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Edito sur la situation
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https://aplutsoc.org/2020/01/18/devant-nous-editorial-du-18-01-2020/
Élèves et profs dans la cour du premier lycée où les épreuves du faux Bac Blanquer n’ont pu se tenir. Photo Snes-Fsu.
Oui, réalistes et donc pas pessimistes.
Notre camarade Olivier Delbeke, interviewé comme syndicaliste CGT par Le Monde du 16 janvier, explique que «Les gens sont du côté du mouvement», puis, à la question de la journaliste «Pourquoi, alors, les gens ne se mobilisent pas plus ?», il affirme n’être nullement pessimiste, et il est donc optimiste, mais de l’optimisme du réalisme : si le pas est sauté alors «ça peut devenir très puissant, d’une façon qu’on n’a pas connu depuis longtemps. Si on n’y arrive pas là, ce ne sera que la fin du premier round.»
Le pessimisme qu’on veut nous imposer.
Selon les médias et le gouvernement, c’est fini, ça devrait être fini, ça devrait être bientôt fini … on assisterait au «baroud d’honneur», à la «giletjaunisation», à la «radicalisation minoritaire» d’un mouvement qui n’aurait que trop duré (mais qui, mystérieusement, persiste à recueillir dans les sondages des plus officiels instituts un soutien ultra-majoritaire). L’heure de la violence minoritaire aurait même, parait-il, sonné, à en juger par les commentaires que leur inspirent les trois incidents de ce vendredi 17 janvier que sont le blocage du Louvre, la petite invasion du siège de la CFDT et l’exfiltration de Macron d’une salle de théâtre.
En somme, ils voudraient nous rendre pessimistes pour nous faire accepter l’inacceptable : la destruction de tous les droits sociaux et celle des libertés démocratiques restantes.
L’inquiétude des acteurs de la lutte.
Mais beaucoup de militants sont, et c’est bien naturel, pessimistes ou, du moins, inquiets.
Cela s’exprime de deux façons.
Il y a ceux qui déplorent que «le privé» et plus généralement «les gens» ne partent pas en grève généralisée sinon générale, alors qu’ils font tout pour y arriver et pensent dans une certaine mesure que leurs organisations (CGT, CGT-FO, FSU et Solidaires) font tout elles aussi : c’est ce responsable École Émancipée de la FSU qui salue le fait que «les appels de l’intersyndicale appellent explicitement à la grève reconductible», et qui vitupère «les gauchistes» pour qui quand ça va pas,«c’est forcément les directions», mais ce sont aussi, dans un autre registre, ces militants CGT sur la brèche depuis des semaines qui, tout en s’interrogeant parfois sur la méthode des blocages et des barrages de troupes militantes qui ne sont pas des piquets de grève pour autant, s’inquiètent de rencontrer assurément une large sympathie, mais que la grève ne «parte» pas, et ce sont bien entendu ces cheminots et ces traminots qui voient arriver les retenues violentes et impitoyables sur la paye de janvier et expliquent à juste titre qu’il faudrait que «ça s’étende», que «la grève s’étende».
Et il y a ceux qui voudraient lancer la dénonciation des directions qui n’ont pas fait en sorte à leurs yeux que ça débouche. Le camarade Eninel du métro nous écrit qu’à son avis c’est plié, «les saboteurs» ayant fait leur travail, qui plus est, relayés selon lui par les mêmes «gauchistes» dénoncés d’un autre point de vue par le camarade que nous citions au paragraphe précédent. Notre camarade Marc Lévy dénonce «la duplicité de la direction confédérale de la CGT» qui appelle tout le temps à l’action et finit par fatiguer ses propres militants, et oppose «DES grèves PARTOUT» à «LA grève», «l’appel déterminé à tous les secteurs et à toutes les autres organisations à engager la lutte jusqu’au retrait.»
