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    Notes sur la situation mondiale

    Lien publiée le 6 avril 2021

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://aplutsoc.org/2021/04/05/trump-a-ete-battu-et-les-mahapanchayats-sont-apparus-notes-sur-la-situation-mondiale-05-04-2021/

    La situation mondiale, après l’irruption de crises révolutionnaires en chaînes (2019) et la pandémie combinée à une dislocation des échanges internationaux (2020), continue à se développer dans le sens d’une instabilité croissante. Et l’écart entre une analyse des relations internationales basée sur les réalités mondiales de la lutte des classes, et les commentaires journalistiques habituels, se creuse lui aussi un peu plus.

    Dans cet article, nous entendons insister sur trois données fondamentales du moment présent : l’impact global de la défaite de Trump, qui est une victoire démocratique du prolétariat nord-américain, la poussée révolutionnaire dans ce que l’on appelle le « sous-continent » indien, et la montée flagrante des risques de guerres et de heurts guerriers à l’échelle mondiale.

    La défaite de Trump est le produit direct de l’énorme vague de manifestations démocratiques, antiracistes et anti-policières qui a déferlé sur les États-Unis de juin à septembre 2020. Le fait que, durant la période de l’interrègne, la poussée d’en bas ait été relativement mise en suspens, laissant la voie au coup d’État manqué du 6 janvier, pouvait donner l’impression que l’arrivée au pouvoir de Joe Biden pouvait aller de pair avec une « reprise en main » ou une « normalisation » dans lesquelles salariat et droits démocratiques seraient tout de suite, à nouveau, les perdants. Les mesures prises par la nouvelle administration Biden montrent que ce n’est pas le cas et qu’elle a agi sous l’impact de l’énorme pression du mouvement d’en bas, certes pour l’endiguer puis, sans doute, le faire reculer, mais alors qu’elle ne pouvait pas faire autrement.

    Ce n’est aucunement cultiver des illusions que de souligner ce qui est. Et ce qui est, c’est que les États-Unis viennent de connaître la plus grande vague de mesures de dépenses publiques non unilatéralement orientées vers l’aide au grand capital, qu’ils aient connue, non seulement par rapport à Obama, sous lequel rien de tel n’a eu lieu, ou par rapport à Kennedy, mais, en fait, depuis le second mandat de Roosevelt. Outre un plan de vaccination de masse sans comparaison avec la pseudo campagne des gouvernements européens comme le gouvernement Macron, la présidence Biden a à ce jour « lâché » 1900 milliards de dollars pour la « relance économique », puis 2250 milliards pour la « rénovation des infrastructures » (se répartissant, sur 8 ans, en un tiers destinés aux transports, un tiers à l’industrie, et un tiers aux soins médicaux à domicile), puis 1000 milliards d’ « aide aux familles » avec des allocations conséquentes, mais non pérennes, pour les familles les plus pauvres : chèques de 1400 dollars à chaque adulte touchant moins de 75 000 dollars par an, et annonces de mesures sur le logement, la santé, la couverture numérique, et le coût de l’assurance-maladie pour les plus pauvres. Le tout serait en partie financé par une hausse des impôts des sociétés de 21% à 28 % – mais il faut préciser que Trump les avait baissés de 35% à 21%.

    Comme le note notre camarade John Reiman du WIN sur le blog Oakland Socialist, ces mesures de type roosevelto-keynésien font penser à ce que préconisait Bernie Sanders, en dehors des deux programmes-phares de sécurité sociale et de Green New Deal. En outre, fait symbolique important, et plus que symbolique pour les populations directement concernées, dont les Sioux, Biden a rapidement suspendu la construction de l’oléoduc Keystone-XL – au mécontentement du président canadien J. Trudeau – que Trump avait autorisée dès son accession au pouvoir.

    Concernant la question centrale des migrants, il a rapidement déclaré arrêter la politique de Trump, abrogeant lanti-muslim ban, mesure politique et discriminatoire centrale de Trump. Mais ceci a provoqué un afflux de migrants d’Amérique centrale (Amérindiens), contre lequel l’État fédéral, et avant lui l’État républicain du Texas, ont pris des mesures répressives. Biden annonce une nouvelle politique migratoire qui repose sur l’« aide » aux pays d’Amérique centrale, d’une part dans le sens du renforcement des polices et armées mexicaines et guatémaltèques, d’autre part dans le sens d’encore plus d’ « ouverture économique » – ce qui ne réglera donc rien, bien au contraire.

