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Quelles leçons tirer d’un revers?
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https://alencontre.org/europe/france/france-debat-quelles-lecons-tirer-dun-revers.html
Par Alain Bihr
La suspension de la grève à la SNCF et à la RATP (la Régie autonomie des transports parisiens), qui en aura été l’épicentre, solde le premier round du mouvement lancé début décembre contre le projet gouvernemental de destruction des régimes actuels de retraite en France. Il n’est pas question ici de s’instituer en donneur de leçons, notamment face à des salarié·e·s qui, pour certain·e·s, ont mené une grève pendant plus de sept semaines, durée exceptionnelle: ce serait indécent et d’ailleurs totalement contre-productif. Pourtant, il est nécessaire de tirer des leçons de ce revers pour préparer les conditions d’un succès lors des prochaines batailles qui, déjà, s’annoncent. Et celles que nous cherchons à en tirer ici ne doivent pas davantage être considérées comme «paroles d’Evangile»: ce sont de simples propositions que nous soumettons à la discussion collective qui a constamment et naturellement accompagné le mouvement.
Une base pas assez large
Même si le mouvement aura vu les rues des principales villes de France se remplir à nouveau, plusieurs fois de suite, de centaines de milliers de manifestants, sa base n’a jamais fait le plein de ce qui aurait été possible. Et surtout de ce qui aurait été nécessaire pour faire plier un gouvernement parfaitement déterminé à appliquer sa politique de régression sociale au service du capital.
Dès la journée du 5 décembre qui a lancé le mouvement, il est apparu que son centre de gravité se situerait à la SNCF et à la RATP où la grève était massive et renouvelée dès la fin de la journée, du moins parmi les salarié·e·s statutaires ou «garantis». Par la suite, c’est sur ces deux points d’ancrage que le mouvement a fait fond, avec de sporadiques tentatives d’élargissement de la grève vers les ports, les raffineries de pétrole et plus largement la chimie et la pharmacie (Dunlop, Sanofi), le secteur de l’énergie (EDF et Enédis, anciennement ERDF), le ramassage des ordures ménagères, les transports en commun dans différentes villes, l’Education nationale (essentiellement l’enseignement secondaire), la culture (avec notamment l’action spectaculaire de l’Opéra de Paris mais aussi la grève à Radio France).
Tout au long du mouvement, le grand absent en aura cependant été le secteur privé dans son ensemble, au-delà des quelques exceptions qui viennent d’être citées. Absence dommageable à un double titre: outre qu’elle a privé le mouvement d’autant de bras, de voix et de cerveaux (ce que ne compensera jamais la participation aux caisses de grève, pouvant faire fonction de soi-disant «grève par procuration»), elle l’a dépourvu d’un moyen de pression directe sur le patronat. Or, en cours de mouvement, le Medef a fait savoir que, s’il approuvait parfaitement le projet gouvernemental, celui-ci ne constituait nullement une priorité pour lui. On peut donc imaginer que, si le mouvement avait affecté durablement ses entreprises en compromettant ses chiffres d’affaires et ses profits, il aurait fini par intervenir lui-même auprès de Matignon et de l’Elysée pour, sinon les faire battre en retraite, du moins les amener à des concessions plus substantielles que celles, trompeuses, auxquelles ils se sont résolus début janvier. Car, si le gouvernement est sourd aux revendications de la rue, le patronat sait, lui, parfaitement s’en faire entendre.
Les raisons de ce défaut de mobilisation du secteur privé sont connues et ont été analysées en détail par ailleurs. L’atonie de ce secteur s’explique tout d’abord par la menace silencieuse, mais aussi quelquefois directement brandie par les directions des entreprises, que fait peser sur les salarié·e·s la persistance d’un fort taux de chômage. Y contribue aussi toute la réorganisation des entreprises conduite depuis les années 1970, à coups de délocalisations et de morcellements en sites multiples, de recours à la filialisation et à la sous-traitance, qui ont fait éclater les «forteresses ouvrières» qui s’étaient constituées du temps du fordisme florissant, avec pour effet d’éloigner les directions capitalistes de la base des salarié·e·s, dès lors privée des moyens de faire directement pression sur elles. Le développement des formes «atypiques» de travail (travail sous contrat à durée déterminée, travail temporaire, travail à temps partiel) a eu pour effet de faire éclater les collectifs de travail au sein des établissements, en rendant d’autant plus difficiles l’organisation et la mobilisation collective des travailleurs, dans ou hors des syndicats. Enfin, si les instances dites représentatives du personnel (la délégation du personnel, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le comité d’entreprise) ont permis d’améliorer le rapport de force à l’intérieur des entreprises privées (sans quoi on ne s’expliquerait ni la fréquente répression envers les salariés qui s’y sont engagés, ni leur destruction-fusion à laquelle ce même gouvernement vient de procéder), il faut aussi reconnaître qu’elles ont eu tendance à accaparer une grande partie du temps et de l’énergie des militants syndicaux au détriment de leurs contacts, faits d’information réciproque, de discussions, de réunions formelles ou informelles, etc., avec le restant des travailleurs.