La plupart des travailleurs et des militants engagés dans cette grande bataille ont un sentiment de malaise quand on leur explique que «les directions», en tout cas celle de la CGT, ou de toute l’intersyndicale CGT/FO/FSU/Solidaires, sont irréprochables, mais ils savent souvent mal l’exprimer et ils ont souvent autre chose à faire – étendre la grève et nouer des contacts dans toutes les directions, justement.
Et inversement, si on leur explique que c’est perdu à cause des mêmes directions, ceci ne correspond en rien à leur sentiment profond, et ils ne voient pas très bien quoi leur reprocher au juste, et, là aussi, ils ont autre chose à faire.
Méthode.
Tout cela est explicable par la façon dont la situation s’est réellement développée ces dernières semaines. On doit certes l’analyser en utilisant les éléments d’analyse que nous fournit la tradition politique du «marxisme» (pour le dire vite), mais on doit l’analyser en partant du mouvement concret lui-même et pas en plaquant sur lui des schémas, conduisant à la limite, dans les deux types d’inquiétudes légitimes que nous rencontrons et qui viennent ici d’être rapidement présentés, soit à incriminer «les gens», soit à incriminer «les directions» (voir à incriminer les deux). Or, c’est précisément si on analyse le mouvement réel à partir de son développement réel – soi-dit en passant ça devrait être cela, le «marxisme» ou quelque nom qu’on lui donne – que l’on saisit que tout cela n’est en rien fini, que le pessimisme est en l’occurrence erroné, que le gros de l’affrontement est certainement devant nous.
C’est en fonction de cela qu’il faut trouver comment «aider les masses» à avancer. Déplorer qu’elles ne «bougent» pas plus ne les fera pas avancer, d’autant que c’est ignorer ce qu’elles font déjà réellement la plupart du temps. Leur annoncer que «les directions» forment un mur infranchissable et que, comme des camarades d’un groupe se voulant marxiste révolutionnaire nous ont récemment proposé de le leur expliquer dans un tract, « le gouvernement n’a aucun souci à se faire» à cause des dites directions, ne serait rien d’autre qu’une autre façon, non de combattre lesdites directions, mais de démoraliser les plus larges masses (à ceci près qu’elles ne lisent même pas ce genre de tract).
La politique des directions syndicales.
Les directions de l’intersyndicale CGT/FO/FSU/Solidaires appellent en effet à «des grèves».
Mais elles ont depuis le début décidé qu’on allait s’installer «dans la durée» et cela, c’est particulièrement terrible quand on demande en même temps d’être en «grève reconductible» et que LA grève, pas la «grève reconductible» localisée ou sectorielle, mais la grève de tous, a été engagée par les cheminots, les agents RATP et beaucoup d’enseignants.
Elles évitent effectivement dans leurs communiqués l’expression, aujourd’hui courante pourtant, de «grève générale».
Et elles participent aux fausses négociations du gouvernement, quitte à les dénoncer : tous annoncent qu’ils se rendront, s’ils sont invités, et veulent l’être s’ils ne le sont pas, à la «conférence de financement» annoncée par Édouard Philippe et demandée par la CFDT, et qui n’est rien d’autre qu’une conférence de mise en œuvre du projet dont CGT, FO, FSU et Solidaires exigent le retrait.
Ces faits : installation dans la durée au risque de l’épuisement (cela dès avant les vacances de Noël…), évitement de formules, d’appels et d’initiatives unifiant et généralisant de manière explicite, comme «grève générale pour le retrait» et pas seulement «allez-y, faites des grèves !», et participation persistante à ce qu’eux-mêmes dénoncent comme des mascarades, ces faits sont des questions politiques bien réelles qui pèsent sur les conditions réelles de la lutte.
Il faut donc les expliquer.
Parler de manque de combativité n’explique rien, car il faut parfois une combativité formidable pour dépenser l’énergie requise par la lutte «dans la durée» et dans tous les sens.
Parler de trahison en général ne rime à rien : on parle ici d’organisations qui sont nos organisations et auxquelles nous voulons faire jouer leur rôle et en l’occurrence leurs directions n’opèrent aucune virevolte mais perpétuent une attitude solidement ancrée, nullement nouvelle, tout à fait prévisible, et même attendue. Laquelle ?