    Deux affaires tiennent en haleine les États-Unis en ce moment, et ceci est emblématique des rapports de force et de la situation politique présente.

    Le procès de l’assassin policier de Georges Floyd, Derek Chauvin, se tient en public à Minneapolis, et il passe sur les télés. Rien de tel n’aurait été possible sans les mobilisations de masse de l’été dernier. Entre un acquittement ou une peine légère, comme cela est habituel dans les procès de flics racistes assassins, ou une condamnation exemplaire, le cœur de l’establishment balance sans doute, car l’issue n’est pas évidente et le feu couve.

    L’autre affaire est celle du vote permettant l’existence légale du syndicat RWDSU (Retail, Wholesale and Department Store Union) dans l’entrepôt d’Amazon Fullfillment Center à Bessemer, Alabama, 5800 salariés. La campagne sauvage du patronat contre le droit syndical a essuyé un revers avec le pause-pipi gate, Amazon ayant tenté de nier que ses employés sont, massivement, obligés d’uriner dans des bouteilles en plastique sans arrêter le travail. Prudent, Joe Biden n’a rien dit mais s’est exprimé d’une manière laissant entendre une position favorable à l’entrée du RWDSU dans l’entrepôt. Ceci serait un basculement, pour Amazon, pour les salariés déguisés en entrepreneurs individuels, et pour l’Alabama et le vieux Sud de l’illégalité des syndicats. Le dépouillement des 5800 votes, depuis une semaine, semble se traîner étrangement, et le résultat n’est pas connu à l’heure où sont écrites ces lignes.

    Le devenir du Parti républicain et la purge des trumpistes dans l’administration, ainsi que la question des poursuites judiciaires contre l’ancien président dont tout le monde sait, sans oser le dire trop haut, qu’il était, comme on dit, « en relation avec une puissance étrangère » (la Russie), sont autant d’enjeux sur lesquels l’administration Biden n’a à ce jour donné aucun signe clair. Les trumpistes et plus généralement la droite ségrégationniste « républicaine », par contre, tout en ayant dû imposer, au moins pour un temps, une pédale douce aux milices du type « 6 janvier », poursuivent des offensives juridiques et réglementaires contre les migrants (Texas) et contre le vote des noirs, par des mesures de découpage électoral, de fermeture de bureaux de vote et d’interdiction du vote par correspondance (Arizona, Pennsylvanie, et surtout Géorgie où le Parti républicain a essuyé une défaite historique, qu’il entend surmonter en s’en prenant à la possibilité de voter, et donc au droit de vote, de celles et de ceux qui votent contre lui, avant tout les noirs). Parti Démocrate et direction de l’AFL-CIO ont pour l’instant réagi en appelant les grandes firmes capitalistes, type Coca-Cola, à sermonner les méchants républicains !

    C’est dire que toute issue démocratique devra surmonter les obstacles politiques ainsi étalés, mais aussi que, en relation avec les autres données de la situation, il n’y aura pas de stabilisation dans la crise globale de la première puissance impérialiste du monde.

    La défaite de Trump à l’échelle mondiale est un encouragement à l’action des plus larges masses, et pas seulement aux États-Unis. Elle est entrée en résonance avec la reprise ou l’irruption de mouvements sociaux de grande ampleur, dont les plus considérables, littéralement énormes, concernent au moment présent l’Inde et les pays voisins. Bien entendu, de l’Algérie au Chili, les processus révolutionnaires en branle ont repris ou continué, et le sous-continent indien ne constitue pas un « épicentre » au sens d’une zone clef dont le reste de la lutte des classes mondiales dépendrait, bien qu’il ait à présent une importance considérable.

