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AESH dans la rue contre la "maltraitance de l’inclusion scolaire"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont de nouveau en grève, après leur journée d’action du 26 janvier. Alors que le gouvernement met en avant l’inclusion scolaire, la réalité dénoncée par les professionnels est celle de la précarité et de l’absence de reconnaissance. Ces derniers se mobilisent également contre la réforme des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL), qui mutualise les moyens en dégradant la qualité d’accompagnement.
C’est avant tout un discours politique de façade qu’il s’agit de faire tomber. L’inclusion scolaire des élèves en situation handicap : un mot d’ordre répété par Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, et par le gouvernement. « Sur le papier, c’est beau ; mais en fait, c’est un nivellement vers le bas : on enlève des heures d’accompagnement par élève, pour faire du saupoudrage… On crée une priorité gouvernementale, mais sans aucun statut ni reconnaissance pour les accompagnants » expose Maud Valegeas, représentante pour Sud Éducation au Conseil supérieur de l’éducation, et professeure en collège.
Après une précédente journée d’action le 26 janvier, et une grève d’ampleur menée par les AESH de Seine–Saint-Denis le 9 février, ces professionnels se mobilisent de nouveau ce jeudi 8 avril. Une cinquantaine de rassemblements sont prévus, dans différentes villes, portés par une large intersyndicale (FSU, Sud, FO, CGT, SNALC et SNCL).
Ce secteur, extrêmement précaire, n’a pas toujours connu une telle combativité. « On est passé d’un état de peur, à cause de la précarité et de la crainte de ne pas voir nos contrats renouvelés, à une vraie colère et un regain de mobilisation » témoigne Manuel Guyader, AESH dans l’académie de Paris, syndiqué à Sud Éducation. Un collectif national, porté par la CGT, est né en décembre 2018 : il est composé majoritairement d’AESH, et dispose d’un service juridique. « Avant, les AESH avaient tendance à courber l’échine. Puis les organisations syndicales se sont emparées du sujet, et le collectif national a aidé à libérer la parole. Les choses bougent », abonde Virginie Schmitt, AESH du côté de Nancy, co-animatrice de ce collectif AESH national de la CGT Educ’action.
Les PIAL, « de la quantité au détriment de la qualité »
La mise en œuvre des PIAL « a mis le feu aux poudres. Même les collègues les plus timides se sont réveillées lorsqu’elles ont commencé à évoluer dans ce système » raconte Virginie Schmitt. L’expérimentation de ces pôles remonte à la rentrée 2019. Déjà largement déployé, ce système doit être généralisé partout en 2022. Un PIAL regroupe plusieurs établissements scolaires sur un territoire donné. Ses responsables, fonctionnaires de l’Éducation nationale, déterminent l’emploi du temps des AESH en les répartissant sur ces établissements, en fonction des besoins repérés.
« C’est de la flexibilité » tranche Virginie Schmitt. « Avant, on accompagnait un ou deux élèves. Aujourd’hui, une AESH peut avoir jusqu’à six élèves ». En sachant que le contrat hebdomadaire moyen est de 24 heures, cela revient à quatre heures d’accompagnement par élève, chaque semaine. « C’est de la quantité, au détriment de la qualité » déplore la professionnelle, qui travaille dans une académie où le système est déjà en place depuis deux ans. « Un cache-misère, pour trouver la réponse au fait de ne pas mettre de budget dans l’inclusion scolaire ».
Le système prétend apporter de la souplesse face à des besoins grandissants. Mais sans moyens supplémentaires, il vient surtout bousculer des conditions de travail déjà précaires. « Comme il y a des difficultés de recrutement, et de plus en plus de besoins, ils mettent en place une mutualisation des moyens. Les PIAL, c’est l’outil de gestion de cette mutualisation », analyse Manuel Guyauder. Dans son académie parisienne, où le système est mis en place depuis la rentrée 2020, « on se retrouve à accompagner de plus en plus d’élèves, pour de moins en moins d’heures ».
Les lieux de prise en charge se multiplient. De quoi poser le problème des distances kilométriques, non encadrées. Salariée en zone rurale, Virginie Schmitt exerce ainsi dans un PIAL qui a un périmètre très étendu : « 18 kilomètres depuis l’établissement principal, le tout sans transports urbains ». Dans nombre de départements, disposer d’un véhicule personnel devient indispensable. Cela n’a rien d’anodin : « quand on gagne 760 euros par mois, il est difficile de veiller à l’entretien d’un véhicule, d’y mettre de l’essence, et de bouffer à la fin du mois » résume l’AESH.
Quand la précarité induit de l’instabilité pour les enfants
Les grévistes demandent donc un retour en arrière sur cette réforme des PIAL, mais aussi l’accès à un véritable statut, et une sortie de la précarité. Après les CUI et les contrats aidés, les AESH signent aujourd’hui des CDD. L’avancée vers la professionnalisation est progressive. Mais « on demeure des contractuels, alors qu’on travaille dans la fonction publique » rappelle Manuel Guyauder. Ces CDD sont d’une durée de 3 ans, renouvelables une fois. Au bout des six ans, les CDI sont rares, quand le turn-over, lui, reste important. Et pour cause : les AESH sont payés au SMIC. Le temps partiel, de 24 h par semaine, est la norme. Autrement dit, le salaire mensuel tourne autour de 700 à 800 euros par mois.
La sortie de cette précarité, et de la mutualisation excessive des moyens, est aussi un enjeu pour les enfants accompagnés. Avec la réforme des PIAL, « si une AESH commence à travailler avec un ou deux élèves sur une même école, du jour au lendemain, elle peut être envoyée ailleurs. Il n’y a même pas de relais » déplore Virginie Schmitt. Cette instabilité met en difficulté l’enseignant, qui perd le binôme avec lequel il avait construit une manière de travailler. Mais surtout l’élève. La professionnelle songe au cas d’un enfant autiste qu’elle suit : « il a besoin de stabilité, de repères. Rien que deux accompagnants, c’est compliqué, cela veut dire que c’est à l’élève de s’adapter à la façon de travailler de chacun… On ne respecte pas les besoins réels de ces enfants ».
L’espoir est tourné vers les parents, qui commencent à s’emparer du sujet des PIAL. Ces derniers constatent de plus en plus que leur droit à un volume horaire d’accompagnement pour leur enfant, jusqu’ici défini par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), est remplacé par ce système de mutualisation. Sans compter que l’étape suivante sera le GANESH : un logiciel de gestion automatisé de l’emploi du temps des AESH. Déjà expérimenté dans plusieurs académies, comme celles de Toulouse et Aix-Marseille, ce logiciel doit être rapidement déployé sur tout le territoire national.