Celle de l’évitement maximum de l’affrontement social et politique central et donc de l’évitement de la victoire. C’est d’ailleurs pour cela que, par en bas, a été imposé le «mur du 5 décembre» : pour forcer la situation en ouvrant une crise dans laquelle cet affrontement serait possible et gagnant. Et nous y sommes.
Nul, parmi ces dizaines de milliers de travailleurs, de militants, de gilets jaunes, ne s’attendait à ce que, passé le mur, ça aille comme sur des roulettes. Mais ils ont engagé la bataille et ils ont eu raison. Et ils ont démontré notre capacité à gagner, par le 5 décembre et à nouveau par le 9 janvier, et, on va y revenir, par ce qui s’annonce.
La politique dont a besoin notre classe.
Si nous disons que parler de manque de combativité n’explique rien, et que parler de trahison ne rime à rien, c’est parce que c’est pointer ce qui permet de gagner qui explique et qui sert.
Que manquait-il pour gagner ? Si les directions avaient appelé, après le 5 décembre ou après le 9 janvier, à la grève générale pour le retrait avec montée sur l’Élysée, nous aurions gagné. Et nous aurions aussi renversé Macron et ouvert la crise du régime, la crise révolutionnaire. C’est pour cela qu’elles ne l’ont pas fait.
Ce mur-là est-il infranchissable ? Non. Mais son franchissement appelle une condition, qui consiste précisément dans ce qui se recherche en profondeur : de l’auto-organisation, de l’auto-organisation, et encore de l’auto-organisation.
Deux faits majeurs.
L’intersyndicale a dû se constituer sur le mot d’ordre de retrait, mais elle a peur du retrait de Macron et de son régime qui serait ainsi produit. Qu’elle soit entourée, de comités de grèves élus, de collectifs, de réseaux, faisant d’elle un exécutif intégré à la volonté commune, voila le scenario idéal. Bien entendu la réalité ne s’y conformera pas. Nous ne savons pas exactement quelle forme elle prendra. Mais si on s’intéresse vraiment au mouvement réel, on peut s’en faire une idée.
Les deux faits majeurs des derniers jours sont l’extension désordonnée (en apparence désordonnée) des formes d’auto-organisation que l’on pourrait qualifier de rhizomatiques, et la montée d’un second mur après celui du 5 décembre, le «mur des E3C».
Revenons sur ces deux aspects décisifs.
Pas canonique : rhizomatique !
Nous avons toujours écrit que la marche à l’auto-organisation serait un processus difficile. De plus ce n’est pas un processus canonique. Nous l’abordons forcément avec notre tradition politique (les soviets !) et nos souvenirs militants (les AG véritables et les comités de grève que nous savons rechercher). Ces formes se dessinent parfois, mais elles sont emportées dans un flux qui peut sembler tantôt les liquider, tantôt les porter à une échelle supérieure.
Certes il est idéal, et nécessaire, de réaliser de vraies assemblées générales désignant de vrais délégués à des comités de grève intégrant les syndicats. Certes : la preuve, le piétinement dans la pétrochimie. Voila deux mois que la FD Chimie CGT qui passe pour oppositionnelle et se pose en «dure de dure» annonce qu’on va voir ce qu’on va voir, et on ne voit rien, en tout cas pas de pénurie (décevant les cheminots). Mais à aucun moment elle n’a voulu réellement faire en sorte que tous les ouvriers du secteur se réunissent pour décider eux-mêmes. Ils sont appelés tous les deux-trois jours à des «actions», éventuellement musclées, et quelques fois sauvées par les barrages d’équipes militantes, en grande partie extérieures – à ne pas confondre avec des piquets de grève : ça peut y ressembler beaucoup mais ça n’en est pas. Ils se rappellent 2010 et 2016 et ne veulent pas perdre des semaines de salaires pour rien au bout.