    Il est, ceci dit, frappant, que les courants politiques portés à trouver des « épicentres » n’aient toujours rien vu venir du côté de l’Inde. Il est vrai que nous n’avons là rien de tel que des caudillos « socialistes » à la façon de certains chefs d’État (capitalistes) sud-américains, qui ont longtemps nourri le thème d’un « épicentre ». Ce que nous avons, c’est un ébranlement des plus larges masses, par centaines de millions, et à partir d’un mouvement paysan qui est, en même temps, profondément prolétarien et, en ce sens, moderne. Cet ébranlement, qui vient de loin et qui se développe, d’une certaine manière, en « prenant son temps » (les paysans en action sont les héritiers de ceux qui, pendant des décennies, ont formé la base du Congrès, puis qui, déçus, sont parfois passés par le nationalisme religieux réactionnaire du BJP, qu’ils tiennent maintenant pour leur pire ennemi, à bannir, littéralement, de la vie sociale et des villages), instaure une situation révolutionnaire qui, si l’on cherche des précédents, nous renvoie, nous l’avons déjà dit mais c’est essentiel, à la Russie de 1905.

    C’est un point de discrimination politique, une sorte de test, que de se rendre compte ou pas, par-dessus le mur d’un silence médiatique extraordinaire, de la montée révolutionnaire en Inde. Et reconnaissons que nous nous trouvons un peu seuls sur ce terrain, sans nous en réjouir !

    Ce mouvement profond est déjà passé par plusieurs phases et a des racines lointaines. A présent, il en vient à reposer, sur une base encore plus développée et plus massive qu’en janvier dernier, la question de la centralisation contre le pouvoir, la présidence et le parlement. Et il a, dans le même processus posant la question du pouvoir, peu à peu affiné et étendu ses organes d’auto-organisation. Les Mahapanchayats étaient des formes issues d’institutions villageoises anciennes, mais qui les ont transcendées, par la place prise par les femmes, par la masse des participantes et des participants et par l’ouverture aux ouvriers et aux étudiants comme aux castes intouchables. Ce samedi 3 avril, après que la grève de masse en Andhra Pradesh contre la privatisations des aciéries ait commencé à s’affirmer, et que la tentative d’assassinat, par des miliciens BJP, du leader paysan Rakesh Tikait ait échoué et poussé le mouvement à se poser plus encore la question de son autodéfense, une réunion de délégués, tenue à Ludhiana (Haryana), a vu la coordination paysanne SKM (Front Uni Paysan) décider de s’associer à des représentants syndicaux ouvriers, mais aussi à des délégués ouvriers non syndiqués, et à des organisations étudiantes. La marche vers des soviets (mais cela portera un autre nom) est engagée. La première décision prise, allant de pair avec cette évolution, a été que des ouvriers et des étudiants allaient remplacer les paysans, qui doivent rentrer pour leurs récoltes, dans les campements permanents autour de New Delhi.

    L’ébranlement des prolétaires indiens retentit dans toute la région et entre notamment en résonance avec le soulèvement populaire au Myanmar. Celui-ci vise à renverser les militaires, mais il a par son mouvement propre largement dépassé la simple défense d’Aung Sang Su Kyi, dont les compromissions avec les militaires, notamment contre les Rohingyas, avaient pavé la voie au coup d’État. Premièrement, ce mouvement s’appuie sur la grève générale et sur une structuration largement syndicale. Deuxièmement, confronté, comme la révolution syrienne en 2011, aux tirs et aux massacres, il se pose la question de son armement, et reçoit le soutien des guérillas nationalistes Karen, Chin et Kachin, interférant déjà avec les développements indiens dans les États frontaliers proches de l’Assam.

    La question de l’information et du soutien à la poussée révolutionnaire indienne et celle de l’aide concrète à la résistance birmane, qui doit aborder la nécessité de fournir des armes au peuple – car ces armes ne représentent pas le risque d’un « bain de sang » mais sont nécessaires pour arrêter le bain de sang réel qui a commencé ! -, devraient être les deux premiers articles de toute action révolutionnaire internationaliste en ce mois d’avril 2021 !

    Le samedi 27 mars, l’armée birmane avait organisé une « journée de l’armée », conviant les États du monde à venir la saluer. Trois présences furent ostensibles : la Russie, la Chine, et l’Inde. Modi sait très bien où est son intérêt. Officiellement, il est ennemi de la Chine (dont la « nouvelle route de la soie » passe par le Pakistan) et les heurts dans l’Himalaya sont fréquents. Mais s’agissant d’une grève générale et d’un soulèvement populaire, entre une armée structurée par les conseillers impérialistes chinois, et le peuple, surtout avec ce qui se passe en ce moment chez lui, il sait quel est son camp. États-Unis et pays européens n’étaient, quant à eux, pas présents, mais ils savent pouvoir présenter des résolutions de protestation contre les massacres au Conseil de Sécurité des Nations Unies dont ils sont l’assurance que Russie et Chine les repousseront, comme envers la Syrie …

    Après la défaite de Trump, l’affaiblissement de Modi, obligé de cautionner la présence impérialiste chinoise au Myanmar, est un second coup porté aux tenants de l’exploitation et de l’oppression à l’échelle mondiale. Ceux-ci se trouvent donc dans une situation où, d’une part, ils ont des pertes à se partager plutôt que des profits, et où, d’autre part, la pression révolutionnaire d’en bas, globalement, monte.