A défaut d’une généralisation immédiate de la grève au secteur privé, il aurait été cependant possible d’établir des liaisons et des coordinations avec des secteurs en lutte depuis des mois, voire des années, au-delà de ce qui s’est réalisé ponctuellement. Parmi eux, en premier lieu, le secteur hospitalier, notamment les services d’urgence, victime de l’étranglement financier qui s’opère par le biais de la tarification à l’acte (T2A) [1] mais aussi du laxisme du gouvernement à l’égard d’une médecine de ville, qui remplit de moins en moins sa mission de service public tout en continuant cependant à bénéficier d’un financement socialisé. Pouvaient aussi être mobilisés les personnels des EHPAD, victimes de la même politique de restriction des dépenses publiques et, plus largement, de l’incurie gouvernementale face au problème que pose la prise en charge socialisée des personnes âgées dépendantes, qui ne pourra que s’aggraver avec le vieillissement croissant de la population. Quant aux personnels de l’Education nationale, lourdement impactés par de continuelles «réformes» qui brouillent leurs repères et alourdissent leurs tâches administratives, tandis que se dégradent leurs conditions d’enseignement, au point que certains de leurs membres en viennent à se suicider sur leur lieu de travail faute d’avoir obtenu d’être simplement écoutés par leur hiérarchie, ils avaient également vocation à constituer un des fers de lance du mouvement, bien au-delà de la place réduite qu’ils y ont occupée, ne serait-ce que parce qu’ils compteront parmi les principales victimes du nouveau régime de pensions de retraite programmé par le gouvernement [2].
Il faut regretter également l’absence de mobilisation massive de la jeunesse lycéenne et étudiante, dont on connaît pourtant le potentiel de lutte et surtout l’impact que celle-ci peut avoir sur l’opinion publique et sur le gouvernement. Sans doute, la retraite apparaît-elle comme un horizon des plus lointains lorsqu’on a entre quinze et vingt-cinq ans et que l’on a bien d’autres soucis et souhaits en tête que ceux d’assurer ses vieux jours. Mais, simultanément, correctement informée à ce sujet, cette jeunesse ne serait sans doute pas restée indifférente à l’enjeu immédiat du mouvement, dans la mesure où elle fait partie des générations qui seront pleinement victimes du régime universel à points que le gouvernement entend substituer aux actuels régimes de retraite: elle constitue le cœur de la cible. Il était donc impératif de la mobiliser, ce qu’ont tenté sans grand succès leurs propres organisations (Unef, Fidel, etc.). Si bien que les lycéens et étudiants n’auront guère été présents dans les cortèges et encore moins dans les assemblées générales qui les ponctuaient quelquefois.
Enfin, consciemment ou non, le mouvement de ces dernières semaines est entré en écho avec un autre qui a démarré un an plus tôt et a occupé l’avant-scène de la mobilisation sociale au cours de tous les premiers mois de l’année écoulée, celui des «gilets jaunes» (GJ). Là encore, il disposait a priori d’un potentiel de mobilisation important, sans doute en recul par rapport à ce qu’il a été il y a un an, à condition de lancer des ponts en sa direction. Car les plates-formes revendicatives issues du mouvement des GJ, en particulier celles adoptées par les «assemblées des assemblées» qui se sont tenues à Commercy (fin janvier), à Saint-Nazaire (début avril), à Montceau-les-Mines (fin juin) et à Montpellier (début novembre), en offraient l’occasion sous forme d’éléments de convergences prometteuses [3]. Encore aurait-il fallu surmonter le réflexe hostile premier des confédérations syndicales (CGT et Solidaires comprises) à l’égard des GJ, qui ne s’est pas totalement effacé par la suite et perdure dans une partie des appareils syndicaux [4]. Moyennant quoi, si les GJ n’ont pas été totalement absents de cortèges, notamment ceux du samedi instaurés entre autres pour faciliter la convergence, ils n’y ont pas occupé toute la place qu’ils étaient en droit d’y prendre.
