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“Kapital !”, le jeu des Pinçon-Charlot à glisser sous le sapin de vos potes de droite

Lien publiée le 1 décembre 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.lesinrocks.com/2019/11/29/idees/idees/kapital-le-jeu-des-pincon-charlot-a-glisser-sous-le-sapin-de-vos-potes-de-droite/

Les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, spécialistes de la grande bourgeoisie, viennent de sortir un jeu didactique et drôle sur la “guerre des classes”. Un délicieux cadeau empoisonné pour vos amis de droite.

Dans Kapital !, comme dans la vie, tout est politique – même si on ne s’en rend pas forcément compte. Le plateau lui-même est composé de 82 cases, “soit l’espérance de vie moyenne des Français”, indique la notice explicative (qui précise toutefois qu’il y a un écart de “treize ans de vie” entre riches et pauvres !). Avant de commencer, les joueurs lancent le dé. Celui qui fait le plus gros chiffre est le “dominant” de la partie, les autres sont les “dominés”, les deux catégories ayant leurs cartes respectives. Le premier part avec un avantage dans son stock initial de Kapitaux (la monnaie du jeu, répartie en Kapital financier, Kapital culturel, Kapital social et Kapital symbolique). Le but : en accumuler le plus possible et arriver à la dernière case.

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“Mettre à bas les mécanismes de la domination sociale”

Mais c’est au cours de la partie que le jeu prend tout son sens, grâce aux cartes d’actions que l’on tire à chaque tour, et aux cases spéciales (Grève générale, Révolution, Prison et Tous ensemble). Ainsi, dans la langue des sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot (spécialistes de la grande bourgeoisie, et fortement engagés à gauche), qui ont conçu avec espièglerie ce nouveau jeu édité à La Ville brûle, le but devient : “Tenter de mettre à bas les mécanismes de la domination sociale pour gagner la guerre des classes !”

On a testé, et honnêtement, c’est drôle et plein d’enseignements. Tout d’abord, même si c’est un peu cruel pour le joueur “dominant”, le jeu crée des solidarités de classes. Ainsi, quand un dominé pioche une carte incitant à mobiliser sa classe contre la politique antisociale d’un gouvernement composé de “12 millionnaires” (information authentique au début du quinquennat !), cette “colère salutaire” rapporte 10 K symbolique, 10 K social et 10 K financier (vous avez dit prosélytisme ?). C’est tout juste si les quatre dominés ne se high five pas sous les yeux dépités du dominant.

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A l’inverse, on lui fera bien la grimace quand, face à la privatisation des crèches, il faudra lui verser 5 K financier. Très rapidement, chaque joueur apprend à différencier ces concepts sociologiques pas forcément évidents. Les exemples foisonnent dans les cartes, et Monique et Michel ont pensé à tout expliquer à l’encre rouge (forcément) : “Le capital symbolique, c’est le prestige social qui découle d’un nom, d’un titre, d’une fonction, d’une belle adresse : il montre que les autres formes de richesse sont là, sans même avoir besoin de les mettre en avant”, lit-on par exemple.

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>> A lire aussi : Monique Pinçon-Charlot : “Macron est monté d’un cran dans la violence de classe”

“Le joueur dominant se sent fort mal à l’aise”

Revenons au jeu. Il devient plus ludique lorsque les cartes action ne se contentent pas de provoquer des échanges monétaires, mais mettent au défi les joueurs. Par exemple, en leur demandant de chanter ou de créer un chant révolutionnaire, ou d’inventer des slogans contre la privatisation de la SNCF ou pour faire comprendre aux ultra-riches l’urgence climatique en cours (des K culturels et sociaux sont à la clé). “Ils sont forts, car tout le monde va inventer des slogans pour les manifs !”, nous fait remarquer une camarade (euh, une collègue).

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Bref, les effets des politiques publiques et des inégalités qu'elles créent se font bien sentir dans ce jeu – “J’ai déjà plus d’argent !”, se plaint une joueuse dépouillée en quelques coups de privatisations. A cette réflexion, et après un coup d’œil aux billets qui s’accumulent devant elle, la joueuse dominante fait part d’un ressenti : “Le joueur dominant se sent fort mal à l’aise !” Mais heureusement, comme l’histoire est pleine de surprises – personne n’avait prévu les Gilets jaunes ! –, la case spéciale “Révolution” renverse le jeu : “Tous les billets de Kapitaux des joueurs sont mis au centre, comptés et redistribués équitablement entre les joueurs.” Une belle expérience de collectivisation, étrangement prise en main avec enthousiasme par les dominés ! Ce premier jeu de sociologie critique est donc une réussite. Impeccable pour faire grincer des dents sous le sapin !

Kapital !, de Monique Pinçon-Charlot - Michel Pinçon - Etienne Lécroart, éd. La Ville brûle, 35 €.

A retrouver sur Les Inrocks Store.