuis depuis le début du hirak. Le journaliste étranger est absent de la chronique du Hirak, qui est boycotté par les médias étrangers. Ces derniers n’en parlent, juste pour sauver la mise, que comme une information secondaire, en bas du fil des informations internationales. Le hirak a été couvert par quelques journalistes algériens, en tant que correspondants locaux de quelques médias internationaux et arabes qui continuent de s’intéresser au mouvement populaire algérien. Mais c’est une information qui est classée, le plus souvent, bien après l’Irak, le Liban, le Yémen et la Syrie et la Palestine.
Banalisation de la violence et… du pacifisme
Cette dernière, la Palestine, subit une sorte de banalisation médiatique en raison de la durée de cette crise insoluble. L’assassinat des enfants, le déplacement des familles, la destruction des maisons au-dessus des têtes des habitants par les israéliens devient une information “non vendeuse”, comme dirait un rédacteur en chef algérien obsédé par les ventes. L’assassinat de Palestiniens qui dure depuis des décennies n’intéresse plus. Pas même ceux dont c’est la cause et dont on veut les pousser à la résignation et l’acceptation de cette situation comme un fait accompli.
C’est, toute proportion gardée, ce qui arrive au hirak algérien. Non pas seulement du fait de son caractère pacifique, évoqué par l’ambassadeur américain, mais en raison d’une portée internationale et régionale jusqu’à présent absente, contrairement à la situation en Irak et au Liban. Outre le mode d’expression sous forme de marches hebdomadaires, la Silmiya n’est pas vendeuse médiatiquement, surtout si elle se poursuit et dure comme c’est le cas en Algérie, pendant 9 mois. Elle est banalisée, comme dans le cas de la Palestine.
Tout comme la violence quotidienne banalisée n’est pas vendeuse, le pacifisme permanent ne l’est pas non plus et n’incite pas à en parler. Mais ce n’est pas seulement son pacifisme qui a transformé le hirak d’un événement à un “non-événement” dans la presse internationale.
D’autres raisons liées à la nature du système politique algérien lui-même, et sa gestion des affaires médiatiques, entrent en compte. Le système gère les médias, le plus souvent, selon un mode propagandiste, tel que pratiqué par les régimes totalitaires. Ces médias sont utilisés comme moyen de légitimation que le régime algérien et ses élites ne peuvent avoir à travers les mécanismes connus comme les élections. Le journal télévisé du 20h de la TV publique sert de compensation.
Un régime politique algérien a consacré pour lui-même l’image de la fermeture et qui se veut délibérément dissuasif pour l’étranger qui ne vient que contraint et par nécessité. On peut aisément le confirmer à travers l’étrange paradoxe des flux touristiques dans ce pays-continent aux potentialités touristiques naturelles dont ne disposent pas les pays voisins.
Des gardiens plus nombreux que les touristes
Les pays voisins accueillent des millions de touristes alors qu’en Algérie le nombre des touristes étrangers sur l’année est inférieur à celui des véhicules des gendarmes et des policiers qui assurent leur garde dans leur déplacement. C’est le cas aussi bien pour le touriste du Golfe dans les profondeurs du désert ou pour l’occidental à la Casbah.
C’est aussi la situation du journaliste étranger ou du diplomate résident qui s’aventure à quitter son bureau pour essayer de connaître le pays et ses habitants. La compagnie ces anges gardiens ne se justifie pas par une détérioration de la situation sécuritaire, comme cela était le cas par le passé; cela tient surtout la permanence de la mentalité de la fermeture en vigueur chez responsables politiques algériens alors qu’à l’origine, ce devait être une politique provisoire liée aux troubles sécuritaires vécus par le pays.
Les responsables politiques et sécuritaires oublient que les étrangers ont d’autres choix à proximité de l’Algérie où ils sont accueillis à bras ouvert, sans visa, et où on les aide à investir, à s’établir et prendre leurs aises. Pendant ce temps, l’Algérie mène une “politique des visas” utilisée comme un moyen délibéré de fermer le pays au monde extérieur avec des arguments dignes de la logique de la guerre froide et du “mur” de Berlin dont on a commémoré, le 9 novembre dernier, le 30ème anniversaire de sa chute.
Une crise des “visas” qui, je le pense, ne sera pas résolue en définitive par les politiques. Les nouveaux investisseurs dans le secteur de l’hôtellerie touristique finiront par imposer leur logique économique à ces politiciens indécis et sans légitimité. Ces politiciens pérorent depuis des années sur l’ouverture des frontières et la nécessité d’attirer les touristes, sans rien faire sur le terrain. A plus forte raison quand ils découvrent qu’ils peuvent tirer profit, en tant qu’individus et ’intérêts, de cette fermeture même si le pays y perd et que sa fermeture s’accentue.
La peur de l’autre
La politique des portes fermées qui dissuade le journaliste, le touriste et l’homme d’affaires, n’est pas seulement une affaire de personnes, quelle que soit leur position professionnelle ou politique. C’est avant tout une mentalité politique, l’expression d’une peur de l’autre de la part des responsables politiques et sécuritaires qui reproduisent la culture du secret et de la peur sur laquelle ont été fondées sur les institutions centrales de l’Etat algérien. C’est une conséquence de l’histoire politique du pays. Des centres décisions politiques refusent toujours de rompre avec ses aspects négatifs, quitte en cas de besoin à fabriquer des évènements et des ennemis, réels ou fictifs, qui sortent subitement, pour justifier le verrouillage médiatique.
Le pouvoir va se retrouver dans l’embarras avec la tenue des élections présidentielles. Les centres de décision ne peuvent refuser la présence, même temporaire, des médias étrangers, pour des raisons diplomatiques évidentes. Mais ils n’accepteront pas la présence de tous les médias. Ce qu’ils veulent, c’est une présence médiatique internationale minimaliste. Comme des témoins à des élections où la participation sera de toute façon très basse, dans le cas où elles se déroulent dans le calme et sans des frictions dont nul ne peut prévoir l’ampleur en raison du grand rejet populaire qui les entoure. Ce rejet fait l’objet d’un déni officiel que les médias officiels relaient de manière si grossière que même les journalistes les plus obéissants du secteur public ne peuvent plus accepter.
“Le Monde, c’est l’Elysée, le New York Times, la Maison blanche”
Comme d’habitude, la politique de tergiversation connue de l’administration algérienne sera de mise. Il n’y aura pas de refus officiel d’une présence des médias internationaux, mais il n’y aura pas une acceptation franche non plus. On peut s’attendre à ce que dans le meilleur des cas des visas de quelques jours seront accordés à la dernière minute pour la couverture de ces élections. Le régime a en effet besoin que le président dispose d’une légitimité, même si elle est amoindrie.
Cette échéance va encore exacerber les tares politiques des médias publics et privés aux ordres qui fonctionnent avec la logique des années 70 du siècle dernier. Des médias officiels que personne ne lit. Ni le citoyen qui sait à quoi s’attendre; ni même le responsable politique qui préfère lire ce qui a été écrit par Le Monde ou le New York Times avec la certitude qu’il n’est pas devant un média mais devant l’Elysée ou la Maison Blanche. C’est que sa propre expérience au sein du régime lui fait toujours chercher qui est derrière un article ou un média afin de le faire chanter ou de le corrompre.
Traduit par le HuffPost Algérie - Article original paru dans Al Quds Al-Arabi