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En France, des inégalités de patrimoine encore vertigineuses
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le patrimoine net des 10% les plus aisés est 43 fois supérieur à celui des 50% les plus pauvres selon des chiffres publiés dans la revue Economie et Statistique publiée ce mercredi.
Les écarts de patrimoine en France sont loin de se résorber. Dans un article paru dans la revue Economie et statistique ce mercredi 18 décembre, les auteurs Bertrand Garbinti (Banque de France et Crest) et Jonathan Goupille-Lebret (université de Lyon), montrent que si la concentration du patrimoine entre les mains des 10% les plus riches a diminué au lendemain de la révolution française, elle a tendance à repartir à la hausse depuis les années 80. A la fin de l'année 2014, le patrimoine net moyen par adulte était d'environ 195.000 euros. Derrière cette moyenne se cachent d'immenses disparités. En effet, le patrimoine possédé par les 10% les plus aisés était d'environ 1,075 million d'euros contre 25.000 euros pour les 50% les plus pauvres et 189.000 euros pour la classe moyenne (les 40% restants). Pour la même année, le patrimoine net par adulte du top 1 % était de 4,6 millions d'euros. Cela veut dire que le patrimoine des 1% les plus aisés est 172 fois supérieur à celui des 50% les plus pauvres.
Si les politiques de redistribution et de transferts ont permis de limiter la concentration du patrimoine en France par rapport à d'autres pays, la récente publication de l'ouvrage de Thomas Piketty, Capitalisme et idéologie, a relancé le débat sur les inégalités et les discours qui tentent de les justifier. Dans son livre, le célèbre économiste s'est notamment intéressé à la montée en puissance de l'idéologie "propriétariste" au cours du 19ème siècle et ses limites pour mettre en perspective les fondements théoriques et historiques de telles disparités.
Deux siècles de disparités patrimoniales
Dans leurs travaux, les économistes ont distingué trois périodes sur les deux derniers siècles. Durant la période post-révolutionnaire jusqu'à la veille de la Première guerre mondiale, les auteurs notent que "un niveau extrême de concentration du patrimoine perdure". Les 10% des personnes les plus riches possèdent près de 80% du patrimoine au total. A l'opposé, les catégories les plus pauvres se partagent le reste des actifs. Pour les chercheurs, il n'existe pas de classe moyenne sur cette première période.
Après le premier conflit planétaire, les inégalités vont avoir tendance à diminuer de manière spectaculaire. "La part du patrimoine détenue par le top 10 passe de 85% en 1910 à 50% au milieu des années 80. Dans le même temps, celle détenue par la classe de patrimoine moyen augmente fortement, de 14% à 41%" décrivent les auteurs.
Entre les deux guerres mondiales, la chute des inégalités peut s'expliquer par plusieurs facteurs comme "la destruction du capital lors des conflits, le développement d'une fiscalité progressive sur les revenus et le successions, des périodes de dépression et d'inflation". Après la Seconde guerre mondiale, la montée en puissance de la classe moyenne va permettre de réduire les disparités. "Après les événements de 1968, la croissance des salaires et le tassement de la hiérarchie salariale aboutissent à une plus grande capacité d'accumulation pour la classe moyenne" ajoutent les économistes.
La rupture des années 80
La fin des années 70 et le début des années 80 vont marquer un tournant dans l'évolution des inégalités de patrimoine. Ainsi, la part du patrimoine détenu par les 1% les plus aisés va croître de manière quasi continue. "Ce retournement de tendance coïncide avec le mouvement de dérégulation des marchés financiers, et plus largement les politiques dites « des 3 D » (Désintermédiation, Décloisonnement et Dérèglementation) engagées au début des années 1980" indique l'article. Cela s'est traduit par un accroissement de l'économie de rente.
L'un des résultats frappants de l'étude est l'explosion des actifs financiers et leur prépondérance dans le patrimoine des 1% les plus riches à partir du milieu des années 80 . Dans le même temps, les actifs professionnels ont tendance à se réduire considérablement tandis que le poids des actifs immobiliers demeure relativement stable sur les dernières décennies. Les inégalités peuvent ainsi varier en fonction de la valeur du prix des actifs (immobiliers et financiers).
"Cela apparaît clairement autour des années 2000, quand le CAC 40 atteint son maximum historique avant de s'effondrer suite à l'éclatement de la bulle internet, tandis que les prix de l'immobilier continuent d'augmenter. La hausse des prix de l'immobilier couplée au choc négatif sur les actifs financiers entraîne une baisse des inégalités entre la classe de patrimoine moyen et les individus les plus fortunés. L'effet est toutefois ambigu et il n'est pas question de conclure que toute hausse des prix de l'immobilier est un facteur positif de décroissance des inégalités. En effet, si une hausse des prix de l'immobilier semble mécaniquement « enrichir » les ménages déjà propriétaires, elle constitue aussi un frein à l'accès à la propriété pour les ménages qui ne sont pas propriétaires et en particulier pour les plus jeunes".