Ils iront, tous ensemble, s’il y a un appel clair tous ensemble et que la pénurie des carburants pour aider la grève générale est le but affiché, pas si on leur dit et re-dit «blocage pendant trois jours ce coup-ci ! Allez-y les gars, montrez vos muscles !». Des muscles ils en ont, mais pour servir.
Cet exemple important montre que la question des vraies AG, auquel le syndicat doit ouvrir la voie en montrant qu’il fait confiance aux salariés, et à partir d’elles des comités de grève, est bien réelle.
Cela dit, et aussi compte-tenu de ces difficultés qu’il intègre, le mouvement réel crée des formes. Cela s’est déjà produit avec les gilets jaunes qui sont un ingrédient fort de l’évolution à présent généralisée des formes d’auto-organisation. Elles sont souvent rhizomatiques, disions-nous, c’est-à-dire qu’elles font réseaux, et adorent court-circuiter les secteurs, les branches, les localités et les échelons (et bien entendu les organisations, tout en les reconnaissant comme des réseaux qu’il faut se rendre utiles).
A l’Institut géographique national où intervient comme syndicaliste notre camarade Olivier, un «comité de grève» est apparu qui a cherché au travers de tournée de bureaux systématique à entraîner les 900 personnes du site central dans l’action sous une forme ou une autre. C’est d’autant moins un comité de grève canonique qu’il n’y a pas ou pas encore de grève en dehors des journées d’action, mais il se vit comme comité de préparation à la grève et les gens s’en saisissent. Dans l’Allier, où intervient comme syndicaliste notre camarade Vincent, responsable FSU, celui-ci a proposé à la première AG significative d’enseignants et d’autres personnels de l’enseignement, permise parce que des réunions nombreuses l’avaient précédée dans certains établissements, de lancer un «comité départemental de grève de l’enseignement public» qui a réellement pris forme dans une AG tenue après invasion de l’inspection d’académie quelques jours plus tard. Mais celui-ci n’a pas reproduit, pour l’heure, la forme de 2003 (une sorte d’intersyndicale élargie avec des délégués d’AG se réunissant au centre du département). Il est devenu la référence de dizaines de profs, en lycées, collèges et écoles, et pas que des profs, englobant les 4 syndicats, et via notamment un groupe Whatsapp, drainant des cheminots, et s’étendant à d’autres secteurs professionnels, de façon totalement «incontrôlée». On va s’en plaindre ? Certainement pas nous !
Sans aucun doute, ce genre de développement est en train, depuis décembre, de couvrir le pays d’une espèce de toile d’araignée souterraine. La vieille taupe qui creuse devient la tisseuse arachnéenne des nouveaux réseaux de l’auto-organisation. Il est probable que le comité des grévistes RATP-SNCF sur Paris, avec sans doute une surreprésentation de groupes politiques en son sein et les conséquences compliquées que ceci peut avoir, est au moins en grande partie une forme de ce type. Et ce développement à la fois extensif et intensif n’est en rien un obstacle à des formes plus massives, sous formes de vraies assemblées de masse, qui viendront à leur heure si nous sommes nombreux à mener la bataille politique pour leur ouvrir la voie. Ne prescrivons pas des formes mais aidons à ce que le courant casse le barrage !
Nous ne confondons pas de tels réseaux en train de se démultiplier, où la professeure d’école rencontre le cheminot et tous deux la femme de ménage de l’EHPAD, avec cette autre forme canonique mais devenue peu productive qu’était l’«AG interpro» de plusieurs mouvements précédents, le plus souvent autoproclamée. Des couches nouvelles, des couches plus larges, ont commencé à construire leur unité, leur «interpro» dans leurs formes à elles.
Nous ne les confondons pas non plus avec les équipes volantes et autres barrages et blocus ambulants par lesquels la volonté d’action de milliers de militants notamment CGT est gérée en lieu et place de la grève générale à laquelle ces militants aspirent.
