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Conseil de déontologie: pourquoi nous n’y participerons pas
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les rédactions de l’AFP, Challenges, Europe 1, L’Express, Le Figaro, Franceinfo TV, France 3 National, France Bleu, France Info, France Inter, LCI, Mediapart, L’Obs, Le Parisien, Le Point, TF1, La Tribune, TV5 Monde et 20 Minutes refusent de participer au Conseil de déontologie journalistique et de médiation qui doit se créer lundi 2 décembre. Elles s’en expliquent dans ce texte commun.
Des représentants de la presse française, journalistes et citoyens vont fonder, lundi 2 décembre, le « conseil de déontologie journalistique et de médiation » (CDJM). Nous, sociétés des journalistes (SDJ) et sociétés des rédacteurs (SDR) de l’AFP, Challenges, Europe 1, L’Express, Le Figaro, Franceinfo TV, France 3 National, France Bleu, France Info, France Inter, LCI, Mediapart, L’Obs, Le Parisien, Le Point, TF1, La Tribune, TV5 Monde et 20 Minutes estimons que la création de cette instance suppose des préalables qui ne sont pas remplis. C’est pourquoi nous n’y participerons pas.
La liberté de critiquer les médias est essentielle en démocratie. Il appartient aux citoyens de saisir les instances existantes, notamment la justice, quand il estiment qu’il y a faute ou dérapage.
La manière dont se crée aujourd’hui ce CDJM ne nous inspire pas confiance. Et ce, pour plusieurs raisons :
Il s’agit d’une initiative du gouvernement, qui depuis plusieurs mois sollicite les SDJ et SDR dans le cadre d’une mission confiée par le ministère de la Culture à Emmanuel Hoog, ancien PDG de l’Ina (Institut national de l'audiovisuel) et de l’AFP. À plusieurs reprises, la dernière fois le 17 juillet face au Premier ministre Édouard Philippe, nous avons exprimé notre désaccord avec ce projet. Ce qui ne l’a pas empêché de voir le jour.
Nous ne refusons pas la critique. D’ailleurs, chacun de nos médias tente autant que possible de rendre compte à ses lecteurs de ce qu’il publie et de la façon dont il travaille. Le participatif, les médiateurs, les rencontres avec le public sont autant d’espaces dans lesquels la critique est parfois vive, toujours indispensable. Notre travail est par ailleurs encadré par des chartes de déontologie, pour la plupart d’entre nous. Nous rendons compte également devant la justice. Quiconque s’estimant diffamé peut la saisir.
Si on défend le pluralisme de la presse, il faut aussi défendre la diversité des approches. Nous ne sommes pas identiques et c’est très bien ainsi. Le pire service à rendre aux médias aujourd’hui serait de les contraindre à se plier à une norme artificielle de déontologie. Ce sont les lecteurs qui jugent les journalistes, pas les journalistes qui se jugent entre eux.
À ces réticences, s’ajoute un contexte très français. La création de ce CDJM intervient en effet alors que des signaux alarmants sont donnés. Aux déclarations virulentes de plusieurs responsables politiques à l’encontre de la presse, s’ajoutent deux lois adoptées depuis l’élection d’Emmanuel Macron, marquant un contournement de la loi de 1881 qui garantit déjà la libre pratique de notre métier et la libre information des citoyens.
C’est le cas de la loi sur les fausses nouvelles en période électorale qui autorise une procédure d’urgence dans laquelle un magistrat aura la possibilité de déclarer fausse une information, hors de toute procédure d’offre de preuves, de respect du contradictoire, de souci de la bonne foi – selon les critères précisément de la loi de 1881.
C’est aussi le cas de la loi sur le secret des affaires qui donne à des tribunaux de commerce la possibilité d’être saisis pour défendre l’opacité du monde économique et financier, hors là encore de toute référence à la loi de 1881.
Dans les deux cas, la demande unanime des organisations professionnelles à ce qu’il soit dit, explicitement, dans ces textes, que leurs dispositions ne visaient pas l’exercice normal de la profession de journaliste, lequel relève des procédures ordinaires dans le respect toujours de la loi de 1881, a été refusée par le gouvernement et sa majorité.
Pour toutes ces raisons, nous refusons de tomber dans ce que nous considérons à ce stade comme un piège.
Texte signé par les sociétés des journalistes et sociétés des rédacteurs de : l’AFP, Challenges, Europe 1, L’Express, Le Figaro, Franceinfo TV, France 3 National, France Bleu, France Info, France Inter, LCI, Mediapart, L’Obs, Le Parisien, Le Point, TF1, La Tribune, TV5 Monde et 20 Minutes.