    Le premier de ces facteurs peut pousser à la guerre et à des explosions meurtrières. Le second peut s’y opposer, mais il peut aussi inciter les grands de ce monde à tenter de mettre les conflits géopolitiques et la guerre à la place de la révolution.

    Avec des acteurs différents, car les plus grandes puissances impérialistes mondiales sont aujourd’hui les Etats-Unis et les deux États issus du stalinisme, Chine surtout et Russie, le moment actuel présente des ressemblances avec l’été 1914. Dire cela n’est pas un acte d’affolement et ne signifie pas que le scénario du pire est automatique, mais c’est un appel à la clairvoyance et à la vigilance, et surtout à l’action révolutionnaire, à commencer par le soutien aux peuples de l’Inde et du Myanmar.

    Deux secteurs voient des manœuvres militaires provocatrices de multiplier.

    Les mers entourant la Chine à l’Est et au Sud -des îles Paracels et Spratleys, dont la Chine s’est emparée en 1975 et qui sont devenues des bases militaires, aux deux Corées et aux îles Senkaku-Diaoyu, avec Taïwan au milieu – sont le lieu de séances d’intimidation entre flottes chinoise et US.

    D’autre part, la Russie est en train d’opérer, près de la frontière ukrainienne et du Donbass, les mouvements de troupes probablement les plus importants que l’on ait vu depuis 2014.

    En mer de Chine, les impérialismes nord-américain et chinois ne souhaitent pas aller jusqu’à l’affrontement aujourd’hui, mais ils peuvent « déraper ».

    Envers l’Ukraine, si Poutine lance une attaque ou une provocation, ce sera avant tout à des fins intérieures, son pouvoir étant de plus en plus contesté, tendanciellement, par la majorité de la population. Il en profiterait pour liquider Navalny, qu’il est en train d’assassiner par la privation de sommeil et de soins, et sans doute pour accentuer son contrôle sur la Bélarus.

    Envers ces deux terrains, l’administration Biden, obligée d’opérer une sorte de « restauration » de la présence US pour « diriger le monde » (discours d’investiture de Joe Biden), doit affirmer sa volonté de paraître protéger ses protégés et sécuriser ses alliés. Le moment présent est donc un moment dangereux.

    Entre ces deux terrains, oriental et est-européen, Biden a nommé, au mécontentement des Républicains et de certains Démocrates, l’un des artisans de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, dénoncé par Trump en 2018, Robert Malley, envoyé spécial pour l’Iran. L’accord de 2015 n’était pas un « accord de paix », mais une alliance de brigands dont le peuple syrien a principalement fait les frais. Trump, au-delà de ses lubies personnelles, avait en le rompant exprimé le mécontentement de l’impérialisme US devant les positions (contre-révolutionnaires) acquises par l’Iran dans la région. Actant l’impossibilité de revenir en arrière (car le massacre du peuple syrien commis par Bachar, Poutine et Rohani, a été fait au compte de tout l’ordre mondial), Biden tente de renouer avec l’Iran, tout en essayant de préserver les relations avec le régime totalitaire saoudien, les Émirats, et le gouvernement Netanyahou en Israël. Ce numéro d’équilibriste a peu de chances de restaurer la domination incontestée de l’impérialisme US dans ce secteur clef.

    L’ensemble de ces données, et avant tout la situation économique du capital à l’échelle mondiale, doit nous conduire à évaluer comme élevé le risque de guerre, tout en évaluant aussi à son juste niveau la mobilisation défensive, partout, des plus larges masses, pour le bien-être et la démocratie, et en concluant que la paix peut être assurée et garantie seulement par la victoire démocratique des révolutions prolétariennes qui constituent la toile de fond réelle du monde contemporain.

    VP, 05/04/2021.