Mais sans doute peut-on observer un cycle dans ce type d’actions. Juste après le 5 décembre, beaucoup de militants CGT qui les avaient beaucoup pratiqués notamment en 2010 et 2016 étaient bien conscients que ce n’était qu’un pis-aller par rapport à la vraie grève et que ça pouvait parfois être contre-productif. Toutefois ils s’y sont de nouveau largement engagés depuis une grosse semaine. S’agit-il de l’épuisement «dans la durée» se consumant en actions dispersées ? Ou plutôt d’un regain dû au fait qu’il y a des gens nouveaux, souvent liés à telle ou telle entreprise du secteur, qui rappliquent dans ces opérations, et qu’en outre les violences policières qui les ont ciblées suscitent solidarité et volonté d’en découdre ?
De fait, on peut risquer de dire que les équipes volantes héritées des luttes inaugurées en 1995 et ayant donc une longue histoire, sont, après les gilets jaunes et en symbiose croissante avec les réseaux de grève ou de recherche de la grève qui se multiplient, en train de rebondir comme un cadre dans lequel des groupes venus de telle entreprise ou de tel lycée, des isolés et des précaires, viennent prendre des forces et étendre leurs propres réseaux.
Ce processus n’est pas canonique, il est souvent difficile à interpréter, mais il est là et bien là. En fait il s’approfondit. Il est, bien sûr, la suite du mur du 5 décembre, voulu, construit et imposé par en bas grâce à l’ancrage fourni par la première grève générale de la RATP le 13 septembre dernier. Rappelons ce que fut le 5 décembre : une grève générale, par son contenu, par sa massivité, et par l’élan, dans des dizaines et des dizaines d’entreprises, des jours suivants. Le 5 décembre a modifié la situation, redoublant le 17 novembre 2018 des Gilets jaunes, mais il ne l’a pas réglée. Nous évoluons dans ce cadre : il ne s’agit pas d’une «grève des transports publics».
Les incidents médiatisés du vendredi 17 janvier.
Les «incidents» du vendredi 17 janvier doivent être jaugés dans ce cadre-là.
L’intersyndicale du Louvre a, pour la première fois, bloqué l’entrée à la «pyramide». Rappelons que c’est là le lieu symbolique du couronnement de celui qui, à l’époque (2017) était «Jupiter».
D’autre part, une invasion -manifestement bon enfant- du siège de la CFDT a été menée par un groupe issu de la coordination parisienne des grévistes RATP-SNCF. Macron a immédiatement dénoncé ce qu’il voudrait pratiquement faire passer comme un attentat contre la démocratie.
Macron, justement, a dû être le soir exfiltré d’un théâtre parisien où il s’était rendu.
Le journaliste-militant Taha Bouhafs, qui n’est pas à l’origine de la manifestation mais qui avait informé de la présence de Macron, se trouvant lui-même dans ce théâtre, est depuis en garde-à-vue : sa libération est une exigence démocratique immédiate.
Médias et certains responsables politiques font du foin sur ces incidents. Ils voudraient faire croire que des petits groupes (armés ?) passent à l’action. En réalité, ils ragent parce que tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le front unique rhizomatique de notre classe est en train de pousser.
Du mur du 5 décembre au mur des E3C.
Et, dans ce cadre, arrive un second mur : le mur des E3C. Quèsaco ? E3C veut dire «Épreuves Communes de Contrôle Continu», c’est du jargon Blanquer. Ce sont les premières épreuves du nouveau «Bac Blanquer» qui n’est plus un Bac et détruit toute égalité, tout traitement égal, dans l’attribution de ce diplôme. La résistance du monde enseignant depuis l’an dernier, plus le mur du 5 décembre et ses suites, plus l’incroyable barnum de l’organisation de ces «E3C» qui stressent tout le monde à commencer par élèves et profs, se conjuguent à présent : le mouvement est ascendant dans les lycées.