Une erreur de méthode: la manif plutôt que la grève
Cette mobilisation générale insuffisante s’explique elle-même, pour partie, par une erreur de méthode. Entendons une erreur quant au choix du moyen privilégié pour tenter de faire plier le gouvernement. Ce choix se sera porté sur la manifestation, plus exactement les manifestations à répétition, plutôt que sur la grève.
Certes, la grève est loin d’avoir été négligée. Enraciner la grève et l’étendre ont été des objectifs constamment présents et déclarés du mouvement, avec les limites que l’on sait toutefois quant aux résultats atteints. Les journées de manifestation ont toutes été conçues comme des «journées d’action» au cours desquelles l’ensemble des travailleurs étaient invités par les centrales syndicales (à l’exclusion de la CFDT) à débrayer… pour venir grossir le rang des manifestants. De sorte que, entre les deux, grève et manifestation, l’accent a bien été mis sur la seconde plutôt que la première.
C’était oublier que l’arme principale des travailleurs a toujours été et restera la grève. Cela résulte tout simplement de cette spécificité du rapport capitaliste de production que sont l’expropriation des travailleurs et la transformation consécutive de la force de travail en marchandise. Seuls propriétaires de leur force de travail, les travailleurs salariés disposent donc toujours de la capacité de la soustraire à l’exploitation et de la domination dont elle fait l’objet. Capacité dont ils peuvent user à tout moment pour faire pencher le rapport de force en leur faveur, afin d’améliorer leurs conditions d’emploi, de travail et de rémunération, en entendant plus et mieux.
A condition toutefois que la grève soit préparée et menée de sorte à la rendre la plus efficace possible du point de vue de l’instauration d’un rapport de force favorable et durable. Ce qui suppose, entre autres, que sa décision et sa conduite restent le fait des travailleurs eux-mêmes, avec le concours de leurs organisations syndicales: tenues quotidiennes d’assemblées générales des grévistes et non-grévistes, occupation des lieux de travail chaque fois que c’est possible, constitution d’un comité de grève (sur le lieu de travail) et d’un comité de soutien (en dehors du lieu de travail, dont le noyau initial peut être composé de tous les proches des grévistes: parents, amis, voisins), organisations de piquets de grève devant les entreprises en lutte pour entraîner le maximum de salariés (notamment les intérimaires et ceux opérant en sous-traitance) dans le mouvement, recherche immédiate sur ces bases d’une extension de la grève aux autres établissements de la même entreprise mais aussi aux entreprises de la même aire géographique, popularisation de la grève dans les lieux fréquentés par les salarié pouvant se reconnaître en elle (les centres commerciaux, les quartiers populaires), constitution par ces différents biais d’une caisse de solidarité en soutien des grévistes, assemblées générales de grévistes et mobilisés d’une même aire ou localité, etc. Largement en cours dans les années 1960 et 1970, ces pratiques se sont malheureusement perdues du fait du reflux des luttes dans les deux décennies suivantes et de la rupture générationnelle qui l’a accompagné au sein du milieu militant; et il va falloir se les réapproprier dans un contexte aujourd’hui moins favorable, marqué par l’éclatement des entreprises et des collectifs de travail précédemment mentionné. Car ce n’est qu’à la faveur de pareilles pratiques que la grève peut à la fois s’enraciner là où elle a déjà pris et s’étendre là où elle ne l’a pas encore fait.
Est-ce à dire que les manifestations deviendraient inutiles? Certes non, mais elles changeraient de sens, dans tous les sens du terme. Elles seraient conçues et pratiquées dans le but de renforcer la grève en la popularisant, en étant menées en direction des principales entreprises de la localité pour tenter de les entraîner dans le mouvement et en parcourant ses quartiers populaires, fussent-ils périphériques, en en profitant pour aborder (par les banderoles, les tracts distribués et les slogans scandés) les questions relatives à toutes les conditions de vie dans ses quartiers (emploi et chômage, salaires et niveau de vie, conditions de logement, état des équipements collectifs et services publics, etc.). Plutôt que d’investir les centres-villes, dont la population est majoritairement composée de catégories sociales situées en dehors du mouvement et même hostiles à lui, avec l’effet que l’on devine.
