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Terminus pour le monopole de la SNCF
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2019/12/04/terminus-pour-le-monopole-de-la-sncf/
Alternatives économiques, 3 décembre 2019
Ce mardi, pour la première fois depuis 82 ans, la SNCF n’est plus en situation de quasi-monopole sur le train français… Mais cela ne va pas changer grand-chose dans l’immédiat. Explications.
Après 82 ans de quasi-monopole, la SNCF est soumise à la concurrence depuis ce mardi. Que va-t-il se passer ? Des centaines d’entreprises privées et étrangères vont-elles débarquer en France ? Les petites lignes seront-elles sacrifiées faute d’être suffisamment rentables ? De nouvelles entreprises low cost vont-elles dégrader les conditions de travail de tout le secteur ? En réalité, l’ouverture du train à la concurrence ne va rien changer pour l’usager à court terme… et probablement pas grand-chose non plus à long terme. Explications.
1/ Il y a concurrence et concurrence
L’ouverture de la concurrence en matière de ferroviaire ne sera pas un vaste marché qui ouvrira ses portes d’un seul coup, et où des centaines d’appétits avides s’engouffreront. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut tout d’abord différencier deux types de concurrence : l’ouverture à la concurrence « pour le marché » et « sur le marché ».
Depuis ce mardi, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM : l’Etat et les régions) qui le désirent, peuvent lancer des appels d’offres auprès d’entreprises privées pour exploiter une ligne subventionnée. La région Grand-Est peut désormais, par exemple, lancer un appel d’offre pour la ligne Strasbourg-Metz dont elle a la charge. Si l’entreprise espagnole Renfe lui semble la plus pertinente pour gérer la ligne, elle peut, à l’issue de la procédure, lui confier le soin de faire circuler des trains sur cette ligne. Attention toutefois : la région garde la main sur la plupart des manettes. C’est elle qui fixe le montant des subventions, le nombre de trains par jour, le prix du billet… Exactement comme elle le fait aujourd’hui avec SNCF Mobilités. L’ouverture de la concurrence n’est donc pas une révolution. La puissance publique garde la main sur l’ensemble de la commande. Seule l’exploitation est confiée à un exploitant privé. C’est ce qu’on appelle la « concurrence pour le marché ».
Depuis ce mardi, l’Etat et les régions peuvent lancer des appels d’offres auprès d’entreprises privées pour exploiter une ligne subventionnée
Il existe une autre forme de concurrence, dite « sur le marché ». Celle-ci est plus classique : l’Etat ouvre une ligne à la concurrence sans appel d’offres, plusieurs opérateurs peuvent faire circuler leurs trains sur une même ligne. Il s’agit généralement d’axes rentables qui n’ont pas besoin de subventions, à l’image des TGV Paris-Lyon ou Paris-Lille. La concurrence n’y est donc pas contrôlée par une AOM, mais simplement encadrée par un régulateur pour assurer la sécurité, comme c’est le cas pour les lignes d’avion ou de bus.
Enfin, il n’existera pas de concurrence sur l’infrastructure (le rail lui-même). Le ferroviaire constitue ce que les économistes appellent un « monopole naturel ». Aucune entreprise n’a intérêt à construire sa propre voie à côté d’une voie existante pour y faire circuler ses trains. Pour gérer l’infrastructure, il existe donc partout en Europe une autorité publique. En privatisant le ferroviaire en 1994, le Royaume-Uni s’est essayé à confier à une entreprise privée (Railtrack) la gestion du réseau. Suite à des accidents successifs, le gouvernement britannique a décidé en 2002 de reprendre le contrôle en transformant Railtrack en Network Rail. En France, SNCF Réseau continuera donc de gérer et d’entretenir l’infrastructure, en faisant payer des péages à chaque train qui circule sur ses rails.
2/ Le temps ne presse pas
Si l’ouverture à la concurrence « pour le marché » est possible depuis ce mardi, les premiers trains concurrents de la SNCF ne sont pas prêts de rouler.
D’une part parce que cette ouverture n’est pas obligatoire avant 2023. L’Etat compte d’ailleurs prendre son temps pour ouvrir à la concurrence les trains Intercités. La SNCF reste, pour le moment, en situation de monopole sur ces lignes. Même stratégie pour les régions, qui gèrent les TER : certaines repoussent les échéances parce qu’elles ne sont pas prêtes à s’ouvrir à la concurrence, d’autres parce qu’elles ont fait du train un marqueur politique, à l’image de la région Occitanie. En théorie, cette dernière peut signer jusqu’au 31 décembre 2022 une nouvelle convention avec la SNCF (de maximum dix ans), de sorte que l’ouverture à la concurrence n’ait pas lieu avant 2033 !