Pas plus qu’à la SNCF et la RATP, ce n’est une question sectorielle. Cet affrontement se greffe sur le processus engagé et ce sont les réseaux du type «comités de grève rhizomatiques» constitués en décembre qui deviennent les meilleurs préparateurs de ce choc qui commence. Et bien entendu, c’est le sort de toute la jeunesse qui est en cause. Les premiers ébranlement lycéens vont arriver, ils arrivent.
Le choc se prépare partout. Il a commencé ce samedi matin 18 janvier au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, et il s’agit bien d’un évènement national : les «E3C» ont dû être annulés, le lycée (qui est à Clermont, pour que l’on comprenne, le lycée classique urbain central, au cœur de l’équivalent local d’un «Quartier latin»), étant investi par les manifestants.
Le choc se prépare partout et il va durer car les «E3C» sont étalés de ces jours-ci à mi-février. Il va se combiner avec la journée du 24 janvier appelée par l’intersyndicale. Ainsi dans l’Allier un lycée central sur le département appelle à venir pour tenir une AG départementale : ce sera le rebondissement du comité de grève rhyzomatique, il deviendra un peu plus canonique, ou pas, on verra.
Empêcher le bac Blanquer, le bloquer à ce stade, est un objectif politique et démocratique de masse comparable au retrait de la contre-réforme contre les retraites. Les deux se combinent et donnent plus de densité à l’affrontement. La période des E3C et celle du calendrier parlementaire, en fait gouvernemental, de cette contre-réforme, se chevauchent largement.
L’objectif que vont se donner les secteurs massifs ébranlés va donc être, dans l’immédiat, de refaire un 5 décembre le 24 janvier prochain et d’empêcher les «E3C» en aidant la jeunesse à se lancer. Ensuite est rapidement posée la question d’une manifestation centrale contre l’Assemblée de Macron, où le « débat parlementaire » est censé commencer le 4 février. C’est là le mouvement réel de la grève générale, qui n’est pas un happening hors d’atteinte mais qui est le cadre politique dans lequel nous agissons.
Mme Le Pen.
Pour conclure, observons que Mme Le Pen, après avoir déclaré avoir «toutes les raisons de détester la CGT», a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle, et a «condamné les agissements» de celles et de ceux qui, hier soir, ont manifesté contre Macron exfiltré de son théâtre.
Voila qui fixe exactement les enjeux.
Marine Le Pen tient à ce que Macron reste au pouvoir pour qu’elle puisse y accéder, tout en rappelant clairement qu’elle est dans le camp de classe ennemi de la majorité en mouvement. L’intersyndicale CGT/FO/FSU/Solidaires a peur de renverser Macron. Le mouvement social majoritaire dont elle est à ce stade la seule représentation au niveau national se dirige, lui, vers la solution : en défaisant la loi anti-retraites et le Bac Blanquer, défaire et chasser Macron, ouvrir la crise révolutionnaire mettant fin au régime de la V° République.
Associons-nous.
Il ne suffit pas de le constater, il faut le préparer et s’y préparer. C’est ce que nous disent ces lecteurs de nos publications :
Sophie : Radio France est en grève depuis plus de 40 jours, des dizaines de secteurs sont en grève avec des flux et des reflux car personne ne propose trois jours de grève générale tous ensemble et en même temps. Et quoi si Macron tombe ? Quant aux vagues à venir, elles seront plus redoutables pour qui si nous perdons sur la retraite ?
R. Sagheton : Avancer vers le parti, ce ne serait pas faire des comités locaux aplutsoc, quitte à chercher un meilleur nom ? Et proposer une stratégie à d’autres groupes ?
A tous deux nous répondons oui : associer tous ceux qui veulent aider à l’auto-organisation pour que notre classe renverse Macron et prépare la suite – dont il faut débattre aussi comme y invite Sophie- est la tache de l’heure.
C’est le but de notre seconde véritable «réunion nationale» avec notre camarade militant socialiste révolutionnaire et syndicaliste américain Dan LaBotz, le dimanche 2 février à 14h au Maltais rouge, 44 rue de Malte Paris.
Le 18-01-2020.