Si, au contraire, la manifestation a été préférée à la grève, c’est certes tout d’abord pour tenter de pallier les difficultés à étendre cette dernière, tout en profitant du fait que le mouvement contre le projet gouvernemental a bénéficié initialement d’un soutien majoritaire de la part de l’opinion publique, qui perdure d’ailleurs, en dépit de l’intense campagne gouvernementale de désinformation visant à minorer ou «invisibiliser» le mouvement. Mais il y a peut-être encore une raison plus fondamentale. Le pari implicitement engagé par le mouvement, en partie d’ailleurs explicité par certains porte-parole du mouvement, est qu’il suffirait de manifester (là encore dans tous les sens du terme) le caractère majoritaire de l’opposition au projet du gouvernement pour que ce dernier soit contraint de faire marche arrière.
Pari perdu parce que fondé sur une évaluation erronée de la nature de ce gouvernement et des enjeux de ses projets. Le gouvernement Macron-Philippe sait qu’il est minoritaire au sein de l’opinion publique [5]. Et il n’en a cure, en pouvant s’appuyer sur une majorité parlementaire, pourtant elle-même largement minoritaire dans le pays [6], et en se sachant soutenu mais aussi surveillé par les gouvernements des autres Etats centraux, les institutions de l’Union européenne, les capitalistes français et étrangers, les agences de notation de la dette publique, etc. Car c’est à ces seules instances et non pas au peuple français (entendons: le corps des citoyens, fiction juridico-politique) qu’il considère avoir des comptes à rendre ; et son agenda politique (les «réformes» qu’il mène, leur importance relative, leur calendrier) est prioritairement voire exclusivement déterminé en fonction de leurs demandes et attentes. Cela explique aussi le caractère de plus en plus autoritaire et répressif d’un régime qui n’a plus que l’apparence d’une démocratie, même réduite à sa formule parlementaire: pour preuve, il ne négocie plus avec les «partenaires sociaux», il les convoque pour leur expliquer ses «réformes» qu’ils ont manifestement du mal à comprendre, demeurés comme ils le sont ! Dans ces conditions, vouloir manifester le caractère minoritaire du projet gouvernemental pour tenter de le discréditer, c’était se proposer d’enfoncer des portes ouvertes.
Un mouvement mal ou insuffisamment préparé
Il faut enfin regretter le timing de ce mouvement. Préparé par le coup de semonce de la journée d’action du 24 septembre, il ne sera déclenché que le 5 décembre, soit près de deux mois et demi plus tard. Qui plus est à quinze jours de la traditionnelle «trêve des confiseurs» (les fêtes et les congés de fin d’année) dont il était pourtant aisé de prévoir qu’elle risquait d’interrompre le mouvement ou, du moins, de l’affaiblir. Et alors que lycéens et étudiants allaient entrer dans une période d’examens, par définition peu propice à leur mobilisation.
Ce délai a été justifié par les centrales syndicales par la nécessité d’attendre que le gouvernement précise le contenu de sa «réforme» et de laisser du temps aux négociations organisées par Jean-Paul Delevoye. Or le premier n’en a rien fait (ce qui était tactiquement judicieux de sa part) tandis que le second aura parfaitement rempli son rôle, en lanternant «les partenaires sociaux», avant de devoir jeter l’éponge lorsque ses manquements répétés aux règles de transparence de la vie publique ont été révélés, tout en conservant «toute la confiance» du gouvernement…
Encore ce temps de latence aurait-il pu être mis à profit pour préparer la grève, selon quelques-unes des modalités précédemment suggérées: informer largement les salariés sur la portée de la «réforme», en contrant systématiquement l’argumentaire gouvernemental; entamer la tournée des entreprises et des établissements à partir de ceux qui étaient déjà assurés de se mettre en grève; mettre en place les jalons de la constitution des futurs comités de soutien; entamer la constitution de caisses de grève, etc. Si elles ont été entreprises localement en attendant le lancement du mouvement, de pareilles actions n’ont pas été menées de la manière systématique qui aurait été souhaitable. Et quand elles l’ont enfin été, à partir du début janvier, il était déjà trop tard.
Il faut regretter notamment les lacunes de l’information des salarié·e·s, mesurées au fait qu’une grande partie de ceux-ci sont restés convaincus que la dite «réforme» se réduisait en fait à la suppression des régimes spéciaux et de leurs supposés privilèges, ce qui ne pouvait que les maintenir à l’écart du mouvement. L’argument à développer aurait pourtant été simple: «En effet, il est vrai que le gouvernement veut soumettre tous les futurs retraités à un même régime: celui de la soupe populaire!» Et, bien évidemment, il aurait fallu assortir cette information de la démonstration qu’une autre réforme est possible: les argumentaires et les chiffrages en la matière ne manquent pas [7].