Certaines régions repoussent les échéances parce qu’elles ne sont pas prêtes à s’ouvrir à la concurrence, d’autres parce qu’elles ont fait du train un marqueur politique
D’autre part, la procédure est particulièrement longue pour ceux qui veulent se lancer dans l’aventure. Les régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) et Grand-Est ont, par exemple, déposé il y a plusieurs mois au Journal officiel de l’Union européenne une prénotification d’ouverture à la concurrence pour informer les acteurs. Cette phase dure un an. Ensuite, ces deux régions pourront lancer un appel d’offres, qui prendra douze à dix-huit mois avant d’aboutir au choix du nouvel opérateur. Il faut enfin attendre seize mois entre cette décision et le premier train exploité par le nouvel opérateur, un délai légal incompressible de préparation, notamment sur le plan social. Bref, dans le scénario le plus court, les premiers TER non SNCF circuleraient début 2023. Faut-il attendre une révolution à cette date ? Pas vraiment, car PACA et Grand-Est, les régions les plus pressées, n’ont décidé de lancer des appels d’offres que sur quelques lignes (dont l’importante Nice-Marseille). Un marché que, par ailleurs, la SNCF peut tout à fait remporter !
Concernant la concurrence « sur le marché », le calendrier est différent. La concurrence est en fait déjà ouverte sur les liaisons internationales : rien ne vous empêche de faire un Paris-Milan avec Trenitalia (la SNCF italienne). Dès décembre 2020, la compagnie italienne et les autres pourront concurrencer la SNCF sur des lignes franco-françaises. Tout comme la SNCF peut concurrencer Trenitalia en Italie ou d’autres ailleurs, elle par exemple d’annoncer qu’elle s’attaquera au marché espagnol dès la fin de l’année prochaine.
Mais la concurrence devrait rester limitée. Entrer sur un tel marché (ou en sortir) n’est pas simple. Cela demande de gros moyens financiers, une certaine expertise et une attitude fair play de la part de l’opérateur historique. Or, les concurrents privés se plaignent souvent qu’elle n’existe pas, comme NTV en Italie. De même, en profitant de sa position en France, « la SNCF a probablement tué toute concurrence potentielle sur le marché du TGV en lançant Ouigo [son offre de TGV low cost, N.D.L.R.], analyse Yves Crozet, économiste des transports à l’université Lumière de Lyon. Il devrait donc y avoir peu de concurrents sur ce segment. »
3/ Concurrence « pour le marché » : les enseignements allemands et britanniques
Le mode de concurrence « pour le marché » est appliqué depuis des années par des pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni. Pour rappel, il fonctionne sous forme de délégation, comme pour les transports en commun urbains en France. Un donneur d’ordre public confie, pour une durée déterminée, l’exploitation de son réseau (ou seulement une partie) à une entreprise privée, après un appel d’offres. Il peut le faire de deux façons : par lot de lignes, comme au Royaume-Uni, ou ligne par ligne, comme en Allemagne.
Autre différence entre les deux pays : le degré d’ouverture de leur système ferroviaire. Les Britanniques ont choisi de démanteler l’opérateur historique en 1994. Aujourd’hui, 90 % des trains sont soumis à concurrence. Les Allemands ont en revanche conservé la Deutsche Bahn et l’ont soumise à concurrence, après que l’Etat a purgé l’essentiel de sa dette (35 milliards d’euros) pour lui permettre de repartir sur de bonnes bases. Malgré une montée en puissance ces dernières années, les concurrents n’ont pas réussi à détrôner la Deutsche Bahn, qui fait encore rouler 88 % des trains en Allemagne.
4/ Concurrence « sur le marché » : les enseignements italiens
L’Italie a depuis longtemps déjà ouvert ses lignes de TGV à la concurrence. L’arrivée de NTV, compagnie privée et principal concurrent de l’opérateur historique Trenitalia, a eu des résultats contrastés. Côté pile, la concurrence a permis d’augmenter l’offre et la fréquentation, de faire baisser les prix et d’améliorer le service à bord, à la fois sur les trains NTV et Trenitalia. Côté face, NTV n’a quasiment jamais gagné d’argent depuis sa création en 2006. La SNCF, alors actionnaire à près de 20 %, s’est même retirée en 2015.
La concurrence « sur le marché » permet aux entreprises privées de se partager les lignes les plus rentables sans avoir à assumer le coût des plus petites
Par ailleurs, le dynamisme de la grande vitesse n’a pas profité aux lignes secondaires, qui sont toujours au cœur d’une crise de fréquentation qui les frappe depuis de nombreuses années. C’est la principale limite de l’open access : permettre aux entreprises privées de se partager les lignes les plus rentables sans avoir à assumer le coût des plus petites.