C’est également durant cet automne qu’il aurait fallu prendre des contacts et mener une action d’information et de mobilisation en direction des milieux potentiellement mobilisables au-delà des entreprises, publiques et privés, notamment la jeunesse lycéenne et étudiante et le GJ. S’agissant de ces derniers, en plus de la cause commune que peut représenter la défense d’un régime de retraite par répartition garantissant à chaque retraité un haut niveau de pension, cela aurait été l’occasion d’élargir le terrain et l’enjeu de la lutte, en prenant en compte que l’actuelle «réforme» gouvernementale fait partie d’une offensive beaucoup plus large visant à réduire l’ensemble des dépenses publiques, dont celles consacrées à la protection sociale, contre les effets de laquelle les GJ se sont précisément dressés [8]. Et cela aurait du même coup facilité la liaison avec les luttes en cours dans les centres hospitaliers, les EHPAD, l’Education nationale, etc.
La suite: préparer la contre-offensive
Est-ce à dire que le mouvement est définitivement vaincu? Bien évidemment, non. Que la grève ait pu durer un mois et demi là où elle a pris, en dépit de ses limites, en dit la puissance. Et que les rues s’apprêtent à se remplir à nouveau, après près d’une quinzaine de journées d’action dit la détermination des participants au mouvement, grévistes ou non, qui ne sont pas près de baisser les bras.
D’ores et déjà, de nouvelles tactiques sont expérimentées, substituant la guérilla à l’offensive générale. Tout en renouvelant les journées d’actions et les grèves sporadiques, il s’agit de pratiquer un harcèlement continu des autorités, à coups de coupures de courant, de blocages de plates-formes commerciales, de «comités d’accueil» des ministres en déplacement, etc.
Mais, mais si elle peut permettre de gagner du temps pour reconstituer nos forces tout en maintenant la pression sur le pouvoir patronal et gouvernemental, cette tactique de guérilla sociale ne saurait en définitive se substituer à la préparation d’une nouvelle contre-offensive. Tous les développements antérieurs ont pour seul sens de formuler des propositions visant lui garantir le succès, cette fois-ci. (23 janvier 2020)
___________
[1] Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tarification_%C3%A0_l%27activit%C3%A9
[2] Dans tous ces cas, la subordination de ces agents, très divers par ailleurs, à une politique de restriction des dépenses publiques, ordonnée aux exigences actuelles de reproduction du capital, opère comme une expropriation à l’égard de la maîtrise de leurs conditions de travail, synonyme de dégradation de leur statut, les engageant sur la pente de la prolétarisation. C’est ce qu’ont signifié et contre quoi ont voulu protester par exemple les médecins hospitaliers en jetant leur blouse et les avocats en jetant leur robe.
[3] Cf. https://giletsjaunes-coordination.fr/outils/espace-ada
[4] A l’exception notable de Solidaires cette fois-ci. Cf. «Gilets jaunes, autour d’une révolte sociale», Les Utopiques, n°11, été 2019.
[5] Rappelons que, lors de l’élection présidentielle de 2017, les voix qui se sont portées sur Macron n’ont représenté que, au premier tour, 18,19 % et, au deuxième tour, 43,61% des citoyens inscrits sur les listes électorales. Et même sensiblement moins à chaque fois si on les rapporte à la totalité de la population adulte, en y comprenant les non-inscrits et les étrangers.
[6] Les candidats investis par La République en marche n’ont recueilli que 13,44 % et 16,55 % des inscrits respectivement au premier et au second tour des élections législatives de 2017. Qu’ils aient pu malgré tout remporter une majorité absolue de sièges sur une base aussi étroite s’explique par la conjonction d’un scrutin majoritaire à deux tours, de la dispersion des forces concurrentes, qu’elles soient de droite ou de gauche, et d’un fort pourcentage d’abstention (respectivement 51,30 % et 57,36 %).
[7] Cf. par exemple Christiane Marty et Daniel Rallet, Retraites, l’alternative cachée, Syllepse, 2013.
[8] Cf. «Les gilets jaunes: un soulèvement populaire contre l’acte II de l’offensive néolibérale», en ligne sur le site A l’encontre: http://alencontre.org/europe/france/les-gilets-jaunes-un-soulevement-populaire-contre-lacte-ii-de-loffensive-neoliberale.html