5/ Plus, c’est mieux ?
En France, certaines lignes intérieures sont déjà exploitées par des entreprises privées, à l’instar de Guingamp-Paimpol (Transdev). Pour le reste, les leçons de l’étranger doivent être tirées prudemment. Il est difficile de comparer des pays aux densités de population différentes : la Suisse et les Pays-Bas profitent par exemple de leur territoire à la fois assez peu étendu et très dense, particulièrement favorable au train. Ainsi, les Pays-Bas affichent un taux d’utilisation de leur réseau de 50 %, loin devant le Royaume-Uni (33 %), l’Allemagne (27 %), l’Italie (21 %) et la France (16 %).
Par ailleurs, les dynamiques ferroviaires dépendent de facteurs externes qui ne sont pas forcément imputables à la gestion de l’infrastructure et des trains. Ainsi, la crise du fret ferroviaire français, souvent imputée à l’ouverture de la concurrence en 2003, est largement antérieure et vient d’abord de la crise économique et de la concurrence de la route.
Les performances des réseaux français, britanniques et allemands sont proches en matière de ponctualité et de sécurité
En gardant ces limites à l’esprit, il est possible de tenter des comparaisons entre pays similaires, comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Globalement, les trois pays ont des réseaux de trains performants, et la France n’a pas à rougir, comme en témoigne une étude du Boston Consulting Group. Selon un groupe de travail de la Commission européenne, les performances des réseaux français, britanniques et allemands sont proches en matière de ponctualité et de sécurité. Contrairement à une idée reçue, le rail britannique est désormais le plus sûr d’Europe, selon une étude du gendarme européen du rail.
Les différences se font surtout sur le coût : faire rouler un train revient très cher en France. Cela s’explique en partie par la composition du réseau tricolore, avec de petites lignes peu fréquentées assez étendues qui ne permettent pas de faire les mêmes gains d’échelle que les lignes très fréquentées. Résultat : le ferroviaire français est, rapporté au coût par kilomètre, le deuxième système européen le plus cher après le réseau grec, selon les calculs de la Commission européenne. Cela s’explique aussi par un déficit de productivité de SNCF Réseau (gestionnaire de l’infrastructure) et de SNCF Mobilités (responsable des trains de voyageurs). De ce point de vue « une dose de compétition est favorable à la performance du ferroviaire », juge Christian Desmaris, économiste des transports à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lyon. Les mauvaises performances de la SNCF doivent cependant aussi être mises en regard des choix souvent douteux de son actionnaire principal : l’Etat.
Malgré le coût de production élevé du système ferroviaire en France, le coût du billet pour l’usager est plutôt faible
Malgré le coût de production élevé du système ferroviaire en France, le coût du billet pour l’usager est en revanche plutôt peu onéreux, car les pouvoirs publics subventionnent fortement le fonctionnement. A l’inverse, les Britanniques investissent beaucoup d’argent public (9 milliards d’euros en 2016) pour moderniser leur réseau, un montant supérieur à la France (7,9 milliards d’euros en 2016), malgré un réseau moins étendu.
Le dernier « arbitre » du jeu des comparaisons concerne l’évolution de l’offre et de la fréquentation ferroviaires. Côté fréquentation, le rail britannique a affiché d’excellentes performances, grignotant des parts sur la route. L’ouverture à la concurrence a également permis d’augmenter l’offre de trains au Royaume-Uni, mais surtout en Allemagne. Mieux : outre-Rhin, certaines petites lignes délaissées (La Deutsche Bahn a arrêté d’exploiter 12 % de ses lignes entre 2000 et 2012) ont été reprises par des entreprises privées, notamment grâce à une politique active de nombreux Länder, qui continuent de miser sur ces trains de proximité.
6/ Au-delà de la concurrence
Plus que l’ouverture à la concurrence, le point commun des systèmes ferroviaires performants réside dans deux éléments structurels. Les spécialistes s’accordent à dire qu’un système ferroviaire de qualité nécessite un important soutien public. Un élément confirmé par le Boston Consulting Group, ou encore par l’exemple suisse, champion européen de la part des déplacements en train et qui dépense désormais autant pour son réseau ferroviaire que routier.
L’autre élément décisif tient dans l’expertise de la commande publique. L’Etat fédéral suisse et les cantons ont ainsi acquis une grande expertise technique doublée d’une exigence de qualité de service auprès de l’exploitant. L’opérateur historique suisse, CFF, a dû se moderniser pour répondre à ces exigences et doit respecter scrupuleusement un cahier des charges rigoureux. Résultat : bien que la Suisse ait sur le papier un système ferroviaire ouvert à la concurrence, CFF exploite quasiment seul le réseau…